Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 novembre 2015, 14-14.501, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 14-14.501
- ECLI:FR:CCASS:2015:C101248
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- Mme Batut (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Pressimmo On Ligne (la société Pressimmo), qui exploite le site internet « Seloger.com », prétendant que la société Yakaz procédait à l'extraction de la totalité de sa base de données constituée d'annonces immobilières, pour alimenter sa propre base, l'a assignée en réparation de l'atteinte portée à ses droits de producteur et en concurrence déloyale ;
Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Attendu que la société Pressimmo fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande formée au titre de la concurrence parasitaire, alors, selon le moyen, qu'est contraire aux usages loyaux du commerce le fait de se placer dans le sillage d'autrui, en captant indûment, à son détriment, ses efforts et son travail ; que commet ainsi des actes de parasitisme l'exploitant d'un moteur de recherche dédié qui détourne à son profit l'activité d'un service en ligne présentant des annonces immobilières, en mettant directement à la disposition des internautes le contenu de ces annonces immobilières et en leur offrant la possibilité de les explorer en temps réel, ce qui lui permet de capter ainsi indûment les revenus liés à l'activité de l'opérateur de ce service ; qu'en se fondant néanmoins, pour écarter toute faute, sur le fait que les moteurs de recherche dédiés incriminés ne faisaient pas apparaître les coordonnées du vendeur ou de son mandataire sur la page de résultats et que les internautes étaient dirigés vers le service Seloger.com pour contacter l'agence en charge de la vente ou de la transaction, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants et a ainsi violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que le site litigieux référençait automatiquement les annonces immobilières sans mentionner les coordonnées du vendeur ou de son mandataire, en sorte que l'internaute intéressé devait consulter le site de la société Pressimmo vers lequel il était invité à se diriger et que l'affichage de la page résultat n'excédait pas la simple prestation technique d'indexation de contenus, la cour d'appel a pu en déduire que les actes de parasitisme allégués n'étaient pas caractérisés ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour la déclarer irrecevable à agir en réparation de l'atteinte portée à ses droits de producteur, l'arrêt retient que la société Pressimmo se doit de rapporter la preuve d'investissements spécifiques qui ne se confondent pas avec ceux qu'elle consacre à la création des éléments constitutifs de sa base de données et à des opérations de vérification, purement formelle, pendant cette phase de création consistant à les collecter auprès de professionnels et à les diffuser tels que recueillis de ses clients ;
Qu'en se déterminant ainsi, par un motif qui ne permet pas de définir si elle a considéré que les investissements liés à la collecte des données et à leur diffusion, telles que recueillies, relevaient de la création des éléments constitutifs du contenu de sa base et ne devaient donc pas être pris en considération ou si, au contraire, ils faisaient partie des investissements « spécifiques » dont la société Pressimmo devait rapporter la preuve pour justifier la protection qu'elle sollicitait, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter sa demande formée au titre de la concurrence parasitaire et tirée de la méconnaissance de sa charte d'utilisation, l'arrêt retient que la société Pressimmo ne peut se prévaloir de cette méconnaissance, dès lors qu'elle s'y présente indûment comme « titulaire de droits concernant... sa base de données » ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la société Yakaz n'avait pas commis une faute en méconnaissant l'interdiction d'exploitation offline ou on ligne, à titre gratuit ou onéreux, de toute ou partie des données sans le consentement de Seloger, contenue dans cette charte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Yakaz aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Yakaz et la condamne à verser à la société Pressimmo la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Pressimmo On Line.