Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 mars 2016, 14-29.219, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 14-29.219
- ECLI:FR:CCASS:2016:SO00418
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Ludet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2014), que M. X... a été lié, à compter du 14 juin 1998 à plusieurs sociétés dont la société Slota, par contrats de location de « véhicules équipés taxis » auxquels il a mis fin pour raisons de santé ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification du contrat de location en contrat de travail et en paiement de diverses sommes à ce titre ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir que, eu égard au montant très élevé de la redevance qu'il devait verser à la société de taxi par acomptes hebdomadaires, il était obligé de travailler sept jours sur sept à hauteur de dix heures par jour et qu'il ne disposait de fait d'aucune liberté dans l'organisation de son travail ; que pour écarter ce moyen, la cour d'appel a jugé qu'il était dépourvu de tout support objectif puisqu'il n'était pas demandé de comptes au locataire sur l'origine des fonds destinés à payer la redevance ; qu'en statuant par un tel motif, inopérant, sans rechercher si du fait du montant élevé de la redevance, le locataire n'était pas de fait placé dans l'obligation de se livrer à une activité quotidienne particulièrement soutenue excluant toute liberté dans l'organisation du travail, de sorte qu'il se trouvait dans un état de subordination à l'égard de la société de taxi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'au vu des conditions générales et particulières des contrats de location conclus, M. X... était lié par des obligations d'entretien du véhicule, de jouir personnellement de la chose louée en bon père de famille, de paiement des loyers au terme convenu, d'usage conforme du véhicule à peine de résiliation ou encore de réponse des dégradations, pertes et incendies sauf cause exonératoire ; qu'en jugeant cependant que de telles clauses n'étaient pas révélatrices d'une situation de subordination entre les parties parce que les dispositions du contrat liant les parties constituaient un corpus de nature civile, quand les nombreuses obligations mises à la charge du chauffeur excédaient par leur nombre, leur variété, et leur portée celles d'un locataire et avaient pour effet de placer le chauffeur dans une situation de subordination juridique, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3°/ que l'article 4 des conditions générales du contrat de location d'un « véhicule équipé taxi » établies en 2009 stipulait qu'« après onze mois consécutifs de location et respect des conditions du présent contrat, notamment paiement intégral des redevances, le locataire bénéficiera d'une mise à disposition gratuite du véhicule lors du douzième mois pour une utilisation strictement personnelle, le locataire s'engageant à n'exercer aucune activité professionnelle pendant cette période de gratuité » ; qu'en affirmant que cette stipulation ne pouvait en aucun cas être considérée comme une entrave à la liberté du chauffeur de ses périodes de vacances, quand elle lui imposait au contraire manifestement de prendre son congé annuel le douzième mois suivant la conclusion du contrat de location, la cour d'appel a dénaturé le sens et la portée de cet article 4 en violation de l'article 1134 du code civil, ensemble le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause ;
4°/ que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; qu'en l'espèce, pour juger que le contrat de location ne devait pas être requalifié en contrat de travail, la cour d'appel a retenu que les conditions des contrats de location avaient été acceptées sans réserves par M. X..., qu'elles n'avaient donné lieu à aucune contestation lors de la remise des attestations de versement des cotisations sociales et qu'il s'agissait de « dispositions contractuelles consensuellement acceptées par les parties » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et derechef violé les dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
