Cour de cassation, Assemblée plénière, 6 novembre 2015, 14-10.182, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Arrêt n° 625 P + B + R + I

Pourvoi n° H 14-10. 182





LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la caisse de mutualité sociale agricole (CMSA) de la Gironde, dont le siège est 13 rue Ferrère, 33052 Bordeaux cedex,

contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2013 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société Cardarelli, société civile d'exploitation agricole (SCEA), dont le siège est La Borne Nord, 33790 Massugas,

défenderesse à la cassation ;

La deuxième chambre civile a, par arrêt du 13 mai 2015, décidé le renvoi de l'affaire devant l'assemblée plénière ;

La demanderesse au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Vincent et Ohl ;

Un mémoire en défense et un mémoire complémentaire ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Cardarelli ;

Le rapport écrit de M. Truchot, conseiller, et l'avis écrit de M. Marin, procureur général, ont été mis à la disposition des parties ;

Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 23 octobre 2015, où étaient présents : M. Louvel, premier président, Mme Flise, M. Guérin, Mme Batut, M. Frouin, Mme Mouillard, M. Chauvin, présidents, M. Truchot, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, M. Chollet, Mme Bignon, MM. Prétot, Pers, Mmes Fossaert, Dreifuss-Netter, MM. Savatier, Maunand, Fédou, Déglise, conseillers, M. Marin, procureur général, Mme Morin, directeur de greffe adjoint ;

Sur le rapport de M. Truchot, conseiller, assisté de M. Burgaud, auditeur, et de Mme Polèse-Rochard, greffier en chef au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Vincent et Ohl, la SCP Gatineau et Fattaccini, l'avis de M. Marin, procureur général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article D. 8222-7, 1°, b, du code du travail, ensemble l'article 14, point 1, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/ 71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté et l'article 11, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) n° 574/ 72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement n° 1408/ 71, alors en vigueur et dans leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu qu'il résulte du troisième de ces textes que, dans le cas, prévu par le deuxième, d'une personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un Etat membre au service d'une entreprise dont elle relève normalement et qui est détachée par cette entreprise sur le territoire d'un autre Etat membre afin d'y effectuer un travail pour le compte de celle-ci, l'institution désignée par l'autorité compétente de l'Etat membre dont la législation reste applicable délivre, à la demande du travailleur salarié ou de son employeur, un certificat attestant que le travailleur salarié demeure soumis à cette législation et indiquant jusqu'à quelle date ; qu'en conséquence, le certificat E 101 délivré conformément à l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 574/ 72 est le seul document susceptible d'attester la régularité de la situation sociale du cocontractant établi ou domicilié à l'étranger au regard du règlement n° 1408/ 71, au sens du premier de ces textes ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'au cours des années 2007, 2008 et 2009, la société Cardarelli (la société) a confié une partie de son activité viticole à la société de droit portugais Vigma Lda (le sous-traitant), qui a fait l'objet de procès-verbaux pour travail dissimulé ; que, par lettre du 15 novembre 2010, la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde a adressé à la société une lettre d'observations l'avisant de la mise en oeuvre à son encontre de la solidarité financière prévue par l'article L. 8222-2 du code du travail ainsi que du montant des cotisations estimées dues ; qu'une mise en demeure lui ayant été délivrée le 25 mars 2011, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que, pour accueillir le recours, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article R. 324-7, 1°, b), devenu D. 8222-7, 1°, b) du code du travail, que la société devait se faire remettre par son cocontractant établi ou domicilié à l'étranger, lors de la conclusion du contrat et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution, un document attestant la régularité de la situation sociale de celui-ci au regard du règlement n° 1408/ 71 ; qu'il ajoute que tout document pertinent sur la régularité de la situation sociale du sous-traitant vis-à-vis de ses salariés détachés suffit et qu'il en est ainsi des nombreux documents produits par la société sur cette situation ; qu'il relève qu'au demeurant, la société a pu, en cours de procédure, obtenir du service de sécurité sociale portugais une attestation confirmant les rémunérations réellement versées et donc déclarées aux assurances sociales ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Cardarelli aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Cardarelli ; la condamne à payer à la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé le six novembre deux mille quinze par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Moyen annexé au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour la caisse de mutualité sociale agricole (CMSA) de la Gironde

