Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 9 septembre 2015, 14-84.481, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- M. Claude X...,


contre l'arrêt de la cour d'assises du HAUT-RHIN, en date du 28 mars 2014, qui, pour viol aggravé, tentative d'assassinat, menace de mort, rébellion avec arme, l'a condamné à quinze ans de réclusion criminelle, à cinq ans de suivi socio-judiciaire, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 juin 2015 où étaient présents : M. Castel, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Caron, conseiller rapporteur, MM. Moignard, Raybaud, Moreau, Mme Drai, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Beghin, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Bonnet ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention des droits de l'homme, préliminaire, 14. 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 31, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que Mme l'avocat général Lydia Pflug a représenté le ministère public en première instance et en appel ;

" alors qu'il résulte de l'article 31 du code de procédure pénale tel qu'il est issu de la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013, que le ministère public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi dans le respect du principe d'impartialité ; que Mme Lydia Pflug, avocat général, ayant requis tant en première instance qu'en appel, la cour d'assises statuant en appel a méconnu le principe d'impartialité s'imposant à l'avocat général en méconnaissance des textes susvisés " ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention des droits de l'homme, préliminaire, 31, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que Mme l'avocat général, qui a dirigé le comité de pilotage en charge du dispositif de téléprotection pour les femmes en danger, à l'origine de l'interpellation de M. X..., a représenté le ministère public ;

" alors qu'il résulte de l'article 31 du code de procédure pénale tel qu'il résulte de la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013, que le ministère public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi dans le respect du principe d'impartialité ; que Mme Lydia Pflug, avocat général, ayant dirigé le comité de pilotage en charge du dispositif de téléprotection pour les femmes en danger, lequel dispositif est à l'origine de l'interpellation de M. X..., la cour d'assises statuant en appel a méconnu le principe d'impartialité s'imposant à l'avocat général en méconnaissance des textes susvisés " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'aucun texte légal ou conventionnel n'interdit à un magistrat du ministère public qui soutient l'accusation en matière pénale mais n'en décide pas du bien-fondé, d'avoir animé des actions de prévention d'infractions spécifiques, fussent-elles de même nature que celle objet de ladite accusation, ni de requérir successivement dans la même affaire devant les cours d'assises statuant en première instance et en appel ; que, dès lors, les moyens sont inopérants ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-4, 121-5, 221-3, 222-23, 222-24, 222-17, 222-18-3, 433-6 et 433-8 du code pénal, 365-1, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce qu'il ne ressort pas de ses énonciations que le président de la cour d'assises ou l'un des magistrats assesseurs ait rédigé la feuille de motivation immédiatement ou même rédigé, versé au dossier et déposé au greffe de la cour d'assises ladite feuille dans le délai subsidiaire maximal de trois jours à compter du prononcé de la décision ;

" alors qu'il incombe au président de la cour d'assises ou l'un des magistrats assesseurs de rédiger immédiatement la feuille de motivation ou, lorsqu'en raison de la particulière complexité de l'affaire, liée au nombre des accusés ou des crimes qui leur sont reprochés, il n'est pas possible de rédiger immédiatement la feuille de motivation, de la rédiger, la verser au dossier et la déposer au greffe de la cour d'assises au plus tard dans un délai de trois jours à compter du prononcé de la décision ; que le non-respect de cette formalité substantielle entraînera l'annulation de l'arrêt attaqué " ;

Attendu qu'en l'absence d'élément du dossier établissant que la feuille de motivation n'a pas été déposée au greffe dans le délai de trois jours à compter du prononcé de la décision, le moyen, pris du non-respect de cette formalité, qui reste à l'état de simple allégation, ne peut être admis ;


Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention des droits de l'homme, 121-4, 121-5, 222-23, 222-24 du code pénal, 231, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce qu'il résulte de la feuille de questions qu'il a été posé à la cour et au jury la question suivante : « question n° 1 : l'accusé M. X... est-il coupable d'avoir à Rosheim, dans la nuit du 1er juin au 2 juin 2011, par violence, contrainte, menace ou surprise, commis un acte de pénétration sexuelle sur la personne de Mme Sylvie B..., épouse X... ? » ;

