Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 25 février 2016, 14-28.393, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 14-28.393
- ECLI:FR:CCASS:2016:C300264
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Chauvin (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux sociétés Ambition Drôme-Ardèche et Groupe Teber avenir du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Karsandi et Chausson matériaux ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 4 septembre 2014), que M. et Mme X... ont conclu avec la société ABC Construction, devenue la société Ambition Drôme-Ardèche, filiale de la société Groupe Teber avenir, un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans ; que, le même jour, M. Jean-Marie X..., leur fils, a également conclu avec cette société un contrat de même nature ; que MM. Y... (maçon) et Z... (poseur des menuiseries) sont intervenus à la construction ; qu'il n'y a pas eu de réception des ouvrages ; qu'après expertise, M. et Mme X... et leur fils (les consorts X...) ont assigné les sociétés Ambition Drôme-Ardèche et Groupe Teber avenir en paiement de diverses sommes au titre de travaux de reprise, non-conformités et dommages-intérêts ; que ces sociétés ont demandé reconventionnellement le paiement du solde du prix convenu dans les contrats de construction ainsi que de certaines sommes au titre de la réactualisation contractuelle du prix et ont appelé en garantie MM. Y... et Z... ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Ambition Drôme-Ardèche et Groupe Teber avenir font grief à l'arrêt de dire que le constructeur de maisons individuelles ne peut opposer une réception tacite aux maîtres de l'ouvrage et de condamner le constructeur au paiement de sommes au titre des désordres apparents et des non-conformités apparentes, alors, selon le moyen, que les articles L. 231-6, § IV et L. 231-8 du code de la construction et de l'habitation n'interdisent pas aux parties au contrat de construction de maison individuelle de prévoir une réception tacite des ouvrages ; qu'en refusant de faire application des stipulations contractuelles d'où résultait que la prise de possession de la maison par le maître de l'ouvrage entraînait réception sans réserve, la cour a violé, par fausse application, les dispositions susvisées et, par refus d'application, l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que la réception écrite, exigée par les dispositions d'ordre public du code de la construction et de l'habitation, fait courir le délai de huit jours accordé au maître de l'ouvrage pour dénoncer les défauts de construction apparents, la cour d'appel en a justement déduit que la clause stipulant que " toute prise de possession ou emménagement avant la rédaction du procès-verbal de réception signé par le maître d'ouvrage entraîne de fait la réception de la maison et l'exigibilité des sommes restant dues, sans contestation possible " devait être réputée non écrite et que les consorts X... étaient fondés à réclamer la réparation de désordres et des non-conformités apparents ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que les sociétés Ambition Drôme-Ardèche et Groupe Teber avenir font grief à l'arrêt de fixer la part de responsabilité devant être laissée à la charge de M. Z..., et de M. Y... à 10 % pour chacun du coût global des travaux de reprise des menuiseries extérieures, et de rejeter leur demande en garantie dirigée contre les sous-traitants à raison des autres désordres ;
Mais attendu qu'ayant, par une appréciation souveraine de la valeur du rapport d'expertise et des éléments de preuve soumis à son examen, retenu, d'une part, que les menuiseries extérieures, poste principal des désordres, découpées grossièrement sur le chantier, avaient été mal fixées par M. Z... et qu'il existait un décalage trop important avec le coffre des volets roulants posés par M. Y..., d'autre part, que ces menuiseries avaient été sous-dimensionnées par rapport aux ouvertures créées, ce qui mettait en cause la direction des travaux exercée par le constructeur, la cour d'appel, qui a pu retenir, sans modifier l'objet du litige, qu'eu égard aux fautes respectives, MM. Z... et Y... devaient être condamnés à garantir les sociétés Ambition Drôme-Ardèche et Groupe Teber avenir de la condamnation prononcée au titre des menuiseries extérieures suivant une proportion qu'elle a souverainement appréciée, a légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que la société Ambition Drôme-Ardèche fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de revalorisation du prix de la construction ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que la modalité de révision choisie par les cocontractants n'était pas indiquée dans le contrat, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite, en a déduit à bon droit que le prix n'était pas révisable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Ambition Drôme-Ardèche et Groupe Teber avenir aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Ambition Drôme Ardèche et Groupe Teber Avenir à payer in solidum la somme globale de 3 000 euros aux consorts X... ; rejette la demande des sociétés Ambition Drôme-Ardèche et Groupe Teber avenir ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Ambition Drôme-Ardèche et la société Groupe Teber avenir
