Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 29 octobre 2015, 14-24.771, Inédit,rectifié par un arrêt du 15 septembre 2016.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 juillet 2014), que M. et Mme X... ayant fait construire une maison d'habitation avec chauffage par le sol, sous la maîtrise d'oeuvre de M. Y..., architecte, ont confié le lot carrelage et chape à la société Carrelage Dermaux (la société Dermaux), aujourd'hui en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société Winthertur, aux droits de laquelle se trouve la société MMA IARD ; que la société Dermaux a sous-traité la réalisation de la chape à la société Bauters, assurée auprès de la SMABTP ; que la réception est intervenue le 18 juillet 1997 ; que les maîtres de l'ouvrage ont obtenu un jugement mettant en oeuvre la garantie de parfait achèvement de la société Bauters, pour des défauts du carrelage ; que M. et Mme X..., s'étant plaints de l'aggravation de ces désordres, ont assigné la société Dermaux et son assureur en référé et obtenu la désignation d'un expert par ordonnance du 7 mai 2002 ; qu'à l'initiative des sociétés Dermaux et MMA Iard, les opérations d'expertise ont été étendues à la société Bauters, son assureur la SMABTP, à M. Y... et à la société Lemoine, par ordonnances des 10 septembre 2002 et 8 juillet 2003 ; que M. et Mme X... ont assigné au fond les constructeurs les 7, 8 , 9 et 10 octobre 2008 ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que, M. et Mme X... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes en réparation formées contre M. Y..., alors, selon, le moyen que toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties, y compris à l'égard de celles appelées uniquement à la procédure initiale et pour tous les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige ; que dans les rapports entre le maître de l'ouvrage, les constructeurs et leurs assureurs de responsabilité, ce principe reçoit application dès lors que les actions exercées ont le même objet ; qu'en retenant que la prescription de l'action de M. et Mme X... contre M. Y... n'avait pas été interrompue par l'ordonnance du 8 juillet 2003, qui avait étendu à M. Y... l'expertise décidée le 7 mai 2002, au seul prétexte que la demande d'extension n'avait pas été formée par M. et Mme X... mais par la société MMA IARD, assureur de la société Dermaux, cependant que l'action des maîtres de l'ouvrage contre l'entrepreneur général avait le même objet que l'action récursoire de l'assureur de ce dernier contre le maître d'oeuvre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard de l'article 2241 du code civil ;

Mais attendu, qu'ayant relevé que M. et Mme X... avaient assigné la société Dermaux et son assureur devant le juge des référés ayant ordonné une expertise et que seul cet assureur avait assigné le sous-traitant, l'assureur de celui-ci, et l'architecte aux fins de voir étendre à ceux-ci l'expertise ordonnée, la cour d'appel en a exactement déduit que l'ordonnance de référé déclarant la mesure d'expertise commune à plusieurs constructeurs n'avait pas eu pour effet d'interrompre la prescription à l'égard des maîtres de l'ouvrage ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que l'ouvrage constitué par le carrelage et son support enrobant le système de chauffage n'était pas, à la date du rapport, soit neuf années après la réception, affecté dans sa solidité ni impropre à sa destination et qu'il n'était établi par aucune pièce que les désordres constatés avaient atteint, dans le délai décennal, le caractère de gravité requis par l'article 1792 du code civil, la cour d'appel, qui a pu en déduire que les désordres constatés ne relevaient pas de la garantie décennale, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 2, 1792-4-2 et 2270-1 ancien du code civil ;

Attendu que, pour déclarer prescrite la demande de M. et Mme X... à l'encontre de la société Bauters et de son assureur, l'arrêt retient que les maîtres de l'ouvrage se sont référés dans leurs conclusions aux articles 1792-4-1, 1792-4-2 et 1792-4-3 régissant la prescription à l'égard de toutes les parties, que ces textes sont applicables aussi bien à l'action en responsabilité délictuelle contre la société Bauters, sous-traitant, qu'aux actions contre M. Y..., architecte, sur le fondement des garanties décennale et biennale ou celui de la responsabilité contractuelle de droit commun, que la réception de l'ouvrage est intervenue le 18 juillet 1997 et que la société Bauters, la SMABTP et M. Y... ont été assignés par acte du 7 octobre 2008, soit après l'expiration du délai de prescription de dix ans ;

