Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 novembre 2015, 14-21.521, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 14-21.521
- ECLI:FR:CCASS:2015:SO02041
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 novembre 2013), qu'engagé à compter du 2 mai 2011 par la société Acme Packet Uk aux droits de laquelle vient la société Oracle, en qualité de directeur régional des ventes, M. X... a été mis à pied à titre conservatoire à compter du 24 octobre 2011 ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 18 novembre 2011 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de rejeter ses demandes de dommages-intérêts pour rupture abusive et pour indemnité compensatrice de préavis, demandes en paiement des commissions pour la période postérieure au 24 octobre 2011 ainsi que de stock-options, alors, selon le moyen :
1°/ que la fourniture de renseignements inexacts par le salarié lors de l'embauche ne constitue une faute susceptible de justifier le licenciement que s'il est avéré que le salarié n'avait pas les compétences effectives pour exercer les fonctions pour lesquelles il a été recruté ; que pour décider que le licenciement du salarié était fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt relève que ce dernier a manqué à son obligation de loyauté en ne fournissant pas à la société Acme Packet UK Ltd lors de son engagement en 2011, des informations exactes concernant son dernier employeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans relever l'incompétence du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et suivants du code du travail ;
2°/ qu'un fait du salarié ne peut être fautif que s'il a été commis après la naissance de la relation de travail ; que l'employeur faisait grief au salarié de s'être présenté dans son curriculum vitae comme « strategic account manager » de la société Cisco, alors que, selon l'employeur, il n'avait pas travaillé pour cette société, qui n'avait racheté son précédent employeur, la société Trandberg, qu'après son départ de cette société ; qu'en considérant « que le fait pour un salarié de dissimuler à son employeur sa situation réelle au moment de son embauche a pour effet de le tromper sur ses compétences et au-delà de rompre tout lien de confiance inhérent à la bonne exécution du contrat de travail ; que la révélation de cette situation rend immédiatement impossible la poursuite des relations contractuelles, l'employeur étant fondé à reprocher à son salarié une faute grave », sans constater l'existence d'une faute commise par le salarié postérieurement à son embauche, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et suivants du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que le salarié avait, à trois reprises, volontairement dissimulé la réalité de sa situation professionnelle en faisant croire qu'il était engagé par l'entreprise Cisco dont l'activité consistait dans la vente de produits correspondant à la spécialisation de l'employeur et qu'il était avéré que la présence alléguée du salarié dans cette entreprise avait été déterminante pour l'employeur, la cour d'appel qui a fait ressortir l'existence de manoeuvres dolosives pouvant justifier un licenciement, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la troisième branche du moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Me Carbonnier ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur Didier X... était fondé sur des faits avérés, justifiant la qualification de faute grave du motif de licenciement, et débouté en conséquence le salarié de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture abusive et pour indemnité compensatrice de préavis, de paiement des commissions pour la période postérieure au 24 octobre 2011, ainsi que des stock-options,
AUX MOTIFS QUE "la société ACME PACKET UK verse aux débats le curriculum vitae de M. X... qui lui a été transmis par le cabinet de recrutement next-ventures le 20 janvier 2011 mentionnant que M. X... est employé depuis août 2010 par CISCO SYSTEMS, repreneur de TANBERG, en qualité de stratégie Account Manager ; qu'un mail d'accompagnement précise que le salarié est en train d'étendre la solution « UC portfolio » de Cisco dans le secteur public et les grands comptes d'industrie ; qu'en réalité, ainsi qu'il résulte d'un courrier électronique daté du 19 décembre 2011 de M. Y..., responsable des ressources humaines chez CISCO, M. X... n'a jamais travaillé chez CISCO puisqu'il avait quitté la société TANDBERG avant son rachat par CISCO en avril 2010 ; que M. X... qui ne conteste pas cette situation invoque vainement le fait qu'il n'aurait pas personnellement transmis son CV à la société ACME PACKET UK puisqu'il a confirmé à deux reprises cette information mensongère ; qu'en effet, par un mail du 14 mars 2011 il indique à au cabinet de recrutement qu'il sera indisponible début avril 2011 devant rencontrer 2 clients au siège de CISCO en Californie ; que le 7 avril 2011 il fait savoir au cabinet de recrutement que sa lettre de démission pour Cisco/Tanberg est prête ; M. X... soutient tout aussi vainement que son employeur était informé de ce qu'il n'avait pas été employé de la société CISCO ; que la société ACME PACKET UK est fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas engagé M. X... si elle avait eu connaissance de sa situation réelle puisqu'elle est spécialiste de la gestion des interconnexions VoIP, produits précisément venus par la société CISCO ; que la présence de M. X... au sein de la société CISCO a donc été déterminante ; que le fait pour un salarié de dissimuler à son employeur sa situation réelle au moment de son embauche a pour effet de le tromper sur ses compétences et audelà de rompre tout lien de confiance inhérent à la bonne exécution du contrat de travail ; que la révélation de cette situation rend immédiatement impossible la poursuite des relations contractuelles, l'employeur étant fondé à reprocher à son salarié une faute grave ; que ce motif réel étant caractérisé, il n'y a pas lieu d'examiner l'argumentation de l'appelant selon laquelle son licenciement aurait en réalité été prononcé pour des motifs économiques" (arrêt, p. 3),