" alors que la cour d'assises ne peut connaître d'aucune autre accusation que celle fixée par l'arrêt de renvoi devenu définitif ; qu'il en résulte que les questions ne peuvent porter sur des faits commis à une autre date que celle visée dans la décision de mise en accusation ; qu'en demandant, par la question n° 1, si « l'accusé M. X... est-il coupable d'avoir à Rosheim, dans la nuit du 1er juin au 2 juin 2011, par violence, contrainte menace ou surprise, commis un acte de pénétration sexuelle sur la personne de Mme Sylvie B..., épouse X... : Oui à la majorité de huit voix au moins » quand l'ordonnance de mise en accusation visait un viol commis dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2011, le président a ainsi modifié la date des faits de sorte que la cour d'assises a connu d'une accusation qu'il lui était interdit de connaître en méconnaissance des textes susvisés " ;

Attendu que M. X... a été mis en accusation devant la cour d'assises, notamment pour avoir " dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2011 (...), par violence, contrainte, menace ou surprise, commis un acte de pénétration sexuelle sur la personne de Mme Sylvie B...(...) " ;

Attendu que, pour ce fait, la cour et le jury ont répondu affirmativement à la question 1 ainsi libellée :

" L'accusé M. X... est-il coupable d'avoir, dans la nuit du 1er juin au 2 juin 2011, par violence, contrainte, menace ou surprise, commis un acte de pénétration sexuelle sur la personne de Mme Sylvie B..., épouse X... ? " ;

Attendu que la modification ainsi apportée à la date des faits n'a pas eu pour conséquence de soumettre à la cour d'assises un crime différent de celui dont l'examen lui était déféré par la décision de renvoi et n'a pas modifié la substance de l'accusation ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des article 6 et 7 et de la Convention des droits de l'homme, du principe de présomption d'innocence, des articles 121-4, 121-5, 222-23, 222-24 du code pénal, préliminaire, 353, 365-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que en ce l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'avoir dans la nuit du 1er juin au 2 juin 2011, par violence, contrainte, menace ou surprise, commis un acte de pénétration sexuelle sur la personne de Mme Sylvie B..., épouse X... ;

" aux motifs que la réalité du rapport sexuel n'est pas contestée par M. X... ; que les débats ont mis en évidence que Mme Sylvie B...avait quitté le domicile conjugal depuis le 24 mai 2011, à l'issue d'une longue période au cours de laquelle la dégradation des relations dans le couple était devenue irrémédiable et la rupture évoquée entre eux à de nombreuses reprises ; qu'entre le 24 mai 2011 et le 1er juin 2011 les demandes répétées de M. X... pour rencontrer sa femme se sont heurtées à des nombreux refus et ce n'est qu'avec réticence qu'elle a accepté une rencontre au domicile familial en présence de ses enfants ; qu'en l'absence imprévue de ces derniers elle s'est finalement retrouvée seule avec son mari ; qu'elle avait averti plusieurs personnes de sa visite (beau-frère, voisin) lesquelles ont attesté de la crainte qu'ils avaient de ce projet ; que M. X... a, au cours de la soirée, exhibé une arme devant son épouse qui a toujours déclaré qu'il lui avait alors dit qu'elle était chargée de douze balles dont une pour lui et une pour elle ; que M. X... devait d'ailleurs à l'audience reconnaître qu'il avait tenu ces propos mais avait alors ajouté que cela valait seulement pour la veille et qu'à ce jour une seule balle ne servirait qu'à lui seul ; qu'alors qu'elle manifestait son intention de quitter la maison il l'a contrainte à rester assise en la repoussant sur son siège et en lui conseillant de ne pas le pousser à devenir violent ; qu'enfin au cours de la soirée il a réitérée ses menaces de se suicider ; que le seul fait que Mme Sylvie B...ait décidé, en fin de soirée, par fatigue, de se coucher à côté de son mari n'est pas suffisant pour signifier à ce dernier son consentement à des relations sexuelles qu'ils avaient cessé d'avoir depuis de nombreux mois ; que M. X... ne pouvait ignorer l'état de peur et de fatigue dans lequel elle se trouvait à l'issue de cette soirée et qui l'a conduite à quitter en pleine nuit le domicile familial et se rendre à la gendarmerie pour déposer sa plainte ; que les témoins qui l'ont rencontrée cette nuit-là ainsi que l'expert psychiatre qui l'a examinée ont constaté l'état de détresse psychologique dans laquelle elle se trouvait ; que compte tenu de ces éléments portant tant sur leur séparation de fait que les circonstances de l'organisation de cette soirée et son déroulement, il apparaît que M. X... a imposé à Mme Sylvie B..., par contrainte et menaces, un rapport sexuel non consenti ;