Qu'en statuant ainsi, en faisant courir le délai de prescription à l'égard du sous-traitant à compter du jour de la réception des travaux et non à compter du jour de la manifestation du dommage ou de son aggravation, la cour d'appel, qui a fait une application rétroactive des dispositions de l'article 1792-4-2 précité, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite la demande de M. et Mme X... à l'encontre de la société Bauters et de son assureur, l'arrêt rendu le 4 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la société MMA IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...,

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes en réparation formées par M. et Mme X... contre la SARL BAUTERS et son assureur, la SMABTP ;

AUX MOTIFS QUE l'article1792-4-1 du code civil dispose que toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 dudit code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de le réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article deux ans ; qu'en vertu de l'article 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionné aux articles 1792 et 17922 se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux et, pour les dommages affectant ceux des éléments d'équipement de l'ouvrage mentionnés à l'article 1792-3, par deux ans à compter de cette même réception ; qu'enfin, l'article 1792-4-3 ajoute qu'en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ; qu'il convient d'observer que Monsieur et Madame X... eux-mêmes, aux termes de leurs conclusions récapitulatives (page 7), citent ces textes comme régissant la prescription à l'égard de toutes les parties ; que lesdits textes sont en effet applicables aussi bien à l'action en responsabilité délictuelle dont disposent les époux X... à l'encontre de la société Bauters, sous-traitant, qu'aux actions dont ils disposent à l'encontre de Monsieur Y..., architecte, réputé constructeur en vertu de l'article 1792-1, que ce soit sur le fondement des garanties particulières (décennale et biennale) prévues par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en l'espèce, la réception de l'ouvrage est intervenue le 18 juillet 1997 et que la société Bauters, la SMABTP et Monsieur Y... ont été assignés devant le tribunal de grande instance de Lille par acte du 7 octobre 2008, soit après expiration du délai de prescription de dix ans ; que l'article 2241 du code civil dispose certes que la demande en justice, même en référé interrompt le délai de prescription ; qu'il est constant cependant que cet effet ne se produit que si la citation est délivrée à la requête du créancier au débiteur qu'il veut empêcher de prescrire ; qu'une assignation en référé qui tend à rendre commune une expertise ordonnée par une précédente décision constitue une citation en justice interrompant la prescription au profit de celui qui l'a diligentée ; que l'ordonnance de référé déclarant une mesure d'expertise commune à plusieurs constructeurs dépendant du maître de l'ouvrage n'a pas pour effet d'interrompre la prescription à l'égard d'une partie à la procédure initiale qui n'a pas été partie aux ordonnances ultérieures ; qu'au cas présent, si Monsieur et Madame X... ont assigné en référé la Sarl Dermaux et la société Winterthur devant le juge des référés qui a ordonné une expertise par décision du 7 mai 2002, c'est la compagnie MMA IARD, assureur de la Sarl Dermaux, qui a assigné la société Bauters, la SMABTP et Monsieur Y... aux fins de voir étendre à ceux-ci l'expertise ordonnée mais que M et Mme X..., demandeurs à la procédure initiale, n'étaient pas parties à la deuxième ordonnance, rendue le 8 juillet 2003, faisant droit à cette demande d'extension ; qu'il en résulte que la prescription n'a pas été interrompue par la deuxième procédure de référé, au profit de M. et Mme X..., à l'égard de la société Bauters, de la SMABTP et de Monsieur Y... ; qu'aucune autre cause d'interruption de la prescription n'est invoquée ; que les demandes des époux X... dirigées contre la société Bauters, la SMABTP et Monsieur Y... sont dès lors irrecevables ;