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société PRESSIMMO ON LINE ne peut pas être qualifiée de producteur de base de données et de l'avoir, en conséquence, déclarée irrecevable à agir en contrefaçon de base de données ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle, transposant en droit interne la directive (CE) n° 96/9 du 11 mars 1996, assure au producteur d'une base de données une protection « contre l'appropriation des résultats obtenus de l'investissement financier et professionnel consenti par celui qui a recherché et rassemblé le contenu » (considérant 39 de la directive) ; que cette protection spécifique suppose un investissement « substantiel » qui lui est affecté et qui, selon l'article L 341-1 précité, peut être « financier, matériel ou humain » ayant pour objet « la constitution, la vérification ou la présentation » du contenu de la base ; que, saisie de diverses questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 7 de la directive précitée, à la lumière de laquelle doit être interprété le droit interne, la Cour de justice des communautés européennes a rendu plusieurs décisions le 9 novembre 2004 et a notamment dit pour droit (affaire The British Horseracing Board Ltd / William Hill Organization Ltd) que « La notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données au sens de l'article 7 § 1 (de la directive précitée) doit s'entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base. Elle ne comprend pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données. La notion d'investissement lié à l'obtention sic, en réalité, la vérification du contenu d'une base de données au sens de l'article 7 § 1 (de la directive précitée) doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d'assurer la fiabilité de l'information contenue dans ladite base, au contrôle de l'exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base, ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci. Des moyens consacrés à des opérations de vérification au cours de la phase de création d'éléments par la suite rassemblés dans une base de données ne relèvent pas de cette notion. » ; qu'il s'en déduit que la société Pressimmo On Line se doit de rapporter la preuve d'investissements humains et financiers spécifiques qui ne se confondent pas avec ceux qu'elle consacre à la création des éléments constitutifs du contenu de sa base de données et à des opérations de vérification, purement formelle, pendant cette phase de création consistant à les collecter auprès de professionnels et à les diffuser tels que recueillis de ses clients ; qu'elle peut, certes, se prévaloir d'une clientèle, d'une structure et de résultats financiers d'importance, comme tendent à le prouver les pièces sus-évoquées qu'elle produit ; qu'elle peut également faire état d'une équipe de commerciaux, encore qu'ils soient désignés dans l'organigramme comme étant « terrain » ou « conquête » sans que ces notions, susceptibles de renvoyer à des faits de prospection de nouveaux clients, ne soient définies ; que, s'agissant des moyens autres que ceux mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données, c'est à juste titre que la société Yakaz stigmatise le déficit probatoire récurrent de l'appelante en soulignant que si elle invoque, en particulier, des propositions de nouveaux produits aux clients, la réception, la vérification et le traitement des informations, des mises à jours en temps réel ou la suppression de son site des annonces périmées, elle ne procède que par affirmation ; que, s'agissant des investissements humains et financiers liés à l'obtention du contenu de sa base de données, au sens des textes et de la jurisprudence communautaire précités, que l'appelante déclare leur consacrer - investissements qui auraient dû faire l'objet d'une ventilation précise et dont le caractère substantiel aurait dû être prouvé - force est de relever qu'ils ne sont aucunement démontrés ; que l'appelante ne pouvant, par ailleurs, valablement se prévaloir de solutions judiciairement apportées à des litiges étrangers à la présente procédure, il s'évince de ce qui précède qu'elle ne peut prétendre à la protection instaurée au profit du producteur de base de données de sorte que le jugement qui l'a déclarée irrecevable à agir sur le fondement des dispositions de l'article L 342-1 du code de la propriété intellectuelle à l'encontre des sociétés assignées doit être confirmé » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « La SAS PRESSIMMO ON LINE reproche aux défenderesses d'avoir repris sans son autorisation sa base de données , constituée d'annonces immobilières, contenue dans le site www.seloger.com. mais la recevabilité des demandes de la SAS PRESSIMMO ON LINE est contestée par les défendeurs, au motif que celle-ci ne démontrerait pas sa qualité de producteur de base de données ; que l'article L341-1 du Code de la propriété intellectuelle définit le producteur de base de données comme étant la personne qui prend l'initiative et le risque des investissements correspondants ; que ce même article précise que la constitution, la vérification ou la présentation du contenu de la base de données doit attester d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel ; que l'article