Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 septembre 2015, 14-17.143, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 8 novembre 2013), que Mme X..., engagée le 5 septembre 2002 par l'association ALATFA, devenue Asso Alfa 3A, exerçant en dernier lieu les fonctions de directrice d'un centre d'animation, a été licenciée pour faute grave le 29 septembre 2010 ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement fondé sur une faute grave et de la débouter de toutes ses demandes, en particulier celles relatives à la nullité de son licenciement, alors, selon le moyen, que lorsque la personne invoquant un harcèlement sexuel à son encontre établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon elle un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en considérant que Mme X... ne versait aux débats aucun élément de nature à laisser présumer qu'elle ait été victime de harcèlement sexuel au sein de l'association Alfa 3A, après avoir pourtant constaté que son ancien amant et supérieur hiérarchique lui avait adressé plusieurs SMS se référant aux temps « où elle le rendait heureux » et faisant état de la persistance de son sentiment amoureux, la cour d'appel a violé les articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les deux messages téléphoniques « SMS » adressés à la salariée par son supérieur hiérarchique avec lequel elle avait entretenu une liaison, ne démontraient que la persistance nostalgique d'un attachement sentimental de la part de celui-ci, la cour d'appel a pu en déduire que ces éléments étaient insuffisants pour laisser présumer un harcèlement sexuel ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;



PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré le licenciement fondé sur une faute grave et D'AVOIR débouté la salariée de toutes ses demandes, en particulier celles relatives à la nullité de son licenciement ;

AUX MOTIFS QUE, sur le harcèlement sexuel, il appartient à Mme X... de produire aux débats des éléments pouvant laisser présumer la réalité des faits dénoncés, l'employeur devant alors démontrer que ces faits ne sont pas constitutifs de harcèlement ou qu'il a pris toutes les mesures nécessaires pour en empêcher la survenance ou la continuation ; que les éléments versés aux débats par Mme X... sont totalement insuffisants à démontrer qu'elle ait pu être victime, de la part de M. Y..., d'agissements susceptibles d'être regardés comme constitutifs de harcèlement sexuel ; qu'en effet, la lettre non datée qui lui a été adressée par ce dernier a été manifestement écrite au cours de la période où la salariée a pris la direction du centre de loisirs "Terre des Fleurs", soit très antérieurement aux agissements déviants prétendus ; que cette lettre révèle que Mme X... et M. Y... ont entretenu une liaison amoureuse et des relations intimes sur le devenir desquelles le scripteur interroge la destinataire et s'interroge lui-même au regard de sa situation personnelle ; que si M. Y... y exprime, avec d'ailleurs beaucoup de pudeur et de délicatesse, les sentiments amoureux que lui inspirent sa correspondante, elle ne comporte aucune menace ni aucune forme de contrainte quelconque destinée à obtenir des faveurs sexuelles qui lui ont été manifestement librement consenties auparavant ; que les deux messages téléphoniques dits SMS produits aux débats par Mme X... démontrent simplement la persistance d'un attachement sentimental de la part de M. Y... mais ne peuvent en aucune manière être regardés comme des actes de harcèlement de