Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 17 mars 2016, 14-24.748, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le premier moyen pris en ses première et troisième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris 18 juin 2014), que la société CSIF, locataire, en vertu d'un bail commercial à effet du 27 mai 2003, de locaux appartenant à la SCI Massy, les a donnés en sous-location à la société Ricoh selon un bail du 18 mai 2005 devant s'achever le 26 mai 2009 ; que la société Ricoh a, par lettre recommandée du 26 janvier 2009, donné un congé à effet du 26 mai 2009, puis, après contestation de la validité de ce congé, elle a, par acte extra-judiciaire du 26 juin 2009, délivré un congé à effet du 31 décembre 2009 ; que la société CSIF a assigné la société Ricoh en nullité du congé délivré le 26 janvier 2009 et en paiement de loyers et charges jusqu'au 18 mars 2011, date d'échéance de la période triennale du bail de sous-location à laquelle le congé du 26 juin 2009 produira ses effets ;

Attendu que la société Ricoh fait grief à l'arrêt de déclarer nul le congé délivré le 26 janvier 2009 de la condamner à payer les loyers et charges arrêtées au 31 décembre 2009, alors selon le moyen :

1°/ que la société Ricoh France faisait valoir que la durée du sous bail avait été fixée d'un commun accord entre les parties afin de permettre à la société CSIF de mettre fin au bail principal à l'expiration de la deuxième période triennale le 26 mai 2009 et à la société Ricoh de quitter les lieux à une date qui ne correspondait pas, pour elle, à une échéance triennale, ce dont il résultait que la société CSIF avait expressément renoncé au statut des baux commerciaux ; qu'en se bornant à énoncer que le fait que la durée du sous bail ait été inférieure à neuf années ne constituait pas une renonciation de l'une ou l'autre des parties aux dispositions protectrices du statut, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait d'avoir fixé le terme du sous-bail à la date d'expiration de la deuxième période triennale du bail principal, afin de permettre à la société CSIF de mettre un terme au bail principal et à la société Ricoh de quitter les lieux à cette date, qui ne correspondait pas pour elle à l'expiration d'une période triennale, ne valait pas renonciation expresse du bailleur au statut des baux commerciaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'ayant constaté que le bail principal conclu pour une durée de neuf années à compter du 26 mai 2003 ne prenait fin que le 26 mai 2012 et que le sous-bail venait à échéance le 26 mai 2009, ce dont il résultait que le sous-bail n'était pas soumis au statut des baux commerciaux, la cour d'appel, qui a néanmoins estimé que le sous-bail relevait du statut des baux commerciaux, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L.145-4 et L.145-9 du code de commerce ;

Mais attendu qu'un sous-bail commercial peut être conclu pour une durée inférieure à celle, restant à courir, du bail principal ; qu'ayant retenu que la durée prévue du sous-bail ne constituait pas une renonciation de l'une ou l'autre des parties aux dispositions du statut des baux commerciaux qui imposaient la délivrance d'un congé par acte extra-judiciaire, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen qui ne sont pas de nature à permettre la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Ricoh France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Ricoh France