1°) ALORS QUE la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; que lorsque la loi réduit la durée d'une prescription, la prescription réduite commence à courir, sauf disposition contraire, du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder le délai prévu par la loi antérieure ; que l'article 1792-4-2 du code civil, créé par la loi du 17 juin 2008 par reprise pure et simple des dispositions de l'article 2270-2 ancien du code civil, lui-même issu de l'ordonnance du 8 juin 2005, a réduit la durée de la prescription décennale de l'action en responsabilité du maître de l'ouvrage contre le sous-traitant du fait de dommages de nature biennale ou décennale en faisant courir son délai non plus à compter de la manifestation du dommage mais de la date de la réception ; qu'ainsi, le délai de prescription réduit de l'action en responsabilité contre le sous-traitant, ne court, s'agissant d'ouvrages reçus antérieurement à l'ordonnance du 8 juin 2005, qu'à compter de son entrée en vigueur, soit le 9 juin 2005 et non pas à compter de la réception de l'ouvrage, sans pouvoir excéder la durée de l'ancien délai ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que le dommage s'est aggravé en 2001 et que les époux X... ont fait assigner la société BAUTERS et son assureur le 7 octobre 2008, soit dans le délai de l'article 2270-1 ancien du code civil, ainsi que dans celui de l'article 1792-4-2, courant à compter du 9 juin 2005 ; qu'en décidant que la demande des époux X... était prescrite en application de l'article 1792-4-2 du code civil, reprenant les dispositions de l'article 2270-2 ancien du code civil, lui-même issu de l'ordonnance du 8 juin 2005, au motif qu'à l'égard du sous-traitant l'action des exposants était enfermée dans un délai de dix ans à compter de la réception de l'ouvrage, la cour d'appel a appliqué rétroactivement la loi nouvelle et a violé les articles 2, 2270-1 ancien et 1792-4-2 du code civil ;

2°) ALORS QUE la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; que lorsque la loi réduit la durée d'une prescription, la prescription réduite commence à courir, sauf disposition contraire, du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder le délai prévu par la loi antérieure ; que la loi du 17 juin 2008 a réduit la durée de la prescription décennale de l'action en responsabilité du maître de l'ouvrage contre le sous-traitant, du fait de dommages autres que ceux relevant des garanties décennale et biennale, en faisant courir son délai non plus à compter de la manifestation du dommage mais de la date de la réception ; qu'ainsi, le délai de prescription réduit de l'action en responsabilité contre le sous-traitant ne court, s'agissant d'ouvrages reçus antérieurement à la loi du 17 juin 2008, qu'à compter de son entrée en vigueur le 19 juin 2008 et non pas à compter de la réception de l'ouvrage, sans pouvoir excéder la durée de l'ancien délai ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que le dommage s'est aggravé en 2001 et que les époux X... ont fait assigner la société BAUTERS et son assureur le 7 octobre 2008, soit dans le délai de l'article 2270-1 ancien du code civil ainsi que dans celui de l'article 1792-4-3 du même code, courant à compter du 19 juin 2008 ; qu'en décidant que la demande des époux X... était prescrite en application de l'article 1792-4-3 du code civil, au motif qu'à l'égard du sous-traitant l'action des exposants était enfermée dans un délai de dix ans à compter de la réception de l'ouvrage, la cour d'appel a appliqué rétroactivement la loi nouvelle et a violé les articles 2, 2270-1 ancien et 1792-4-3 du code civil ;

3°) ALORS ENFIN QU'en relevant que « que Monsieur et Madame X... eux-mêmes, aux termes de leurs conclusions récapitulatives (page 7), citent ces textes les articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil comme régissant la prescription à l'égard de toutes les parties », cependant qu'à la page 11 de leurs écritures, par un développement relatif à « la prescription à l'égard de l'entreprise BAUTERS, sous-traitante », les époux X... demandaient au contraire à ce que l'article 2270-1 du code civil soit appliqué à l'espèce, la cour d'appel a dénaturé ces écritures claires et précises, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes en réparation formées par M. et Mme X... contre M. Michel Y... ;