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE "Vu l'article 12 du code de procédure civile qui enjoint au juge de donner aux faits et actes leur exacte qualification. Vu l'article 1134 du code civil et l'article L.1222-1 du code du travail qui stipulent que les contrats, et le contrat de travail en particulier, doivent être exécutés de bonne foi, que cette obligation de bonne foi à laquelle sont tenues les parties s'impose également 'lors de la conclusion ou de la rupture du contrat de travail. qu'il résulte incontestablement des éléments de fait produits par la société ACME PACKET UK Ltd: Que le curriculum vitae remis au cabinet de recrutement NEXT VENTURES et transmis par celui-ci à la société ACME PACKET UK Ltd le 20 janvier 2011 est formulé de telle façon que tout lecteur sera conduit à considérer qu'à cette date Monsieur X... est toujours en poste chez la société CISCO SYSTEMS, Qu'alors que pour tous les autres emplois occupés successivement, le CV comporte une date de début et une date de fin, l'emploi chez CISCO SYSTMS/TANDBERG ne comporte pas de date de fin, ce qui, pour tout lecteur, induit que cet emploi est toujours en cours, Que dans un courriel du 14 mars 2011 adressé à son correspondant chez NEXT-VENTURTES Monsieur X... indique « je vais (mercredi/jeudi/vendredi) avec 2 clients au siège de CISCO en Californie », Que dans un autre courriel au même correspondant en date du 7 avril 2011, Monsieur X... indique «Ma lettre de démission pour Cisco/Tandberg est prête». Qu'alors que la société CISCO a acquis la société TANDBERG en avril 2010, une responsable de CISCO indique dans un courriel en date du 19 décembre 2011 «Nous avons intégré son historique avec Tandb erg quand on a acquis Tandberg mais il avait déjà quitté la société." que ces différents éléments établissent de manière incontestable que Monsieur X... a mentionné sur son CV une fausse déclaration et qu'il a ensuite procédé à des manipulations pour donner un caractère de réalité à ce mensonge. que les affirmations de Monsieur X... pour tenter de contester la réalité de sa tricherie n'ont aucune pertinence, Que les traductions biaisées qu'il donne de courriels rédigés en anglais et ses autres arguties ne sauraient abuser le Conseil, Que si, comme il le soutient, le reproche auquel il est confronté ne correspondait pas à la réalité il lui suffirait de produire, ainsi que la société ACME PACKET UK Ltd le lui avait suggéré dans sa lettre du 10 novembre 2011, le certificat de travail ou tout autre document afférent à la rupture de son contrat de travail et émanant de la société CISCO. Par ailleurs que Monsieur X... soutient de manière tout à fait accessoire que son licenciement aurait en réalité une cause économique mais qu'il ne produit aucun élément de nature à étayer cette thèse. Au regard de ces différents éléments, il doit être considéré comme établi que Monsieur X... a effectivement, dans le cadre de sa procédure de recrutement, gravement manqué à son obligation de loyauté en pratiquant de façon réitérée des manoeuvres pour cacher qu'il avait depuis un certain temps quitté ou perdu son emploi chez CISCO SYSTEMS et, de ce fait, dissimuler soit un autre emploi, soit une période de non emploi. Compte tenu de l'importance des fonctions qu'occupait Monsieur X..., en contrepartie desquelles il lui était servi un salaire très conséquent, et de la large autonomie que ces fonctions impliquaient, il doit être jugé que son comportement était de nature à justifier la rupture immédiate de la relation de travail et que le licenciement pour faute grave qui lui a été notifié est fondé. Monsieur X... doit dès lors, en application des dispositions des articles L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail, être débouté de toute ses demande fondées sur le postulat d'une absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement" (jugement, p. 6 et 7),
1°) ALORS QUE la fourniture de renseignements inexacts par le salarié lors de l'embauche ne constitue une faute susceptible de justifier le licenciement que s'il est avéré que le salarié n'avait pas les compétences effectives pour exercer les fonctions pour lesquelles il a été recruté ;
Que pour décider que le licenciement de Monsieur Didier X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt relève que le salarié a manqué à son obligation de loyauté en ne fournissant pas à la société Acme Packet UK Ltd lors de son engagement en 2011, des informations exactes concernant son dernier employeur ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans relever l'incompétence de Monsieur X..., la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et suivants du code du travail ;
2°) ALORS QU'un fait du salarié ne peut être fautif que s'il a été commis après la naissance de la relation de travail ;
Qu'en l'espèce, l'employeur faisait grief au salarié de s'être présenté dans son curriculum vitae comme « strategic account manager » de la société Cisco, alors que, selon l'employeur, il n'avait pas travaillé pour cette société, qui n'avait racheté son précédent employeur, la société Trandberg, qu'après son départ de cette société ;
Qu'en considérant « que le fait pour un salarié de dissimuler à son employeur sa situation réelle au moment de son embauche a pour effet de le tromper sur ses compétences et au-delà de rompre tout lien de confiance inhérent à la bonne exécution du contrat de travail ; que la révélation de cette situation rend immédiatement impossible la poursuite des relations contractuelles, l'employeur étant fondé à reprocher à son salarié une faute grave », sans constater l'existence d'une faute commise par le salarié postérieurement à son embauche, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 1231-1 et suivants du code du travail ;
3°) ALORS QU'il appartient aux juges du fond de rechercher la cause véritable du licenciement ; qu'en cas de coexistence d'un motif économique et d'un motif personnel à l'appui d'un licenciement, il appartient au juge de rechercher celui qui a été la cause première et déterminante du licenciement et d'apprécier le bien-fondé du licenciement au regard de cette seule cause ;
Que, dans ses écritures d'appel, Monsieur Didier X... faisait valoir que son licenciement était en réalité fondé pour des raisons économiques et que l'employeur avait ainsi maquillé un licenciement économique en licenciement pour motif personnel ;
Qu'en considérant que « ce motif réel faute du salarié étant caractérisé, il n'y a pas lieu d'examiner l'argumentation de l'appelant selon laquelle son licenciement aurait en réalité été prononcé pour des motifs économiques », la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et suivants et L. 1233-1 et suivants du code du travail.