Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 8 octobre 2015, 14-20.345, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le syndicat des copropriétaires du 24 rue de Madrid, la société Cabinet Denis et compagnie et la société Sauvegarde 95 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er avril 2014), que M. X..., preneur à bail d'un local professionnel appartenant à la SCI Larnaud, soutenant que des travaux de rénovation réalisés dans un immeuble mitoyen avaient engendré des désordres dans les lieux loués, a assigné la bailleresse en exécution des travaux de remise en état et en dommages-intérêts pour trouble de jouissance ; que la SCI Larnaud a appelé en cause le syndicat des copropriétaires du 24 rue de Madrid, immeuble abritant le local, son syndic, la société Cabinet Denis et compagnie et la société Sauvegarde 95 en qualité de maître d'¿uvre ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande, l'arrêt retient que la réparation du trouble de voisinage est fondée sur l'article 1382 du code civil et que ce trouble est causé par un tiers, que l'application des articles 1719 et 1720 du code civil est exclue quand les conditions de l'application de l'article 1725 du même code sont réunies et que c'est à tort que le jugement entrepris étend les obligations du bailleur à la réparation des désordres générés par les travaux de l'immeuble voisin ;

Qu'en statuant ainsi, sans solliciter préalablement les observations des parties sur le moyen tiré de l'application de l'article 1725 du code civil qu'elle soulevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu les articles 1720 et 1725 du code civil ;

Attendu que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce ; qu'il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives ; qu'il n'est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d'ailleurs aucun droit sur la chose louée, sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel ;

Attendu que pour rejeter la demande de remise en état des lieux loués, l'arrêt retient que la réparation du trouble de voisinage est fondée sur l'article 1382 du code civil et que ce trouble est causé par un tiers, que l'application des articles 1719 et 1720 du code civil est exclue quand les conditions de l'article 1725 du même code sont réunies et que c'est donc à tort que le jugement entrepris étend les obligations du bailleur à la réparation des désordres générés par les travaux de l'immeuble voisin ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'absence d'obligation de garantir le trouble de jouissance causé au preneur par des tiers ne dispense pas le bailleur de son obligation de faire, pendant la durée du bail, les réparations nécessaires autres que locatives, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la SCI Larnaud aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Larnaud à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la SCI Larnaud ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, en réformant le jugement entrepris, débouté M. X... de ses demandes tendant à la condamnation de la SCI LARNAUD à faire réaliser dans les locaux loués les travaux de reprise conformément au devis retenu par M. Y... et non réalisés par le syndicat des copropriétaires ou non encore indemnisés, et subsidiairement à lui payer directement la somme de 22.113,91 ¿ pour lui permettre de réaliser lesdits travaux, et en tout état de cause à lui payer les sommes de 27.026,68 ¿ au titre de son préjudice de jouissance du 20 février 2004 au 19 janvier 2014, et de 227,11 ¿ par mois jusqu'à la réalisation effective des travaux ;