AUX MOTIFS QUE l'article1792-4-1 du code civil dispose que toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 dudit code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de le réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article deux ans ; qu'en vertu de l'article 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionné aux articles 1792 et 17922 se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux et, pour les dommages affectant ceux des éléments d'équipement de l'ouvrage mentionnés à l'article 1792-3, par deux ans à compter de cette même réception ; qu'enfin, l'article 1792-4-3 ajoute qu'en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ; qu'il convient d'observer que Monsieur et Madame X... eux-mêmes, aux termes de leurs conclusions récapitulatives (page 7), citent ces textes comme régissant la prescription à l'égard de toutes les parties ; que lesdits textes sont en effet applicables aussi bien à l'action en responsabilité délictuelle dont disposent les époux X... à l'encontre de la société Bauters, sous-traitant, qu'aux actions dont ils disposent à l'encontre de Monsieur Y..., architecte, réputé constructeur en vertu de l'article 1792-1, que ce soit sur le fondement des garanties particulières (décennale et biennale) prévues par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en l'espèce, la réception de l'ouvrage est intervenue le 18 juillet 1997 et que la société Bauters, la SMABTP et Monsieur Y... ont été assignés devant le tribunal de grande instance de Lille par acte du 7 octobre 2008, soit après expiration du délai de prescription de dix ans ; que l'article 2241 du code civil dispose certes que la demande en justice, même en référé interrompt le délai de prescription ; qu'il est constant cependant que cet effet ne se produit que si la citation est délivrée à la requête du créancier au débiteur qu'il veut empêcher de prescrire ; qu'une assignation en référé qui tend à rendre commune une expertise ordonnée par une précédente décision constitue une citation en justice interrompant la prescription au profit de celui qui l'a diligentée ; que l'ordonnance de référé déclarant une mesure d'expertise commune à plusieurs constructeurs dépendant du maître de l'ouvrage n'a pas pour effet d'interrompre la prescription à l'égard d'une partie à la procédure initiale qui n'a pas été partie aux ordonnances ultérieures ; qu'au cas présent, si Monsieur et Madame X... ont assigné en référé la Sarl Dermaux et la société Winterthur devant le juge des référés qui a ordonné une expertise par décision du 7 mai 2002, c'est la compagnie MMA IARD, assureur de la Sarl Dermaux, qui a assigné la société Bauters, la SMABTP et Monsieur Y... aux fins de voir étendre à ceux-ci l'expertise ordonnée mais que M et Mme X..., demandeurs à la procédure initiale, n'étaient pas parties à la deuxième ordonnance, rendue le 8 juillet 2003, faisant droit à cette demande d'extension ; qu'il en résulte que la prescription n'a pas été interrompue par la deuxième procédure de référé, au profit de M. et Mme X..., à l'égard de la société Bauters, de la SMABTP et de Monsieur Y... ; qu'aucune autre cause d'interruption de la prescription n'est invoquée ; que les demandes des époux X... dirigées contre la société Bauters, la SMABTP et Monsieur Y... sont dès lors irrecevables ;

ALORS QUE toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties, y compris à l'égard de celles appelées uniquement à la procédure initiale, et pour tous les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige ; que dans les rapports entre le maître de l'ouvrage, les constructeurs et leurs assureurs de responsabilité, ce principe reçoit application dès lors que les actions exercées ont le même objet ; qu'en retenant que la prescription de l'action des époux X... contre M. Y... n'avait pas été interrompue par l'ordonnance du 8 juillet 2003, qui avait étendu à M. Y... l'expertise décidée le 7 mai 2002, au seul prétexte que la demande d'extension n'avait pas été formée par les époux X... mais par la société MMA IARD, assureur de la SARL DERMAUX, cependant que l'action des maîtres de l'ouvrage contre l'entrepreneur général avait le même objet que l'action récursoire de l'assureur de ce dernier contre le maître d'oeuvre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard de l'article 2241 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. et Mme X... de leurs demandes dirigées contre la société MMA IARD ;

