Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 mars 2016, 14-18.621, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 31 août 1998 par la société Carrelages Louis Y... en qualité de décoratrice ; qu'en arrêt de travail à partir du 2 avril 2010, elle a été licenciée pour motif économique le 15 juin 2010 ; que la société a fait l'objet, le 11 octobre 2011, d'un jugement de liquidation judiciaire, M. Z... étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes portant sur un harcèlement moral, l'arrêt retient qu'iI résulte des propres pièces de celle-ci, que le paiement du salaire du mois de mars 2010 a été payé au mois d'avril du fait non fautif de l'employeur, que les indemnités journalières ont certes été payées avec retard mais sans que soit établi que l'employeur les ait perçues sans les lui avoir reversées, que Mme X... a demandé un stage le 22 avril 2009 dont elle n'a pas pu bénéficier sans que de facto ce refus puisse être considéré comme un fait de harcèlement sachant qu'à cette époque, le résultat de l'entreprise était de 26 euros et n'a fait que chuter postérieurement, et que l'unique agression verbale avérée du 30 octobre 2008 ne peut donc constituer un harcèlement moral ;

Qu'en statuant ainsi, sans analyser les documents médicaux produits par l'intéressée et sans apprécier si les éléments précis et concordants établis par celle-ci, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le deuxième moyen :

