Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 17 décembre 2015, 12-20.672, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2012), que, le 1er février 1959, Lazare X... a pris à bail un logement soumis à la loi du 1er septembre 1948 dont M. Y... est devenu ultérieurement propriétaire ; que Lazare X... est décédé le 26 août 1994, laissant dans les lieux son épouse, Louisa X..., et son fils, M. Jean-Pierre X... ; que, le 25 novembre 2002, M. Y... a délivré à Louisa X... un congé sur le fondement de l'article 4 de la loi du 1er septembre 1948 ; que Louisa X... est décédée le 27 mars 2003 ; que, soutenant que M. Jean-Pierre X... était devenu occupant sans droit ni titre depuis cette date, M. Y... l'a assigné en expulsion ; qu'à titre reconventionnel, M. X... a sollicité des dommages-intérêts pour préjudice de jouissance, la remise des lieux en état et la remise des quittances de loyer à compter du 1er juillet 2003 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'ordonner son expulsion, alors, selon le moyen, que l'article 4 de la loi du 1er septembre 1948 attribue un droit au maintien dans les lieux loués à tous les occupants de bonne foi des locaux ; que sont réputés de bonne foi, notamment, les occupants qui, habitant dans les lieux en suite d'un bail écrit ou verbal, exécutent leurs obligations ; qu'en décidant que M. Jean-Pierre X... est devenu occupant sans droit ni titre du logement au décès de sa mère, alors qu'il occupait depuis l'origine ce logement, en suite du bail souscrit par son père au profit des six membres de sa famille, en exécutant les obligations nées de ce bail, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 4 de la loi du 1er septembre 1948 ;

Mais attendu que le droit au maintien dans les lieux ne bénéficie qu'à l'occupant de bonne foi disposant à l'origine d'un titre personnel de location ; qu'ayant constaté que le bail avait été signé par Lazare X... seul en qualité de preneur et exactement retenu qu'à son décès son épouse, cotitulaire du bail, était demeurée seule locataire, que le bail avait pris fin par l'effet du congé délivré le 25 novembre 2002 et que Louisa X..., devenue occupante de bonne foi, n'avait pu transmettre son droit au maintien dans les lieux à son fils qui ne figurait pas parmi les personnes énumérées par l'article 5 de la loi du 1er septembre 1948, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que M. X... était devenu occupant sans droit ni titre ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que, le premier moyen étant rejeté, le deuxième moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence est sans portée ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que, le premier moyen étant rejeté, la première branche qui invoque une cassation par voie de conséquence est sans portée ;

Et attendu qu'ayant exactement retenu que M. Y... n'avait commis aucune faute en délivrant à M. X..., qui était occupant sans droit ni titre, des reçus d'indemnité d'occupation et non des quittances de loyer, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la demande de dommages-intérêts de M. X... devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à Mmes Marie-Christine et Florence Y... et M. François Y... la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. Jean-Pierre X... est occupant sans droit ni titre de l'appartement situé à Paris, 1 rue du Liban (3e étage) depuis le 27 mars 2003 ;

AUX MOTIFS QU'il a été conclu le 1er février 1959 un contrat de bail soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948 au profit de Lazare X... portant sur le logement litigieux « à usage d'habitation personnelle et de celle de sa famille comprenant six personnes au moment de l'entrée en jouissance », le bail stipulant que « la location sera résiliée de plein droit à compter du premier jour du terme qui suivra le décès du preneur, en conséquence (de quoi), ses héritiers ne pourront se prévaloir des dispositions de l'article 1742 du code civil » ; qu'il se déduit de ces clauses expresses et non équivoques, d'une part, que seuls le bailleur et Lazare X... étaient cocontractants et, d'autre part, que les parties ont expressément exclu la transmission du bail par voie successorale alors en vigueur ; qu'au décès de Lazare X..., le 26 août 1994, Louisa X..., son épouse co-titulaire du bail en vertu de l'article 1751 du bail, est demeurée seule locataire ; que le bail a pris fin par l'effet du congé signifié à Louisa X... le 25 novembre 2002 sur le fondement de l'article 4 de la loi du 1er septembre 1948 ; qu'au décès de Louisa X..., occupante de bonne foi, le 27 mars 2003, le droit au maintien dans les lieux n'a pu qu'être légalement transmis et seulement aux personnes énumérées à l'article 5-1 de la loi précitée ; que M. Jean-Pierre X..., qui n'entre pas dans les prévisions de ce texte, est en conséquence devenu occupant sans droit ni titre du logement le 27 mars 2003 ;