AUX MOTIFS QU' en vertu des articles 1792 et 1792-4-1 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, pendant dix ans à compter de la réception des travaux, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'il est constant que des éléments d'équipement peuvent être regardés comme des ouvrages en eux-mêmes, qu'ils soient installés dans un ouvrage en construction ou dans un ouvrage existant depuis longtemps, et relever de la garantie décennale si le dommage constaté porte atteinte à leur propre destination ; qu'en l'espèce, les désordres constatés se caractérisent par la fissuration et le tassement ponctuel du sol des pièces du rez-de-chaussée ; que dans le paragraphe de son rapport intitulé "description de l'ouvrage concerné par les désordres", l'expert judiciaire décrit le sol du rez-de-chaussée, à savoir l'élément porteur et le revêtement minéral de surface (carreaux de grès émaillé collés) ; qu'il précise que les fissures du revêtement carrelé sont la manifestation visible des désordres qui affectent le support, lesquels résultent de la conjugaison de plusieurs facteurs aggravants : - absence d'indépendance périphérique de la dalle de compression, - absence de treillis métallique obligatoire, - absence de joints de fractionnement, - insuffisance du temps de séchage de la dalle d'enrobage, - irrégularité de surface du béton brut du plancher ; que "l'ouvrage", tel que l'envisage et le décrit l'expert, est donc le complexe constitué par le carrelage et son support, enrobant le système de chauffage ; qu'un tel complexe, qui s'intègre au gros-oeuvre, peut effectivement, comme le soutiennent les époux X..., être regardé comme un ouvrage ; qu'il s'avère que l'expert conclut que "en l'état, les désordres sont évolutifs et de nature à rendre, à terme, l'ouvrage impropre à sa destination" ; qu'il en résulte, même si Monsieur Z... expose qu'il n'y a pas d'autre solution aux désordres que la réfection totale du complexe en question, que l'ouvrage considéré, c'est-à-dire ledit complexe, n'était pas (ou pas encore), à la date du rapport (3 avril 2006, près de neuf ans après la réception) affecté dans sa solidité ni impropre à sa destination ; que cette déduction se confirme lorsqu'on lit, en page 19 du rapport, qu'à ce stade de l'évolution des désordres, ceux-ci n'ont occasionné aucune gêne particulière ; qu'il ne ressort d'aucune pièce versée aux débats qu'il en fût différemment à la date de l'assignation ou à tout le moins que les désordres constatés aient atteint le caractère de gravité requis par l'article 1792 du code civil avant l'expiration du nouveau délai de dix ans ayant couru à compter du prononcé de l'ordonnance du 7 mai 2002 ordonnant une expertise, après interruption de la prescription à l'égard de la seule société Dermaux ; qu'il convient de rappeler, pour éviter toute confusion, que le "désordre évolutif" susceptible de relever de la garantie décennale selon la jurisprudence est celui qui, né après l'expiration du délai décennal, trouve son siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature et présentant le caractère de gravité requis par l'article 1792 du code civil a déjà été constaté et a fait l'objet d'une demande en justice pendant le délai décennal ; qu'il s'agit donc d'une hypothèse différente de celle qui est soumise à la cour ; que par conséquent, les désordres constatés en l'espèce ne relèvent pas de la garantie décennale ; que les demandes des époux X... dirigées contre la compagnie MMA IARD en tant qu'assureur "responsabilité décennale" de la sarl Carrelages Dermaux ne peuvent donc prospérer ; qu'il n'est pas établi que la société Carrelages Dermaux eût souscrit auprès de ladite compagnie un autre contrat couvrant sa responsabilité civile de droit commun, de sorte que la société MMA IARD ne saurait davantage être condamnée sur ce fondement qu'il n'y a pas lieu d'examine ;

ALORS QUE constitue un désordre actuel, relevant de l'article 1792 du code civil, le dommage révélé pendant le délai décennal et dont il est établi qu'il rendra l'ouvrage impropre à sa destination dans ce délai ; qu'au cas d'espèce, M. et Mme X... faisaient valoir que, selon le rapport d'expertise, les fissurations et tassements ponctuels du sol étaient « évolutifs et de nature à rendre, à terme, l'ouvrage impropre à sa destination » (conclusions, p. 2) ; qu'en jugeant qu'ils ne pouvaient solliciter réparation sur le fondement de la garantie décennale, au motif inopérant que l'ouvrage considéré n'était pas, à la date du rapport d'expertise, affecté dans sa solidité ni impropre à sa destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2015:C301180
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