Vu l'article L. 1226-9 du code du travail ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en nullité de son licenciement, l'arrêt retient que l'employeur justifie de son impossibilité de maintenir son contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, qu'en effet, il est patent que les difficultés économiques de la société Carrelages Louis Y... étaient réelles comme l'a rappelé le jugement du conseil de prud'hommes auquel il est renvoyé et ont finalement abouti à sa liquidation judiciaire, que le licenciement a été autorisé par le juge commissaire ainsi que celui de deux autres salariés ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'existence d'une cause économique de licenciement ne suffit pas à caractériser l' impossibilité de maintenir le contrat de travail d'un salarié victime d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail pour un motif non lié à la maladie ou l'accident, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le troisième moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il met hors de cause Mme A..., administrateur judiciaire, et en ce qu'il déclare Mme X... créancière de la liquidation judiciaire de la société Carrelages Louis Y... pour la somme de 500 euros au titre du droit individuel à la formation et pour la somme de 334,05 euros au titre du solde de tout compte, l'arrêt rendu le 3 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. Z..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z..., ès qualités, à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme X... de sa demande au titre de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail et du harcèlement moral,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Le salarié doit établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Mme X... affirme que le 30/10/2008, elle a été victime d'une violente agression verbale de la part de M. Y... qui l'a traitée ' d'âne ' et 'd'imbécile' et lui a demandé de 'dégager', et ce sous l'emprise de l'alcool ; que par la suite, elle n'a plus pu faire face aux pressions et excès de comportement de son employeur et a été en arrêt de travail continu à compter du 2/04/2010. Elle fait valoir que l'employeur a multiplié les démarches et pressions pour l'inciter à quitter son travail, telles que : - absence de communication
- défaut et refus de formation professionnelle
- nouveau lieu de stationnement plus éloigné de son lieu de travail
- absence de lumière d'une pièce annexe de l'atelier alors qu'elle devait s'y rendre régulièrement pour mener à bien son travail,
- Propos tenus du style « si je te fais venir c'est parce-que c'est toi qui fais de la merde ! et de toute façon, tu dois être disponible quand je claque des doigts et si ça te plaît pas, tu peux même démissionner », « je suis chez moi et je fais ce que je veux »,
- durant la période de chômage partiel, l'employeur lui demandait de venir travailler une heure, ou lui demandait de venir et aussitôt repartir puisqu'il n'avait pas préparé les supports (feuilles de chômage partiel à l'appui). Puis encore de débarrasser pendant 3 jours les locaux alors que cela n'était pas dans ses attributions ....
- non-paiement de salaire,
- perception des indemnités de prévoyance en ses lieux et place sans les lui reverser,
- isolement par rapport aux autres salariés, et réprimandes faites aux salariés de lui adresser la parole,
- surcharge de travail. ....
Elle ajoute que son état de santé s'est aggravé à tel point que fin 2008 le médecin du travail l'a invitée à consulter un médecin en dehors de SALERNES afin d'éviter que Monsieur Y..., son employeur, n'en soit informé lui expliquant que SALERNES était un petit village et que tout se savait. Mme X... a ensuite été orientée vers un médecin psychiatre tant son état constaté par ailleurs par les services de la CPAM était inquiétant. Elle produit à l'appui de ses dires :
- deux attestations de salariés ayant assisté à l'agression verbale du 30/10/2008
- une attestation de Mme B..., salariée de l'entreprise du 22/04/2002 au 27/06/2005 selon laquelle Mme X... était le souffre douleurs de M. Y....
- une attestation Mme C..., salariée de l'entreprise de juillet 1988 à septembre 2003 qui déclare avoir été témoin indirectement, vu la distance des postes de travail, des cris et des portes claquées et des pleurs de Mme X....
- une attestation de M. D..., salarié de l'entreprise du 01/07/2000 au 1/10/2004, qui déclare avoir été plusieurs fois témoin du comportement violent de M. Y... en paroles et en actes envers Mme X... et se souvient d'un jour où celui-ci lui a jeté violemment un carreau sans plus de précision.
Il résulte des allégations de Mme X... que l'événement déclencheur du harcèlement moral dont elle se dit victime est l'événement du 30/10/2008 lequel aurait été suivi de pressions. Si les témoignages de Mme E... et M. F... permet d'établir la réalité de cette agression verbale, aucun autre élément du dossier n'établit la réalité de pressions ultérieures, et notamment des faits avancés de :
- absence de communication
- nouveau lieu de stationnement plus éloigné de son lieu de travail
- absence de lumière d'une pièce annexe de l'atelier alors qu'elle devait s'y rendre régulièrement pour mener à bien son travail,
- Propos tenus du style « si je te fais venir c'est parce-que c'est toi qui fais de la merde ! et de toute façon, tu dois être disponible quand je claque des doigts et si ça te plaît pas, tu peux même démissionner », « je suis chez moi et je fais ce que je veux »,
- durant la période de chômage partiel, l'employeur lui demandait de venir travailler une heure, ou lui demandait de venir et aussitôt repartir puisqu'il n'avait pas préparé les supports (feuilles de chômage partiel à l'appui). Puis encore de débarrasser pendant 3 jours les locaux alors que cela n'était pas dans ses attributions ....
- isolement par rapport aux autres salariés, et réprimandes faites aux salariés de lui adresser la parole,
- surcharge de travail
Quant aux faits de défaut et refus de formation professionnelle, non-paiement de salaire, perception des indemnités de prévoyance en ses lieux et place sans les lui reverser, il résulte des propres pièces de la salarié pièce 6, que le paiement du salaire du mois de mars 2010 a été payé au mois d'avril du fait non fautif de l'employeur (pièce 6 et l'attestation de Mme G... qui y est annexée); que les indemnités journalières ont certes été payées à Mme X... avec retard mais sans que soit établi que l'employeur les ai perçues sans les lui avoir reversées ; que Mme X... a demandé un stage le 22/04/2009 dont elle n'a pas pu bénéficier sans que de facto ce refus puisse être considéré comme un fait de harcèlement sachant qu'à cette époque, le résultat de l'entreprise était de 26 euro et n'a fait que chuter postérieurement. Les attestations de Mmes C... et B... et de M. D... qui portent sur des faits antérieurs relatés de façon imprécise et non circonstanciés ne peuvent établir un harcèlement moral après octobre 2008 puisque à cette date et de longue date ils avaient quitté l'entreprise, soit en 2003,2004 et 2005. Enfin la salariée n'a jamais évoqué ce prétendu harcèlement, ne s'en est jamais plainte même lorsqu'elle a été licenciée et qu'elle a écrit pour contester son licenciement. L'unique agression verbale avérée du 30/10/2008 ne peut donc constituer un harcèlement moral. Mme X... sera donc déboutée de sa demande en dommages-intérêts de ce chef » ;

ET AUX MOTIFS à les supposer ADOPTES QUE « l'article L. 1152-1 du Code du travail dispose : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'article L. 1152-4 définit ainsi la responsabilité de l'employeur en matière de harcèlement moral : « L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment en matière de harcèlement moral et l'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité. Soc. 21 juin 2006 » ; « l'employeur doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés. Soc. 10 mai 2001 » ; qu'à la lecture de ces documents et après avoir entendu les parties au contradictoire, il apparaît au conseil que les allégations de Mme X... ne sont pas fondées ; que l'altercation prétendue de Mme X... ne peut alléguer en l'espèce un harcèlement ni des agissements répétés ; que le conseil ne peut dire que l'état de santé de Mme X... soit le résultat de la relation contractuelle avec son employeur ; en conséquence, le conseil considère qu'il n'y a pas harcèlement moral de la part de l'employeur » ;