Aux motifs que « vu les articles 1382 et 1725 du code civil ; ainsi que la SNC SAUVEGARDE 95 et le CABINET DENIS l'invoquent dans leurs conclusions, il s'agit de la réparation d'un trouble de voisinage; qu'en effet les travaux dans l'immeuble voisin ont causé des désordres dans le bien, propriété de la SCI LARNAUD ; que celle-ci ne peut être tenue pour responsable de ces désordres ; que Monsieur X... puis le jugement entrepris considèrent cependant, que la SCI Larnaud, en sa qualité de bailleur, serait tenue de réparer les désordres causés par les travaux de l'immeuble voisin dans le cabinet de dentiste qu'il donne en location à M. X..., au titre de son obligation de délivrance et d'entretien du logement loué, ce que conteste le bailleur qui conclut à la réformation du jugement entrepris en toutes ses dispositions ; que le litige porte donc sur le point de savoir si l'obligation de délivrance et d'entretien du bailleur des articles 1719 et 1720 du code civil oblige celui-ci à réparer des désordres causés par un tiers dans les lieux loués ; mais considérant que l'article 1725 du Code civil dispose : « le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d'ailleurs aucun droit sur la chose louée, sauf au preneur de poursuivre en son nom personnel » ; que la réparation du trouble de voisinage est fondée sur l'article 1382 du code civil et que ce trouble est bien causé par un tiers ; que l'application des articles 1719 et 1720 du Code civil est exclue quand les conditions de l' article 1725 du même code sont réunies, comme en l'espèce ; que c'est donc à tort que le jugement entrepris étend les obligations du bailleur à la réparation des désordres générés par les travaux de l'immeuble voisin; que le jugement entrepris, qui a condamné la SCI LARNAUD à entreprendre les travaux de réparation et à indemniser le trouble de jouissance causé à Monsieur X..., dont il n'est pas l'auteur, sera reformé dans toutes ses dispositions, sauf sur la mise hors de cause de la société SAUVEGARDE 95, qui n'a pas le même numéro SIREN que la société qui a entrepris les travaux dans l'immeuble voisin ; que M. X... n'a formé de demande qu'à l'encontre de la SCI LARNAUD ; qu'il sera débouté de l'ensemble de ses demandes ; (¿) qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI LARNAUD la totalité des frais de procédure qu'elle a été contrainte d'exposer en première instance et en appel ; que M. X... sera condamné à lui verser une somme de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile » (arrêt attaqué, p. 6 et 7) ;

1°) Alors, d'une part, que, les juges du fond sont liés par les conclusions prises devant eux et ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; qu'ainsi, les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les conclusions d'une partie en y ajoutant un nouveau moyen ; qu'au cas présent, pour rejeter les demandes formées par M. X..., la cour d'appel a retenu que le bailleur n'était pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voie de fait à sa jouissance, sans prétendre d'ailleurs aucun droit sur la chose louée tandis que ledit bailleur, la société LARNAUD se contentait de soutenir que les demandes de M. X... devaient être rejetées en ce qu'il n'aurait pas informé le bailleur en temps et en heure des désordres survenus, que la réalité de ces désordres ne serait pas prouvée, notamment parce que l'intégralité du rapport de l'expert n'aurait pas été transmis au bailleur et que le contrat de location prévoirait que M. X... soit en charge des réparations locatives (conclusions de la société LARNAUD p. 2, 3 et 7, notamment le dispositif) ; qu'en outre, le moyen selon lequel, en application de l'article 1725 du code civil, le bailleur serait exonéré de ses obligations vis à vis de son preneur lorsque le trouble dans sa jouissance proviendrait d'un trouble anormal du voisinage, n'était soutenu par aucune des parties en présence au litige, ce texte n'apparaissant dans aucune écriture ; qu'en se fondant, pour débouter M. X... de ses demandes, sur ce moyen sans qu'il ne soit présent dans le débat, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et a ainsi violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°) Alors, d'autre part, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'ainsi lorsqu'une juridiction décide de relever d'office un moyen ou une fin de non-recevoir, elle est tenue d'inviter les parties à s'expliquer sur celui-ci ; qu'au cas présent, en retenant d'office que la société LARNAUD ne devait pas être condamnée à effectuer les réparations nécessaires dans le bien loué au motif, qu'en vertu de l'article 1725 du code civil, un bailleur ne saurait être tenu responsable des désordres subis par son preneur lorsque ceux-ci ont pour cause un trouble anormal du voisinage exercé par un tiers, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel n'a pas respecté le principe de la contradiction et a ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, en réformant le jugement entrepris, débouté M. X... de ses demandes tendant à la condamnation de la SCI LARNAUD à faire réaliser dans les locaux loués les travaux de reprise conformément au devis retenu par M. Y... et non réalisés par le syndicat des copropriétaires ou non encore indemnisés, et subsidiairement à lui payer directement la somme de 22.113,91 ¿ pour lui permettre de réaliser lesdits travaux, et en tout état de cause à lui payer les sommes de 27.026,68 ¿ au titre de son préjudice de jouissance du 20 février 2004 au 19 janvier 2014, et de 227,11 ¿ par mois jusqu'à la réalisation effective des travaux ;

