Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 décembre 2015, 14-26.593, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 17 septembre 2014), que, suivant acte notarié du 30 mai 2007, la société Laser Cofinoga (la banque) a consenti à M. et Mme X...(les emprunteurs) un prêt d'un montant de 161 820 euros, garanti par une hypothèque ; qu'après avoir prononcé la déchéance du terme et signifié un commandement de payer valant saisie immobilière, la banque a assigné les emprunteurs à l'audience d'orientation, lesquels ont sollicité, à titre reconventionnel, la déchéance du droit aux intérêts du prêteur ;

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que si les parties sont libres, sauf disposition contraire de la loi, de soumettre volontairement aux régimes de protection définis par le code de la consommation les contrats de crédit qui n'en relèvent pas, cette soumission doit résulter d'une manifestation de volonté dépourvue d'équivoque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déduit la volonté des parties de soumettre le contrat de prêt du 30 mai 2007, d'un montant de 161 820 euros, aux dispositions du code de la consommation relative au crédit à la consommation, de la seule mention, en nature du prêt : « prêt à la consommation » ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à caractériser une manifestation de volonté dépourvue d'équivoque des parties de soumettre le contrat du 30 mai 2007 aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 311-1 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction applicable en la cause ;

2°/ que la soumission volontaire implique une application intégrale du régime applicable à tel type de crédit sans possibilité d'évincer l'application de certaines règles ; que les règles propres au crédit à la consommation excluant les crédits d'un montant supérieur à 21 500 euros, la soumission volontaire à ces règles implique, précisément, de ne pas appliquer le régime de protection au crédit d'un montant supérieur à ce plafond ; qu'en considérant en l'espèce que la dénomination « crédit à la consommation », caractérisant une soumission volontaire au régime du crédit à la consommation, impliquait nécessairement de ne pas considérer le dépassement du plafond de 21 500 euros, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une volonté spéciale de déroger à cette règle d'exclusion, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 311-3, 2° ancien du code de la consommation ;

3°/ que la renonciation à un droit peut être implicite dès lors qu'elle résulte d'un acte manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en considérant que le fait pour les emprunteurs d'avoir donné l'autorisation au notaire de verser dès le 22 novembre 2013, soit entre l'audience et le jugement d'orientation, les fonds de la vente amiable à la société Laser Cofinoga à hauteur de 181 947 euros, soit la somme due à la société Laser Cofinoga, intérêts et accessoires compris, ne les privait pas du droit de solliciter ensuite du juge de l'exécution la déchéance du droit aux intérêts, au motif inopérant qu'ils n'avaient pas renoncé expressément à poursuivre leur contestation initialement portée devant le juge de l'exécution, la cour d'appel, ignorant la théorie de la renonciation, a violé l'article 1134 du code civil ;

4°/ que le juge doit respecter les termes clairs et précis des écritures des parties ; qu'en retenant en l'espèce qu'il n'y avait pas de discussion sur le non-respect des dispositions du code de la consommation quand la banque, afin de voir les emprunteurs condamnés au paiement de l'indemnité contractuelle de déchéance, soutenait que l'article L. 311-33 du code de la consommation n'impose pas de mentionner dans l'offre préalable les clauses sanctionnant l'inexécution du contrat et que ces clauses avaient été précisément portées à la connaissance des emprunteurs pour figurer au paragraphe « exigibilité et résiliation » du contrat de prêt annexé à l'acte authentique, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que l'arrêt retient, par des motifs non critiqués, que le prêt est soumis aux règles régissant le crédit à la consommation, par application de l'article L. 311-3, 1° du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, comme ayant été passé en la forme authentique et ayant fait l'objet d'une inscription hypothécaire conventionnelle au profit de la banque ;

Attendu, ensuite, qu'ayant constaté que les emprunteurs n'avaient pas renoncé expressément et irrévocablement à poursuivre leur contestation formée devant le juge de l'exécution, la cour d'appel a pu retenir que le seul fait qu'ils aient donné leur accord au versement, à la banque, du prix du bien vendu à l'amiable, ne les privait pas de voir tranchée la contestation dont le juge demeurait saisi, faisant ainsi ressortir que cette seule circonstance ne caractérisait pas une renonciation tacite et non équivoque à invoquer les contraventions au code de la consommation commises par la banque ;