1. ALORS QUE le harcèlement moral est constitué dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il appartient au juge d'apprécier si les éléments matériellement établis par le salarié, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la salariée produisait notamment à l'appui de ses dires, outre deux attestations de salariés ayant assisté à l'agression verbale du 30 octobre 2008, une attestation de Mme B..., salariée de l'entreprise du 22 avril 2002 au 27 juin 2005 selon laquelle Mme X... était le souffre douleurs de M. Y..., une attestation de Mme C..., salariée de l'entreprise de juillet 1988 à septembre 2003 qui déclarait avoir été témoin, indirectement vu la distance des postes de travail, des cris et des portes claquées et des pleurs de Mme X..., et une attestation de M. D..., salarié de l'entreprise du 1er juillet 2000 au 1er octobre 2004, qui déclarait avoir été plusieurs fois témoin du comportement violent de M. Y... en paroles et en actes envers Mme X... et se souvenait d'un jour où celui-ci lui avait jeté violemment un carreau (arrêt, p. 4, avant-dernier §) ; qu'il résulte donc des propres constatations de l'arrêt l'existence de faits répétés laissant présumer l'existence d'un harcèlement, en sorte qu'il revenait à l'employeur d'établir que ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en refusant de prendre en compte ces faits antérieurs à 2008 au prétexte inopérant que la salariée aurait qualifié l'agression du 30 octobre 2008 de déclencheur du harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;

2. ALORS QU'il appartient au juge d'apprécier si les éléments matériellement établis par le salarié à l'appui de sa demande au titre du harcèlement moral, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la cour d'appel, qui n'a pas pris en compte les documents médicaux produits par la salariée au soutien de sa demande et a procédé à une appréciation séparée des autres éléments produits par la salariée, quand il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont les certificats médicaux, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;

3. ALORS en toute hypothèse QUE la salariée sollicitait des dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de la non-exécution de bonne foi du contrat de travail et du harcèlement moral (arrêt, p. 3, § 10) et faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 10) oralement reprises (arrêt, p. 3, § 8), qu'à tout le moins les agissements reprochés à l'employeur constituaient un manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail ; qu'en se bornant à examiner les faits invoqués sous l'angle du harcèlement moral, sans rechercher si l'employeur n'avait pas à tout le moins manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 1222-1 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme X... de sa demande tendant à voir juger son licenciement nul, et d'AVOIR en conséquence déclaré la salariée créancière de la liquidation judiciaire de la société CARRELAGES LOUIS Y... de la seule somme de 12.000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

AUX MOTIFS QUE « Mme X... a été licenciée par lettre du 15/06/2010 qui fixe les termes du litige et dont les motifs évoqués sont les suivants : « Dans le cadre de la procédure de licenciement économique entamée au sein de la société, nous vous avons convoqués à un entretien préalable en date du 17/05/2010, entretien auquel vous n'avez pu vous rendre pour des raisons médicales, nous vous avons par conséquent convoqué à un deuxième entretien en date du 26/05/2010, auquel vous ne vous êtes pas présenté. Nous vous informons ce jour que nous sommes contraints de vous licencier pour le motif économique suivant : En effet dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du Tribunal de Commerce de Draguignan en date du 26/01/2010, il est urgent, inévitable et indispensable de procéder à la suppression de votre poste de travail. En conséquence, après avoir informé la Direction Départementale du Travail et de l'Emploi, ainsi que vous-même et conformément aux dispositions des articles L 1233-58 et L 1233-60 du Code du Travail, je vous notifie par la présente lettre recommandée avec accusé de réception, votre licenciement pour motif économique.... ». Mme X... soutient que son licenciement est nul en application des dispositions de l'article L1226-15 du code du travail. Il résulte de l'article L. 1226-7, alinéa 1er du Code du travail que le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle, est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie. Le salarié dont le contrat de travail est ainsi suspendu ne peut faire l'objet d'un licenciement. En effet, selon l'article L. 1226-9 du Code du travail, « au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie. » Ces règles protectrices s'appliquent dès l'instant où l'employeur a connaissance du caractère professionnel de l'accident et c'est au jour de la notification du licenciement qu'il faut se placer pour déterminer si l'employeur en avait connaissance. Or, il résulte des conclusions des parties et notamment du rappel des faits effectué par la salariée que l'employeur n'avait pas connaissance de l'origine professionnelle de l'accident, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie elle-même n'ayant reçu la déclaration d'accident à caractère professionnel que le 4/08/2010 ; que le tribunal des affaires de sécurité sociales saisi par Mme X... a, par jugement du 24/09/2012, débouté cette dernière de sa demande tendant à voir reconnaître le caractère professionnel de l'accident du 30/10/2008 et qu'à l'heure actuelle, le caractère professionnel de la maladie n'est toujours pas reconnu. Par ailleurs, l'employeur justifie de son impossibilité de maintenir le contrat de Mme X... pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie. En effet, il est patent que les difficultés économiques de la SARL CARRELAGES LOUIS Y... étaient réelles comme l'a rappelé le jugement du Conseil de Prud'hommes auquel il est renvoyé et ont finalement abouti à sa liquidation judiciaire ; que le licenciement de Mme X... a été autorisé par le Juge commissaire ainsi que celui de deux autres salariés. En conséquence, la demande en nullité du licenciement sera rejetée. Il n'y a pas lieu à surseoir à statuer. En effet, si le caractère professionnel de la maladie de Mme X... était reconnu, cette reconnaissance serait bien postérieure au licenciement » ;

