Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 janvier 2016, 14-23.621, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu les articles 2 et 7 b de la loi du 6 juillet 1989 dans leur rédaction applicable à la cause ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que le titre 1er de la loi du 6 juillet 1989 s'applique aux locaux à usage d'habitation principale ; que, selon le second, le locataire est obligé d'user des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2014), que Mme X..., usufruitière d'un appartement situé à Paris, l'a donné à bail à usage d'habitation à M. Y..., interdiction lui étant faite de sous-louer, céder ou prêter les locaux, même temporairement, en totalité ou en partie ; que M. Y... a autorisé son neveu M. Z... à y demeurer avec sa compagne ; que M. A... B..., devenu propriétaire du bien après le décès de sa mère, a assigné M. Y... et son neveu M. Z..., ainsi que son frère M. C... B... en nullité du bail et subsidiairement en résiliation de celui-ci ;

Attendu que, pour rejeter la demande de résiliation du bail, la cour d'appel retient que certes M. Y... a attesté avoir hébergé son neveu M. Z... et la compagne de celui-ci dans le logement litigieux, mais qu'aucun élément n'accrédite l'existence d'une sous-location, qui supposerait le paiement d'un sous-loyer, dès lors que sur sommation interpellative qui lui a été délivrée le 3 avril 2009, M. Z... a déclaré qu'il demeurait à titre gratuit avec son oncle M. Y... et qu'en outre, même si M. Y... demeure à La Réunion, il indique lui-même venir régulièrement à Paris et utiliser le logement en cause comme pied-à-terre, qu'aucun élément ne démontre une absence totale d'occupation du logement par M. Y..., même s'il ne l'occupe pas de façon continue, que de surcroît M. A... B... indique lui-même dans ses écritures que M. Z... n'occupe plus les lieux et qu'ainsi, M. B... n'établit pas que M. Y... a sous-loué ou prêté le logement à son neveu, M. Z... ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que M. Y... était domicilié à La Réunion et utilisait le logement comme pied-à-terre tandis que son neveu avait déclaré y demeurer, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que M. Y... n'occupait pas effectivement et personnellement le logement et l'avait laissé à la disposition de tiers, a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen et sur les deuxième et troisième branches du second moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. B... de sa demande de prononcé de la résiliation judiciaire du bail et d'expulsion, l'arrêt rendu le 18 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. C... B..., M. Y... et M. Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. C... B..., M. Y... et M. Z... à payer la somme de 3 000 euros à M. A... B... ; rejette la demande de M. C... B..., M. Y... et M. Z... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. A... B....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur A... B... de sa demande tendant à voir annuler le contrat de bail du 30 septembre 2007 prétendument conclu entre Madame Sirine X... et Monsieur Jocelyn Y... ;

