Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 décembre 2015, 14-20.756, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 28 avril 2014), que M. X... a présidé l'association Archéologique Hope Estate de 1996 à 2008 ; qu'il a démissionné le 14 décembre 2008, puis a conclu avec l'association un contrat intitulé « contrat d'accompagnement dans l'emploi », aux termes duquel il était engagé pour une durée de 24 mois comme « directeur, ingénieur porteur de projets » ; que par courrier du 15 mars 2012, le président de l'association a indiqué à M. X... que l'association devait renoncer aux projets évoqués lors de la dernière assemblée générale et lui demandait de restituer les documents en sa possession ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire bien fondé le contredit, de dire la juridiction prud'homale incompétente et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de grande instance, alors, selon le moyen :

1°/ que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; qu'après avoir constaté que les parties avaient conclu un contrat de travail écrit, la cour d'appel a déduit l'absence de relation de travail, de la présence de stipulations exorbitantes du droit commun du travail quant aux conditions de la rupture ; qu'en se déterminant de la sorte, ne serait-ce que pour partie, la cour d'appel a violé l'article L. 1411-1 du code du travail ;

2°/ que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en déclarant qu'aucune des pièces versées aux débats ne permettait de constater que M. X... avait été soumis à une quelconque pouvoir de direction, de contrôle et de sanction, cependant qu'elle avait elle-même établi, au regard des procès verbaux de plusieurs réunions d'assemblées générales et du bureau de l'association, qu'étaient soumis au contrôle des organes de l'association, l'approbation des projets présentés par M. X... directeur et du bilan financier par Mme Y..., trésorière, l'un et l'autre gérant les comptes de l'association et disposant du pouvoir de signature, la cour d'appel a violé l'article L. 1411-1 du code du travail ;

3°/ que le directeur d'une association peut bénéficier d'une délégation de signature ; qu'après avoir constaté que M. X... directeur de l'association comme Mme Y..., trésorière de l'association, avaient seuls pouvoirs de signature en matière financière, la cour d'appel devait rechercher si M. X... disposait ou non d'une délégation de signature ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article L. 1411-1 du code du travail ;

4°/ que l'absence de mise en oeuvre du pouvoir de l'employeur de sanctionner les manquements de son subordonné, n'induit pas en elle-même, absence de pouvoir de sanction ; qu'en déclarant pour accueillir le contredit, qu' « il ne peut être considéré que M. X... était soumis à sanction disciplinaire à proprement dite dans le cadre du contrat de travail aucune procédure n'ayant été conduite par l'AAHE » la cour d'appel a violé l'article L. 1411-1 du code du travail ensemble les articles L. 1331-1 et suivants du code du travail ;

5°/ qu'aux fins d'établir la preuve de la relation de travail, les conclusions d'appel pour M. X... avait fait valoir qu'à la demande de l'association le conseil de celle-ci avait écrit à M. X... le 28 mars 2008, en sa qualité de salarié, une lettre mentionnant « Compte tenu de la gravité de votre comportement une mesure disciplinaire est engagée à votre encontre. Elle vous sera notifiée dans les prochains jours » ; que cet écrit avait été offert en preuve ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ qu'aux mêmes fins, les écritures d'appel pour M. X... avaient fait valoir que l'employeur avait exercé son pouvoir de contrôle sur le contenu de l'ordinateur que l'association avait mis à la disposition de M. X... pour l'exercice de son travail ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu d'abord qu'en retenant que M. X... n'était pas soumis à sanction disciplinaire proprement dite dans le cadre d'un contrat de travail, aucune procédure n'ayant été conduite à ce titre, la brusque rupture des relations contractuelles ayant pour origine la découverte par le président de l'association d'agissements qu'il a qualifiés de faux et abus de confiance qui ont fait l'objet d'une plainte pénale avec constitution de partie civile, la cour d'appel, qui a par-là même exclu que la réaction de l'association lors de la rupture et les contrôles exercés puissent être considérés comme participant de l'exercice d'un pouvoir disciplinaire, a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;

Attendu ensuite que la cour d'appel, qui a recherché dans quelles conditions de fait l'activité de M. X... était exercée, a relevé, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, qu'il avait lui-même défini alors qu'il était président de l'association les conditions des nouvelles fonctions qu'il entendait occuper, qu'il avait avec la trésorière seul pouvoir de signature, qu'aucune directive ne lui avait été donnée, qu'il n'avait jamais rendu compte de la réalisation des projets qu'il menait, ni des engagements financiers pris, et qu'il n'était soumis à aucun pouvoir de contrôle et de sanction ; qu'elle a pu en déduire, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que l'intéressé exerçait ses fonctions en dehors de tout lien de subordination ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à la Cour d'appel de Basse-Terre statuant sur contredit de compétence, d'avoir déclaré la juridiction prud'homale incompétente pour connaître de l'action engagée par M. X... et, en conséquence, ordonné le renvoi de l'affaire devant le Tribunal de grande instance de Basse-Terre ;

