Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 septembre 2015, 14-17.901, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 mars 2014), que M. X... a remis à Mme Y..., en garantie d'un prêt de 500 000 euros, un chèque du même montant et non daté, tiré sur le compte ouvert au nom de M. et Mme X... dans les livres de la caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France (la caisse) ; que M. X... ayant fait opposition au paiement de ce chèque pour utilisation frauduleuse, Mme Y... a assigné M. et Mme X... et la caisse en mainlevée de l'opposition ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée de l'opposition alors, selon le moyen :

1°/ qu'est nul comme contraire à l'ordre public et doit donc demeurer sans effet, l'accord des parties sur la remise d'un chèque non daté et l'apposition ultérieure d'une fausse date en vue d'éviter la prescription et de permettre sa présentation au paiement malgré sa péremption de sorte qu'en se fondant néanmoins sur l'existence d'un accord des parties sur la remise d'un chèque de garantie non daté et l'apposition ultérieure d'une fausse date dans le but de permettre sa présentation au paiement sans limitation de durée, pour décider que la présentation d'un chèque plus de deux années après son émission ne constituait pas une utilisation frauduleuse de celui-ci, la cour d'appel a violé les articles L. 131-2, L. 131-3, L. 131-32, L. 131-35 et L. 131-59 du code monétaire et financier ;

2°/ qu'en se bornant à affirmer, pour décider que la présentation à l'encaissement, le 16 avril 2013, du chèque qui lui avait été remis sans date par M. X... le 4 août 2010, après qu'il eût été complété de la date du 10 avril 2013, ne constituait pas une utilisation frauduleuse de celui-ci par Mme Y..., que l'éventualité de l'inscription ultérieure d'une date sur le chèque pour son encaissement à défaut de remboursement du prêt était nécessairement entrée dans le champ contractuel, sans constater que M. X... avait accepté qu'une fausse date, au surplus postérieure au délai de péremption du chèque, y soit inscrite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 131-35 du code monétaire et financier ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'absence de datation du chèque lors de sa création résulte d'un accord non équivoque et qu'en portant le chèque à l'encaissement après qu'il eut été complété par une date, Mme Y... n'a fait que lui conférer l'usage de chèque de garantie qui lui était conventionnellement destiné par les parties ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à Mme Y... et celle, globale, de 2 000 euros à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné la mainlevée de l'opposition pour utilisation frauduleuse formée par M. Arnaud X... ou Mme Marine X... au paiement du chèque n° 5339689 tiré par M. X... sur la caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Paris Ile de France,

AUX MOTIFS QUE

« Une procédure est actuellement pendante au fond engagée par Mme Y... à l'encontre de M. X... aux fins d'obtenir remboursement du prêt du 4 août 2010 ;

La présente instance a pour objet la régularité de l'opposition au paiement du chèque au regard des dispositions de l'article L 131-35 du code monétaire et financier, et la qualification d'utilisation frauduleuse donnée au fait d'avoir présenté le chèque à encaissement près de deux ans et 6 mois après sa création et émission, alors que la date n'a pas été apposée lors de la création du chèque, et n'est pas portée de la main du tireur ;

Le fait que la date figurant sur le chèque n'ait pas été portée de la main du tireur est sans incidence sur sa validité et ne peut suffire à caractériser une utilisation frauduleuse de celui-ci ;

Il est constant qu'à la date de sa création le chèque ne comportait aucune mention de date, nécessaire à sa validité ; mais l'absence de datation du chèque lors de sa création résulte d'un accord non équivoque des parties, de même que son usage de chèque de garantie ; sauf à priver de toute signification et portée la remise ainsi convenue d'un chèque de garantie non daté, l'éventualité de l'inscription ultérieure d'une date sur le chèque pour son encaissement à défaut de remboursement du prêt était nécessairement rentrée dans le champ contractuel ;

En l'état des éléments du débat, il n'est pas contesté que le prêt garanti par l'émission de ce chèque n'a pas été remboursé en dépit des mises en demeure adressées, et ce même après qu'un report d'échéance ait de fait été accordé ; en portant le chèque à encaissement après qu'il ait été complété d'une date, Mme Y... n'a fait que lui conférer l'usage qui lui était conventionnellement destiné ;

Dans ces conditions, l'opposition à paiement de ce chèque telle que formalisée par M. X... au motif non justifié d'une utilisation frauduleuse doit être considérée comme irrégulière et sa mainlevée ordonnée ;

L'ordonnance entreprise sera en conséquence réformée, en toutes ses dispositions »,

ALORS QU'est nul comme contraire à l'ordre public et doit donc demeurer sans effet, l'accord des parties sur la remise d'un chèque non daté et l'apposition ultérieure d'une fausse date en vue d'éviter la prescription et de permettre sa présentation au paiement malgré sa péremption de sorte qu'en se fondant néanmoins sur l'existence d'un accord des parties sur la remise d'un chèque de garantie non daté et l'apposition ultérieure d'une fausse date dans le but de permettre sa présentation au paiement sans limitation de durée, pour décider que la présentation d'un chèque plus de deux années après son émission ne constituait pas une utilisation frauduleuse de celui-ci, la cour d'appel a violé les articles L 131-2, L 131-3, L 131-32, L 131-35 et L 131-59 du code monétaire et financier,

ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en se bornant à affirmer, pour décider que la présentation à l'encaissement le 16 avril 2013, du chèque qui lui avait été remis sans date par M. X... le 4 août 2010, après qu'il eût été complété de la date du 10 avril 2013, ne constituait pas une utilisation frauduleuse de celui-ci par Mme Y..., que l'éventualité de l'inscription ultérieure d'une date sur le chèque pour son encaissement à défaut de remboursement du prêt était nécessairement entrée dans le champ contractuel, sans constater que M. X... avait accepté qu'une fausse date, au surplus postérieure au délai de péremption du chèque, y soit inscrite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 131-35 du code monétaire et financier.

ECLI:FR:CCASS:2015:CO00780
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