Attendu, enfin, qu'en constatant que la banque ne contestait pas ne pas avoir soumis aux emprunteurs une offre préalable conforme aux articles L. 311-8 à L. 311-13 du code précité, la cour d'appel n'a pas modifié l'objet du litige ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Laser Cofinoga aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Laser Cofinoga, condamne celle-ci à payer la somme globale de 3 000 euros à M. et Mme X...;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Laser Cofinoga

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la déchéance du droit aux intérêts en application de l'article L. 311-33 ancien du code de la consommation et d'AVOIR fixé la créance de la société Laser Cofinoga sur M. et Mme X...à la somme de 94 349, 56 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2012 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur l'application des dispositions du code de la consommation Selon l'article L. 311-3 alinéa 1 dans sa rédaction ancienne issue de la loi du 23 mars 2006, et alors applicable, « sont exclus du champ d'application du présent chapitre, 1° les prêts, contrats et opérations de crédit passés en la forme authentique sauf s'il s'agit de crédit hypothécaire ¿ » ; Or, le prêt consenti aux époux X...a fait l'objet d'une inscription hypothécaire conventionnelle du 30 mai 2007 publiée auprès de la conservation des hypothèques de Cahors le 26 juin 2007 au bénéfice de la SA Laser Cofinoga, et ce conformément à la mention de prêt à la consommation portée à l'acte authentique par le notaire, Maître Bernard Y... (page 3 de l'acte), ce d'autant que, par cette seule mention, les parties, qui ont entendu conventionnellement soumettre le prêt aux dispositions du code de la consommation, ne sont plus tenues au montant de 21 500 euros prévu par la loi ;

Sur la déchéance du droit aux intérêts La société Laser Cofinoga soutient que les époux X...qui ont donné l'autorisation au notaire de verser les fonds de la vente ne sauraient désormais contester le montant qui leur a été transmis, qu'ils sont irrecevables à solliciter la déchéance du droit aux intérêts. Pour autant, il ressort du jugement avant dire droit du 29 novembre 2013 que les époux X...entendaient soulever la déchéance du droit aux intérêts quant au prêt objet de la garantie hypothécaire. Si le juge de l'exécution a autorisé la vente amiable, pour autant, il a aussi sursis à statuer sur les demandes des époux X.... Ainsi, la vente est régie par les dispositions de l'article R. 322-20 du code des procédures civiles d'exécution, de sorte que, si la procédure de vente est suspendue, les contestations formulées dès l'audience d'orientation sont toujours recevables, puisque selon les dispositions de l'article R. 322-21 du même code, il n'appartient qu'au juge de l'exécution de suivre la vente. De sorte que, dans le cas de l'espèce, à défaut d'avoir pour les époux X...renoncé expressément et irrévocablement à poursuivre leur contestation initialement portée devant le juge de l'exécution, le fait qu'ils aient donné leur accord au versement du prix ne les prive pas de voir la contestation tranchée par le juge de l'exécution qui est demeuré saisi. Il n'y a pas de discussion sur le non-respect des dispositions du code de la consommation, de sorte que la société Laser Cofinoga encourt la sanction de l'article L. 311-33 ancien selon lequel « le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l ¿ emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû ». Ainsi, le prêteur qui n'a pas présenté à l'emprunteur une offre conforme ne peut réclamer que le capital restant dû, à l'exclusion de toute autre somme. En revanche, si les sommes perçues au titre des intérêts sont productives d'intérêts au taux légal, les sommes dues depuis la déchéance du terme sont également productives d'intérêts au taux légal. En conséquence, les époux X...sont redevables de la somme suivante, suivant tableau d'amortissement (pièce n° 1 intimé) :-14 964, 75 euros capital restant dû au 6 janvier 2012,-1 039, 91 euros capital échu et impayé, sous déduction :-1 442, 59 euros acompte,-51213, 22 euros intérêts perçus entre juillet 2007 et novembre 2011 dernière mensualité régulièrement payée (pièce n° 7, intimé), soit 94 349, 56 euros, somme qui portera intérêts au taux légal à la date de la mise en demeure du 12 juin 2012 » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la vente Il convient de constater que la vente a été régularisée. Contrairement à ce que prétend la société Laser Cofinoga, la signature de l'acte authentique de vente par les époux X...ne peut valoir, à défaut de cause particulière de l'acte, renonciation à leurs contestations sur la créance de Laser Cofinoga, signifiées préalablement par conclusions du 13/ 11/ 2013 dans le cadre de la procédure de saisie immobilière. Il y a donc lieu de statuer sur les contestations sur lesquelles il a été expressément sursis à statuer par jugement du 29/ 11/ 2013. Sur les contestations par les époux X...du montant de la créance Laser Cofinoga a accordé un prêt à la consommation aux époux X...par acte notarié de Me Y... du 30/ 05/ 2007 pour un montant de 161 820 euros outre intérêts au taux contractuel de 7, 30 %. Une offre préalable a été émise, elle est annexée à l'acte notarié. Le notaire avait identifié le prêt comme un prêt à la consommation. Le prêt ayant été passé en la forme authentique avec garantie hypothécaire, les dispositions des articles L. 311-3 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction applicable en l'espèce, peuvent être valablement invoquées par les époux X.... L'article L. 311-33 qui dispose que « Le prêteur qui accorde un crédit doit saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital, suivant l'échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts et qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû ». Il n'est pas démontré que l'offre a été remise en double exemplaire aux emprunteurs et qu'elle a été acceptée le 30/ 05/ 2007, soit plus de quinze jours après son émission comme l'exigent les articles L. 311-8 à L. 311-10. L'offre annexée à l'acte notarié ne comporte ni la mention de l'article L. 311-37 du code de la consommation et ni la possibilité d'un délai de rétractation de 7 jours prévu à l'article L. 311-15 du même code. Les dispositions du code de la consommation n'ayant pas été respectées, il convient de prononcer la déchéance du droit aux intérêts, des frais, des commissions et d'autres accessoires de toute nature, dont notamment l'indemnité contractuelle de déchéance de 8 % » ;