nature à porter atteinte aux conditions de travail de la salariée ni susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou encore de compromettre son avenir professionnel ; qu'ils ne contiennent aucune menace explicite ou implicite ni ne traduisent l'intention de leur expéditeur d'obtenir des faveurs sexuelles par la contrainte morale ; que si l'on comprend fort bien que Mme X... ait souhaité tourner la page sur une ancienne liaison avérée, ce qui était son droit le plus absolu, le comportement de son ancien amant ne peut en aucune façon être considéré comme caractérisant un harcèlement sexuel ou moral, quand bien même il était son supérieur hiérarchique lorsqu'il s'est borné à lui rappeler qu'il fut des temps où elle le rendait heureux ; que Mme X... produit aux débats des attestations indiquant que M. Y... aurait, en présence de leurs auteurs. "fait des propositions" à Mme X... et lui aurait adressé des réflexions sur ses tenues vestimentaires ; que, cependant, ces attestations ne contiennent aucune précision sur la nature et le contenu de ces propositions ou réflexions, de sorte qu'il ne peut en être tiré aucune conséquence ; qu'il est parfaitement invraisemblable que le M. Y... ait, en la présence d'autres salariés, adressé à Mme X... des propositions sexuelles explicites, alors surtout que dans la lettre précitée, il manifeste son souci de préserver sa vie conjugale malgré les sentiments que lui inspirait Mme X... ; qu'aucun fait de cette nature n'a jamais été rapporté par quiconque alors que de tels agissements étaient susceptibles d'entraîner des poursuites pénales contre l'intéressé à les supposer établis ; que ces attestations, manifestement rédigées pour les besoins de la cause, sont dénuées de toute valeur probante ; que jamais avant le 10 septembre 2010, c'est-à-dire postérieurement à sa rétractation de la rupture conventionnelle du 26 août 2010, Mme X... ne s'est plainte à quiconque d'avoir été victime de harcèlement sexuel au sein de l'entreprise, en particulier de la part de M. Y... ; qu'en particulier, elle n'a saisi ni le président de association, ni le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ni les représentants du personnel ni l'inspection du travail, ni le médecin du travail ; que Mme X... verse aux débats des attestations faisant état de propos ou d'attitudes grossiers ou déplacés de M. Y... envers d'autres femmes salariées de l'entreprise ; que cependant, outre que ces attestations ne rapportent aucun fait précis, daté et circonstancié, elles ne démontrent pas que M. Y... aurait eu une telle attitude envers elle-même, et qu'en outre elles sont totalement contredites par de nombreuses autres attestations décrivant l'intéressé comme respectueux envers ses collègues en général et envers les femmes travaillant sous son autorité en particulier, mesuré et digne dans ses propos ; que cette dernière façon d'être correspond d'ailleurs à la personnalité de l'auteur de la lettre précitée produite aux débats par Mme X... telle qu'elle se dégage de cet écrit dont il a été relevé supra qu'il a été rédigé plusieurs années avant le licenciement de Mme X... (cinq ans environ) ; qu'il ressort de ce qui précède que Mme X... ne verse aux débats aucun élément de nature à laisser présumer qu'elle ait été victime de harcèlement sexuel au sein de l'association Alfa 3A comme elle le prétend ; qu'il convient donc de débouter l'intéressée de toutes ses prétentions fondées sur le harcèlement sexuel allégué, en particulier de sa demande en nullité du licenciement ;

