Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 19 novembre 2015, 14-23.342, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 17 avril 2014), que M. et Mme X..., propriétaires d'une maison contiguë à celle de M. Y..., ont assigné celui-ci en retrait des sommiers installés par lui à titre de clôture en limite des propriétés ; que M. Y... a allégué que M. et Mme X... avaient commis plusieurs empiétements sur son fonds et a sollicité, à titre reconventionnel, la remise des lieux en l'état et la réparation de son préjudice ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que la présence d'objets "inadaptés et déplaisants" ne répondant pas à la définition d'une clôture engendrait un préjudice esthétique incontestable et, par motifs propres, que la pose de ces éléments inesthétiques ne pouvait assurer une fonction de soutènement, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a souverainement déduit, de ces seuls motifs, l'existence d'un trouble anormal de voisinage dont la réparation impliquait le retrait des sommiers litigieux ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu, d'une part, qu'ayant constaté que l'arrêt avant dire droit du 21 février 2013 n'avait ordonné la réouverture des débats qu'afin de recueillir l'avis des parties sur une mesure de médiation et n'avait pas révoqué l'ordonnance de clôture, de sorte que les parties n'étaient pas autorisées à déposer de nouvelles conclusions, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la demande d'expertise formulée par M. Y... par conclusions du 1er juillet 2013 était irrecevable ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que les pièces versées aux débats ne permettaient pas d'établir la limite séparative des propriétés ni de vérifier l'empiétement allégué des plots de béton, d'une partie de la clôture et du sommet du pignon de la maison de M. et Mme X... et que la présence de cinq tuiles au pied du mur pignon de la propriété voisine ne démontrait pas la réalité d'un empiétement, la cour d'appel a pu en déduire que M. Y... ne rapportait la preuve ni d'une faute imputable aux époux X... ni d'un préjudice, de sorte que sa demande de dommages et intérêts devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à M. et Mme X... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de M. Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Y... à procéder à l'enlèvement des sommiers servant de clôture à sa propriété sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans les deux mois suivant la notification de l'arrêt ;

Aux motifs propres que M. Y... soutenait que c'était du propre fait des époux X... ayant enlevé les tuiles qu'ils avaient posées pour retenir provisoirement ses terres à la suite de l'effondrement du mur de soutènement que, dans l'attente de la reconstruction de ce mur par les époux X..., il avait posé une clôture provisoire avec des sommiers afin de limiter sa propre propriété et de sécuriser les lieux ; que c'était cependant par une motivation pertinente et exempte d'insuffisance que la cour adoptait que le premier juge, au visa de l'article 647 du code civil, avait considéré qu'en posant ces sommiers servant de clôture, M. Y... avait causé à ses voisins un trouble anormal de voisinage justifiant sa condamnation sous astreinte à les enlever ; qu'outre le fait que la pose d'éléments aussi inesthétiques que ces sommiers ne puisse trouver aucune justification, elle n'apparaissait pas davantage pouvoir s'expliquer par un besoin de rétention de terres dont elle ne pouvait, de par la structure même des sommiers métalliques, assurer la fonction ; et aux motifs adoptés des premiers juges, que de l'examen des clichés photographiques figurant dans le constat d'huissier, il résultait que ce pitoyable alignement de vieux sommiers sur plusieurs mètres était complètement inesthétique ; que dans un courrier daté du 5 octobre 2005, réceptionné le 13 octobre par M. Y..., les époux X... se plaignaient déjà de la présence de « toutes ces récupérations de vieilles ferrailles » ; que si tout propriétaire pouvait clore son héritage, c'est à la condition de ne pas abuser de son droit en causant à ses voisins un trouble anormal de voisinage découlant spécialement du préjudice esthétique incontestable résultant de la présence d'objets inadaptés et déplaisants ne répondant nullement à la définition d'une clôture et qui constituait une nuisance évidente pour les époux X... ;

Alors 1°) que l'abus du droit de propriété suppose que soit caractérisée l'intention malveillante ; qu' à défaut d'avoir caractérisé une telle intention malveillante de la part de M. Y... et à défaut d'avoir au surplus recherché, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas du constat d'huissier de justice de M. Z... que les sommiers métalliques litigieux avaient été installés en limite de propriété de manière à empêcher la chute de personnes, notamment de petits enfants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil ;

Alors 2°) que le propriétaire ne peut être condamné pour trouble anormal de voisinage en cas de force majeure, d'état de nécessité ou de faute de la victime du trouble ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si le risque de chutes de personnes et particulièrement, de petits enfants, n'avait pas nécessité la pose de sommiers métalliques suite au retrait par les époux X... des tuiles posées pour retenir provisoirement les terres de M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage.

ECLI:FR:CCASS:2015:C301276
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