5°/ que le juge ne peut procéder par voies de considérations générales et abstraites et doit apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du litige ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que dès lors que M. X... avait jusqu'à la cessation du contrat de location litigieux, travaillé sous un statut social et fiscal de travailleur indépendant avec toutes les incidences fiscales (déduction des charges, récupération de la TVA, détaxe de carburant et usage privatif de la chose louée) et sociales (cotisations calculées sur la base de l'arrêté du 4 octobre 1976 et en application des dispositions de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale), cela remettait en question l'existence même d'une perte de revenus sous le régime contractuel civil en comparaison d'un contrat de travail sollicité ; qu'en statuant ainsi, de façon péremptoire et abstraite, sans comparer, au besoin après expertise, les rémunérations perçues par M. X... à celles qu'il aurait perçues s'il avait été salarié, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
6°/ qu'en jugeant que M. X... n'avait pas d'intérêt à solliciter la requalification des contrats de location en contrat de travail parce qu'il ne pouvait pas se prévaloir d'une perte de revenus sous le régime contractuel civil en comparaison d'un contrat de travail sollicité, sans rechercher si le chauffeur n'aurait pas eu droit, s'il avait été salarié, au versement lors de la rupture du contrat de travail d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité de préavis et éventuellement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-9, L. 1234-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui, ayant relevé que M. X... ne versait aux débats aucun élément permettant de vérifier que des instructions, des ordres, voire les sanctions qui s'y attacheraient auraient été, à quelque moment que ce soit, mis en oeuvre par les sociétés à son égard, a constaté que le véhicule équipé était remis au chauffeur locataire sans restriction de son usage même privé, que le chauffeur demeurait maître de ses horaires ainsi que de ses périodes de vacances et qu'il ne lui était pas demandé de comptes sur l'origine des fonds destinés à payer la redevance, ce dont elle a pu déduire qu'il n'y avait pas lieu de requalifier les contrats de location conclus entre l'intéressé et les sociétés en un contrat de travail ; que le moyen, dont les trois dernières branches critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que les parties n'avaient pas été liées par un contrat de travail et d'AVOIR en conséquence débouté M. X... de ses demandes tendant à obtenir diverses sommes à ce titre ;
AUX MOTIFS QU'il convient, avant tout développement sur le fond, d'examiner la question relative à l'existence d'un contrat de travail entre les sociétés appelantes et Abdallah X... ; qu'il est constant que les parties ont conclu des contrats de location de véhicules "équipés taxis" destinés à lui permettre d'exercer sa profession ; qu'en sa qualité de locataire, il s'est acquitté d'une redevance mensuelle à laquelle s'ajoutaient des charges sociales ; que la cour relève que ces charges sociales correspondent à la part "ouvrière" des cotisations sociales sur la base de 70% du plafond de la Sécurité sociale ; que cette réglementation spécifique qui ne fait pas de l'intimé un salarié résulte de l'application d'un arrêté du Ministre du travail du 4 octobre 1976 qui précise qu'elle est applicable sans préjudice du statut de "travailleur indépendant" attaché à l'activité de M. X... ; que les sociétés soulignent que les conditions de ces contrats ont été acceptées sans réserves et n'ont donné lieu à aucune contestation lors de la remise des attestations de versement des cotisations sociales ainsi stipulées ; qu'en raison de son état de santé et de l'impossibilité de conduire qui en résultait, M. X... a légitimement cessé son activité et demandé la résiliation du contrat de location, dans le cadre civil classique de l'exception tirée de l'impossibilité d'accomplissement de ce même contrat de la part du locataire ; que pour répondre sur la question centrale de l'existence d'un contrat de travail en l'occurrence qui conditionne la compétence de la juridiction sociale, il est nécessaire d'examiner concrètement comment s'est déroulée la relation contractuelle découlant du contrat de location d'un véhicule à usage de taxi ; que la cour constate, à ce stade, que ce contrat de location est spécialement régi par les règlements qui encadrent la profession de chauffeur de taxis, soit une ordonnance préfectorale du 8 avril 1980 (article 7) et un arrêté ministériel du 4 octobre 1976 ; qu'il est constant que dans ce cadre contractuel, la redevance et les charges sociales réglementaires acquittées, le professionnel encaisse sa recette qui lui demeure intégralement acquise et constitue son chiffre d'affaires soumis à la fiscalité applicable à son activité indépendante ; que si l'on raisonne en terme d'exclusion, il est certain que si le chauffeur était salarié, il répondrait scrupuleusement du chiffre d'affaires réalisé et serait soumis