Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 février 2016, 14-18.600, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 14-18.600
- ECLI:FR:CCASS:2016:SO00272
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Frouin
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 avril 2014), qu'engagé le 9 décembre 1983 par la société KPMG en qualité de responsable mission révision pour occuper en dernier lieu les fonctions de directeur régional, M. X... a saisi, le 4 mars 2010, la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de son contrat de travail ; que mis à pied à titre conservatoire le 23 mars 2010, il a été licencié pour faute grave par lettre du 7 avril 2010 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement et de le condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut, en l'absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, annuler un licenciement ; que le licenciement échappe à la nullité si le comportement qui le motive constitue, de la part du salarié, un abus dans l'exercice de cette liberté ; que la lettre de licenciement reprochait au salarié d'avoir, en sa qualité de directeur de région appelé à jouer un rôle déterminant dans le projet « AK », cherché à compromettre ledit projet et, après avoir en vain tenté d'obtenir une rupture négociée, saisi directement le juge prud'homal d'une demande de résiliation judiciaire, sans l'avoir jamais avisé du moindre désaccord sur le projet ni sur l'exécution de son contrat ; qu'au soutien de ses écritures, la société avait souligné que cette demande de résiliation judiciaire, fondée sur une prétendue perte de responsabilités résultant de la mise en place du projet « AK », avait été formulée avec la plus parfaite mauvaise foi, dans la mesure où l'intéressé, qui était sur le point de créer sa propre entreprise, au demeurant avec d'autres salariés de la société KPMG, n'avait saisi le juge prud'homal qu'après son échec à obtenir une rupture négociée et concomitamment à un départ qui, en tout état de cause, était acquis ; que la cour d'appel a estimé que les griefs qui étaient formulés à l'appui de la demande de résiliation judiciaire n'étaient pas fondés et que le salarié avait bien commencé à travailler à la création de sa société plusieurs mois avant son licenciement ; qu'en s'abstenant néanmoins de rechercher si sa demande de résiliation judiciaire n'avait pas été formée de mauvaise foi et ne révélait pas, en conséquence, l'exercice abusif par le salarié de son droit de saisir le juge prud'homal d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1121-1 du code du travail et de l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que les juges ne peuvent dénaturer les pièces du dossier ; que la lettre de licenciement ne faisait pas grief au salarié d'avoir saisi la juridiction prud'homale mais d'avoir présenté une demande aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, alors qu'il était responsable d'un projet capital, sans avoir préalablement avisé la société KPMG d'un éventuel désaccord sur quelque sujet que ce soit, en particulier sur ledit projet ; que la lettre de licenciement soulignait cette demande n'était pas « répréhensible en elle-même » ; qu'en considérant que la lettre de licenciement aurait reproché au salarié d'avoir saisi la juridiction prud'homale, la cour d'appel l'a dénaturée en violation du principe susvisé et de l'article L. 1232-6 du code du travail ;
3°/ que lorsque la lettre de licenciement invoque plusieurs motifs parmi lesquels l'exercice d'une action en justice, les juges ne peuvent prononcer la nullité qu'après avoir recherché si c'était ladite action qui était à l'origine de la rupture du contrat ; qu'en l'espèce la lettre de licenciement reprochait au salarié, indépendamment des conditions dans lesquelles il avait formé une demande de résiliation judiciaire, l'insuffisance de résultats de sa région depuis plusieurs exercices, la sous-évaluation volontaire des charges présentées et la grave méconnaissance des règles internes en matière de provision ; qu'elle lui reprochait aussi de n'avoir « cessé de compromettre » le projet « AK », destiné à répondre aux normes d'expertise comptable et de commissariat aux comptes, ce alors qu'il avait été investi de responsabilités particulières à ce titre ; qu'en s'abstenant de rechercher si, en l'état des autres griefs faits au salarié, c'était l'action intentée devant les juges prud'homaux qui avait motivé la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1121-1 du code du travail, et de l'article 6, § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'ayant retenu, hors toute dénaturation, que l'employeur reprochait au salarié dans la lettre de licenciement d'avoir saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation de son contrat de travail, la cour d'appel, qui a ainsi implicitement mais nécessairement écarté la preuve d'un abus ou d'une mauvaise foi de ce dernier dans l'exercice de son droit d'ester en justice, en a exactement déduit que ce grief, constitutif d'une atteinte à une liberté fondamentale, entraînait à lui seul la nullité du licenciement, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les autres griefs invoqués par l'employeur pour vérifier l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société KPMG aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société KPMG à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société KPMG
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur X... nul, et d'AVOIR en conséquence condamné la société KPMG à lui verser les sommes de 68 671, 35 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 3 048, 60 euros bruts au titre des congés payés se rapportant à la partie fixe, de 177 552, 55 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement, sous réserve des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, selon la version applicable lors de la notification du licenciement, et de 280 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
AUX MOTIFS QUE « M. X... a été engagé, par contrat de collaboration du 9 décembre 1983, par la société KPMG, en qualité de " Responsable Mission Révision " ; qu'il a bénéficié d'une évolution professionnelle au sein de la société et, qu'en application de l'avenant à son contrat de travail du 20 mars 2001, lui ont été confiées les fonctions de " Directeur régional Alsace-Lorraine Associé " ; que la société KPMG est organisée en 9 directions régionales et intervient sur un marché divisé en trois secteurs : le marché des grandes entreprises, internationales, comprenant deux métiers, le commissariat aux comptes (Audit) et le conseil (Advisory), le marché appelé KEN, marché des PME, comprenant le commissariat aux comptes (KEN Audit) et l'expertise comptable (ECCE Expertise Comptable et Conseil aux Entrepreneurs), le marché appelé KEL, marché des petites entreprises, avec un métier principal, l'expertise comptable ; Que M. X... exerçait, en dernier lieu, les fonctions de directeur Régional Est pour le marché KEN couvrant la Meurthe et Moselle, la Meuse, la Moselle, le Haut-Rhin, le Bas-Rhin, les Vosges, la région Champagne Ardennes et deux cabinets rachetés par la société KPMG de 200 salariés chacun : la SEGEC en Alsace et SFE basée à Metz ; que sa rémunération variable annuelle était constituée de trois composantes-une variable nationale fondé sur la croissance des honoraires du cabinet au plan national,- une partie régionale fondée sur le résultat et la croissance de la région,- une partie individuelle fondée sur des objectifs qualitatifs individuels ; Qu'au cours du second semestre 2008, la société KPMG a élaboré un projet de nouvelle organisation, dit projet A/K, qui avait pour finalité de rapprocher Audit et KEN ; Que cette nouvelle organisation a été mise en place, à titre expérimental, sur 4 régions, dont la région Est ; Que M. X... a saisi, par requête du 4 mars 2010 enregistrée le 8 mars 2010, le conseil de prud'hommes de Nanterre d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, arguant d'une modification du contrat de travail qui lui avait été imposée ; Que mis à pied à titre conservatoire et convoqué par lettre recommandée avec avis de réception du 23 mars 2010 à un entretien préalable fixé au 1er avril 2010, M. X... a été licencié pour faute grave par lettre du 7 avril 2010 ; sur la rupture, que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; que, si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement ; Que M. X... soutient que la nouvelle organisation a considérablement diminué ses responsabilités managériales, puisqu'il s'est retrouvé privé des missions de commissariat aux comptes, a été contraint de rendre compte à M. Y..., son homologue du service Audit qui est devenu seul habilité à traiter avec la direction générale, qu'il s'est vu retirer ses fonctions support qui ont été transférés à Metz et que les effectifs sous ses ordres ont été réduits de plus de 90 %, qu'enfin ces modifications ne pouvaient qu'entraîner à terme une diminution de sa rémunération variable ; Qu'il est établi que la nouvelle organisation a engendré la création d'un comité de Directeurs AK, composé, pour la région Est, de M. Y..., directeur région Grandes Entreprises, de M. X... et de M. Z..., associé de la filiale SEGEC ; que la présidence était confiée à M. Y... ; Que M. X..., qui se contente, en ce qui concerne les modifications qu'il allègue, de communiquer une présentation du projet Audit/ KEN élaborée par l'employeur et un listing d'honoraires acquis, ne justifie pas avoir été privé du chiffre d'affaires des missions de commissariat aux comptes qui lui incombaient auparavant, même s'il résulte du compte-rendu d'entretien de son évaluation du 4 septembre 2009 que son rôle dans le comité directeur était centré sur le développement de l'activité et la promotion des travaux d'expertise comptable et de conseil ; qu'il ne produit aucun élément établissant qu'il était sous l'autorité effective de M. Y... alors qu'il est justifié que c'est le directeur général, M. A..., qui a procédé à son évaluation au mois de septembre 2009 et lui a fixé ses objectifs le 26 février 2010 ; que, s'agissant des fonctions support, il ne contredit pas l'employeur qui expose que le siège de la Direction Est a été transféré de Nancy à Metz le 1er octobre 2008, où les fonctions support étaient regroupées, et qu'il a souhaité, pour des raisons personnelles, rester basé à Nancy ; qu'au demeurant, l'employeur produit la lettre de licenciement signé de M. X... par laquelle il notifie à un salarié son licenciement pour motif économique, résultant de son refus d'accepter sa mutation de Nancy à Metz où, pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, les activités étaient regroupées ; Qu'aucun organigramme de la société n'étant fourni à la cour, M. X... n'établit pas que le nombre de salariés sur lesquels il exerçait son autorité avait été sensiblement réduit ; qu'enfin, rien n'indique que la nouvelle organisation aurait eu des conséquences négatives sur sa rémunération variable, alors qu'il ne peut qu'être constaté qu'il n'a pas discuté la fixation des objectifs qui lui ont été soumis le 26 février 2010 ; Que M. X... n'apportant pas la preuve, qui lui incombe, des modifications apportées par l'employeur à son contrat de travail, il convient, confirmant le jugement, de le débouter de sa demande de ce chef ; sur le licenciement, que le juge prononce la nullité d'un licenciement lorsque la loi le prévoit expressément ou en cas de violation d'une liberté fondamentale ; Que la lettre de licenciement se réfère expressément à la saisine par M. X... du conseil de prud'hommes dans les termes suivants : (...) De plus, il ne pouvait vous échapper que votre position de Direction de Région vous amenait à jouer un rôle moteur dans ce projet. Or, loin de nous exprimer clairement votre désaccord, vous n'avez cessé de tenter de compromettre les travaux en cours et avez engagé parallèlement avec moi-même des discussions en vue de rompre votre contrat de travail par la voie d'une rupture conventionnelle. Je n'y ai pas donné suite au regard du fait que je ne souhaitais pas votre départ et vous nous avez fait alors parvenir le 17 mars une demande de résiliation judiciaire de contrat de travail aux torts de KPMG dont j'attends avec intérêt de connaître exactement les tenants et aboutissants car cette saisine du conseil de prud'hommes de Nanterre en cours de contrat de travail n'a été précédée de votre part d'aucun courrier ou aucune demande formelle mettant en cause une évolution de votre contrat qui vous aurait été préjudiciable. Si cette action en tant que telle n'est pas répréhensible, contrairement aux éléments précédents, cela me semble en dire long sur l'incompatibilité de nos positions. La succession des éléments que nous venons de décrire, de la part d'un associé de KPMG constitue au regard des responsabilités qui sont les vôtres des manquements très préjudiciables et sont constitutifs d'une faute grave. Ils rendent en effet aujourd'hui impossible la poursuite de votre contrat de travail considérant les larges délégations dévolues à un Directeur de région au sein de KPMG SA. (...) " ; Que le grief tiré de la saisine par le salarié de la juridiction prud'homale, que la société KPMG ne peut sérieusement contester avoir retenu contre le salarié, même si elle a tenté d'en amoindrir la portée en précisant qu'elle n'était pas répréhensible, constitue une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice ; Qu'il convient, infirmant le jugement, de dire le licenciement nul ; sur l'indemnité pour licenciement nul, que le salarié victime d'un licenciement nul dont la réintégration est impossible ou qui ne la demande pas a droit aux indemnités de rupture ainsi qu'à une indemnité au moins égale à six mois de salaire au titre du caractère illicite du licenciement ; Qu'il résulte de l'attestation Pôle emploi remise par l'employeur au salarié qu'au cours des 12 mois précédents son licenciement, il a perçu un salaire mensuel brut de 10 162 euros, une rémunération variable de 150 825 euros pour la période du 1er août 2008 au 30 septembre 2009 et de 77 329 euros pour la période du 1er octobre 2009 au 7 avril 2010 ; que la moyenne mensuelle de la rémunération variable des 12 derniers mois est donc de : 77 329 + 150 825/ 2 = 152 741, 50/ 12 = 12 728, 45 ; Que la moyenne mensuelle brute de la totalité de la rémunération de M. X... s'élevait donc à 22 890, 45 euros ; Qu'au regard de son âge au moment du licenciement, 53 ans, de son ancienneté d'environ 27 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée mais aussi de ce qu'il est établi que M. X... est président de la SAS POINCARE GESTION, société qui dirige le Fonds Communs de Placement à Risques GRAND EST INVESTISSEMENT, qu'il a créée avec deux autres salariés issus de la société KPMG, et qui a reçu l'agrément de l'Autorité des Marchés Financiers le 26 juillet 2010, le préjudice matériel et moral résultant de son licenciement sera entièrement réparé par l'allocation de la somme de 280 000 euros ; Que la société KPMG sera également condamnée à verser au salarié une indemnité conventionnelle de licenciement de 177 552, 55 euros, une indemnité compensatrice de préavis de 68 671, 35 euros et les congés payés sur la partie fixe du préavis de 3 048, 60 euros dont il a été indûment privé (...) sur le préjudice moral distinct ; Monsieur X... se prévaut du discrédit que lui a causé son licenciement pour faute grave ; qu'alors que la chronologie de la création de la société POINCARE GESTION démontre qu'il avait commencé à travailler à ce projet plusieurs mois avant son licenciement, il ne communique aucun élément établissant que les circonstances du licenciement lui ont causé un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi » ;
1. ALORS QUE le juge ne peut, en l'absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, annuler un licenciement ; que licenciement échappe à la nullité si le comportement qui le motive constitue, de la part du salarié, un abus dans l'exercice de cette liberté ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait à Monsieur X... d'avoir, en sa qualité de directeur de région appelé à jouer un rôle déterminant dans un le projet « AK », cherché à compromettre ledit projet et, après avoir en vain tenté d'obtenir une rupture négociée, saisi directement le juge prud'homal d'une demande de résiliation judiciaire, sans avoir jamais avisé l'exposante du moindre désaccord sur le projet ni sur l'exécution de son contrat ; qu'au soutien de ses écritures, l'exposante avait souligné que cette demande de résiliation judiciaire, fondée sur une prétendue perte de responsabilités résultant de la mise en place du projet « AK », avait été formulée avec la plus parfaite mauvaise foi, dans la mesure où l'intéressé, qui était sur le point de créer sa propre entreprise, au demeurant avec d'autres salariés de la société KPMG, n'avait saisi le juge prud'homal qu'après son échec à obtenir une rupture négociée et concomitamment à un départ qui, en tout état de cause, était acquis ; que la cour d'appel a estimé que les griefs qui étaient formulés à l'appui de la demande de résiliation judiciaire n'étaient pas fondés et que le salarié avait bien commencé à travailler à la création de sa société plusieurs mois avant son licenciement ; qu'en s'abstenant néanmoins de rechercher si sa demande de résiliation judiciaire n'avait pas été formée de mauvaise foi et ne révélait pas, en conséquence, l'exercice abusif par le salarié de son droit de saisir le juge prud'homal d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1121-1 du Code du travail et de l'article 6, § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2. ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les pièces du dossier ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement ne faisait pas grief au salarié d'avoir saisi la juridiction prud'homale mais d'avoir présenté une demande aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, alors qu'il était responsable d'un projet capital, sans avoir préalablement avisé la société KPMG d'un éventuel désaccord sur quelque sujet que ce soit, en particulier sur ledit projet ; que la lettre de licenciement soulignait cette demande n'était pas « répréhensible en elle-même » ; qu'en considérant que la lettre de licenciement aurait reproché au salarié d'avoir saisi la juridiction prud'homale, la cour d'appel l'a dénaturée en violation du principe susvisé et de l'article L. 1232-6 du Code du travail ;
3. ALORS QUE lorsque la lettre de licenciement invoque plusieurs motifs parmi lesquels l'exercice d'une action en justice, les juges ne peuvent prononcer la nullité qu'après avoir recherché si c'était ladite action qui était à l'origine de la rupture du contrat ; qu'en l'espèce la lettre de licenciement reprochait à Monsieur X..., indépendamment des conditions dans lesquelles il avait formé une demande de résiliation judiciaire, l'insuffisance de résultats de sa région depuis plusieurs exercices, la sous-évaluation volontaire des charges présentées, et la grave méconnaissance des règles internes en matière de provision ; qu'elle lui reprochait aussi de n'avoir « cessé de compromettre » le projet « AK », destiné répondre aux normes d'expertise comptable et de commissariat aux comptes, ce alors qu'il avait été investi de responsabilités particulières à ce titre ; qu'en s'abstenant de rechercher si, en l'état des autres griefs faits au salarié, c'était l'action intentée devant les juges prud'homaux qui avait motivé la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1121-1 du Code du travail, et de l'article 6, § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société KPMG à payer à Monsieur X... la somme de 206 014, 05 euros bruts au titre de la contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence d'avril 2010 à mars 2013 ;
AUX MOTIFS QUE « l'article 6, non modifié par la suite, du contrat de travail initial de M. X... prévoyait qu'en cas de cessation de collaboration il s'interdisait, pendant une période de trois ans à compter de la cessation de ses fonctions, notamment, d'entrer en qualité de salarié au service d'un client sans l'autorisation écrite de la société, d'apporter, sans autorisation écrite, sa collaboration à un client en qualité d'expert-comptable, comptable agréé, commissaire aux comptes, comptable indépendant, expert fiscal, juridique ou économique, organisateur conseil ou prestataire de services informatiques ; qu'était considéré comme client toute personne, morale ou physique, ayant ou ayant eu recours aux services de la société laquelle avait encaissé des honoraires ou émis une facture au cours des trois années précédant la date du départ ; que la clause stipulait également qu'il ne pourrait s'installer ou travailler au titre d'une de ces professions dans le ou les secteurs où il aurait exercé ses fonctions au cours des 3 dernières années précédant son départ et, de toute manière, dans un rayon de 100 kilomètres à partir de chacune de ses résidences professionnelles au cours de cette même période ; Que la lettre de licenciement a précisé à M. X... : " (...) Par contre, veuillez considérer comme nulle toute obligation de non-concurrence résultant de votre contrat de travail (notamment : restriction à l'installation comme consultant ou pour exercer l'une ou quelconque des professions visées dans les conditions générales de ce contrat, dans un périmètre géographique donné ¿ restriction sur l'engagement par un des clients de KPMG SA, engagement par un confrère...) " ; Que, dès lors que le contrat de travail ne contenait pas de mention expresse relative à la possibilité pour l'employeur de renoncer au bénéfice de la clause de non concurrence, M. X... est bien fondé à soutenir que la société KPMG ne pouvait valablement le délier de la clause de non concurrence ; Que la nullité de la clause de non concurrence étant une nullité relative, seul le salarié peut s'en prévaloir ; que M. X... à titre principal, affirme, sans être contredit, avoir respecté la clause de non concurrence et sollicite le paiement de l'indemnisation prévue par l'article 8. 