ET AUX MOTIFS expressément ADOPTES QUE il ressort des pièces du dossier que les difficultés économiques de la SARL CARRELAGE LOUIS Y... se traduisent par une situation financière très difficile tant au jour du licenciement que depuis les licenciements intervenus : exercice 2009 : chiffre d'affaires de 770.000 ¿ et résultat de 26 ¿, exercice 2010 : chiffre d'affaires de 646.000 ¿ et résultat déficitaire de 7.000 ¿, exercice 2011 : chiffre d'affaires de 550.000 ¿ et résultat déficitaire de 8.000 ¿ ; que l'on peut constater une baisse constante du chiffre d'affaires et du résultat de la société ; que la liquidation judiciaire intervenue explique bien les chiffres en baisse ; que ces difficultés économiques sont importantes et durables au vu des chiffres communiquées ; que l'ordonnance du juge-commissaire autorisant les licenciements est devenue définitive ; que de même, la réalité du motif économique ne paraît pas discutable, au vu des difficultés qu'a rencontré la SARL CARRELAGES LOUIS Y..., tels qu'elles ressortent du dossier ; que la procédure de redressement est ouverte à cette même date avec les conséquences de droit ; que les textes législatifs concernant l'encadrement du licenciement économique précise que sont considérées comme des difficultés économiques l'état virtuel de cessation de paiement (Cass. Soc. 25 avril 1990) ; que tel est le cas d'espèce ; que le conseil apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur ; que les éléments invoqués par l'employeur ont été vérifiés, et qu'ils sont réels et sérieux ; que les juges du fond ont considéré la sincérité du motif économique allégué ; que les juges ont porté une appréciation sur l'intérêt de l'entreprise ; qu'en conséquence il y a lieu de dire que la rupture du contrat de travail pour motif économique est justifiée ;

1. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel oralement soutenues (p. 8), la salariée soutenait avoir adressé une déclaration d'accident du travail le 14 avril 2010, l'employeur indiquant quant à lui dans ses propres écritures (p. 10) avoir reçu le 15 avril 2010 un arrêt de travail faisant état d'un accident du travail, puis un courrier du 29 avril 2010 de Mme X... déclarant l'accident du travail de 2008, ce dont il résultait que l'employeur avait connaissance, au jour du licenciement le 15 juin 2010, de l'origine professionnelle de l'arrêt de travail en cours ; qu'en affirmant qu'il résultait des conclusions des parties et notamment du rappel des faits effectué par la salariée que l'employeur n'avait pas connaissance de l'origine professionnelle de l'accident au jour du licenciement, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

2. ALORS QUE les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'employeur a connaissance de l'origine professionnelle de la maladie ou de l'accident ; qu'en l'espèce, l'exposante soulignait qu'il résultait des échanges de courriers entre les parties que l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de l'arrêt de travail, produisant à cet égard le courrier de l'employeur en date du 26 avril 2010 dans lequel il indiquait avoir reçu le 15 avril 2010 un certificat d'arrêt de travail pour cause d'accident du travail daté du 14 avril 2010 et l'interrogeant sur ledit accident, le courrier de Mme X... du 29 avril 2010 lui répondant que l'accident du travail déclaré se rapportait à l'agression subie le 30 octobre 2008, ainsi que sa lettre du 21 mai 2010 par laquelle elle lui transmettait copie de la déclaration de maladie professionnelle faite le 5 mai 2010 (prod. 9 à 11) ; que la salariée relevait également que l'employeur avait indiqué sur les bulletins de paie (prod. 13) l'absence de la salariée dans le cadre d'un « AT » (conclusions d'appel, p. 12) et produisait enfin le rapport d'enquête administrative de la CPAM sur la maladie professionnelle, enquête réalisée en mai 2010 dans les locaux de l'entreprise et au cours de laquelle l'employeur avait été entendu (prod. 14) ; qu'en affirmant que l'employeur n'avait pas connaissance de l'origine professionnelle de l'accident au jour du licenciement, intervenu le 15 juin 2010, sans s'expliquer sur ces éléments, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du Code du travail ;