" 1°) alors que, si la loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d'assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus et ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve, ce n'est que sous réserve de l'exigence de motivation ; qu'en cas de condamnation, la motivation d'un arrêt criminel consiste dans l'énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises ; que constitue un viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ; que, pour déclarer M. X... coupable de viol aggravé, la cour d'assises a relevé qu'« alors qu e Mme B...manifestait son intention de quitter la maison M. X... l'a contrainte à rester assise en la repoussant sur son siège et en lui conseillant de ne pas le pousser à devenir violent » (feuille de motivation) ; qu'en se déterminant ainsi par des éléments qui ne permettaient pas d'établir que M. X... avait commis sur la personne de Mme Sylvie B...des actes de pénétration sexuelle par violence, contrainte, menace ou surprise, la cour d'assises a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

" 2°) alors que, si la loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d'assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus et ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve, ce n'est que sous réserve de l'exigence de motivation ; qu'en cas de condamnation, la motivation d'un arrêt criminel consiste dans l'énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises ; que constitue un viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ; que, pour déclarer M. X... coupable de viol aggravé, la cour d'assises a relevé « qu'enfin, au cours de la soirée, il a réitérée ses menaces de se suicider » (feuille de motivation) ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si ces accusations relataient des actes de pénétration sexuelle commis par M. X... sur la personne de Mme Sylvie B...par violence, contrainte, menace ou surprise, la cour d'assises a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

" 3°) alors que, si la loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d'assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus et ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve, ce n'est que sous réserve de l'exigence de motivation ; qu'en cas de condamnation, la motivation d'un arrêt criminel consiste dans l'énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises ; que constitue un viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ; que, pour déclarer M. X... coupable de viol aggravé, la cour d'assises d'appel a relevé « que M. X... ne pouvait ignorer l'état de peur et de fatigue dans lequel elle se trouvait à l'issue de cette soirée et qui l'a conduite à quitter en pleine nuit le domicile familial et se rendre à la gendarmerie pour déposer sa plainte » (feuille de motivation) ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si ces accusations relataient des actes de pénétration sexuelle commis par M. X... sur la personne de Mme Sylvie B...par violence, contrainte, menace ou surprise, la cour d'assises d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

" 4°) alors que, si la loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d'assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus et ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve, ce n'est que sous réserve de l'exigence de motivation ; qu'en cas de condamnation, la motivation d'un arrêt criminel consiste dans l'énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises ; que constitue un viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ; que, pour déclarer M. X... coupable de viol aggravé, la cour d'assises a relevé que « les témoins qui ont rencontré Mme B...cette nuit-là ainsi que l'expert psychiatre qui l'a examinée ont constaté l'état de détresse psychologique dans laquelle elle se trouvait » (feuille de motivation) ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si ces accusations relataient des actes de pénétration sexuelle commis par M. X... sur la personne de Mme Sylvie B...par violence, contrainte, menace ou surprise, la cour d'assises d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

" 5°) alors que, si la loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d'assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus et ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve, ce n'est que sous réserve de l'exigence de motivation ; qu'en cas de condamnation, la motivation d'un arrêt criminel consiste dans l'énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises ; que constitue un viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ; que pour déclarer M. X... coupable de viol aggravé, la cour d'assises d'appel a relevé que « que compte tenu de ces éléments portant tant sur leur séparation de fait que les circonstances de l'organisation de cette soirée et son déroulement » (feuille de motivation) ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si ces accusations relataient des actes de pénétration sexuelle commis par M. X... sur la personne de Mme Sylvie B...par violence, contrainte, menace ou surprise, la cour d'assises a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;

Attendu que les énonciations de la feuille de questions et celles de la feuille de motivation mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'assises, statuant en appel, a caractérisé les principaux éléments à charge, résultant des débats, qui l'ont convaincue de la culpabilité de l'accusé, et justifié sa décision, conformément à l'article 365-1 du code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par la cour et le jury, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf septembre deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

ECLI:FR:CCASS:2015:CR03411
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