L 112-3 du même Code explicite quant à lui la notion de base de donnée et indique qu'il s'agit d'un recueil d'oeuvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen ; que l'ensemble des annonces immobilières constituant le contenu du site www.seloger.com doit être qualifié de base de donnée, chaque annonce ou chaque type d'annonce selon des critères relatifs au bien immobilier recherché comme sa localisation, sa surface, le nombre de pièces, son prix ou son loyer, pouvant être accessible individuellement ; qu'il est constant que la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données doit s'entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base ; que la notion d'investissement lié à la vérification du contenu de base de données doit quant à elle être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d'assurer la fiabilité de l'information contenue dans ladite base, au contrôle de l'exactitude des éléments recherchés lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci ; que la qualité de producteur de base de données, d'annonces immobilières par exemple, s'apprécie au cas par cas, au regard de l'ensemble des éléments produits par celui qui invoque cette qualité ; qu'en l'espèce, la SAS PRESSIMMO ON LINE doit donc établir la nature substantielle de ses investissements financier, matériel ou humain pour tenir et mettre à jour les annonces immobilières des agences immobilières clientes ; que la SAS PRESSIMMO ON LINE produit dans le cadre de la présente instance : * l'organigramme du groupe seloger.com, * la liste de ses commerciaux, * le bilan 2010 de la société ; que d'abord, la liste des employés avec leurs fonctions ne peut éclairer le Tribunal sur la tâche effective de chacun, les termes définissant les postes étant très larges et vagues ; qu'ensuite, la liste des commerciaux ne peut être probante en quoi que ce soit, ceux-ci ayant pour objectif de démarcher de nouvelles agences immobilières et non pas le recueil concret des annonces des agences clientes ; que de même, les bilans comptables n'apportent aucun élément précis sûr la matérialité des apports de ses employés à la réception des annonces par les agences immobilières ; qu'ainsi, au regard de ces seuls éléments donnés à son appréciation, le Tribunal n'est pas en mesure de déterminer comment les annonces parviennent à la SAS PRESSIMMO ON LINE, si ses employés les retravaillent ou dans quelle mesure les annonces sont remises à jour ; que les pièces produites ne peuvent à elles seules suffire à démontrer les investissements quotidiens de la SAS PRESSIMMO ON LINE pour constituer les annonces alors qu'il apparaît que celles-ci proviennent des agences immobilières clientes, tout comme les photographies qui y sont jointes ; qu'il n'est pas plus établi que la demanderesse effectue des contrôles de fiabilité sur les annonces reçues par les agences immobilières clientes ; qu'également, il n'est pas démontré que la SAS PRESSIMMO ON LINE est à l'origine de l'actualisation de l'annonce et sa mise à jour auprès de l'agence ; qu'enfin, la seule centralisation par la SAS PRESSIMMO ON LINE des annonces immobilières des agences clientes ne caractérise pas des actes de constitution, de vérification ou de présentation du contenu de la base de données et encore moins un investissement financier, matériel ou humain substantiel ; que dès lors, l'apport de la SAS PRESSIMMO ON LINE sur les annonces collectées, qui doit être substantiel pour caractériser sa qualité de producteur de base de données, ne ressort pas des débats ; qu'en conséquence, la SAS PRESSIMMO ON LINE ne peut pas être qualifiée de producteur de base de données et est donc irrecevable à agir en contrefaçon de base de données » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le producteur d'une base de données bénéficie d'une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d'un investissement financier, matériel ou humain ; qu'en exigeant de la société PRESSIMMO ON LINE qu'elle démontre que sa base de données atteste d'un investissement humain et financier, la cour d'appel a violé l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 7 de la directive (CE) n° 96/9 du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en relevant que « la société Pressimmo On Line se doit de rapporter la preuve d'investissements humains et financiers spécifiques qui ne se confondent pas avec ceux qu'elle consacre à la création des éléments constitutifs du contenu de sa base de données et à des opérations de vérification, purement formelle, pendant cette phase de création consistant à les collecter auprès de professionnels et à les diffuser tels que recueillis de ses clients », la cour d'appel s'est déterminée par un motif ne permettant pas de savoir si elle a considéré que les investissements liés à la