AUX MOTIFS QUE si un contrat de travail a bien été conclu entre les parties et si une rémunération a bien été versée à M. X..., il reste à déterminer s'il existait entre les parties un lien de subordination ; que l'examen des pièces versées aux débats montre que M. X... qui a assuré les fonctions de président de l'association depuis 1996 jusqu'à l'assemblée générale du 14 décembre 2008, informait à cette date ladite assemblée qu'il avait rencontré le président de la collectivité de Saint-Martin et que des discussions étaient en cours pour l'établissement d'un budget de fonctionnement d'une structure qui serait en charge de la valorisation du patrimoine et dont le siège serait l'ancienne prison; qu'il indiquait qu'une convention triennale devait être signée entre l'association et la collectivité pour la mise en place de ce service et que dans le cadre de cette mise en place il devait à terme être charge de la direction de ce service et salarié de l'association ; qu'il indiquait qu'il se voyait contraint de démissionner de son poste de président, sa démission étant acceptée par les membres présents de l'assemblée générale; qu'il est produit aux débats le contrat d'embauche daté du 24 avril 2009 par lequel M. X... est engagé à compter du 1er mai 2009 pour une durée déterminée de 24 mois en qualité de « Directeur, Ingénieur porteur de projets » ; qu'il est précisé qu'il s'agit d'« un contrat d'accompagnement dans l'emploi » ; que la cour constate que ce contrat comporte des clauses exorbitantes du droit du travail en ce qui concerne la rupture du contrat ; qu'il est en effet stipulé que durant les deux premières années suivant sa conclusion, le contrat pourra être rompu sans motif par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec avis de réception postale ; qu'il est notamment précisé qu'en cas de rupture du contrat à l'initiative de l'employeur sauf faute grave du salarié, celui-ci percevrait une indemnité de 10 % du montant total de la rémunération brute perçue depuis la conclusion du contrat ; qu'il est ajouté qu'après les deux premières années suivant sa conclusion, le contrat pourra être rompu par l'une ou l'autre des parties en respectant un préavis d'un mois en cas de licenciement et d'un mois en cas de démission, l'obligation d'effectuer un préavis étant écartée en cas de faute grave ou de force majeure ; que les stipulations contractuelles relatives aux conditions de rupture du contrat sont en totale contradiction avec les dispositions législatives relatives tant à la rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée qu'à la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée ; qu'il y a lieu de rappeler que même s'il s'agit d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi, dont la durée est déterminée, ce contrat est soumis aux dispositions de l'article L. 1243-1 et suivants et L. 5134-28 du code du travail, lesquels encadrent de façon précise les conditions de rupture de ce type de contrat, à savoir : accord des parties, faute grave, force majeure ou embauche du salarié par un nouveau contrat ; que par ailleurs les conditions contractuelles de rupture au-delà des deux premières années, laissant à la seule volonté des parties la possibilité de rompre ledit contrat, sous réserve du respect d'un préavis sont en contradiction avec les dispositions législatives prévues par les articles L. 1232-1 et suivants et L. 1233-2 et suivants du code du travail exigeant que le licenciement soit justifié par une cause réelle et sérieuse, même s'il s'agit d'un licenciement pour motif économique; que par ailleurs aucune des pièces versées aux débats ne permet de constater que m. X... ait été soumis, dans le cadre de ce contrat, à un quelconque pouvoir de direction, de contrôle et de sanction disciplinaire ; qu'il ressort du procès-verbal d'assemblée générale du 14 décembre 2008 suscité, que c'est M. X... lui-même, en sa qualité de président de l'association qui a défini les conditions de nouvelles fonctions qu'il entend occuper, sa démission du poste de président étant alors acceptée par l'assemblée générale ; que le compte rendu de l'assemblée générale du 16 décembre 2010 fait ressortir que les membres de l'association décident que les comptes seront gérés par le directeur et la trésorière qui auront seuls pouvoirs de signature, et précise que le directeur, M. X... a exposé à l'assemblée l'ensemble des projets en cours nécessitant des financements complémentaires ; qu'il est indiqué que l'ensemble des membres du bureau approuve les différents projets qui ont été présentés et feront l'objet de demandes de subventions ; que la cour constate que ce n'est pas le directeur, M. X... qui présente le bilan financier de 2009 mais la trésorière Mme Y... et que si M. X... expose les projets de chantiers proposés à l'association, il ne ressort d'aucun document qu'à un moment quelconque il ait rendu compte de l'exécution desdits projets ; que l'élaboration de projets rentre dans la mission confiée à M. X... par le contrat conclu le 24 avril 2009 en qualité d'ingénieur projets mais aucune directive n'est donnée à M. X... et celui-ci n'a rendu compte en aucune manière de la réalisation des projets au travers des documents versés aux débats ; que par ailleurs, M. X... qui se chargeait du montage financier permettant la réalisation de ces projets n'a jamais rendu compte aux instances de l'association selon les documents versés aux débats, des engagements financiers relatifs à ces projets ; qu'il résulte tant des stipulations contractuelles conclues entre les parties quant à la possibilité de rompre le contrat que des conditions d'exécution d'exécution des missions confiées à M. X... lequel n'était soumis à aucune directive, ni à aucun contrôle que celui-ci assurait à la fois des prestations de bureau d'étude et d'ingénierie financière sans aucun lien de subordination avec l'association ; qu'il ne peut être considéré que M. X... était soumis à aucune sanction disciplinaire à proprement dite dans le cadre du contrat de travail aucune procédure n'ayant été conduite à ce titre par l'association mais la brusque rupture des relations contractuelles a pour origine la découverte par le président de l'association, d'agissements que celui-ci qualifie de faux et usage de faux et abus de confiance, et qui ont fait l'objet d'une plainte avec constitution de partie civile ; que si dans la lettre de mise en demeure du 27 mars 2012 adressée à M. X... aux fins de restitution de la totalité des documents administratifs, des moyens de paiement de l'association et de l'ensemble des cachets de celle-ci, l'avocat de l'association a cru bon de faire état de la « qualité de salarié » de M. X..., il y a lieu de rappeler que l'existence d'un contrat de travail ne dépend pas de la qualification que les parties ont pu donner audit contrat ; que par ailleurs même s'il peut être constaté qu'il est versé au débat un second contrat d'embauche daté du 17 avril 2010 reprenant les mêmes conditions que le précédant sauf qu'il est conclu pour une durée de 12 mois et qu'aucune des parties ne produit les conventions individuelles qui devaient être conclues avec les autorités publiques et accompagner les contrats de travail, le résultat de ces constatations n'ont aucune incidence sur la qualification de la relation contractuelle entre les parties ;