AUX MOTIFS QUE M. A... B... ne conteste pas véritablement que le bail litigieux, donnant en location à M. Jocelyn Y... pour une durée de trois ans à compter du 1er octobre 2007 le logement situé bâtiment B, 5ème étage, ... à Paris 14ème, a été conclu par sa mère, Mme Sirine X..., alors usufruitière de l'appartement, comme le confirme l'expertise graphologique de M. D..., missionné par M. A... B... lui-même ; qu'il prétend que le bail a été rédigé par M. C... B..., c'est-à-dire en réalité, s'agissant d'un formulaire de bail pré-imprimé visant les dispositions de la loi du 6 juillet 1989, que celui-ci a renseigné les différents rubriques du bail (parties, adresse et consistance des locaux, date d'effet et durée du bail, loyer et charges), ce qui serait en adéquation avec la mention manuscrite portée sur le bail et suivant laquelle Mme B..., née X... Sirine, est " éventuellement représentée " par M. B... C... ; que, toutefois, les deux rapports d'identification d'écriture, versés aux débats par les intimés et établis par Mme E..., graphologue, expert près la cour d'appel de Paris, et Mme F..., graphologue, contredisent cette thèse ; qu'en tout état de cause, en admettant même qu'elle soit avérée, il ne pourrait en être déduit que le consentement de Mme X... a été vicié lors de la conclusion du bail ; que M. A... B... ne caractérise, ni n'établit l'existence de manoeuvres dolosives de la part de M. C... B... ou de M. Y..., locataire, vis à vis de Mme X... ; que les conditions d'occupation de l'appartement par M. Z... et non par le locataire en titre, alléguées par M. A... B..., sont sans incidence sur la régularité de la conclusion du bail ; que, pour établir que Mme Sirine X... était dans l'incapacité de consentir de façon éclairée le bail litigieux, M. A... B... produit un compte rendu de consultation du 11 mai 2005 établi par le docteur G..., qui indique qu'elle a reçu Mme B... Sirine, âgée de 86 ans, pour un bilan gériatrique, que celle-ci, se trouvant en vacances chez sa fille Yasmine, a actuellement perdu ses repères, présente une désorientation spatiale et des symptômes dépressifs ainsi qu'un ralentissement idéomoteur, que " l'évaluation de l'autonomie montre une échelle IALD très basse ", un déficit de la mémoire épisodique et qu'elle semble dormir à peu près correctement avec le Lexomyl ; qu'il produit un certificat médical établi le 17 avril 2008 par le docteur H..., qui indique qu'il suit Mme Sirine X... depuis trois ans et constate une dégradation sévère de son autonomie tant physique que psychique, ce qui nécessite des soins de nursing quotidiens et une présence permanente et qu'elle présente tous les signes d'une maladie d'Alzeimer évolutive ; que Monsieur B... produit une attestation de M. Salim B... en date du 1er septembre 2010, aux termes de laquelle il indique qu'« en 2007, C... m'a affirmé qu'il allait bloquer l'appartement que possède A... à Paris, Et c'est ce qu'il a fait en y installant le fils de M. Z... et il a ajouté qu'il briserait A... » ; que les intimés produisent aussi une lettre adressée le 30 octobre 2006 par le docteur I... au docteur J..., qui indique que Mme Sirine B... a été hospitalisée du 17 au 298 octobre 2006 pour une broncho-pneumonie virale, qu'elle a récupéré une autonomie dans sa vie quotidienne et qu'elle présente une intolérance aux anxiolytiques avec un syndrome confusionnel du au Lexomyl, qui a été régressif dès l'arrêt de ce médicament ; que bail a été conclu le 30 septembre 2007, soit à une période comprise entre l'établissement du compte rendu de consultation du 11 mai 2005 (plus de deux ans après) et la lettre du docteur I... du 30 octobre 2006 ; qu'au vu de ces documents médicaux contradictoires entre eux, comme le sont aussi les attestations émanant de proches ou de membres de la famille, dont la sincérité est sujette à caution dans le contexte des relations conflictuelles infra familiales qui ressort de leur teneur, et observation faite que la lettre du docteur I... fait état de la régression du syndrome confusionnel dés l'arrêt de la prise du Lexomyl, il n'est pas établi avec suffisamment de certitude que, lors de la conclusion du bail, Mme Sirine X... était dans un état psychique tel qu'elle était incapable de donner un consentement éclairé à la mise en location du logement litigieux ; qu'enfin, la circonstance que le loyer prévu dans le bail serait largement inférieur à la valeur locative du logement ne prive pas de cause le contrat ; qu'en conséquence, pour l'ensemble de ces motifs, il n'y a pas lieu d'annuler le contrat de bail litigieux ;

1°) ALORS QU'il n'y a point de convention sans le consentement de celui qui s'oblige ; que Monsieur A... B... faisait valoir que sa mère n'avait pu donner son consentement au contrat de bail du 30 septembre 2007 du fait de son illettrisme, celle-ci ne sachant ni lire, ni écrire ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, il n'y a point de consentement valable si le consentement a été surpris par dol ; qu'en se bornant, pour décider que le consentement de Madame X... n'avait pas été vicié, à énoncer que les conditions d'occupation de l'appartement par Monsieur Z... et non par le locataire en titre étaient sans incidence sur la régularité de la conclusion du bail, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Madame X... aurait refusé de donner le logement à bail à Monsieur Y...si elle avait su qu'il serait occupé l'essentiel du temps par Monsieur Z..., de sorte que son consentement avait été surpris, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1116 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur A... B... de sa demande de résiliation judiciaire du bail conclu le 30 septembre 2007 entre Madame Sirine X... et Monsieur Jocelyn Y... ;