3. ALORS QU'il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-6, L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail que la lettre de licenciement d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle doit énoncer le ou les motifs qui rendent impossible le maintien du contrat de travail ; qu'à défaut le licenciement est nul ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la lettre de licenciement pour motif économique adressée à Mme X... ne mentionnait pas l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie (V. les termes de la lettre, arrêt, p. 5) et ne comportait même pas l'énoncé d'un motif économique suffisamment précis, ainsi que la cour d'appel l'a elle-même jugé (p. 6, antépénultième §) ; qu'en rejetant néanmoins la demande de nullité au prétexte que l'employeur justifiait de son impossibilité de maintenir le contrat de Mme X... pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

4. ALORS en toute hypothèse QUE l'existence d'une cause économique de licenciement ne caractérise pas en soi l'impossibilité de maintenir pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie, le contrat de travail suspendu par l'arrêt de travail provoqué par un accident du travail ou une maladie professionnelle ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande de nullité du licenciement, à relever que les difficultés économiques de la SARL CARRELAGES LOUIS Y... étaient réelles, importantes et durables et ont finalement abouti à sa liquidation judiciaire et que le licenciement de Mme X... a été autorisé par le Juge commissaire ainsi que celui de deux autres salariés, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'impossibilité de maintenir pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie, le contrat de travail de Mme X... et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du Code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande d'indemnisation de son préjudice matériel et de l'AVOIR déclarée créancière de la liquidation judiciaire de la société CARRELAGES LOUIS Y... de la seule somme de 12.000 ¿ à titre d'indemnité de préjudice moral pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

AUX MOTIFS QUE « Mme X... a été en arrêt de travail à compter du 2 avril 2010 ; elle a été licenciée pour motif économique par lettre du 15 juin 2010 ; (¿) Mme X... qui n'a pas droit en raison de l'effectif de l'entreprise, inférieur à 11 salariés, à l'indemnité minimale forfaitaire prévue à l'article L. 1235-3 du Code du travail, n'a fourni à la Cour aucun élément d'appréciation concernant l'importance ou la réalité de son préjudice matériel, n'ayant même pas justifié si elle est restée sans emploi postérieurement à son licenciement ou précisé l'état de ses ressources en ne versant au dossier aucune feuille de pointage à l'ANPE et aucun document sur ses revenus postérieurement au licenciement ; en l'absence d'un préjudice matériel suffisamment démontré, elle ne peut voir réparer que son préjudice moral qui sera fixé à la somme de 12.000 ¿ qui tient compte de l'ancienneté de Mme X... » ;

1. ALORS QUE les juges du fond sont tenus de préciser l'origine des renseignements qui ont servi à motiver leur décision ; qu'en retenant que l'effectif de l'entreprise était inférieur à 11 salariés, sans dire d'où elle tirait cette information, qui n'était invoquée par aucune des parties, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

2. ALORS en outre QUE le juge, qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel, aucune des parties n'avait indiqué que l'effectif de l'entreprise était inférieur à 11 salariés et l'employeur n'avait pas soutenu que la salariée ne pouvait prétendre à l'indemnisation minimale de six mois prévue par l'article L. 1235-3 du Code du travail et qu'elle réclamait ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que Mme X... n'avait pas droit en raison de l'effectif de l'entreprise, inférieur à 11 salariés, à l'indemnité minimale forfaitaire prévue à l'article L. 1235-3 du Code du travail, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

3. ALORS QUE le salarié qui est licencié alors qu'il est en arrêt de travail, et dont le licenciement est ultérieurement jugé sans cause réelle et sérieuse, subi nécessairement un préjudice matériel et moral qu'il appartient au juge d'évaluer ; qu'en allouant à la salariée la seule somme de 12.000 euros au titre de son préjudice moral et en excluant toute indemnisation de son préjudice matériel « insuffisamment démontré », après avoir constaté que la salariée en arrêt de travail depuis le 2 avril 2010 avait été licenciée pour motif économique le 15 juin 2010, et jugé que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a violé les articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du Code du travail ;

ECLI:FR:CCASS:2016:SO00526
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