Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 11 février 2016, 15-13.398, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 15-13.398
- ECLI:FR:CCASS:2016:C200206
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 80 duodecies du code général des impôts, dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses ;
Attendu que l'indemnité pour violation du statut protecteur, versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail et qui n'est pas au nombre des indemnités non imposables au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques limitativement énumérées par le second de ces textes, est soumise aux cotisations sociales en application du premier ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'à l'issue d'un contrôle portant sur les années 2006 à 2008, l'URSSAF du Rhône, aux droits de laquelle vient l'URSSAF Rhône-Alpes (l'URSSAF), a notifié plusieurs chefs de redressement à la société Assystem France (la société) ; que, contestant l'un d'eux, résultant de la réintégration dans l'assiette des cotisations, de l'indemnité pour violation du statut protecteur qu'elle avait versée, en exécution d'une décision de justice irrévocable, à M. X..., salarié protégé, dont la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement illicite, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour accueillir celui-ci, l'arrêt énonce que l'indemnité réglée en cas de rupture du contrat de travail en violation du statut protecteur, création jurisprudentielle, est forfaitaire, que son montant est indépendant du préjudice réellement subi par le salarié, qu'il s'agit d'une sanction infligée à l'employeur qui a commis une faute, qu'elle ne constitue pas une rémunération et que le fait qu'elle soit chiffrée en fonction du salaire ne peut suffire à la qualifier de complément de salaire ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société Assystem France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Assystem France et la condamne à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Rhône-Alpes
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé le redressement notifié par l'URSSAF à la société Assystem France portant sur la réintégration dans l'assiette des cotisations de l'indemnité versée à M. X... pour violation de son statut protecteur et, en conséquence, d'AVOIR condamné l'URSSAF du Rhône à rembourser à la société Assystem France la somme de 32 329 ¿ versé à titre conservatoire assortie des intérêts au taux légal sur la somme de 32 329 ¿ à compter du 18 janvier 2010 jusqu'à parfait paiement ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Jean-Pierre X..., salarié de la S.AS. ASSYSTEM FRANCE et détenteur du statut de salarié protégé, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 7 mai 2003 ; que par arrêt infirmatif du 2 décembre 2005, la Cour d'Appel de CAEN a :
- annulé la mise à pied prononcée le 7 janvier 2003,
- condamné la SAS ASSYSTEM FRANCE à payer à monsieur X... la somme de 553,85 euros à titre de rappel correspondant à cette sanction,
- condamné également la SAS ASSYSTEM FRANCE à payer à monsieur X... les sommes suivantes :
* 36.510,54 euros à titre de rappel de salaire sur coefficient,
* 553,85 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied,
* une indemnité correspondant aux salaires que monsieur X... aurait perçus depuis le 7 mai 2003 jusqu'à la fin de la période de protection dont il bénéficiait en sa qualité de salarié protégé,
* une indemnité correspondant au salaire des six derniers mois en application des dispositions de l'article L. 122-14-4 du code du travail,
* l'indemnité conventionnelle de licenciement,
* l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- renvoyé les parties à effectuer le calcul de ces quatre dernières sommes en prenant pour base le salaire correspondant au coefficient 210,
- condamné la SAS ASSYSTEM FRANCE aux entiers dépens et à payer à monsieur X... la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
