Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 16 mars 2016, 15-82.676, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

N° A 15-82. 676 FS-P + B + I

N° 780



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET, cassation et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par M. Scott X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 26 mars 2015, qui, pour la diffusion de documents portant atteinte à la vie privée, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 janvier 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Béghin, conseiller rapporteur, MM. Castel, Raybaud, Mme Caron, M. Moreau, Mme Drai, M. Stephan, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Le Baut ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BÉGHIN et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;

Vu le mémoire personnel produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 226-1 et 226-2 du code pénal :

Vu lesdits articles ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, la loi pénale est d'interprétation stricte ;

Attendu qu'il se déduit du deuxième et du troisième de ces textes que le fait de porter à la connaissance du public ou d'un tiers, soit des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, soit l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé, n'est punissable que si l'enregistrement ou le document qui les contient a été réalisé sans le consentement de la personne concernée ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme Y... a porté plainte et s'est constituée partie civile en raison de la diffusion sur internet, par M. X..., son ancien compagnon, d'une photographie prise par lui, à l'époque de leur vie commune, la représentant nue alors qu'elle était enceinte ; que M. X... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef d'utilisation d'un document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1 du code pénal ; qu'il a relevé appel du jugement l'ayant déclaré coupable de ce délit ;

Attendu que, pour confirmer cette décision, l'arrêt énonce que le fait, pour la partie civile, d'avoir accepté d'être photographiée ne signifie pas, compte tenu du caractère intime de la photographie, qu'elle avait donné son accord pour que celle-ci soit diffusée ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que n'est pas pénalement réprimé le fait de diffuser, sans son accord, l'image d'une personne réalisée dans un lieu privé avec son consentement, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 26 mars 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

REJETTE les demandes indemnitaire et de publication formulées par le demandeur ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize mars deux mille seize ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

ECLI:FR:CCASS:2016:CR00780
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