En ce que l'arrêt attaqué infirme la décision de la Commission de recours amiable et annulant le redressement et la mise en demeure du 25 mars 2011, rejette la demande de la MSA tendant au paiement de la somme de 80 547, 93 euros au titre de la solidarité financière prévue à l'article L. 822-2 du code du travail.

AUX MOTIFS QUE la cour d'appel rappelle, en préalable, ce qui n'est pas sans intérêt pour la suite, que, par jugement définitif en date du 17 mai 2010, le tribunal correctionnel de Bordeaux a déclaré M. José X..., gérant de la société portugaise Vigma Lda coupable de travail dissimulé par dissimulation d'activité au motif qu'il n'avait pas déclaré en France son établissement secondaire auprès des organismes sociaux et fiscaux et coupable de l'emploi d'un étranger (M. Y...) non muni d'une autorisation de travail, l'a relaxé pour les faits d'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail pour la très grande majorité des salariés au motif que à défaut d'investigations concluantes quant à la situation respective de ces différents salariés au regard, du droit portugais et du droit européen auprès de l'administration portugaise, faute pour le DILTI d'avoir pu réunir les renseignements nécessaires, le délit visé... n'est pas suffisamment établi ;... en effet, le prévenu... invoque la réglementation communautaire et le respect des obligations sociales pour le personnel recruté dans le cadre de la société Vigma, installée au Portugal, qu'il soutient avoir régulièrement déclaré dans son pays d'origine. Concernant la solidarité financière mise en oeuvre par la MSA, les premiers juges ont rappelé les textes applicables au moment de l'exécution du contrat de travail litigieux, à savoir l'article R. 324-14 (devenu L. 8222-1 et L. 8222-2) du code du travail aux termes duquel toute personne qui ne s'est pas assurée, lors de la conclusion d'un contrat et périodiquement jusqu'à la fin du contrat, dont l'objet porte que une obligation d'un montant au moins égal à 3 000 euros en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, que son contractant s'acquitte des formalités mentionnées à l'article L. 324-10 (devenu L. 8221-3 à L. 8221-5) du code du travail est tenu solidairement avec celui-ci qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires, ainsi que des pénalités et majorations dues par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale. L'article R. 324-7 (devenu D. 8222-7) du code du travail selon lequel lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article R. 324-6, la personne mentionnée à l'article R. 324-5 est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 324-14-2 si elle se fait remettre par son cocontractant établi ou domicilié à l'étranger, lors de la conclusion du contrat et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution : 1°/ Dans tous les cas, les documents suivants : a) Un document mentionnant son numéro individuel d'identification attribué en application de l'article 286 ter du code général des impôts ; si le cocontractant n'est pas tenu d'avoir un tel numéro, un document mentionnant son identité et son adresse ou, le cas échéant, les coordonnées de son représentant fiscal ponctuel en France ; b) Un document attestant la régularité de la situation sociale du cocontractant au regard du règlement (CEE) n° 1408/ 71 du 14 juin 1971 ou d'une convention internationale de sécurité sociale ou, à défaut, une attestation de fourniture de déclarations sociales émanant de l'organisme français de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations sociales incombant au cocontractant et datant de moins de six mois. 2°/ Lorsque l'immatriculation du cocontractant à un registre professionnel est obligatoire dans le pays d'établissement ou de domiciliation, l'un des documents suivants : a) Un document émanant des autorités tenant le registre professionnel ou un document équivalent certifiant cette inscription ; b) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu'y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l'adresse complète et la nature de l'inscription au registre professionnel ; c) Pour les entreprises en cours de création, un document datant de moins de six mois émanant de l'autorité habilitée à recevoir l'inscription au registre professionnel et attestant de la demande d'immatriculation audit registre. 