que par arrêt du 25 juin 2007, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt d'appel et a précisé que la Cour d'Appel avait décidé à bon droit que les effets de la prise d'acte par un salarié protégé étaient la nullité du licenciement pour violation du statut protecteur ; qu'en exécution de la décision de justice, la SAS ASSYSTEM FRANCE a versé à monsieur X... la somme de 101.796,15 euros au titre de l'indemnité correspondant aux salaires qu'il aurait perçus depuis le 7 mai 2003 jusqu'à la fin de la période de protection ; que cette indemnité est une création jurisprudentielle ; aucun texte ne prévoit ni n'exclut son assujettissement à cotisations sociales ; que l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales recherche un parallèle entre l'indemnité dont s'agit et celle prévue à l'article L. 2422-4 du code du travail et souligne qu'une différence de traitement conduirait à une rupture d'égalité ; que l'article L. 2422-4 du code du travail octroie au salarié protégé qui a été licencié en vertu d'une autorisation administrative par la suite annulée une indemnité correspondant à la totalité, du préjudice, subi soit au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision soit au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision s'il n'a pas demandé sa réintégration ; que ce texte qualifie l'indemnité de complément de salaire et la soumet à cotisations sociales ; que les situations donnant lieu au versement de l'indemnité en cause et à celui de l'indemnité de l'article L.2422-4 du code du travail sont totalement différentes ; que dans le premier cas l'employeur a commis une faute soit en licenciant un salarié protégé sans solliciter d'autorisation administrative soit en commettant des manquements graves qui ne permettaient pas la poursuite des relations contractuelles et conduisaient le salarié à prendre acte de la rupture du contrat de travail; que dans le second cas, l'employeur n'a commis aucune faute puisqu'il a licencié le salarié protégé après avoir obtenu l'autorisation de l'administration et qu'il a ainsi respecté la procédure ; que dès lors, aucune analogie n'est permise entre ces deux types d'indemnités ; que l'indemnité réglée en cas de rupture du contrat de travail en violation du statut protecteur est forfaitaire, son montant est indépendant du préjudice réellement subi par le salarié, il s'agit d'une sanction infligée à l'employeur qui a commis une faute ; elle ne constitue pas une rémunération; que le fait qu'elle soit chiffrée en fonction du salaire ne peut suffire à la qualifier de complément de salaire ; que dans ces conditions, cette indemnité ne donne pas lieu à paiement de cotisations sociales ; qu'en conséquence, le redressement en litige doit être annulé et l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales RHONE-ALPES doit être condamnée à rembourser à la SAS ASSYSTEM FRANCE la somme de 32.329 euros ; que le jugement entrepris doit être confirmé ; Sur les intérêts: qu'en application de l'article 1153 du code civil, les intérêts courent au taux légal jusqu'à parfait paiement à compter du 18 janvier 2010, date de réception par l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de la saisine par la société de la commission de recours amiable valant mise en demeure de rembourser la somme versée ; qu'en conséquence, l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales RHONE-ALPES doit être condamnée à verser à la SAS ASSYSTEM FRANCE les intérêts au taux légal sur la somme de 32.329 euros à compter du 18 janvier 2010 jusqu'à parfait paiement ; que le jugement entrepris doit être infirmé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il doit tout d'abord être rappelé que la question de l'assujettissement aux cotisations sociales des indemnités versées lors de la rupture du contrat de travail est régie, d'une part par une jurisprudence qui inclut dans l'assiette des cotisations les indemnités compensant la perte de salaire consécutif à la perte d'un emploi et en a écarté toute somme tendant à réparer le préjudice résultant pour un salarié de cette perte, d'autre part, par la loi tant fiscale que sociale qui pose le principe, assortie d'exceptions tenant à la nature et au montant de l'indemnité, que sont assujetties aux cotisations sociales les indemnités versées lors de la rupture du contrat de travail dont l'initiative revient à l'employeur ; qu'ainsi, l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale dispose: «Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail; ;.. sont aussi prises en compte les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur .. à hauteur de la fraction de ces indemnités qui est assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 du code général des impôts» ; que l'article 80 du code général des impôts énonce quant à lui : «Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes:
Ne constituent pas une rémunération imposable:
1° Les indemnités mentionnées aux articles L 1235-2, L 1235-3 et L 1235-11 à L 1235-13 du code du travail,
2° Les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L 1233-32 et L 1233-61 à L 1233-64 du code du travail,
3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L 1233-32 et L 1233-61 à L 1233-64 du code du travail, qui n'excède pas .. .
4° La fraction des indemnités de mise à la retraite qui n'excède pas . . .