collecte des données auprès des professionnels et à leur diffusion telles que recueillies relevaient de la création des éléments constitutifs du contenu de sa base et ne devaient donc pas être pris en considération ou si elle a, au contraire, estimé qu'ils faisaient partie des investissements « spécifiques » dont la société PRESSIMMO ON LINE devait rapporter la preuve pour se voir reconnaître la qualité de producteur de base de données ; qu'en statuant par un tel motif inintelligible, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART, SUBSIDIAIREMENT, QUE le producteur d'une base de données bénéficie d'une protection lorsque l'obtention, la vérification ou la présentation de celle-ci atteste d'un investissement financier, matériel ou substantiel ; que la notion d'investissement lié à l'obtention d'une base de données désigne les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base ; que si elle a voulu dire que les investissements liés à la collecte des données et à leur diffusion telles que recueillies ne constituent pas des investissements liés à l'obtention du contenu de la base de données et qu'en conséquence, la société PRESSIMMO ON LINE ne pourrait utilement se prévaloir du fait qu'elle s'est constituée une clientèle d'agences immobilières auprès de laquelle elle collecte les annonces et qu'elle emploie, à cette fin, une équipe de commerciaux pour démarcher de nouveaux clients, la cour d'appel a violé l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 7 de la directive (CE) n° 96/9 du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE les investissements liés à l'obtention d'une base de données, étant définis comme les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base, incluent notamment les moyens mis en oeuvre pour la recherche de nouveaux clients susceptibles d'enrichir le contenu de la base de données ; qu'en relevant, en l'espèce, que la société PRESSIMMO ON LINE « peut certes se prévaloir d'une clientèle » et qu'elle « peut également faire état d'une équipe de commerciaux », mais que le fait que la société PRESSIMMO ON LINE emploie une équipe de commerciaux ne serait pas probant, dès lors que ceux-ci ont pour objectif de démarcher de nouvelles agences immobilières et non le recueil concret des annonces des agences clientes, sans justifier quel pourrait être le but de ce démarchage autre que le recueil des données auprès de la clientèle de la société PRESSIMMO ON LINE constituée d'agences immobilières et sans préciser en quoi ce démarchage ne constituerait pas un moyen mis en oeuvre pour enrichir le contenu de la base de données, la cour d'appel a violé l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 7 de la directive (CE) n° 96/9 du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ;
ALORS, ENFIN, QUE le bénéfice de la protection sui generis conférée par les articles L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle n'est pas nécessairement subordonnée à la démonstration d'un « apport substantiel » sur les données collectées ; qu'il suffit de rapporter la preuve d'investissements substantiels consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que la société PRESSIMMO ON LINE ne pourrait être qualifiée de producteur de base de données, faute de justifier d'un « apport substantiel » sur les annonces collectées, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 7 de la directive (CE) n° 96/9 du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société PRESSIMMO ON LINE de ses demandes au titre de la concurrence parasitaire ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« à titre subsidiaire, la société appelante fait valoir à ce titre que les sociétés Yakaz et Gloobot ont servilement extrait une partie quantitativement et qualitativement substantielle de sa base de données et que même si, au moment de la réutilisation des contenus, elles n'en utilisent que certains éléments, elles commettent diverses fautes tenant à la méconnaissance délibérée de sa charte d'utilisation, au fait qu'elles privent l'internaute de la connaissance des autres produits multimédias qu'elle promeut sur son site et la privent aussi de recettes publicitaires ou encore de la faculté de licencier sa base de données ; qu'elle ajoute que sans l'utilisation de sa base de données et de celles de ses deux concurrents sur le marché (exploitant les sites PAP et explorimmo), les sites des intimées qu'elle qualifie, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, de concurrents, seraient dépourvus de contenu et d'intérêt ; que, ceci rappelé, l'appelante ne peut, sous couvert d'une action fondée sur l'article 1382 du code civil, reconstituer un droit privatif qui lui a été dénié - étant incidemment relevé qu'elle ne peut, de ce fait, se prévaloir de la méconnaissance de sa charte