3°/ Lorsque le cocontractant emploie des salariés pour effectuer une prestation de services d'une durée supérieure à un mois, une attestation sur l'honneur établie par ce cocontractant, à la date de signature du contrat et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution, certifiant de la fourniture à ces salariés de bulletins de paie comportant les mentions prévues à l'article R. 143-2, ou de documents équivalents. Les documents et attestations énumérés par le présent article doivent être rédigés en langue française ou être accompagnés d'une traduction en langue française. La MSA au regard-du règlement CE n° 574/ 72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d'application du règlement n° 1408/ 71, et plus particulièrement de son article 11 intitulé " formalités en cas de détachement d'un travailleur salarié en application de l'article 14 paragraphe 1 et de l'article 14- ter paragraphe 1 du règlement et en cas d'accord conclu en application de l'article 17 du règlement l'institution désignée par l'autorité compétente de l'Etat membre dont la législation reste applicable, délivre un certificat attestant que le travailleur salarié demeure soumis à cette législation et indiquant jusqu'à quelle date.- du formulaire établi par la Commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants, qui était pour la période visée par la procédure, le formulaire E 101 aux termes duquel l'institution désignée de l'Etat membre à la législation duquel est soumis le travailleur remplit le formulaire, à la demande du travailleur ou de son employeur et le remet au demandeur. Si le travailleur est détaché en France, elle en adresse un exemplaire au centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale, soutient tout d'abord que la SCEA Cardarelli n'a pas satisfait à la production des formulaires E 101 pour chacun des salariés détachés, pièces justificatives dont elle aurait dû réclamer la production à la société portugaise. La cour d'appel considère que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en relevant que l'article D. 8222-7 1° b) (devenu D. 8222-7 1° b) du code du travail n'exige une attestation de fourniture de déclarations sociales émanant de l'organisme français de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations sociales incombant au cocontractant et datant de moins de six mois qu'à défaut de document attestant la régularité de la situation du cocontractant au regard du règlement CEE n° 1408/ 71 du 14 juin 1971. De plus, la cour d'appel estime qu'il résulte seulement de l'article R. 324-7 1° b) (devenu D. 8222-7) du code du travail que la SCEA Cardarelli devait se faire remettre, lors de la conclusion du contrat et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution un document attestant la régularité de la situation sociale du cocontractant au regard du règlement (CEE) n° 1408/ 71 du 14 juin 1971, tout document pertinent sur la régularité de la situation sociale de la société portugaise Vigma Lda vis-à-vis des salariés concernés suffisant. Les premiers juges ont listé les nombreux documents produits par SCEA Cardarelli sur la situation sociale de la société portugaise et de ses salariés et ont estimé cette production suffisante, la cour d'appel confirmant cette analyse. La MSA reproche, d'autre part, à la SCEA Cardarelli de ne pas avoir rempli en temps utile ses obligations en qualité de donneur d'ordres, estimant que si le donneur d'ordres doit se faire remettre les documents visés à l'article R. 324-7 1°) b) (devenu D. 8222-5) du code du travail, il doit vérifier également leur crédibilité et leur portée : or, selon la MSA, les documents obtenus à l'époque par la SCEA et versés aux débats ne permettent pas de justifier que les salariés bénéficiaient au Portugal d'une couverture sociale active ni même que leur situation de détachement avait pas été communiquée aux autorités françaises. La cour d'appel souligne cependant que le donneur d'ordres est considéré comme ayant procédé aux vérifications requises par l'article L. 324-14 du code du travail dès lors qu'il s'est fait remettre les documents visés à l'article R. 324-4 devenu D. 8222-5 du code du travail et que cette présomption de vérification n'est écartée qu'en cas de discordance dans les documents fournis, ce qui n'est nullement le cas d'espèce. Depuis d'ailleurs, la SCEA, en s'adressant au consulat général du Portugal à Bordeaux en 2012, a pu obtenir, en cours de procédure, la confirmation des rémunérations réellement versées et donc déclarées aux assurances sociales (pour chacun des salariés, le service de sécurité sociale portugais a établi une attestation tamponnée et signée). La décision des premiers juges sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