1°) ALORS QUE si les parties sont libres, sauf disposition contraire de la loi, de soumettre volontairement aux régimes de protection définis par le code de la consommation les contrats de crédit qui n'en relèvent pas, cette soumission doit résulter d'une manifestation de volonté dépourvue d'équivoque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déduit la volonté des parties de soumettre le contrat de prêt du 30 mai 2007, d'un montant de 161 820 euros, aux dispositions du code de la consommation relative au crédit à la consommation, de la seule mention, en nature du prêt : « Prêt à la consommation » ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à caractériser une manifestation de volonté dépourvue d'équivoque des parties de soumettre le contrat du 30 mai 2007 aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 311-1 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction applicable en la cause ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE la soumission volontaire implique une application intégrale du régime applicable à tel type de crédit sans possibilité d'évincer l'application de certaines règles ; que les règles propres au crédit à la consommation excluant les crédits d'un montant supérieur à 21 500 euros, la soumission volontaire à ces règles implique, précisément, de ne pas appliquer le régime de protection au crédit d'un montant supérieur à ce plafond ; qu'en considérant en l'espèce que la dénomination « Crédit à la consommation », caractérisant une soumission volontaire au régime du crédit à la consommation, impliquait nécessairement de ne pas considérer le dépassement du plafond de 21 500 euros, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une volonté spéciale de déroger à cette règle d'exclusion, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 311-3, 2° ancien du code de la consommation.

3°) ALORS QUE la renonciation à un droit peut être implicite dès lors qu'elle résulte d'un acte manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en considérant que le fait pour les époux X...d'avoir donné l'autorisation au notaire de verser dès le 22 novembre 2013, soit entre l'audience et le jugement d'orientation, les fonds de la vente amiable à la société Laser Cofinoga à hauteur de 181 947 euros, soit la somme due à la société Laser Cofinoga, intérêts et accessoires compris, ne les privait pas du droit de solliciter ensuite du juge de l'exécution la déchéance du droit aux intérêts, au motif inopérant qu'ils n'avaient pas renoncé expressément à poursuivre leur contestation initialement portée devant le juge de l'exécution, la cour d'appel, ignorant la théorie de la renonciation, a violé l'article 1134 du code civil ;

4°) ALORS QUE le juge doit respecter les termes clairs et précis des écritures des parties ; qu'en retenant en l'espèce qu'il n'y avait pas de discussion sur le non-respect des dispositions du Code de la consommation quand la société Laser Cofinoga, afin de voir les époux X...condamnés au paiement de l'indemnité contractuelle de déchéance, soutenait que l'article L. 311-33 du code de la consommation n'impose pas de mentionner dans l'offre préalable les clauses sanctionnant l'inexécution du contrat et que ces clauses avaient été précisément portées à la connaissance des emprunteurs pour figurer au paragraphe « exigibilité et résiliation » du contrat de prêt annexé à l'acte authentique, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2015:C101477
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