Aux motifs que « vu les articles 1382 et 1725 du code civil ; qu'ainsi que la SNC SAUVEGARDE 95 et le CABINET DENIS l'invoquent dans leurs conclusions, il s'agit de la réparation d'un trouble de voisinage; qu'en effet les travaux dans l'immeuble voisin ont causé des désordres dans le bien, propriété de la SCI LARNAUD ; que celle-ci ne peut être tenue pour responsable de ces désordres ; que Monsieur X... puis le jugement entrepris considèrent cependant, que la SCI Larnaud, en sa qualité de bailleur, serait tenue de réparer les désordres causés par les travaux de l'immeuble voisin dans le cabinet de dentiste qu'il donne en location à M. X..., au titre de son obligation de délivrance et d'entretien du logement loué, ce que conteste le bailleur qui conclut à la réformation du jugement entrepris en toutes ses dispositions ; que le litige porte donc sur le point de savoir si l'obligation de délivrance et d'entretien du bailleur des articles 1719 et 1720 du code civil oblige celui-ci à réparer des désordres causés par un tiers dans les lieux loués ; mais considérant que l'article 1725 du Code civil dispose : « le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d'ailleurs aucun droit sur la chose louée, sauf au preneur de poursuivre en son nom personnel » ; que la réparation du trouble de voisinage est fondée sur l'article 1382 du code civil et que ce trouble est bien causé par un tiers ; que l'application des articles 1719 et 1720 du Code civil est exclue quand les conditions de l' article 1725 du même code sont réunies, comme en l'espèce ; que c'est donc à tort que le jugement entrepris étend les obligations du bailleur à la réparation des désordres générés par les travaux de l'immeuble voisin; que le jugement entrepris, qui a condamné la SCI LARNAUD à entreprendre les travaux de réparation et à indemniser le trouble de jouissance causé à Monsieur X..., dont il n'est pas l'auteur, sera reformé dans toutes ses dispositions, sauf sur la mise hors de cause de la société SAUVEGARDE 95, qui n'a pas le même numéro SIREN que la société qui a entrepris les travaux dans l'immeuble voisin ; que M. X... n'a formé de demande qu'à l'encontre de la SCI LARNAUD ; qu'il sera débouté de l'ensemble de ses demandes ; (¿) qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI LARNAUD la totalité des frais de procédure qu'elle a été contrainte d'exposer en première instance et en appel ; que M. X... sera condamné à lui verser une somme de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile » (arrêt attaqué, p. 6 et 7) ;

Alors que, l'obligation d'entretenir le bien loué et de le maintenir en bon état de réparation, prescrite par l'article 1720, ne se confond pas avec l'obligation du bailleur de garantir à son preneur une jouissance paisible ; qu'ainsi, l'article 1725 du code civil dispense le bailleur de garantir le preneur du trouble de jouissance causé par la voie de fait d'un tiers mais ne met pas fin à son obligation d'entretenir le bien ; que le bailleur reste tenu d'effectuer, pendant la durée du bail, toutes les réparations autres que locatives qui peuvent devenir nécessaires ; qu'en retenant, pour rejeter les demandes formées par M. X... en réparation du bien loué, que les désordres subis provenaient d'un trouble anormal du voisinage imputable à un tiers, et que l'article 1725 du code civil excluait l'application de l'article 1720, la cour d'appel a introduit une exception absente des textes relatifs à l'obligation d'entretien, et a ainsi violé l'article 1720 du code civil, par refus d'application, ensemble l'article 1725 du même code, par fausse application.

ECLI:FR:CCASS:2015:C301045
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