5° La fraction des indemnités de départ volontaire versées aux salariés dans le cadre d'un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les conditions prévues à l'article L 2242-17 du code du travail n'excédant pas quatre fois le plafond mentionné à l'article L 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités,
6° La fraction des indemnités prévues à l'article L 1237-13 du code du travail versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié lorsqu'il n'est pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, qui n'excède pas .. . » ;
qu'il résulte de l'application combinée de ces deux textes d'une part que sont assujetties à cotisations de sécurité sociale, les sommes versées lors de la rupture du contrat de travail et ayant la nature de rémunération, d'autre part que l'indemnité versée au salarié licencié pour violation du statut protecteur n'est pas visée par le code général des impôts comme ne constituant pas une rémunération imposable ; que le code du travail ne donne pas d'indication sur la nature de cette indemnité, alors qu'il précise en son article L 2422-4 que «lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire» ; que l'indemnité versée au salarié protégé licencié dont l'autorisation de licenciement a été annulée est par conséquent expressément dite par la loi comme soumise à cotisations sociales du fait de sa nature salariale ; que l'URSSAF soutient cependant qu'en l'absence de précision légale quant à sa nature, il y a lieu de considérer l'indemnité versée au salarié protégé licencié sans autorisation de licenciement par analogie avec l'indemnité versée lorsque l'autorisation de licencier a été annulée, comme un complément de salaire, et par conséquent de lui appliquer le même traitement social et fiscal ; or, contrairement à ce que soutient l'URSSAF la jurisprudence se prononce, de façon constante, encore après l'entrée en vigueur de la loi du 29 décembre 1999 sur le financement de la sécurité sociale, non seulement sur le calcul et le montant de l'indemnité versée lorsque le salarié protégé a été licencié sans autorisation de l'inspection du travail, mais aussi sur la nature de cette indemnité qu'elle définit comme forfaitaire, indemnitaire et comme ayant valeur de sanction de la violation du statut protecteur ; que cette indemnité est égale à la rémunération que le salarié aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à celle de sa réintégration et elle constitue la sanction de la méconnaissance par l'employeur du statut protecteur du salarié, mais elle ne répare pas le préjudice subi par celui-ci du fait de la rupture du contrat de travail ; qu'elle n'a pas dès lors la nature d'un complément de salaire et son régime social et fiscal ne peut être défini par analogie avec celui de l'indemnité versée lorsque l'autorisation de licencier a été annulée ; qu'il doit être ajouté que si l'indemnité versée pour violation du statut protecteur ne figure pas dans la liste de l'article 80 du code général des impôts comme ne constituant pas une rémunération imposable, ce qui s'explique par le fait que cette indemnité ne vient pas réparer les conséquences préjudiciables de la rupture du contrat de travail, il n'en demeure pas moins que sa nature indemnitaire l'exclut de l'assujettissement aux cotisations sociales ; qu'enfin, s'il est exact, comme le plaide l'URSSAF, que cela crée un régime social différent selon que l'entreprise a sollicité une autorisation de licenciement qui a été ensuite annulée, ou que l'entreprise, volontairement ou non comme en l'espèce, n'a pas sollicité d'autorisation de licenciement, pour autant, le tribunal des affaires de la sécurité sociale ne peut tirer les conséquences de cette disparité en soumettant à cotisations des sommes qui sont exclues des cotisations ; qu'il convient donc au vu de l'ensemble de ces éléments, d'annuler le redressement effectué par l'URSSAF portant sur la réintégration dans l'assiette des cotisations de l'indemnité versée à Monsieur X... en raison de la violation de son statut protecteur ;
ALORS QUE le salarié protégé, dont le contrat de travail a été rompu sans autorisation administrative a le droit d'obtenir une indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir depuis la date de son éviction jusqu'à sa réintégration ou jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours ; que les sommes ainsi versées ont la nature de rémunération et donc d'un complément de salaire, et doivent à ce titre être réintégrées dans l'assiette des cotisations sociales ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 80 duodecies du Code général des impôts et l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale.