Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 26 janvier 2016, 14-11.298 14-13.690, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Joint les pourvois n° V 14-13.690 et V 14-11.298, qui attaquent le même arrêt ;

Statuant tant sur les pourvois principaux formés par la société Interfimo que sur le pourvoi incident relevé par la société Crédit Lyonnais ;

Sur les moyens uniques des pourvois principaux et incident, pour partie rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 novembre 2013), que la société Pharmacie X... et Y..., exploitant un fonds de commerce dont l'acquisition a été pour partie financée par un prêt consenti par la société Crédit Lyonnais et garanti par le cautionnement de la société Interfimo, a été mise en sauvegarde le 23 septembre 2010 ; qu'un plan de sauvegarde a été arrêté par le tribunal le 10 mai 2012 ; que la société Interfimo, qui a déclaré une créance au titre de son engagement de caution, a formé tierce opposition ; que la société Crédit Lyonnais est intervenue volontairement à l'instance à titre accessoire ; que la cour d'appel, après avoir déclaré recevable la tierce opposition, l'a rejetée ;

Attendu que la société Interfimo et la société Crédit Lyonnais font grief à l'arrêt de ce rejet alors, selon le moyen :

1°/ que la procédure de sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif ; qu'un plan de sauvegarde n'est arrêté que s'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que le plan de sauvegarde devait être adopté, que si les intérêts de l'emprunt devaient être pris en compte dans le passif de la société Pharmacie X... et Y..., ce que le plan de sauvegarde n'avait pas fait, l'économie globale dudit plan ne serait pas modifiée, seule la dernière échéance devant alors être augmentée, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Pharmacie X... et Y... serait en mesure de payer cette dernière échéance qui serait portée de 1 734 835,60 euros à 1 914 509,53 euros, ce qui correspondrait à une augmentation de 179 673,93 euros, portant l'insuffisance de financement à 571 580,93 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 620-1, L. 626-1 et L. 626-2 du code de commerce ;

2°/ que la procédure de sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif ; qu'un plan de sauvegarde ne peut pas prévoir la cession totale de l'entreprise, seules étant admises les cessions d'une ou de plusieurs branches d'activité de l'entreprise ; qu'en décidant néanmoins que le plan de sauvegarde de la société Pharmacie X... et Y... pouvait prévoir la cession de son fonds de commerce, ce qui constituait une cession totale de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 620-1, L. 626-1 et L. 626-2 du code de commerce ;

3°/ que la procédure de sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif ; qu'en se bornant à affirmer que la cession du fonds de commerce devrait être réalisée moyennant un prix de 2 000 000 euros en 2022, pour en déduire une possibilité sérieuse pour l'entreprise de poursuivre son activité, sans indiquer d'où il ressortait que cette cession pourrait être réalisée à un tel prix en 2022, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en retenant, pour se prononcer sur les prétendues possibilités sérieuses pour l'entreprise d'être sauvegardée, que « rien ne permet tait de penser que la baisse du chiffre d'affaires se poursuivra it inexorablement », la cour d'appel s'est déterminée par un motif dubitatif et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en retenant de surcroît, pour justifier le doute ainsi exprimé sur la poursuite inexorable de la baisse du chiffre d'affaires de la débitrice, que cette dernière exploitait « une officine de pharmacie implantée dans le centre d'une métropole régionale », la cour d'appel s'est déterminée par un motif abstrait et d'ordre général, pris exclusivement de la nature de l'activité exercée et de la situation géographique du fonds et ne comportant aucune analyse circonstanciée, et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 583, alinéa 2, du code de procédure civile et L. 661-3 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, que le créancier n'est recevable à former tierce opposition contre le jugement arrêtant le plan de sauvegarde de son débiteur que s'il invoque un moyen qui lui est propre ; que la société Interfimo, qui soutenait que le plan arrêté par le tribunal ne constituait pas une possibilité sérieuse de redressement de la société et méconnaissait les impératifs dictés par les textes, n'invoquait aucun moyen qui lui fût propre, de sorte que sa tierce opposition était irrecevable ; que le moyen, qui critique les motifs par lesquels les juges ont statué sur le fond pour rejeter la tierce opposition, est dès lors inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne les sociétés Interfimo et Crédit Lyonnais aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne chacune à payer à la société Pharmacie X... et Y... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille seize.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit aux pourvois principaux n° V 14-11.298 et V 14-13.690 par la SCP Richard, avocat aux Conseils pour la société Interfimo

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la tierce opposition formée par la Société INTERFIMO à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 10 mai 2012 ayant arrêté le plan de sauvegarde présenté par la Société PHARMACIE X... ET Y... ;

AUX MOTIFS QUE la Société INTERFIMO fait grief au plan de ne pas tenir compte de l'intégralité du passif, ayant minoré la créance du CREDIT LYONNAIS qui serait de 2.915.792,76 euros, soit :
- échéances impayées au 10 mai 2012 : 857.745,86 euros,
- capital restant dû à la date d'homologation du plan : 1.541.553,36 euros,
- intérêts aux taux de 2 % sur toute la durée du plan : 516.493,34 euros ;
que le plan a retenu une créance du CREDIT LYONNAIS de 2.500.511,85 euros ainsi composée :
- déclaration CREDIT LYONNAIS (hors intérêts) : 1.992.100,84 euros,
- déclaration INTERFIMO (impayés au jour de l'ouverture de la sauvegarde) : 297.296,82 euros,
- frais financiers à courir : 211.114,19 euros ;

que la différence entre les deux évaluations, soit la somme de 415.280,91 euros, tient au calcul d'intérêts auquel se livre la banque alors qu'elle ne l'avait pas précisé au stade des productions mentionnant les intérêts pour mémoire ; que ce calcul est contesté tant par la société débitrice que par les organes de la procédure ; que des parts d'assurances non échus sont aussi prises en compte par la Société INTERFIMO ; que la Cour relève que le Tribunal s'est penché sur la question du passif, l'a déjà expurgé des montants déclarés par les cautions, qui faisaient double emploi avec la créance déclarée par le CREDIT LYONNAIS, qu'il a pris en compte la renonciation de Monsieur X... et Madame Y... au bénéfice de leur compte-courant jusqu'à l'issue du plan, ainsi que les ajustements à la hausse des créances déclarées (notamment celle du CREDIT LYONNAIS) et a abouti à l'estimation réaliste d'un passif de 3.038.213,92 euros, intérêts et frais financiers du CREDIT LYONNAIS compris ; qu'à supposer que les intérêts réclamés par le CREDIT LYONNAIS soient finalement retenus pour partie ou même pour le tout, cela ne modifierait pas l'économie globale du plan de sauvegarde mais viendrait uniquement augmenter la dernière échéance sur laquelle il sera bientôt statué ; que sur le caractère incertain des éléments retenus, l'action en responsabilité engagée contre le banquier ayant échoué à ce stade, la Société INTERFIMO et le CREDIT LYONNAIS font valoir que le plan repose pour plus de la moitié sur une dernière échéance de 1.734.835,60 euros, qui doit être encore augmentée des intérêts non pris en compte, laquelle échéance suppose pour être honorée que l'officine soit réalisée dans des conditions optimales à l'issue du plan ou que sa dette soit alors refinancée, ce qui est incertain ; que la Cour retient que la perspective d'une cession d'un fonds de commerce acquis en 2006 au prix total de 3.369.656 euros qui devrait intervenir en 2022 pour un prix d'environ 2.000.000 euros constitue une possibilité sérieuse au sens de l'article L. 626-1 du Code de commerce, laquelle ne se fonde pas sur des éléments incertains mais au contraire prend suffisamment acte d'une dépréciation que justifie la baisse du chiffre d'affaire dont rien ne permet de penser qu'elle se poursuivra inexorablement, s'agissant d'une officine de pharmacie implantée dans le centre d'une métropole régionale ; qu'il convient en effet de relever que la loi n'exige qu'une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée et non une certitude et que si pour la Société INTERFIMO et le CREDIT LYONNAIS la cession rapide apporterait une certitude de paiement compte tenu des garanties dont ces organismes disposent alors que le plan ne constitue pour eux qu'une possibilité fut-elle sérieuse d'être réglés, il n'en va pas de même pour les autres créanciers lesquels représentent près de 500.000 euros et n'auraient aucune chance sérieuse d'être payés en cas de cession rapide alors que le plan pourra les remplir de leurs droits ; que sur les perspectives de sauvegarde, la Société INTERFIMO et le CREDIT LYONNAIS reprochent encore au plan de sauvegarde de ne pas tendre à la pérennité de l'entreprise au sortir du plan puisqu'il prévoit une cession à cette échéance et ainsi de ne constituer qu'un plan d'apurement du passif ; que l'article L 620-1 du Code de commerce commande aux juges de s'attacher à la poursuite de l'activité économique, au maintien de l'emploi et à l'apurement du passif, alors que l'article L 626-1 du même code leur fait obligation de vérifier qu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée ; que, comme il a été dit, le plan réalise l'objectif d'apurement du passif ; qu'il permet aussi de conserver 5 emplois salariés, outre l'activité des deux associés et ce, sur une période de 10 ans et prévoit à son terme la poursuite de l'activité économique par une cession de l'officine à défaut de refinancement de la dette ; qu'ainsi, les prescriptions légales se trouvent respectées, la loi ne visant pas à la pérennité de la société commerciale en cause mais de l'entreprise et recherchant, à travers la persistance de cette dernière, la poursuite de l'activité économique au-delà du plan dans l'intérêt notamment des salariés ; qu'il est dès lors parfaitement loisible à un entrepreneur de se placer sous la protection offerte par le régime de la sauvegarde afin de disposer de 10 ans pour exercer son activité et à l'issue, choisir de la céder ou de s'endetter à nouveau, pour autant qu'il veille, au moyen des modalités du plan de sauvegarde, à apurer le passif durant le plan et au-delà à garantir la poursuite de l'activité économique et à maintenir l'emploi, comme c'est le cas en l'espèce ;

1°) ALORS QUE la procédure de sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif ; qu'un plan de sauvegarde n'est arrêté que s'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que le plan de sauvegarde devait être adopté, que si les intérêts de l'emprunt devaient être pris en compte dans le passif de la Société PHARMACIE X... ET Y..., ce que le plan de sauvegarde n'avait pas fait, l'économie globale dudit plan ne serait pas modifiée, seule la dernière échéance devant alors être augmentée, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la Société PHARMACIE X... ET Y... serait en mesure de payer cette dernière échéance qui serait portée de 1.734.835,60 euros à 1.914.509,53 euros, ce qui correspondrait à une augmentation de 179.673,93 euros, portant l'insuffisance de financement à 571.580,93 euros, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 620-1, L 626-1 et L 626-2 du Code de commerce ;

2°) ALORS QUE la procédure de sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif ; qu'un plan de sauvegarde ne peut pas prévoir la cession totale de l'entreprise, seules étant admises les cessions d'une ou de plusieurs branches d'activité de l'entreprise ; qu'en décidant néanmoins que le plan de sauvegarde de la Société PHARMACIE X... ET Y... pouvait prévoir la cession de son fonds de commerce, ce qui constituait une cession totale de l'entreprise, la Cour d'appel a violé les articles L 620-1, L 626-1 et L 626-2 du Code de commerce ;

3°) ALORS QUE, subsidiairement, la procédure de sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif ; qu'en se bornant à affirmer que la cession du fonds de commerce devrait être réalisée moyennant un prix de 2.000.000 euros en 2022, pour en déduire une possibilité sérieuse pour l'entreprise de poursuivre son activité, sans indiquer d'où il ressortait que cette cession pourrait être réalisée à un tel prix en 2022, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.