AUX MOTIFS QUE la demande en résiliation de bail formée par M. A... B... pour non-paiement des loyers n'est pas fondée ; qu'en effet, M. A... B... ne fournit aucune réclamation adressée à M. Y... pour obtenir le paiement du loyer du logement litigieux ; qu'en revanche, M. Jocelyn Y... produit la copie de deux lettres qu'il a adressées en recommandée, d'abord le 16 juillet 2010 à Maître Hoarau, avocat, pour lui demander en substance à qui il devait régler le loyer face à la réclamation, également produite, que lui avait adressée M. Firozaly B... le 27 mai 2010 pour obtenir lui-même le paiement des loyers en tant que titulaire de 50 % des droits indivis sur l'appartement, puis, le 14 septembre 2010, à M. A... B... pour lui rappeler que ni maître Hoarau, ni M. A... B... ne lui avait communiqué le relevé d'identité bancaire pour qu'il règle le loyer de l'appartement et pour lui demander de l'éclairer sur la procédure à suivre ; que M. A... B... ne prétend, ni n'établit qu'une réponse à ces deux lettres a été transmise à M. Y... et qu'un relevé d'identité bancaire de M. A... B... lui a été fourni ; qu'en outre, face à ces difficultés pour régler matériellement le loyer auprès de deux personnes se disant propriétaires du logement, M. Y... a consigné la somme de 2 800 euros auprès de son conseil ; que, dans de telles circonstances, il ne peut être valablement reproché à M. Y... de ne pas être à jour du règlement des loyers ; que la demande de résiliation du bail pour sous-location, cession du bail ou prêt du logement n'est pas davantage fondée au vu des pièces versées aux débats ; qu'en effet, certes, M. Y... a attesté avoir hébergé son neveu M. Z... et la compagne de celui-ci dans le logement litigieux ; qu'aucun élément n'accrédite l'existence d'une sous location au profit de M. Z..., ce qui supposerait le paiement d'un sous-loyer ; qu'à cet égard, sur sommation interpellative qui lui a été délivrée le 3 avril 2009, M. Z... a déclaré qu'il demeurait à titre gratuit avec son oncle M. Y... ; qu'en outre, même si M. Y... demeure à La Réunion, il indique lui même venir régulièrement à Paris et utiliser le logement en cause comme pied à terre ; qu'aucun élément ne démontre une absence totale d'occupation du logement par M. Y..., même si celui-ci ne l'occupe pas de façon continue, M. Y... établissant d'ailleurs qu'il est assujetti au paiement de la taxe d'habitation pour ce logement ; que, de surcroît, M. A... B... indique lui même dans ses écritures que M. Z... n'occupe plus les lieux ; qu'ainsi, M. A... B... n'établit pas que M. Y... a sous-loué ou prêté le logement à son neveu, M. Z... ; qu'en conséquence, M. B... sera débouté de sa demande de résiliation du bail ;

1°) ALORS QUE le preneur d'un bail d'habitation a l'obligation d'occuper personnellement et effectivement les locaux loués à usage d'habitation principale ; qu'en déboutant Monsieur B... de sa demande en résiliation du bail du 30 septembre 2007, motif pris qu'aucun élément n'était de nature à établir une absence totale d'occupation du logement, objet du bail, par Monsieur Y..., après avoir pourtant constaté que celui-ci demeurait à La Réunion et qu'il n'utilisait ce logement que comme un pied-à-terre, ce dont il résultait qu'il ne l'occupait pas effectivement à usage d'habitation principale et qu'en revanche, le logement était occupé de manière permanente par des tiers, Monsieur Z... et sa compagne, la Cour d'appel a violé les articles 7, 8 et 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;

2°) ALORS QUE la consignation des loyers sans autorisation préalable n'est pas libératoire ; qu'en énonçant qu'il ne pouvait être reproché à Monsieur Y...un défaut de paiement des loyers, motif pris qu'il avait consigné la somme de 2. 800 euros auprès de son conseil, tandis que la consignation de loyers auprès d'un tiers sans autorisation préalable n'est pas libératoire, la Cour d'appel a violé les articles 7 et 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;

3°) ALORS QUE, subsidiairement, en se bornant, pour estimer qu'il ne pouvait être reproché à Monsieur Y...de ne pas avoir réglé les loyers, à énoncer que celui-ci avait consigné la somme 2. 800 euros auprès de son conseil, sans rechercher si cette somme était suffisante pour régler l'intégralité des loyers du mois d'avril 2010 au mois de septembre 2013 et si, en s'abstenant d'acquitter ou de payer ou même de consigner la totalité des loyers, Monsieur Y...avait commis une faute justifiant la résiliation du bail, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 7 et 15 de la loi n° 89-462 du juillet 1989.

ECLI:FR:CCASS:2016:C300076
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