ALORS QUE lorsque la personne invoquant un harcèlement sexuel à son encontre établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon elle un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en considérant que Mme X... ne versait aux débats aucun élément de nature à laisser présumer qu'elle ait été victime de harcèlement sexuel au sein de l'association Alfa 3A, après avoir pourtant constaté que son ancien amant et supérieur hiérarchique lui avait adressé plusieurs SMS se référant aux temps « où elle le rendait heureux » et faisant état de la persistance de son sentiment amoureux, la cour d'appel a violé les articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré le licenciement fondé sur une faute grave et D'AVOIR débouté la salariée de toutes ses demandes, en particulier celles relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement ;

AUX MOTIFS QUE, sur la rupture du contrat de travail, la lettre de licenciement du 29 septembre 2010 fixe les limites du litige ; qu'il est reproché dans cette missive à la salariée de nombreuses négligences dans ses tâches administratives de directrice du "C.L.S.H." "Terre des Fleurs" ayant fortement préjudicié à l'association, une confusion entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle caractérisée par la présence régulière de sa propre fille dans les locaux du "C.L.S.H." ainsi que par l'organisation de réunions diverses sans lien avec l'activité du centre en dehors des heures normales d'ouverture, et par l'utilisation à des fins personnelles du matériel professionnel mis à sa disposition par l'association pour l'activité du centre ; que ce dernier grief est formulé en termes vagues et généraux ne permettant pas à la salariée d'identifier les faits qui lui sont exactement reprochés et que d'ailleurs aucune pièce ne vient l'étayer ; qu'il y a donc lieu de l'écarter ; qu'il en est de même du grief tiré de l'organisation de réunions diverses sans lien direct avec l'activité du "C.L.S.H." ; que, sur le grief tiré de la présence irrégulière de l'enfant de la salariée dans les locaux dudit "C.L.S.H.", les faits sont matériellement établis par les pièces produites aux débats par l'association, notamment de nombreuses photographies ; que, toutefois, de tels faits pouvaient justifier un rappel à l'ordre et, en cas de réitération, un avertissement, mais qu'ils ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement fondé sur la faute grave, quand bien même il n'est pas contestable que, ne serait-ce que pour des questions d'assurance, l'association ne pouvait admettre la présence dans ses locaux d'un enfant qui n'était pas régulièrement inscrit au "C.L.S.H." ; qu'en effet, l'employeur ne démontre pas que ces faits, pour irréguliers qu'ils soient, ont eu pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat de travail ; que l'association qui manifestement en avait connaissance, n'a jamais cru devoir mettre en demeure la salariée de d'y mettre un terme ; que ce grief sera lui aussi écarté ; que le grief tiré des nombreuses négligences de la salariée dans ses tâches administratives de directrice du "C.L.S.H" "Terre des Fleurs" est détaillé de manière précise et circonstanciée dans la lettre de licenciement qui relève : - une mauvaise tenue du registre de présence des enfants empêchant de connaître le nombre des enfants accueillis et donc de le communiquer à la caisse d'allocations familiales, ce qui a abouti à des pertes financières puisque les subventions versées par cet organisme sont fonction de l'activité du "C.L.S.H." , - une absence de facturation ou une facturation non détaillée ne mentionnant pas les prestations fournies, source de réclamations de la part des parents d'enfants accueillis au "C.L.S.H.", comptage inexact des heures déclarées à la caisse d'allocations familiales qui ne correspond pas aux états de présence des enfants, - erreurs dans les récapitulatifs concernant la participation de la caisse d'allocations familiales pour les familles, - défaut d'indication du mode de règlement choisi par les parents (chèques ou espèces) ; que la réalité de ces manquements est entièrement justifiée par les pièces que l'employeur produit aux débats et n'est d'ailleurs pas sérieusement contestée ; que la salariée ne saurait se prévaloir du fait qu'elle avait délégué des subordonnés pour réaliser les opérations matérielles de réalisation de ces tâches administratives ; qu'en effet, il lui appartenait, en sa qualité de directrice du "C.L.S.H." de diriger et de contrôler l'élaboration des documents et pièces nécessaires à la gestion administrative de l'établissement afin de pouvoir en rendre compte à tout moment au conseil d'administration de l'association ; que le grief tiré de négligences graves et habituelles dans les missions de direction confiées à la salariée est avéré au vu des pièces justificatives fournies par l'employeur ; que ces carences caractérisées ont rendu impossible la poursuite du contrat de travail dès lors, notamment, que l'impossibilité de savoir quel était le mode de règlement adopté par les parents des enfants accueillis permettait la disparition d'une partie des fonds ainsi versés à l'association et que celle-ci s'est heurtée à un refus de prise en charge d'une partie des frais de séjour par la caisse d'allocations familiales, faute de pouvoir connaître avec exactitude le nombre d'enfants accueillis et le nombre d'heures passées par chacun d'eux au " C.L.S.H." ;

ALORS, 1°), QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en se fondant, pour retenir une faute grave, que les carences caractérisées de la salariée avaient « rendu impossible la poursuite du contrat de travail », la cour d'appel, qui s'est méprise sur la définition même de la faute grave, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

ALORS, 2°), QUE la faute grave, qui est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, doit être appréciée in concreto ; qu'en retenant la faute grave sans apprécier la gravité des faits, comme la salariée l'y invitait, à la lumière de son ancienneté, de l'absence de tout reproche antérieur et de ses conditions de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

ALORS, 3°), QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en considérant que les manquements relevés à la charge de la salariée étaient constitutifs d'une faute grave cependant qu'ils ne rendaient pas impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01417
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