aux contrôles afférents pour que soit fixée sa rémunération, ce qui n'est absolument pas le cas ici ; que la totale liberté dans l'exercice professionnel qui résulte de ce régime contractuel est renforcée par le fait que le véhicule équipé est remis au chauffeur locataire sans restriction de son usage même privé ; que dès lors, M. X... avait toute latitude quant à la manière d'exercer sa profession et la maîtrise des résultats économiques qui pouvaient en résulter ; que force est de constater que M. X... ne verse aux débats aucun élément permettant de vérifier que des instructions, des ordres, voire les sanctions qui s'y attacheraient auraient été, à quelque moment que ce soit, mis en oeuvre par les sociétés appelantes à son égard ; qu'il ne peut être, sur ce point, extrapolé au sujet de la simple application des dispositions contractuelles consensuellement acceptées par les parties et prétendre que la résiliation intervenue à l'initiative du locataire résulterait de la pression du loueur sur l'utilisateur professionnel alors que la cause en est l'état de santé de M. X... et qu'en tant que travailleur indépendant, il pouvait s'il le souhaitait, s'assurer pour une telle hypothèse ; qu'il convient de préciser que les dispositions civiles (article 1713 du code civil notamment) ont, à l'évidence, vocation à s'appliquer dans ce contrat de location de véhicules équipés puisqu'il s'agit tout simplement d'un contrat de louage de choses autour duquel le droit positif a fait naître de multiples obligations réciproques qui s'imposent au cocontractants et peuvent s'appliquer ici aux véhicules à destination de taxis loués par des professionnels à cette fin ; qu'ainsi, M. X... se trouvait lié, notamment, par des obligations d'entretien du véhicule, de jouir personnellement de la chose louée en bon père de famille, de paiement des loyers au terme convenu, d'usage conforme du véhicule à peine de résiliation ou encore de réponse des dégradations, pertes et incendies sauf cause exonératoire ; que l'application des dispositions du contrat liant les parties constituent ici un corpus de nature civile, celles-ci n'étant révélatrices d'aucune situation de subordination entre les parties ; que malgré l'analyse générale qui vient d'être faite pour montrer le caractère civil des stipulations du contrat de location contesté et l'absence de lien de subordination au sens du droit du travail, le premier juge a considéré cependant que certaines clauses du contrat de location devait être considérées comme "léonines" - il s'agit encore d'une notion tirée du droit civil - la justification de l'existence d'un lien de subordination, notion propre au droit du travail ; qu'il est rappelé à ce sujet que la subordination de laquelle naît un contrat de travail, n'est pas une notion potentielle ou hypothétique résultant d'une stipulation contractuelle mais doit être ancrée dans la réalité même de la relation supposée de travail et appréciée par le juge concrètement au vu des circonstances spécifiques de cette relation ; que les sociétés intimées ont également, à bon droit, mis en évidence les stipulations contractuelles dont a usé, à son bénéfice, M. X... telle la faculté de résiliation rapide de certains des contrats souscrits en raison de la brièveté du préavis qui, dans une telle hypothèse, lui a été favorable et n'a pas été mis en oeuvre par le loueur ; que de même en ce qui concerne la notion de dépendance économique qui aurait résulté de stipulations contractuelles léonines sur l'évolution des tarifs de location dont on peut vérifier qu'elle a été inférieure à celle de l'indice INSEE ; que la cour relève qu'en première instance, M. X... insiste sur le fait que sa réelle dépendance est celle de l'administration chargée de veiller à l'application des divers règlements qui organisent son activité et celle des autres chauffeurs sur Paris (bureau des taxis, commission de discipline), ce qui contribue de sa part à mettre à néant la notion de lien subordination découlant du droit du travail ; que le premier juge, se référant aux "conditions générales" du contrat de location (pièce n° 8) en fait l'analyse pour caractériser un lien de subordination à travers le "déséquilibre" qu'elles manifesteraient entre les parties ; que la cour estime que c'est à tort que l'article 3 de ces conditions générales a été considéré comme léonin en ce qu'il s'agit d'une clause qui laisse au loueur la possibilité d'apprécier le comportement du locataire en cas de sinistre dont le coût dépasse la valeur vénale du véhicule pour en effectuer le remplacement ou résilier le contrat ; qu'il s'agit d'une stipulation