1/ ALORS QUE l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs; qu'après avoir constaté que les parties avaient conclu un contrat de travail écrit, la cour d'appel a déduit l'absence de relation de travail, de la présence de stipulations exorbitantes du droit commun du travail quant aux conditions de la rupture ; qu'en se déterminant de la sorte, ne serait-ce que pour partie, la cour d'appel a violé l'article L. 1411-1 du code du travail ;

2/ ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné; qu'en déclarant qu'aucune des pièces versées aux débats ne permettait de constater que M. X... avait été soumis à une quelconque pouvoir de direction, de contrôle et de sanction, cependant qu'elle avait elle-même établi, au regard des procès-verbaux de plusieurs réunions d'assemblées générales et du bureau de l'association, qu'étaient soumis au contrôle des organes de l'association, l'approbation des projets présentés par M. X... directeur et du bilan financier par Mme Y..., trésorière, l'un et l'autre gérant les comptes de l'association et disposant du pouvoir de signature, la cour d'appel a violé l'article L. 1411-1 du code du travail ;

3/ ALORS QUE le directeur d'une association peut bénéficier d'une délégation de signature ; qu'après avoir constaté que M. X... directeur de l'association comme Mme Y..., trésorière de l'association, avaient seuls pouvoirs de signature en matière financière, la cour d'appel devait rechercher si M. X... disposait ou non d'une délégation de signature ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article L. 1411-1 du code du travail ;

4/ ALORS QUE l'absence de mise en oeuvre du pouvoir de l'employeur de sanctionner les manquements de son subordonné, n'induit pas en elle-même, absence de pouvoir de sanction ; qu'en déclarant pour accueillir le contredit, qu' « il ne peut être considéré que M. X... était soumis à sanction disciplinaire à proprement dite dans le cadre du contrat de travail aucune procédure n'ayant été conduite par l'AAHE » la cour d'appel a violé l'article 1411-1 du code du travail ensemble les articles L. 1331-1 et s. du code du travail ;

5/ ALORS QU'aux fins d'établir la preuve de la relation de travail, les conclusions d'appel pour M. X... avait fait valoir qu'à la demande de l'association le conseil de celle-ci avait écrit à M. X... le 28 mars 2008, en sa qualité de salarié, une lettre mentionnant « Compte tenu de la gravité de votre comportement une mesure disciplinaire est engagée à votre encontre. Elle vous sera notifiée dans les prochains jours » ; que cet écrit avait été offert en preuve ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6/ ALORS QU'aux mêmes fins, les écritures d'appel pour M. X... avaient fait valoir que l'employeur avait exercé son pouvoir de contrôle sur le contenu de l'ordinateur que l'association avait mis à la disposition de M. X... pour l'exercice de son travail; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2015:SO02130
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