Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 29 octobre 2015, 14-23.354, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 mai 2014), que la SCI Résidence du Grand Hôtel (la SCI), aujourd'hui en liquidation judiciaire, a vendu, en l'état futur d'achèvement, à M. et Mme X..., un appartement et une place de stationnement dans une résidence de tourisme ; que la Caisse d'épargne et de prévoyance Midi-Pyrénées (la Caisse d'épargne) a accordé à la SCI une garantie d'achèvement sous forme d'un cautionnement ; que les travaux ont été interrompus et le permis de construire a été atteint de péremption en septembre 2009 malgré la désignation, à l'initiative du garant, d'un administrateur provisoire de la SCI ; qu'en l'absence de reprise des travaux, M. et Mme X... ont assigné la Caisse d'épargne en indemnisation de leurs préjudices ;

Attendu que, pour condamner la Caisse d'épargne à payer à M. et Mme X... une certaine somme, l'arrêt retient que ceux-ci exercent l'action directe qui leur est offerte par l'article 1121 du code civil et que le principe de la réparation intégrale du dommage conduit à allouer la différence entre le montant du marché et celui des travaux déjà réalisés, ce qui correspond à la somme nécessaire pour l'achèvement des travaux ;

Qu'en statuant ainsi, alors que M. et Mme X..., recherchaient la responsabilité de la Caisse d'épargne pour les fautes commises dans la mise en oeuvre de la garantie et sollicitaient l'indemnisation d'un préjudice constitué par la perte de déductions d'impôt et de loyers, le remboursement de la TVA, les intérêts d'emprunt et leur préjudice moral, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la Caisse d'épargne de Midi-Pyrénées.

La caisse d'épargne et de prévoyance Midi Pyrénées fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à Jacques X... et Pauline Y..., son épouse, la somme de 85.136,19 euros TVA comprise, à titre de dommages et intérêts sous réserve pour les époux X... de justifier qu'ils n'ont pas pu récupérer la TVA et dit qu'à défaut la TVA devrait être déduite de la somme de 80.136,19 euros ;

AUX MOTIFS QUE sur l'obligation de la caisse d'épargne, tiers bénéficiaire de la garantie d'achèvement stipulée au profit des acquéreurs par le contrat de cautionnement en date du 27 mars 2007, conclu entre la SCI Résidence le Grand Hôtel et la caisse d'épargne, les époux X..., en faisant grief à la caisse d'épargne, de n'avoir pas mis en oeuvre la garantie d'achèvement, exercent l'action directe et personnelle du tiers bénéficiaire contre le promettant ouverte par l'article 1121 du code civil ; qu'en l'espèce, l'inexécution par l'acquéreur de son engagement d'effectuer les paiements sur un compte d'opération ouvert à la caisse d'épargne pour qu'ils soient libératoires expose simplement l'acquéreur à payer deux fois mais n'est pas sanctionnée par la déchéance du bénéficiaire de l'obligation de garantir l'achèvement pesant sur la caisse d'épargne ; que la caducité du permis de construire et l'absence de présentation de situation à payer ne constituent pas des cas de force majeure exonératoires de l'obligation pour la caisse d'épargne d'exécuter son engagement mais s'analysent en des difficultés susceptibles d'avoir simplement différé l'exécution ; que la garantie d'achèvement est due ; que c'est à juste titre que le tribunal a alloué des dommages-intérêts compensatoires de l'inexécution des obligations de la caisse d'épargne de financer l'achèvement ; que le jugement sera donc confirmé par substitution de motifs ; que sur la réparation, le principe de la réparation intégrale du dommage conduit à allouer une somme correspondant à la différence entre le montant du marché de construction (123.337 €) et le montant des travaux réalisés par le promoteur, laquelle différence correspond à la somme nécessaire pour l'achèvement des travaux ; qu'ainsi, Pierre Z... commis par l'administrateur provisoire pour estimer les travaux restant à réaliser, chiffre ceux-ci à la somme de 2.788.200 € à laquelle il ajoute la maîtrise d'oeuvre (220.000 €), et la maîtrise d'oeuvre déléguée et le contrôle (100.000 €), soit au total 3.108.200 € hors taxes ; que le tableau récapitulatif (pièce n° 11) des sommes versées sur le compte centralisateur relatif au bâtiment litigieux Les Izards mentionne un solde dû de 36.101 € par les époux X... ; mais que le tableau récapitulatif mentionne un prix global des appartements de 6.000.000 € sur lequel l'expert chiffre à la moitié de ce montant les travaux restant à réaliser ; que la cour en induit que l'immeuble était achevé à 50%, ce qui permet de fixer le montant dû aux époux X... à la moitié du prix de leur appartement hors taxe ; que la somme de 85.000¿ à laquelle le tribunal est parvenu par un autre calcul peut être confirmée ;