ALORS QUE l'article 4 de la loi du 1er septembre 1948 attribue un droit au maintien dans les lieux loués à tous les occupants de bonne foi des locaux ; que sont réputés de bonne foi, notamment, les occupants qui, habitant dans les lieux en suite d'un bail écrit ou verbal, exécutent leurs obligations ; qu'en décidant que M. Jean-Pierre X... est devenu occupant sans droit ni titre du logement au décès de sa mère, alors qu'il occupait depuis l'origine ce logement, en suite du bail souscrit par son père au profit des six membres de sa famille, en exécutant les obligations nées de ce bail, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 4 de la loi du 1er septembre 1948.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de ses demandes d'exécution de travaux et de suspension corrélative du loyer et de sa demande de dommages et intérêts pour trouble de jouissance

AUX MOTIFS QUE M. X..., qui est occupant sans droit ni titre, est mal fondé à demander l'exécution de travaux dans le logement et la suspension corrélative du paiement du loyer, ainsi que l'indemnisation, à partir du 27 mars 2003, de trouble de jouissance ; qu'il sera débouté de ces demandes, le jugement étant confirmé et complété sur ce point ; qu'il n'est pas démontré que les désordres énoncés dans la lettre du préfet de police du 5 août 2011 (se référant à une mise en demeure du 27 septembre 2010) et exposés début 2009 devant le premier juge par M. X... existaient à la date à laquelle M. X... était occupant du chef de sa mère de sorte que la matérialité du préjudice invoqué pour la période antérieure au 27 mars 2003 n'est pas établie ; que la demande d'indemnisation de M. X..., en ce qu'elle se rapporte à cette période, sera également rejetée, le jugement étant aussi confirmé sur ce point ;

ALORS QUE M. X... étant titulaire d'un droit au maintien dans les lieux en vertu de l'article 4 de la loi du 1er septembre 1948, il était fondé à demander l'exécution de travaux dans le logement, ainsi que la suspension corrélative de son trouble de jouissance ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera celle du chef du second moyen, qui lui est indivisiblement lié, sur le fondement de l'article 624 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts pour carence du bailleur dans la remise de quittances ;

AUX MOTIFS QUE M. X... n'explique pas en quoi, en lui remettant des reçus d'indemnités d'occupation, et non des quittances de loyers, M. Y... a commis une faute ; que M. X... sera débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ; que le jugement sera confirmé sur ce point puisqu'en déboutant globalement M. X... de ses demandes, le tribunal d'instance a rejeté cette prétention, dont il était saisi, même s'il n'a assorti sa décision d'aucun motif ;

1°) ALORS QUE M. X... étant titulaire d'un droit au maintien dans les lieux en vertu de l'article 4 de la loi du 1er septembre 1948, il était fondé à se prévaloir des droits octroyés par le contrat de bail, tel celui d'obtenir la délivrance de quittances de loyer ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera celle du chef du troisième moyen, qui lui est indivisiblement lié, sur le fondement de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la fourniture par un débiteur contractuel d'une prestation distincte de celle qui est due ouvre droit à réparation au profit du créancier, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ; qu'en refusant ce droit à M. X... après avoir pourtant constaté que M. Y... lui avait remis des reçus d'indemnités d'occupation, et non des quittances de loyers, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1147 du code civil ;

ECLI:FR:CCASS:2015:C301416
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