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré nul et de nul effet le congé délivré par la société Ricoh France à la société Carrefour Système d'Information France le 26 janvier 2009 à effet du 26 mai 2009 et d'avoir condamné la société Ricoh France à payer à la société Carrefour Système d'Information France la somme de 540.775,60 euros TTC au titre du solde des loyers et charges arrêtés au 31 décembre 2009 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le bail principal signé entre la société Massy et la société Carrefour contient les dispositions suivantes relatives à sa durée : « Le présent bail est consenti et accepté pour une durée de neuf années entières et consécutives qui commenceront à courir à compter de la date de prise de possession des locaux par le preneur telle qu'elle est prévue à l'article 4 qui dispose que le procès-verbal de prise de possession des locaux vaut prise d'effet du bail ; Par dérogation aux dispositions de l'article L.145-4 du code de commerce, le preneur n'aura pas la faculté de donner congé à l'expiration de la première période triennale. Le preneur s'engage à demeurer au moins six ans dans les lieux, engagement qui constitue pour le bailleur une condition déterminante du présent bail sans lequel il n'aurait pas contracté ; que le sous-bail comporte à la rubrique «durée » la disposition suivant laquelle la présente location est consentie et acceptée pour une durée à compter du jour de la signature des présentes pour se terminer le 26 mai 2009, et à la rubrique « information du bailleur », l'indication que la sous-location ne pourra voir une durée supérieure au bail principal et que, au cas où le bail principal viendrait à cesser à quelque date et pour quelque cause que ce soit, la société CISF devra obtenir le départ pour la même date de la société locataire à ses frais et diligences ; que par courrier du 14 février 2005, donnant l'autorisation à la société Carrefour de sous-louer, la bailleresse principale précisait qu'il ne serait jamais créé de lien direct entre le bailleur et la société Ricoh France et que la sous-location ne pourrait avoir une durée supérieure à celle du bail principal ; que selon la société Ricoh, il ressort de ces dispositions que la société CISF s'est donc engagée à rester dans les lieux au moins jusqu'au 26 mai 2009, que les parties sont donc convenues de mettre un terme définitif au sous-bail le 26 mai 2009, compte tenu des sanctions encourues par CISF si la sous-locataire restait au-delà de la date d'expiration du bail principal, que la société Ricoh a respecté cet engagement, que le choix des parties de mettre un terme à leur contrat quatre années seulement après la signature du sous-bail n'est pas illicite mais vaut cependant renonciation aux dispositions du statut des baux commerciaux, que la société CISF ne peut donc se prévaloir des dispositions du statut des baux commerciaux pour exiger le respect du formalisme d'un congé, que l'ordre public attaché au statut est un ordre de protection auquel il est possible de renoncer ; qu'à titre subsidiaire, elle fait plaider que la société Carrefour système d'information a accepté le congé en accusant réception de la lettre recommandée par courriel et en invitant sa sous-locataire à un état des lieux, où elle était elle-même présente, sa présence à ce rendez-vous jointe à la lettre de facture du deuxième trimestre arrêtée au 26 mai 2009 signifiant sans équivoque qu'elle acceptait le congé ; qu'or le premier juge a justement rappelé que le bail principal entre la société Massy et la société Carrefour a été signé le 18 avril 2001, qu'il a pris effet pour une durée de neuf ans à compter au plus tard de seize mois après la signature du bail, les locaux étant alors en construction, que par avenant du 9 avril 2002, le délai de seize mois a été remplacé par la date du 1er juin 2003 et que suivant constat d'huissier du 27 mai 2003, valant date d'effet du bail, le bailleur a mis les locaux à la disposition du preneur ; qu'il a également justement analysé que le preneur n'ayant la faculté de donner congé qu'à l'issue de la seconde période triennale du bail, la durée du sous-bail a été fixée en conséquence au 26 mai 2009, le locataire principal ne pouvant accorder à sa sous locataire plus de droits qu'il n'en détenait, que cette prévision de durée du sous- bail inférieure à la durée de neuf années telle que prévue par les dispositions du statut des baux commerciaux ne constitue cependant aucune renonciation de l'une ou l'autre des parties aux dispositions protectrices du statut ; que les parties ont d'ailleurs expressément prévu de soumettre leurs relations aux dispositions régissant le bail principal dont chaque partie s'accorde à dire qu'il s'agit bien d'un bail commercial ; qu'en conséquence, la société Ricoh France échoue à démontrer qu'en fixant la durée du sous bail à une période inférieure à celle de 9 années, les parties auraient implicitement renoncé au bénéfice du statut des baux commerciaux ; que c'est donc à bon droit que le premier juge a, faisant application des dispositions statutaires, estimé que le congé donné par lettre recommandée avec accusé de réception en violation des dispositions de l'article L145-9 du code de commerce était nul et de nul effet ; que le fait, pour la locataire principale, d'avoir accepté de se rendre à un rendez-vous d'état des lieux et d'avoir dans un premier temps calculé les loyers dus en tenant compte de la date de départ des lieux donnée par la société Ricoh au 26 mai 2009 avant de se raviser et d'éditer une nouvelle facture, ne saurait constituer une acceptation expresse et non équivoque du premier congé dans la mesure où la société Carrefour a ensuite refusé les clefs des locaux et manifesté son désaccord avec le congé donné par lettre recommandée avec accusé de réception dès le 9 avril 2009 ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Sur la durée du bail applicable entre les parties, qu'aux termes de l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ; que par acte sous seing privé signé par la société Ricoh France le 9 mars 2005 et par CSIF le 18 mars 2005, CSIF a consenti à la société Ricoh France « un bail de sous-location commerciale» prenant effet à compter de la date de la signature de cet acte jusqu'au 26 mai 2009 ; que le contrat litigieux est un contrat de sous-bail, étant rappelé que le locataire principal ne peut accorder à son souslocataire plus de droits qu'il n'en a lui-même ; que cette analyse est conforme à la date de la fin du bail fixée au 26 mai 2009 entre CSIF et la société Ricoh France ; qu'en effet, l'article 2 du bail principal conclu par acte sous seing privé du 18 avril 2001, entre la Sci Massy Paris et la société Carrefour fixait la durée du bail à 9 années à compter de la prise de possession des lieux par le preneur en prévoyant cependant que le preneur n'aura pas la faculté de donner congé à l'expiration de la première période triennale et qu'il s'engage en conséquence à rester au moins 6 ans dans les lieux ; (...) qu'il résulte de ces éléments que CSIF s'était obligée à rester dans les lieux jusqu'au 31 mai 2009 ; que le sous-bail ne pouvait donc être conclu que pour la durée restant à courir du bail principal et ceci par dérogation aux articles L.145-4 et L.145-12 du code de commerce, soit au maximum jusqu'au 31 mai 2009 ;
que le sous-bail conclu entre CSIF et la société Ricoh France prenait fin le 26 mai 2009 ; Sur la validité du congé délivré le 26 janvier 2009 à effet du 26 mai 2009, qu'aux termes de l'article L.145-9 du code de commerce, par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis aux dispositions du présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné pour le dernier jour du trimestre civil et au moins six mois à l'avance ; que ce congé doit être donné par acte extrajudiciaire ; qu'en l'espèce, la société Ricoh France a donné son congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que cette formalité n'ayant pas été respectée par la société Ricoh France, le congé délivré le 26 janvier 2009 pour le 26 mai 2009 est nul et de nul effet ;