ET AUX MOTIFS du jugement confirmé QU'en application de l'article R. 324-14 du code du travail (devenu articles L. 8222-1 et L. 8222-2) dans sa rédaction au moment de l'exécution du contrat litigieux, toute personne qui ne s'est pas assurée, lors de la conclusion d'un contrat et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, dont l'objet porte sur une obligation d'un montant au moins égal à 3 000 euros en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, que son cocontractant s'acquitte des formalités mentionnées à l'article L. 324-10 (devenu articles L. 8221-3 à L. 8221-5), est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires, ainsi que des pénalités et majorations dues par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale. En l'espèce, par jugement définitif du 17 mai 2010, le tribunal correctionnel de Bordeaux a déclaré Monsieur X..., gérant de la société portugaise Vigma Lda, coupable de l'exécution d'un travail dissimulé sur la période du 1er octobre 2005 au 9 juin 2009 dans les départements de la Gironde, des Landes, du Lot-et-Garonne et de la Dordogne, ainsi que de l'infraction d'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié. Il résulte de l'article R. 324-7 (devenu D. 8222-7) du code du travail que « la personne qui contracte... est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 324-14-2 devenu L. 8224-4 si elle se fait remettre par son cocontractant établi ou domicilié à l'étranger, lors de la conclusion du contrat et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution : 1°/ Dans tous les cas, les documents suivants : a) Un document mentionnant son numéro individuel d'identification attribué en application de l'article 286 ter du code général des impôts. Si le cocontractant n'est pas tenu d'avoir un tel numéro, un document mentionnant son identité et son adresse ou, le cas échéant, les coordonnées de son représentant fiscal ponctuel en France ; b) un document attestant la régularité de la situation sociale du cocontractant au regard du règlement (CEE) n° 1408/ 71 du 14 juin 1971 ou d'une convention internationale de sécurité sociale ou, à défaut, une attestation de fourniture de déclarations sociales émanant de l'organisme français de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations sociales incombant au cocontractant et datant de moins de six mois ; 2°/ Lorsque l'immatriculation du cocontractant à un registre professionnel est obligatoire dans le pays d'établissement ou de domiciliation, l'un des documents suivants : a) un document émanant des autorités tenant le registre professionnel ou un document équivalent certifiant cette inscription ; b) un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu'y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale ; l'adresse complète et la nature de l'inscription au registre professionnel ; c) pour les entreprises en cours de création, un document datant de moins de six mois émanant de l'autorité habilitée à recevoir l'inscription au registre professionnel et attestant de la demande d'immatriculation audit registre ; 3°/ Lorsque le cocontractant emploie des salariés pour accomplir une prestation de services d'une durée supérieure à un mois, une attestation sur l'honneur établie par ce cocontractant, certifiant de la fourniture à ces salariés de bulletins de paie comportant les mentions prévues à l'article R. 143-2 devenu R. 3243-1 ou de documents équivalents ». Dans le cas présent la mutualité sociale agricole, arguant d'un non-respect des dispositions de l'article R. 324-7 1° b) (devenu D. 8222-7 1° b)) du code du travail, reproche à la SCEA Cardarelli de ne pas avoir présenté une attestation établie moins de six mois avant la date de la conclusion du contrat et disposant que les salariés de l'entreprise Vigma Lda ont été préalablement déclarés auprès de ses services. Il convient toutefois de relever que l'article D. 8222-7 1° b) (devenu D. 8222-7 1° b)) n'exige une attestation de