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le constructeur de maisons individuelles ne peut opposer une réception tacite aux maître de l'ouvrage, et d'avoir en conséquence condamné le premier à verser aux seconds, au titre des désordres apparents et des non conformités apparentes, les sommes de 28. 371, 62 ¿ (M. et Mme Alain X...) et 33. 944, 31 ¿ (M. Jean-Marie X...),
AUX MOTIFS QU'aucun procès-verbal de réception n'a pu être établi le 24 juillet 2009 mais il est acquis aux débats que les consorts X... ont emménagé dans les maisons, cette situation ayant été constatée dès le 29 juillet 2009 par acte d'huissier ; que les sociétés Ambition Drôme Ardèche et Groupe Teber Avenir invoquent les dispositions de l'article 12 des conditions générales du contrat au terme desquelles : « toute prise de possession ou emménagement avant la rédaction du procès-verbal de réception signé par le maître d'ouvrage entraîne de fait la réception de la maison sans réserve et l'exigibilité des sommes restantes dues, sans contestation possible » ; que le tribunal a considéré qu'une réception sans réserves était intervenue le 24 juillet 2009, à la date de prise de possession des ouvrages et que cette réception sans réserves était de nature à couvrir les défauts de conformité et les vices apparents de l'ouvrage, que toutefois, les maîtres de l'ouvrage ne pouvaient être privés, en application de l'article L. 213-8 du code de la construction et de l'habitation, de la faculté de dénoncer dans le délai de 8 jours qui avait suivi cette réception, les vices et non-conformités apparents, qu'en dépit des lettres recommandées adressés les 24 et juillet 2009 par les maîtres de l'ouvrage, au constructeur, la liste des travaux de reprise à effectuer n'avait pas été communiquée, que les demandes relatives à la réparation des désordres et des non-conformités allégués devaient être rejetées ; mais que les dispositions qui régissent le contrat de construction de maison individuelle sont d'ordre public ; que les articles L. 213-6, paragraphe IV et L. 231-8 du code de la construction et de l'habitation exigent une réception constatée par écrit, cette réception par écrit permettant de faire cesser la garantie de livraison et étant le point de départ du délai de 8 jours qui permet la dénonciation par le maître de l'ouvrage des défauts de construction apparents ; qu'en l'absence de réception écrite, la garantie de livraison subsiste tout comme la possibilité d'adresser des réserves au constructeur pour dénoncer les vices apparents et les non-conformités apparentes ; que si le maître de l'ouvrage dans le contrat de construction de maison individuelle peut se prévaloir d'une réception tacite, l'ordre public de protection dont il bénéficie ne permet pas au constructeur de lui opposer une réception tacite ;
ALORS QUE les articles L. 231-6, § IV et L. 231-8 du code de la construction et de l'habitation n'interdisent pas aux parties au contrat de construction de maison individuelle de prévoir une réception tacite des ouvrages ; qu'en refusant de faire application des stipulations contractuelles d'où résultait que la prise de possession de la maison par le maître de l'ouvrage entraînait réception sans réserve, la cour a violé, par fausse application, les dispositions susvisées et, par refus d'application, l'article 1134 du Code civil ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la part de responsabilité devant être laissée à la charge de M. Z..., menuisier et de M. Y..., maçon, à 10 % pour chacun du coût global des travaux de reprise des menuiseries extérieures, et d'avoir débouté les sociétés Ambition Drôme Ardèche et Groupe Teber Avenir de leur demande en garantie dirigées contre les sous-traitants à raison des autres désordres ;
AUX MOTIFS QUE sur la base des conclusions de l'expert judiciaire, les travaux de reprise des défauts d'exécution relevés sur la maison de M. Alain X... et de Mme Odette X..., représentent un montant de 21 921, 62 ¿, ce qui inclut pour 7 205, 16 ¿ TTC le montant des menuiseries extérieures, tandis que les travaux de reprise des défauts d'exécution constatés sur la maison de M. Jean-Marie X... représentent la somme de 26 094, 31 ¿, ce qui inclut pour 9 856, 48 ¿ les travaux sur les menuiseries extérieures ; que les non conformités constatées par l'expert doivent donner lieu à moins-value ; qu'il doit en être ainsi pour la différence de niveau entre les deux constructions qui devaient être de même hauteur, la moins-value étant estimée à 9 500 ¿ pour les deux maisons ; que, sur les appels en garantie dirigés contre les sous-traitants, les menuiseries extérieures correspondent au poste principal de désordres ; qu'elles ont été mal fixées et posées ; qu'il existe un décalage trop important avec le coffre des volets roulants et elles ont été grossièrement découpées sur le chantier ; que ces désordres mettent en cause partiellement la responsabilité de M. Stéphane Z..., exerçant sous l'enseigne « Le P'tit Artisan » qui a posé ces menuiseries et de M. Murat Y... qui a mal positionné les coffres des volets-roulants ; que le remplacement des menuiseries extérieures représente un coût de 9 856, 48 ¿ TTC pour la maison de M. Jean-Marie X... et un coût de 7 205, 16 ¿ TTC pour la maison de ses parents ; que le recours en garantie que peut exercer le constructeur à l'encontre de M. Z... doit être limité à 10 % du coût global du remplacement des menuiseries extérieures ; que les erreurs d'exécution commises par M. Z... ne sont pas le facteur principal des désordres constatés puisqu'en réalité les menuiseries extérieures ont été sous-dimensionnées par rapport aux ouvertures créées, ce qui met en cause la direction des travaux exercés par le constructeur ; que, de même, le recours exercé par le constructeur à l'encontre de M. Murat Y... sera aussi limité à 10 % du montant du coût total du remplacement des menuiseries, pour le même motif ; que les défauts d'exécution qui ont pu être commis par la Sarl Karsandi sur les placo-plâtres qui entourent les menuiseries ne sont pas la cause de la dépose et du remplacement de ces placo-plâtres qui sont liés au remplacement des menuiseries ;