1°) ALORS QUE la société Ricoh France faisait valoir que la durée du sous-bail avait été fixée d'un commun accord entre les parties afin de permettre à la société CSIF de mettre fin au bail principal à l'expiration de la deuxième période triennale le 26 mai 2009 et à la société Ricoh de quitter les lieux à une date qui ne correspondait pas, pour elle, à une échéance triennale, ce dont il résultait que la société CSIF avait expressément renoncé au statut des baux commerciaux ; qu'en se bornant à énoncer que le fait que la durée du sous bail ait été inférieure à neuf années ne constituait pas une renonciation de l'une ou l'autre des parties aux dispositions protectrices du statut, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait d'avoir fixé le terme du sous-bail à la date d'expiration de la deuxième période triennale du bail principal, afin de permettre à la société CSIF de mettre un terme au bail principal et à la société Ricoh de quitter les lieux à cette date, qui ne correspondait pas pour elle à l'expiration d'une période triennale, ne valait pas renonciation expresse du bailleur au statut des baux commerciaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

2°) ALORS QUE le fait, pour la société CSIF, d'avoir consenti un sous-bail d'une durée inférieure à 9 ans devant se terminer le 26 mai 2009, quand le bail principal ne venait à échéance que le 26 mai 2012, valait renonciation de sa part à appliquer le statut des baux commerciaux au sous-bail ; qu'en se bornant à énoncer que la société Ricoh échouait à démontrer qu'en fixant la durée du sous-bail à une période inférieure à 9 années, les parties auraient renoncé au bénéfice du statut des baux commerciaux, sans rechercher si le fait que le sous-bail venait à échéance le 26 mai 2009 quand le bail principal venait à échéance le 26 mai 2012 ne valait pas renonciation des parties à appliquer le statut des baux commerciaux au sous-bail, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

3°) ALORS QU'ayant constaté que le bail principal conclu pour une durée de neuf années à compter du 26 mai 2003 ne prenait fin que le 26 mai 2012 et que le sous-bail venait à échéance le 26 mai 2009, ce dont il résultait que le sous-bail n'était pas soumis au statut des baux commerciaux, la cour d'appel, qui a néanmoins estimé que le sous-bail relevait du statut des baux commerciaux, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L.145-4 et L.145-9 du code de commerce ;

4°) ALORS QUE la durée du bail commercial ne peut être inférieure à neuf ans ; qu'ayant constaté que le sous-bail avait été conclu pour une durée inférieure à neuf ans, ce dont il résultait que le statut des baux commerciaux n'était pas applicable, la cour d'appel qui a néanmoins considéré que le congé donné par lettre recommandée avec avis de réception était nul et de nul effet pour n'avoir pas été donné par acte extrajudiciaire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L.145-4 et L.145-9 du code de commerce ;

5°) ALORS QUE, subsidiairement, la renonciation à un droit peut résulter d'actes manifestant sans équivoque la volonté d'y renoncer ; qu'en l'occurrence, la société Ricoh France faisait valoir que la société CSIF avait manifesté par plusieurs actes positifs dépourvus d'ambiguïté son intention d'accepter le congé notifié par la société Ricoh France, notamment en accusant réception, le 18 mars 2009, dudit congé et en « l'invitant à procéder à un pré-état des lieux » ; qu'en se bornant à énoncer que le fait pour la locataire principale d'avoir accepté de se rendre à un rendez-vous d'état des lieux et d'avoir calculé les loyers dus en tenant compte de la date de départ des lieux donnée par la société Ricoh au 26 mars 2009 ne constituait pas une acceptation expresse et non équivoque du congé, sans rechercher si le fait pour le bailleur d'avoir accusé réception du congé et d'avoir lui-même pris l'initiative d'inviter le preneur à procéder à un pré-état des lieux ne manifestait pas la volonté non équivoque du bailleur de renoncer à se prévaloir de la nullité du congé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

6°) ALORS QUE le fait, en toute hypothèse, pour le bailleur, d'avoir accepté de se rendre à un rendez-vous d'état des lieux et d'avoir calculé les loyers dus en tenant compte de la date de départ des lieux donnée par la société Ricoh au 26 mars 2009 constituait une acceptation expresse et non équivoque du congé ; qu'en refusant de retenir que la société CSIF avait renoncé à se prévaloir de la nullité du congé, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2016:C300367
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