d'utilisation dans laquelle elle se présente comme « titulaire de droits concernant (...) sa base de données » - et que le simple fait de copier un produit ou un service non protégé, dans un contexte de liberté du commerce et de l'industrie, n'est pas, en soi, fautif ; qu'au soutien de sa demande au titre de la concurrence déloyale, il lui échoit de démontrer que les sociétés Yakaz et Gloobot ont créé un risque de confusion dans l'esprit du public concerné, ce qu'elle n'établit ni même ne prétend ; que, s'agissant des agissements parasitaires par ailleurs incriminés, il convient de rappeler que la société Pressimmo On Line n'a pas justifié des investissements qu'elle prétend avoir engagés pour la diffusion et l'utilisation de sa base de données ; qu'en outre, et ainsi qu'explicité par les premiers juges, en l'absence d'informations essentielles sur les données d'une annonce, telles que présentées par les sociétés intimées sur leurs sites, et du fait que le client est appelé à se diriger vers le site
que le jugement qui l'a déboutée de ses demandes de ce chef sera, par conséquent, confirmé ; Sur la faute civile délictuelle plus subsidiairement invoquée : que la société Pressimmo On Line reprend à ce titre le grief relatif à la méconnaissance des termes de sa charte d'utilisation déjà invoqué et que la cour n'a pas retenu ; que, par mêmes motifs que précédemment, elle n'est pas fondée à s'en prévaloir » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la SAS PRESSIMO ON LINE forme une demande subsidiaire sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire en reprochant aux défenderesses de reprendre le contenu et les photographies de ses annonces sur leur site ; qu'il convient d'abord de déterminer la nature des services proposés par les défenderesses ; que les différents procès-verbaux de constats produits par les parties dans le cadre de la présente instance démontrent que :
* sur le site www.comintoo.com, avec comme précision « moteur de l'immobilier », en tapant des critères de recherches, il apparaît des annonces reprenant la description du bien, sa surface, le nombre de pièces et son prix ainsi que des photographies, ces annonces pouvant provenir du site www.seloger.com ; qu'il est par ailleurs précisé la mention « accéder à l'annonce complète sur www.seloger.com »,
* sur le site www.gloobot.com qui précise recenser « en France 4.043.035 offres immobilières indexées», en tapant des critères de recherches, la page de résultat comprend une carte pour situer la localisation demandée, avec en dessous des annonces reprenant la description du bien, sa surface, le nombre de pièces et son prix ainsi que des photographies, ces annonces pouvant provenir du site www.seloger.com ; il est par ailleurs précisé la date d'indexation sur le site d'origine « Seloger » par exemple ;
* sur le site www.yakaz.com qui précise recenser « 1.925.255 petites annonces de moins de 7 jours » en tapant des critères de recherches, les annonces correspondantes apparaissent avec la reprise de la description du bien immobilier, ainsi qu'une photographie, ces annonces pouvant provenir du site www.seloger.com ; il est par ailleurs précisé la date d'indexation sur le site d'origine « seloger » par exemple ;
qu'une grande partie de l'annonce apparaît donc sur la page de résultat, mais si l'internaute est intéressé par une annonce, il doit cliquer sur celleci pour être dirigé sur le site dont elle est issue, afin de connaître les coordonnées du vendeur ou de l'agence immobilière, qui elles ne sont pas reprises dans les résultats que proposent les défenderesses ; qu'ainsi, l'information essentielle de l'annonce, à savoir les coordonnées du vendeur ou de son mandataire, n'est pas communiquée par l'affichage proposée par chacun des sites litigieux ; qu'en effet, seules les informations, permettant à l'internaute de savoir s'il est intéressé ou non, sont reprises ; que par ailleurs, il n'est pas discuté que les sites litigieux référencent automatiquement les annonces qu'elles trouvent dans les différents sites au moyen d'un robot explorateur dont il est démontré que l'éditeur de ces sites visités peuvent poser des règles spécifiques d'indexation voir même interdire l'indexation de certaines informations avec les fichiers d'exclusion "robottxt" ; que les différents sites www.comintoo.com, www.gloobot.com et vyww.yakaz.com sont donc des moteurs de recherche, selon les domaines visés, les petites annonces en tout genre ou les annonces immobilières : ils proposent à l'internaute un affichage avec plusieurs réponses au regard des critères formulés dans la demande de celui-ci, qui, s'il est intéressé par l'annonce, doit cliquer sur le lien pour accéder au site, dont est extrait le texte affiché ; que dès lors, les sites www.comintoo.com, www.gloobot.com et