1°- ALORS QUE le sous-traitant est contractuellement tenu envers l'entrepreneur principal à raison des seuls travaux qui lui avaient été confiés et de la totalité de ces travaux que la cour d'appel a elle-même constaté que M. Z..., menuisier, était chargé de la pose des portes et fenêtres tandis que M. Y..., maçon, était responsable de la pose des caissons de volets roulants ; qu'en décidant que l'un et l'autre seraient chacun tenus à hauteur de 10 % du montant global des condamnations prononcées au titre des menuiseries, sans distinguer les désordres afférents aux menuiseries proprement dites, d'une part, et aux coffres des volets roulants, d'autre part, la cour d'appel, qui a rendu chacun des sous-traitants responsable pour partie des fautes commises par l'autre, a violé l'article 1147 du Code civil ;
2°- ALORS QUE le sous-traitant est contractuellement tenu envers l'entrepreneur principal d'une obligation de résultat dont il ne peut s'exonérer que par la faute de l'entrepreneur principal ou par la preuve d'une cause étrangère ; qu'en limitant à 10 % la garantie due par M. Y..., qui avait mal positionné les coffres des volets roulants sans caractériser aucune faute de l'entrepreneur principal à cet égard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
3°- ALORS QUE le sous-traitant est contractuellement tenu envers l'entrepreneur principal d'une obligation de résultat dont il ne peut s'exonérer que par la faute de l'entrepreneur principal ou par la preuve d'une cause étrangère ; qu'en limitant à 10 % la garantie due par M. Z..., qui avait installé des fenêtre sous-dimensionnées au motif que ce sous-dimensionnement « met en cause » la direction des travaux exercée par le constructeur, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une faute propre de l'entrepreneur principal distincte de celle commise par le sous-traitant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
4°- ALORS QUE ni M. Z... ni M. Y..., qui n'avaient pas conclu, n'avaient soutenu que l'entrepreneur principal aurait commis une faute dans la direction du chantier, susceptible de les exonérer totalement ou partiellement de leur responsabilité à son égard ; qu'en relevant d'office l'existence d'une telle faute, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4, 5 et et 16 du code de procédure civile ;
5°- ALORS QUE les sociétés Ambition Drôme Ardèche et Groupe Teber Avenir demandaient que les entreprises sous-traitantes soient condamnées à les garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées au profit de MM. Alain et Jean-Marie X... ; qu'en se bornant à relever que « les menuiseries extérieures correspondent au poste principal de désordres » et en limitant la garantie des sous-traitants à ces désordres sans se prononcer sur les autres désordres, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Ambition Drôme Ardèche de sa demande de revalorisation du prix de la construction ;
AUX MOTIFS QUE s'il résulte d'une mention manuscrite des maîtres d'ouvrage, figurant à l'article 1. 8 des conditions particulières, que ceux-ci ont bien pris connaissance des modalités de révision du prix définies à l'article 2. 3. 2 des conditions générales, en revanche les dispositions impératives de l'article L. 231-11 du code de la construction n'ont pas été respectées par le constructeur puisque la modalité de révision choisie par les cocontractants n'est pas indiquée dans le contrat ; qu'à défaut de mention précisant le choix de la modalité de révision, le prix figurant au contrat n'est pas révisable comme le soutiennent à juste titre les maîtres de l'ouvrage ;
1°- ALORS QUE, si l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation exige, pour qu'elles puissent s'appliquer, que les modalités de révision du prix du contrat soient portées à la connaissance du maître de l'ouvrage, reproduites dans le contrat et acceptées par une mention manuscrite de celui-ci, le détail de la formule de révision peut être exposé dans les conditions générales de vente intégrées au contrat ; qu'en jugeant que l'indication de la formule de révision dans les conditions générales de vente des contrats litigieux, alors même qu'elle constatait que les maîtres d'ouvrage avaient indiqué, par l'indication manuscrite exigée par l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation, accepter cette formule de révision, ne permettait pas de satisfaire aux exigences posées par ce texte, la cour d'appel l'a violé, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2° ALORS au surplus QUE la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, retenir, d'une part, que la modalité de révision choisie par les cocontractants n'est pas indiquée dans le contrat et, d'autre part, que les modalités de révision du prix étaient définies à l'article 2. 3. 2 des conditions générales et spécialement acceptées par les maîtres de l'ouvrage ; qu'en statuant par ces motifs contradictoires la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.