négociable puisqu'elle prévoit que le loueur "pourra" ; qu'elle n'est donc pas léonine mais surtout qu'elle est le fruit de la liberté de contracter, l'objet en étant la location d'un véhicule ; que jamais M. X... n'a été concerné par cette clause ; que la question de la restriction par les sociétés loueuses de la mise à disposition du véhicule loué pour un usage également privé (article 4 conditions générales) ne peut, en aucun cas, être considérée comme une entrave au libre choix des périodes de vacances par le locataire et n'est en aucune manière la preuve d'un lien de subordination, le chauffeur demeurant maître de ses horaires ainsi que de ses périodes de vacances, sans interférence de la location du véhicule ; que le jugement déféré critique aussi une clause prévoyant le versement d'un forfait par le locataire pour les cas de vol, dégradation volontaire ou non du véhicule, d'accident où la responsabilité du locataire est engagée ; que le premier juge voit en cela la disposition pour le loueur d'un pouvoir de "sanction" sur le locataire ; que force est de constater que l'intimé ne donne aucun exemple de l'application de cette clause à la relation contractuelle, la cour estimant par ailleurs que cette clause ne peut accréditer la réalité d'un lien de subordination ; que le premier juge voit aussi dans un article 7 c) des conditions générales, une "directive" donnée au locataire par le loueur en ce qu'il s'agit de préconiser un système de réparation des véhicules dans les ateliers du loueur, sans bourse délier pour le locataire, alors que des réparations effectuées dans un autre cadre resteraient à la charge de ce dernier ; qu'il s'agit d'un type de stipulation classique des contrats de louage de chose qui constitue plutôt un bénéfice pour le locataire et une incitation à l'entretien « contractuellement organisé » du véhicule, la personne de M. X... étant, par ailleurs, libre de ses actes pour ce qui est de l'exercice de sa profession ; qu'il en va de même du moyen, retenu en première instance, selon lequel le montant de la redevance était tel qu'il remettait en cause la liberté de M. X... quant à l'organisation de son travail ; que ce moyen ne saurait prospérer car il est dépourvu de tout support objectif puisqu'il n'est pas demandé de comptes au locataire sur l'origine des fonds destinés à payer la redevance, sinon une exigence évidente de licéité, la notion de subordination en droit du travail ne s'analysant pas, a priori, en une privation de liberté mais en une obligation de respecter le pouvoir de direction de l'employeur et la discipline légitimement exigée au sein de l'entreprise de préférence dans le cadre d'un règlement intérieur, ce qui n'est pas en cause dans le rapport contractuel de droit civil loueur-locataire qui est en cause ici ; qu'à titre complémentaire, il convient de rappeler que nonobstant le présent contentieux prud'homal, l'appelant a vécu, jusqu'à la cessation du contrat de location litigieux, sous un statut social et fiscal de travailleur indépendant avec toutes les incidences fiscales (déduction des charges, récupération de la T.V.A., détaxe de carburant et usage privatif de la chose louée) et sociales (cotisations calculées sur la base de l'arrêté du 4 octobre 1976 et en application des dispositions de l'article L.311-3 du code de la sécurité sociale), le contrat de location ne faisant que rappeler la loi applicable sur ces plans ; que les observations qui précèdent sont de nature à remettre en question l'existence même - sans parler du fondement juridique précédemment tranché - d'une perte de revenus sous le régime contractuel civil ici confirmé en comparaison d'un contrat de travail sollicité ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le premier juge a procédé à la requalification des contrats de location conclus entre les sociétés appelantes et M. X... en un contrat de travail, le jugement déféré devant être infirmé sur ce point comme en toutes ses autres dispositions découlant de cette requalification dont l'intimé sera purement et simplement débouté ;