1°) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, les époux X... sollicitaient de la cour non pas qu'elle condamne la caisse d'épargne et de prévoyance Midi Pyrénées à exécuter ses obligations résultant de la garantie d'achèvement que cette dernière avait consentie et à leur verser en conséquence les sommes nécessaires à l'achèvement de l'appartement qu'ils avaient acquis en l'état futur d'achèvement mais prenant acte de ce que la construction ne se ferait pas, qu'elle la condamne à réparer le préjudice qu'ils prétendaient avoir subi du fait du retard fautif de la caisse d'épargne dans la mise en oeuvre de cette garantie, ayant conduit, selon eux, à la caducité du permis de construire, et composé essentiellement des sommes dépensées pour l'acquisition de cet appartement inachevé et des gains escomptés (et manqués) de cette acquisition ; qu'en retenant, pour condamner la caisse d'épargne et de prévoyance Midi Pyrénées à verser aux époux X... la somme de 85.136,19 euros à titre de dommages et intérêts, que la garantie d'achèvement était due aux époux X..., dès lors notamment que la caducité du permis de construire ne constituait pas un cas de force majeure mais s'analysait en une difficulté susceptible d'avoir différé l'exécution de l'engagement de la caisse d'épargne et de prévoyance Midi Pyrénées, et que le principe de la réparation intégrale conduisait à allouer à ces derniers des dommages et intérêts à hauteur de la somme nécessaire à l'achèvement des travaux, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et a ainsi violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°) ALORS subsidiairement QUE le contrat de cautionnement portant garantie d'achèvement en date du 27 mars 2007 conclu entre la caisse d'épargne et de prévoyance Midi Pyrénées et la SCI Résidence Le Grand Hôtel stipulé au profit des époux X... en leur qualité d'acquéreurs de lots de la résidence et sur lequel ces derniers se fondent pour agir contre la caisse d'épargne et de prévoyance Midi Pyrénées stipule expressément que « peuvent seuls se prévaloir du présent cautionnement solidaire les acquéreurs de lots qui, ayant contracté avec la partie cautionnée aux termes d'un acte authentique de vente en l'état futur d'achèvement seront à jour de leurs obligations contractuelles (...) » (article 3 § 1 du contrat, p. 3) ; que dès lors, en énonçant, pour juger que la garantie d'achèvement était due par la caisse d'épargne, que l'inexécution par l'acquéreur de son engagement d'effectuer les paiements sur un compte d'opération ouvert à la caisse d'épargne pour qu'ils soient libératoires exposait simplement l'acquéreur à payer deux fois par mois mais n'est pas sanctionnée par la déchéance du bénéficiaire de l'obligation de garantir l'achèvement pesant sur la caisse d'épargne, la cour d'appel a méconnu la loi du contrat et violé l'article 1134 du code civil ;

3°) ALORS subsidiairement QUE la garantie d'achèvement des travaux donnée par un organisme financier a pour objet l'édification d'un immeuble conforme au permis de construire en vertu duquel cette garantie a été accordée ; que dès lors, en se bornant à énoncer de façon abstraite, pour juger que la garantie d'achèvement était due par la caisse d'épargne et de prévoyance Midi Pyrénées à l'égard des époux X..., que la caducité du permis de construire ne constituait pas un cas de force majeure exonératoire de l'obligation de cette dernière d'exécuter son engagement mais s'analysait en une difficulté susceptible d'en avoir différé l'exécution, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'édification de l'immeuble tel qu'initialement prévu et dont l'achèvement était garanti par la caisse d'épargne pouvait encore faire l'objet d'un permis de construire à la suite de la péremption du permis de construire initial et identique à ce dernier, malgré l'évolution de la règlementation en matière thermique et en matière d'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles R. 261-1, R. 261-21 et R. 261-24 du code de la construction et de l'habitation ;

4°) ALORS très subsidiairement QUE dans leurs conclusions d'appel, les époux X... sollicitaient la réparation de différents chefs de préjudice tirés de ce qu'ils avaient acquis un appartement inachevé, qu'ils réglaient mensuellement les échéances du prêt ayant financé l'acquisition d'un tel appartement, qu'ils étaient privés des avantages fiscaux et des loyers escomptés grâce à l'acquisition de cet appartement - et demandaient en conséquence l'allocation de dommages et intérêts correspondant au prix d'achat de l'appartement toutes taxes comprises, aux intérêts et frais relatifs au prêt ayant financé cette acquisition, à la déduction d'impôts et à la perte des loyers escomptée entre 2009 et 2013 ainsi que la réparation de leur préjudice moral ; qu'en énonçant, pour condamner la caisse d'épargne et de prévoyance Midi Pyrénées à verser aux époux X... la somme de 85.136,19 euros à titre de dommages et intérêts, que le principe de réparation intégrale du dommage conduisait à leur allouer la somme nécessaire à l'achèvement des travaux, sans que les époux X... n'aient demandé la réparation de ce chef de préjudice, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

5°) ALORS à titre infiniment subsidiairement QUE les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en énonçant, pour condamner la caisse d'épargne et de prévoyance Midi Pyrénées à verser aux époux X... la somme de 85.136,19 euros, que le principe de réparation intégrale du dommage conduisait à allouer à ces derniers une somme correspondant à la différence entre le montant du marché de construction (123.337 euros TTC, soit 100.616 euros HT) et le montant des travaux réalisés par le promoteur, que l'immeuble étant achevé à 50%, le montant dû aux époux X... devait être fixé à la moitié du prix de leur appartement hors taxe (soit en principe, 50.308 euros), la cour d'appel qui a alloué en sus de ce montant, pour aboutir à la somme de 85.136,19 euros, la somme d'environ 35.000 euros dont elle constatait pourtant qu'elle correspondait au solde dû par les époux X... sur le compte centralisateur relatif au bâtiment litigieux, a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

ECLI:FR:CCASS:2015:C301159
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