www.yakaz.com ne sont donc pas des sites concurrents de www.seloger.com; que le Tribunal examinera donc les demandes exclusivement sous l'angle du parasitisme ; que le parasitisme est caractérisé dès lors qu'une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements ; qu'en l'espèce, il a déjà été souligné ci-dessus que les coordonnées de l'agence ne sont pas communiquées et que pour les connaître il faut consulter le site www.seloger.com, si l'annonce a été collectée dans une des agences clientes ; qu'en effet, l'activité de moteur de recherche, qui est une activité licite au demeurant, consiste à aiguiller l'internaute vers des sites qui pourraient contenir les informations recherchées, par des liens hypertextes ; que dans le cadre de petites annonces, dont il convient de rappeler que le principe est la concision dans sa présentation et le caractère extrêmement limité du contenu, le moteur de recherche, pour répondre à la demande de l'internaute qui recherche un bien immobilier, de fait, reprend nécessairement une quantité importante du texte de la petite annonce, afin de la présenter à l'internaute pour que celui-ci soit informé d'une partie du contenu ; qu'une autre présentation serait difficile à concevoir au regard de l'objectif du service offert par les moteurs de recherche, qui par cette approche, ne font que répondre à la fonctionnalité nécessaire de l'outil spécifique proposé : l'information essentielle n'étant pas communiquée, il y a lieu de considérer que l'affichage de la page de résultat n'excède pas la simple prestation technique adaptée à une recherche d'annonces immobilières ; que cette activité consiste dès lors en une indexation des contenus et non pas en une extraction ; qu'en outre, les internautes sont dirigés vers le site wvvw.seloger.com pour pouvoir contacter l'agence en charge de la vente ou de la location : ce sont ces coordonnées qui constituent la valeur économique du service que propose la SAS PRESSIMO ON LINE aux agences immobilières clientes ; que les défenderesses ne captent pas cette information cruciale et l'internaute se dirige forcément vers le site www.seloger.com; que dès lors, la reproduction des autres informations inhérentes à l'affichage d'un moteur de recherche ne présente pas de caractère fautif ; ainsi, aucune faute ne peut être reprochée aux défenderesses et la SAS PRESSIMMO ON LINE n'a subi aucun préjudice, les défendeurs ne réalisant aucune captation de clientèle mais au contraire orientant les internautes vers le site SEL0GER.COM ; qu'en conséquence, il y a lieu de débouter la SAS PRESSIMO ON LINE de ses demandes au titre de la concurrence parasitaire » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la charte d'utilisation du site Internet www.seloger.com indiquait que l'exploitation « offline ou online, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de ces données sans le consentement exprès de SeLoger est interdite » ; qu'en retenant que la société PRESSIMMO ON LINE ne pourrait se prévaloir de la méconnaissance de cette charte d'utilisation par les sociétés YAKAZ et GLOOBOT, pour la seule raison qu'elle s'y présentait comme « titulaire de droits (¿) concernant sa base de données », sans rechercher, comme elle le devait, si ces sociétés n'avaient pas commis une faute en méconnaissant l'interdiction contenue dans cette charte d'utilisation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART QU'est contraire aux usages loyaux du commerce le fait de se placer dans le sillage d'autrui, en captant indûment, à son détriment, ses efforts et son travail ; que commet ainsi des actes de parasitisme l'exploitant d'un moteur de recherche dédié qui détourne à son profit l'activité d'un service en ligne présentant des annonces immobilières, en mettant directement à la disposition des internautes le contenu de ces annonces immobilières et en leur offrant la possibilité de les explorer en temps réel, ce qui lui permet de capter ainsi indûment les revenus liés à l'activité de l'opérateur de ce service ; qu'en se fondant néanmoins, pour écarter toute faute, sur le fait que les moteurs de recherche dédiés incriminés ne faisaient pas apparaître les coordonnées du vendeur ou de son mandataire sur la page de résultats et que les internautes étaient dirigés vers le service SELOGER.COM pour contacter l'agence en charge de la vente ou de la transaction, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants et a ainsi violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QU'un acte de concurrence déloyale ou de parasitisme cause nécessairement à sa victime un préjudice ; qu'en retenant que la société PRESSIMMO ON LINE n'établirait pas que les agissements incriminés lui auraient causé un préjudice, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article 1382 du code civil.