la mutualité sociale agricole qu'à défaut de document attestant la régularité de la situation sociale du cocontractant au regard du règlement (CEE) n° 1408/ 71 du 14 juin 1971 s'agissant d'une société portugaise. Il appartient dès lors à la SCEA Cardarelli de produire soit un document attestant la régularité de la situation sociale du cocontractant au regard du règlement (CEE) n° 1408/ 71 du 14 juin 1971, soit, à défaut, d'une attestation de la mutualité sociale agricole. Cependant, le seul fait qu'elle n'ait pas justifié d'une attestation de la mutualité sociale agricole ne peut suffire pour retenir un manquement à l'obligation de vigilance pesant sur les donneurs d'ordres. En l'espèce la SCEA Cardarelli produit les pièces suivantes :- un certificat portant mention du numéro d'identification fiscale concernant la TVA de la société José Augusto Fernandes Vigma, Lda (NIPC 507524985) ;- un extrait des données enregistrées auprès du système de sécurité sociale portugais au nom de la société José Augusto Fernandes Vigma, Lda (copies en portugais et traductions en français datées des 2 janvier 2007, 1er janvier 2008, 1er août 2008, 2 janvier 2009 et 3 août 2009) ;- un certificat du Conservatoire du Registre commercial de Peso Da Regna au nom de la société José Augusto Fernandes Vigma, Lda du 21 décembre 2005 (copies en portugais et traductions en français du 2 janvier 2007, 1er janvier 2008, 1er août 2008, 2 janvier 2009 et 3 août 2009) ;- des attestations sur l'honneur établies par le gérant de la société les 2 janvier 2007, 2 janvier 2008, 1er juillet 2008, 5 janvier 2009 et 1er juillet 2009 certifiant que ses salariés ont reçu des bulletins de paie ;- l'acte notarié de constitution de la société du 11 novembre 2005 (copie en portugais et traduction en français) ;- des relevés informatiques récapitulant les cotisations sur salaires payées au Portugal par la société de 2007 à 2009 ;- des copies de documents adressés à la sécurité sociale portugaise concernant le détachement de salariés de la société en France en 2008 et 2009. A la lecture de ces pièces, on doit considérer que la SCEA Cardarelli a rempli ses obligations en qualité de donneur d'ordres. La mutualité sociale agricole estime que, dans le cas présent, c'est le droit interne français qui devait s'appliquer et que la société Vigma Lda aurait dû déclarer ses salariés travaillant sur le territoire français auprès de ses services. Cependant les textes n'imposent pas au donneur d'ordres de vérifier la loi applicable. Dès lors qu'à sa connaissance, il s'agissait d'une société établie au Portugal, tous les documents qui lui avaient été remis indiquant une adresse dans ce pays et aucun d'eux ne mentionnant l'existence d'un établissement secondaire en France, et qu'il lui avait été justifié de déclarations sociales auprès de l'organisme compétent au Portugal, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir exigé une attestation émanant de la mutualité sociale agricole. Aucun manquement à l'obligation de vigilance n'est caractérisé.

Alors qu'il résulte des dispositions des articles 14 du règlement n° 1408/ 71 du Conseil du 14 juin 1971, et 11 du règlement CE n° 574/ 72 du Conseil du 21 mars 1972, interprétés par décision n° 181 de la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants du 13 décembre 2000, que le formulaire E 101 est le « document attestant la régularité de la situation sociale du cocontractant au regard du règlement (CEE) n° 1408/ 71 du 14 juin 1971 ou d'une convention internationale de sécurité sociale », au sens de l'article D. 8222-7 du code du travail ; que la cour d'appel qui, pour rejeter la demande formée par la CMSA de la Gironde, a retenu que le donneur d'ordres devait se faire remettre tout document pertinent, et a jugé suffisante la production de divers documents autres que le formulaire E 101, a violé les textes susvisés ;

ECLI:FR:CCASS:2015:AP00625
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