1°) ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir que, eu égard au montant très élevé de la redevance qu'il devait verser à la société de taxi par acomptes hebdomadaires, il était obligé de travailler 7 jours sur 7 à hauteur de 10 heures par jour et qu'il ne disposait de fait d'aucune liberté dans l'organisation de son travail ; que pour écarter ce moyen, la cour d'appel a jugé qu'il était dépourvu de tout support objectif puisqu'il n'était pas demandé de comptes au locataire sur l'origine des fonds destinés à payer la redevance ; qu'en statuant par un tel motif, inopérant, sans rechercher si du fait du montant élevé de la redevance, le locataire n'était pas de fait placé dans l'obligation de se livrer à une activité quotidienne particulièrement soutenue excluant toute liberté dans l'organisation du travail, de sorte qu'il se trouvait dans un état de subordination à l'égard de la société de taxi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'au vu des conditions générales et particulières des contrats de location conclus, M. X... était lié par des obligations d'entretien du véhicule, de jouir personnellement de la chose louée en bon père de famille, de paiement des loyers au terme convenu, d'usage conforme du véhicule à peine de résiliation ou encore de réponse des dégradations, pertes et incendies sauf cause exonératoire ; qu'en jugeant cependant que de telles clauses n'étaient pas révélatrices d'une situation de subordination entre les parties parce que les dispositions du contrat liant les parties constituaient un corpus de nature civile, quand les nombreuses obligations mises à la charge du chauffeur excédaient par leur nombre, leur variété, et leur portée celles d'un locataire et avaient pour effet de placer le chauffeur dans une situation de subordination juridique, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3°) ALORS QUE l'article 4 des Conditions générales du contrat de location d'un « véhicule équipé taxi » établies en 2009 stipulait qu'« après 11 mois consécutifs de location et respect des conditions du présent contrat, notamment paiement intégral des redevances, le locataire bénéficiera d'une mise à disposition gratuite du véhicule lors du douzième mois pour une utilisation strictement personnelle, le locataire s'engageant à n'exercer aucune activité professionnelle pendant cette période de gratuité » ; qu'en affirmant que cette stipulation ne pouvait en aucun cas être considérée comme une entrave à la liberté du chauffeur de ses périodes de vacances, quand elle lui imposait au contraire manifestement de prendre son congé annuel le douzième mois suivant la conclusion du contrat de location, la cour d'appel a dénaturé le sens et la portée de cet article 4 en violation de l'article 1134 du code civil, ensemble le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause ;
4°) ALORS QUE l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; qu'en l'espèce, pour juger que le contrat de location ne devait pas être requalifié en contrat de travail, la cour d'appel a retenu que les conditions des contrats de location avaient été acceptées sans réserves par M. X..., qu'elles n'avaient donné lieu à aucune contestation lors de la remise des attestations de versement des cotisations sociales et qu'il s'agissait de « dispositions contractuelles consensuellement acceptées par les parties » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et derechef violé les dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
5°) ALORS QUE le juge ne peut procéder par voies de considérations générales et abstraites et doit apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du litige ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que dès lors que M. X... avait jusqu'à la cessation du contrat de location litigieux, travaillé sous un statut social et fiscal de travailleur indépendant avec toutes les incidences fiscales (déduction des charges, récupération de la T.V.A., détaxe de carburant et usage privatif de la chose louée) et sociales (cotisations calculées sur la base de l'arrêté du 4 octobre 1976 et en application des dispositions de l'article L.311-3 du code de la sécurité sociale), cela remettait en question l'existence même d'une perte de revenus sous le régime contractuel civil en comparaison d'un contrat de travail sollicité ; qu'en statuant ainsi, de façon péremptoire et abstraite, sans comparer, au besoin après expertise, les rémunérations perçues par M. X... à celles qu'il aurait perçues s'il avait été salarié, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
6°) ALORS enfin QU'en jugeant que M. X... n'avait pas d'intérêt à solliciter la requalification des contrats de location en contrat de travail parce qu'il ne pouvait pas se prévaloir d'une perte de revenus sous le régime contractuel civil en comparaison d'un contrat de travail sollicité, sans rechercher si le chauffeur n'aurait pas eu droit, s'il avait été salarié, au versement lors de la rupture du contrat de travail d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité de préavis et éventuellement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-9, L. 1234-1 et L. 1235-3 du code du travail.