Moyen produit au pourvoi incident n° V 14-13.690 par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils pour la société Crédit Lyonnais

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté le Crédit Lyonnais de ses demandes tendant, notamment, à la réformation du jugement rendu le 20 décembre 2012 par le tribunal de commerce de Marseille, ayant rejeté la tierce opposition formée par la société Interfimo à l'encontre du précédent jugement rendu le 10 mai 2012, par lequel la même juridiction avait arrêté le plan de sauvegarde présenté par la société Pharmacie X... et Y... ;

AUX MOTIFS QUE la société Interfimo faisait grief au plan de ne pas tenir compte de l'intégralité du passif, ayant minoré la créance du Crédit Lyonnais qui serait de 2.915.792,76 euros, soit : - échéances impayées au 10 mai 2012 : 857.745,86 euros, - capital restant dû à la date d'homologation du plan : 1.541.553,36 euros, - intérêts aux taux de 2 % sur toute la durée du plan : 516.493,34 euros ; que le plan avait retenu une créance du Crédit Lyonnais de 2.500.511,85 euros ainsi composée : - déclaration Crédit Lyonnais (hors intérêts) : 1.992.100,84 euros, - déclaration Interfimo (impayés au jour de l'ouverture de la sauvegarde) : 297.296,82 euros, - frais financiers à courir : 211.114,19 euros ; que la différence entre les deux évaluations, soit la somme de 415.280,91 euros, tenait au calcul d'intérêts fait par la banque alors qu'elle ne l'avait pas précisé dans les productions mentionnant les intérêts pour mémoire ; que ce calcul était contesté tant par la débitrice que par les organes de la procédure ; que des parts d'assurances non échues étaient aussi prises en compte par Interfimo ; que le tribunal s'était penché sur la question du passif, l'avait déjà expurgé des montants déclarés par les cautions, qui faisaient double emploi avec la créance déclarée par le Crédit Lyonnais, qu'il avait pris en compte la renonciation de monsieur X... et madame Y... au bénéfice de leur compte-courant jusqu'à l'issue du plan, ainsi que les ajustements à la hausse des créances déclarées (notamment celle du Crédit Lyonnais) et avait abouti à l'estimation réaliste d'un passif de 3.038.213,92 euros, intérêts et frais financiers du Crédit Lyonnais compris ; qu'à supposer que les intérêts réclamés par le Crédit Lyonnais soient finalement retenus pour partie ou même pour le tout, cela ne modifierait pas l'économie globale du plan de sauvegarde mais viendrait uniquement augmenter la dernière échéance ; que sur le caractère incertain des éléments retenus, Interfimo et le Crédit Lyonnais faisaient valoir que le plan reposait pour plus de la moitié sur une dernière échéance de 1.734.835,60 euros, qui devait être encore augmentée des intérêts non pris en compte, échéance supposant pour être honorée que l'officine soit réalisée dans des conditions optimales à l'issue du plan ou que sa dette soit alors refinancée, ce qui était incertain ; que la perspective d'une cession d'un fonds de commerce acquis en 2006 au prix total de 3.369.656 euros qui devrait intervenir en 2022 pour un prix d'environ 2.000.000 euros constituait une possibilité sérieuse au sens de l'article L. 626-1 du code de commerce, laquelle ne se fondait pas sur des éléments incertains mais au contraire prenait suffisamment acte d'une dépréciation que justifiait la baisse du chiffre d'affaire dont rien ne permettait de penser qu'elle se poursuivrait inexorablement, s'agissant d'une officine de pharmacie implantée dans le centre d'une métropole régionale ; qu'il convenait de relever que la loi n'exigeait qu'une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée et non une certitude et que si pour Interfimo et le Crédit Lyonnais la cession rapide apporterait une certitude de paiement alors que le plan ne constituait pour eux qu'une possibilité d'être réglés, il n'en allait pas de même pour les autres créanciers lesquels représentaient près de 500.000 euros et n'auraient aucune chance sérieuse d'être payés en cas de cession rapide alors que le plan pourrait les remplir de leurs droits ; que sur les perspectives de sauvegarde, Interfimo et le Crédit Lyonnais reprochaient au plan de sauvegarde de ne pas tendre à la pérennité de l'entreprise au sortir du plan puisqu'il prévoyait une cession à cette échéance et ainsi de ne constituer qu'un plan d'apurement du passif ; que l'article L.620-1 du code de commerce commandait aux juges de s'attacher à la poursuite de l'activité économique, au maintien de l'emploi et à l'apurement du passif, alors que l'article L.626-1 du même code leur faisait obligation de vérifier qu'il existait une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée ; que, comme il avait été dit, le plan réalisait l'objectif d'apurement du passif ; qu'il permettait aussi de conserver cinq emplois salariés, outre l'activité des deux associés et ce, sur une période de 10 ans et prévoyait à son terme la poursuite de l'activité économique par une cession de l'officine à défaut de refinancement de la dette ; qu'ainsi, les prescriptions légales se trouvaient respectées, la loi ne visant pas à la pérennité de la société commerciale en cause mais de l'entreprise et recherchant, à travers la persistance de cette dernière, la poursuite de l'activité économique au-delà du plan dans l'intérêt notamment des salariés ; qu'il était dès lors loisible à un entrepreneur de se placer sous la protection du régime de la sauvegarde afin de disposer de dix ans pour exercer son activité et à l'issue, choisir de la céder ou de s'endetter à nouveau, pour autant qu'il veillait, au moyen des modalités du plan de sauvegarde, à apurer le passif durant le plan et au-delà à garantir la poursuite de l'activité économique et à maintenir l'emploi, comme en l'espèce (arrêt, pp. 7 et 8) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE la procédure de sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif ; qu'un plan de sauvegarde ne peut être valablement arrêté que s'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que le plan de sauvegarde devait être adopté, que si les intérêts de l'emprunt devaient être pris en compte dans le passif de la société Pharmacie X... et Y..., ce que le plan de sauvegarde n'avait pas fait, l'économie globale dudit plan ne serait pas modifiée, seule la dernière échéance devant alors être augmentée, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Pharmacie X... et Y... serait en mesure de payer cette dernière échéance, laquelle serait portée de 1.734.835,60 euros à 1.914.509,53 euros, ce qui correspondrait à une augmentation de 179.673,93 euros, portant l'insuffisance de financement à 571.580,93 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.620-1, L.626-1 et L.626-2 du code de commerce ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU'un plan de sauvegarde ne peut pas prévoir la cession totale de l'entreprise, seules étant admises les cessions d'une ou de plusieurs branches d'activité de l'entreprise ; qu'en décidant néanmoins que le plan de sauvegarde de la société Pharmacie X... et Y... pouvait prévoir la cession de son fonds de commerce, ce qui constituait une cession totale de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L.620-1, L.626-1 et L.626-2 du code de commerce ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en se bornant à affirmer que la cession du fonds de commerce devrait être réalisée moyennant un prix de 2.000.000 euros en 2022, pour en déduire une possibilité sérieuse pour l'entreprise de poursuivre son activité, sans indiquer d'où il ressortait que cette cession pourrait être réalisée à un tel prix à une échéance aussi lointaine, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en retenant, pour se prononcer sur les prétendues possibilités sérieuses pour l'entreprise d'être sauvegardée, que « rien ne permet tait de penser que la baisse du chiffre d'affaires se poursuivra it inexorablement », la cour d'appel s'est déterminée par un motif dubitatif et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, EN CINQUIEME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en retenant de surcroît, pour justifier le doute ainsi exprimé sur la poursuite inexorable de la baisse du chiffre d'affaires de la débitrice, que cette dernière exploitait « une officine de pharmacie implantée dans le centre d'une métropole régionale », la cour d'appel s'est déterminée par un motif abstrait et d'ordre général, pris exclusivement de la nature de l'activité exercée et de la situation géographique du fonds et ne comportant aucune analyse circonstanciée, et a violé l'article 455 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2016:CO00096
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