5. 1 de la convention collective des cabinets d'Experts Comptables et Commissaires aux Comptes ; Qu'alors que le contrat de travail, dans ses conditions générales, énonce qu'il est régi notamment par la convention collective nationale des " Cabinets d'Expert-Comptables et de Comptables Agréés du 9 décembre 1974 et ses avenants ", la société KPMG est mal fondée à soutenir que la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974 n'est pas applicable aux relations contractuelles, au prétexte qu'elle n'est pas mentionnée dans l'article relatif à la clause de non concurrence ; Que, faute de dispositions contractuelles plus favorables, M. X... peut se prévaloir des dispositions conventionnelles qui dispose " Le contrat de travail définit les modalités de versement de l'indemnité, dont le montant ne peut être inférieur à 25 % de la rémunération mensuelle perçue en moyenne au cours des 24 derniers mois en cas de licenciement et 10 % en cas de démission. Elle est versée en principe au mois sauf disposition contractuelle contraire. " ; Que la société KPMG est donc redevable d'une indemnité mensuelle de 5 722, 61 euros pendant 36 mois soit la somme de 206 014, 05 euros » ;
1. ALORS QUE lorsque la clause de non-concurrence est stipulée aussi bien en faveur de l'employeur que du salarié en raison de sa contrepartie pécuniaire, l'employeur ne peut y renoncer unilatéralement si le contrat ne le prévoit pas ; qu'il en résulte que lorsque la clause de non-concurrence ne prévoit pas une telle contrepartie, en sorte qu'elle n'est stipulée que dans l'intérêt du seul employeur, ce dernier peut unilatéralement y renoncer même si le contrat ne le prévoit pas ; que la cour d'appel a constaté que la clause de non-concurrence ne comportait pas de contrepartie financière ; qu'en considérant que l'employeur ne pouvait se prévaloir de la renonciation au bénéfice de la clause de non-concurrence figurant dans la lettre de licenciement dès lors que le contrat ne prévoyait pas la possibilité d'une telle renonciation, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du Code civil ;
2. ALORS QUE l'article 8. 5. 1 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes dispose que « pour être valable, la clause de non-concurrence doit être assortie d'une contrepartie pécuniaire sous réserve de la signature d'un avenant pour les contrats de travail en cours ; le contrat de travail définit les modalités de versement de l'indemnité, dont le montant ne peut être inférieur à 25 % de la rémunération mensuelle perçue en moyenne au cours des 24 derniers mois en cas de licenciement et 10 % en cas de démission » ; qu'il en résulte que tant la contrepartie financière que son montant minimal ne sont imposés aux contrats en cours, que « sous la réserve de la signature d'un avenant », et non de plein droit ; qu'en se fondant néanmoins sur ces dispositions conventionnelles pour allouer au salarié le bénéfice d'une contrepartie pécuniaire à la clause de non concurrence, la cour d'appel a violé l'article 8. 5. 1 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes ;
3. ALORS QUE la validité de la clause de non-concurrence s'appréciant à sa date de conclusion, la convention collective intervenue postérieurement ne peut avoir pour effet de couvrir la nullité qui l'affecte ; qu'en l'espèce, les dispositions conventionnelles sur lesquelles la cour d'appel s'est fondée étaient issues d'un avenant en date du 22 avril 2003 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand un tel avenant ne pouvait avoir pour effet de couvrir la nullité qui affectait la clause de non-concurrence issue d'un contrat en date du 9 décembre 1983, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil, L. 1221-1 du Code du Travail, ensemble l'article 8. 5. 1 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes.