Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 juillet 2015, 14-14.654, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte du désistement de la société Henkel à l'égard de trente trois salariés ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 28 janvier 2014), que M. X... et quatorze autres salariés de la société Henkel France ont été licenciés pour motif économique dans le cadre de la restructuration de l'entreprise avec la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi ;

Sur le premier moyen et la première branche du deuxième moyen, réunis :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à M. X..., la somme de 38 500 euros, Mme Y..., la somme de 40 800 euros, M. Z..., la somme de 27 600 euros, M. A..., la somme de 45 500 euros, Mme B..., la somme de 46 000 euros, M. C..., la somme de 64 000 euros, M. D..., la somme de 56 400 euros, Mme E..., la somme de 79 000 euros, M. F..., la somme de 45 000 euros, M. G..., la somme de 50 500 euros, Mme H..., la somme de 52 500 euros, M. I..., la somme de 45 600 euros, M. J..., la somme de 56 000 euros, Mme K..., la somme de 77 000 euros, M. L..., la somme de 44 500 euros, alors selon le moyen :

1°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; que le juge, tenu de trancher personnellement le litige qui lui est soumis conformément aux règles de droit applicables, ne peut se contenter d'une apparence de motivation de nature à faire peser un doute légitime sur la réalité de l'examen des circonstances de la cause et des moyens des parties ; qu'au cas d'espèce, pour écarter les prétentions de la société Henkel France tendant à voir réduire aux six mois de salaire prévus par l'article L. 1235-3 du code du travail le montant des dommages-intérêts pouvant être alloués aux salariés licenciés pour défaut de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est bornée à énoncer, par une formule stéréotypée unique, que « compte tenu des circonstances de la rupture », « de l'ancienneté des salariés », « de leur rémunération et de l'évolution de leur situation postérieurement au licenciement », il convenait d'allouer pour chacun d'entre eux « les sommes précisées au dispositif » ; qu'en statuant ainsi, par une apparence de motivation, ne faisant apparaître aucune appréciation ou analyse personnelle, et ne permettant pas de s'assurer que la juridiction a réellement exercé son office, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

2°/ que tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ; que partant, si les juges du fond apprécient souverainement l'étendue d'un préjudice, leur pouvoir n'est pas discrétionnaire et suppose une motivation suffisante, et cohérente ; qu'en l'espèce, en se retranchant derrière une motivation purement formelle, dès lors qu'elle se bornait à énoncer de manière stéréotypée et par un motif général et abstrait que « compte tenu des circonstances de la rupture », « de l'ancienneté des salariés », de « leur rémunération et de l'évolution de leur situation postérieurement au licenciement », il convenait d'allouer à chacun d'entre eux des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en réparation de leur préjudice, sans faire état d'aucune pièce, ni d'aucun élément propre à justifier leurs montants, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu' il résulte de l'article L. 1235-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 applicable en la cause, que le juge « justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie » ; qu'il s'en évince, ainsi que le faisait expressément valoir l'exposante dans ses conclusions d'appel oralement soutenues, qu'en accordant, en l'espèce, aux salariés des indemnités à titre de dommages-intérêts sans justifier des sommes allouées aux demandeurs, la cour d'appel a statué en violation du texte susvisé ;



Mais attendu que l'article L. 1235-1, alinéa 4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 applicable à la cause, disposant que le juge justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie, vise l'obligation faite au juge d'apprécier individuellement le préjudice subi par le salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou irrégulier par opposition à l'indemnisation forfaitaire prévue à l'alinéa premier de l'article précité dans la phase de conciliation ;

Et attendu que la cour d'appel, motivant sa décision et appréciant la situation de chacun des salariés, a souverainement fixé le montant des dommages-intérêts alloués aux intéressés en réparation de leur préjudice lié à la perte injustifiée de leur emploi ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la deuxième branche du deuxième moyen et sur le troisième moyen, réunis :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à M. X..., la somme de 38 500 euros, Mme Y..., la somme de 40 800 euros, M. Z..., la somme de 27 600 euros, M. A..., la somme de 45 500 euros, Mme B..., la somme de 46 000 euros, M. C..., la somme de 64 000 euros, M. D..., la somme de 56 400 euros, Mme E..., la somme de 79 000 euros, M. F..., la somme de 45 000 euros, M. G..., la somme de 50 500 euros, Mme H..., la somme de 52 500 euros , M. I..., la somme de 45 600 euros, M. J..., la somme de 56 000 euros , Mme K..., la somme de 77 000 euros, M. L..., la somme de 44 500 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel oralement soutenues, la société Henkel France faisait tout d'abord valoir que le plan de sauvegarde de l'emploi établi par l'employeur prévoyait le versement à chaque salarié licencié, en plus de l'indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité complémentaire substantielle d'un minimum de 30 000 euros, d'une indemnité préjudicielle pour fermeture du site portée à 20 000 euros, outre une indemnité extra-conventionnelle de non-reclassement interne égale à 1 750 euros par année d'ancienneté ainsi qu'une indemnité complémentaire éventuelle de 20 000 euros pour les salariés n'ayant pas trouvé de solution effective externe à l'issue de la période antenne-emploi ; que la société Henkel France faisait valoir, en outre, que les mesures négociées avec les organisations syndicales et finalement adoptées dans le plan de sauvegarde de l'emploi visaient à prendre en compte l'entier préjudice des salariés licenciés pour motif économique ; qu'elle justifiait, enfin, du détail des indemnités versées, en exécution du plan, à chacun des salariés qui contestaient leur licenciement et sollicitait la prise en compte de ces indemnités dans la détermination de la réparation due pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en se bornant, dès lors, à fixer le montant des dommages et intérêts des salariés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel de l'exposante, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le principe de la réparation intégrale du préjudice commande que l'indemnité accordée soit appréciée à l'exacte mesure du dommage souffert, de sorte qu'il n'en résulte pour la victime ni perte ni profit ; que lorsque le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit le paiement d'une indemnité complémentaire de licenciement en vue de réparer forfaitairement le préjudice résultant, pour le salarié, de la perte de son emploi, les juges doivent tenir compte du paiement de cette indemnité dans la fixation du montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, le plan de sauvegarde de l'emploi établi par la société Henkel France prévoyait le versement à chaque salarié licencié, en plus de l'indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité complémentaire substantielle d'un minimum de 30 000 euros, d'une indemnité préjudicielle pour fermeture du site portée à 20 000 euros, outre une indemnité extra-conventionnelle de non-reclassement interne égale à 1 750 euros par année d'ancienneté ainsi qu'une indemnité complémentaire éventuelle de 20 000 euros pour les salariés n'ayant pas trouvé de solution effective externe à l'issue de la période antenne-emploi ; que les mesures négociées avec les organisations syndicales et finalement adoptées dans le plan de sauvegarde de l'emploi visaient à prendre en compte l'entier préjudice des salariés licenciés pour motif économique ; que la société Henkel France justifiait du détail des indemnités versées, en exécution du plan, à chacun des salariés qui contestaient leur licenciement, et sollicitait la prise en compte de ces indemnités dans la détermination de la réparation éventuellement due pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en fixant le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans tenir compte des indemnités complémentaires déjà versées aux salariés, en exécution du plan, pour couvrir le préjudice résultant de la perte de leur emploi, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble l'article 1147 du code civil ;

3°/ qu'un même préjudice ne peut pas être indemnisé deux fois ; qu'en l'espèce, aux termes de conclusions circonstanciées et de décomptes précis, la société Henkel France démontrait que le plan de sauvegarde de l'emploi avait pris en compte la situation concrète des salariés licenciés, en tenant notamment compte de leur ancienneté et donc, indirectement de leur âge ; qu'elle ajoutait que les mesures finalement adoptées par le PSE résultaient d'une négociation entre la direction et les organisations syndicales à l'issue de laquelle avait été accepté un enrichissement de ces mesures visant à prendre en compte, par avance, tous les préjudices potentiels pouvant être subis par les salariés licenciés si bien que, dans tous les cas, leur préjudice avait été d'ores et déjà réparé ; qu'en fixant néanmoins le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse des salariés licenciés, sans à aucun moment s'expliquer sur les conclusions de l'exposante concernant les calculs retenus par l'employeur intégrant déjà le préjudice censément subi par les salariés, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que les mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi destinées à faciliter le reclassement des salariés licenciés et compenser la perte de leur emploi n'ont pas le même objet, ni la même cause que les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui réparent le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l'emploi ; que dès lors l'arrêt n'encourt pas les griefs du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Henkel aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Henkel à payer à MM. X..., Z..., A..., C..., D..., F..., Veille, I..., Morice,L... et Mmes Y..., B..., E..., H... et K... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Henkel France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Henkel France à payer à titre de dommages et intérêts, à : Monsieur Mathieu X..., la somme de 38.500 ¿, Madame Sandrine Y..., la somme de 40.800 ¿, Monsieur Christophe Z..., la somme de 27.600 ¿, Monsieur David A..., la somme de 45.500 ¿, Madame Nathalie B..., la somme de 46.000 ¿, Monsieur Pascal C..., la somme de 64.000 ¿, Monsieur Samuel D..., la somme de 56.400 ¿, Madame Cécile E..., la somme de 79.000 ¿, Monsieur Éric F..., la somme de 45.000 ¿, Monsieur Charles G..., la somme de 50.500 ¿, Madame Sandrine H..., la somme de 52.500 ¿ , Monsieur Mickaël I..., la somme de 45.600 ¿, Monsieur David J..., la somme de 56.000 ¿ , Madame Catherine K..., la somme de 77.000 ¿ , Monsieur Denis L..., la somme de 44.500 ¿, outre à chacun des susnommés la somme de 100 ¿ à titre de frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE compte tenu des circonstances de la rupture, de l'ancienneté des salariés ci-dessus précisée, de leur rémunération et de l'évolution de leur situation postérieurement au licenciement, il leur sera alloué pour chacun d'entre eux, par infirmation du jugement entrepris, les sommes précisées au dispositif à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1°) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; que le juge, tenu de trancher personnellement le litige qui lui est soumis conformément aux règles de droit applicables, ne peut se contenter d'une apparence de motivation de nature à faire peser un doute légitime sur la réalité de l'examen des circonstances de la cause et des moyens des parties ; qu'au cas d'espèce, pour écarter les prétentions de la société Henkel France tendant à voir réduire aux six mois de salaire prévus par l'article L. 1235-3 du code du travail le montant des dommages et intérêts pouvant être alloués aux salariés licenciés pour défaut de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est bornée à énoncer, par une formule stéréotypée unique, que « compte tenu des circonstances de la rupture », « de l'ancienneté des salariés » , « de leur rémunération et de l'évolution de leur situation postérieurement au licenciement » , il convenait d'allouer pour chacun d'entre eux « les sommes précisées au dispositif » (arrêt, p. 26, 1er §) ; qu'en statuant ainsi, par une apparence de motivation, ne faisant apparaître aucune appréciation ou analyse personnelle, et ne permettant pas de s'assurer que la juridiction a réellement exercé son office, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ; que partant, si les juges du fond apprécient souverainement l'étendue d'un préjudice, leur pouvoir n'est pas discrétionnaire et suppose une motivation suffisante, et cohérente ; qu'en l'espèce, en se retranchant derrière une motivation purement formelle, dès lors qu'elle se bornait à énoncer de manière stéréotypée et par un motif général et abstrait que « compte tenu des circonstances de la rupture », « de l'ancienneté des salariés », de « leur rémunération et de l'évolution de leur situation postérieurement au licenciement », il convenait d'allouer à chacun d'entre eux des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en réparation de leur préjudice (arrêt, p. 26, 1er §), sans faire état d'aucune pièce, ni d'aucun élément propre à justifier leurs montants, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Henkel France à payer à titre de dommages et intérêts, à : Monsieur Mathieu X..., la somme de 38.500 ¿, Madame Sandrine Y..., la somme de 40.800 ¿, Monsieur Christophe Z..., la somme de 27.600 ¿, Monsieur David A..., la somme de 45.500 ¿, Madame Nathalie B..., la somme de 46.000 ¿, Monsieur Pascal C..., la somme de 64.000 ¿, Monsieur Samuel D..., la somme de 56.400 ¿, Madame Cécile E..., la somme de 79.000 ¿, Monsieur Éric F..., la somme de 45.000 ¿, Monsieur Charles G..., la somme de 50.500 ¿, Madame Sandrine H..., la somme de 52.500 ¿ , Monsieur Mickaël I..., la somme de 45.600 ¿, Monsieur David J..., la somme de 56.000 ¿ , Madame Catherine K..., la somme de 77.000 ¿ , Monsieur Denis L..., la somme de 44.500 ¿, outre à chacun des susnommés la somme de 100 ¿ à titre de frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE compte tenu des circonstances de la rupture, de l'ancienneté des salariés ci-dessus précisée, de leur rémunération et de l'évolution de leur situation postérieurement au licenciement, il leur sera alloué pour chacun d'entre eux, par infirmation du jugement entrepris, les sommes précisées au dispositif à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1°) ALORS QU' il résulte de l'article L. 1235-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 applicable en la cause, que le juge « justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie » ; qu'il s'en évince, ainsi que le faisait expressément valoir l'exposante dans ses conclusions d'appel oralement soutenues (p. 17 et 18 ), qu'en accordant, en l'espèce, aux salariés des indemnités à titre de dommages et intérêts sans justifier des sommes allouées aux demandeurs, la cour d'appel a statué en violation du texte susvisé ;

2°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel oralement soutenues, la société Henkel France faisait tout d'abord valoir que le plan de sauvegarde de l'emploi établi par l'employeur prévoyait le versement à chaque salarié licencié, en plus de l'indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité complémentaire substantielle d'un minimum de 30.000 euros, d'une indemnité préjudicielle pour fermeture du site portée à 20.000 euros, outre une indemnité extra-conventionnelle de non-reclassement interne égale à 1.750 euros par année d'ancienneté ainsi qu'une indemnité complémentaire éventuelle de 20.000 euros pour les salariés n'ayant pas trouvé de solution effective externe à l'issue de la période antenne-emploi ; que la société Henkel France faisait valoir, en outre, que les mesures négociées avec les organisations syndicales et finalement adoptées dans le plan de sauvegarde de l'emploi visaient à prendre en compte l'entier préjudice des salariés licenciés pour motif économique (conclusions d'appel oralement soutenues, p. 18 à 20) ; qu'elle justifiait, enfin, du détail des indemnités versées, en exécution du plan, à chacun des salariés qui contestaient leur licenciement et sollicitait la prise en compte de ces indemnités dans la détermination de la réparation due pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (conclusions d'appel, oralement soutenues, p. 20 à 65) ; qu'en se bornant, dès lors, à fixer le montant des dommages et intérêts des salariés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel de l'exposante, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Henkel France à payer à titre de dommages et intérêts, à : Monsieur Mathieu X..., la somme de 38.500 ¿, Madame Sandrine Y..., la somme de 40.800 ¿, Monsieur Christophe Z..., la somme de 27.600 ¿, Monsieur David A..., la somme de 45.500 ¿, Madame Nathalie B..., la somme de 46.000 ¿, Monsieur Pascal C..., la somme de 64.000 ¿, Monsieur Samuel D..., la somme de 56.400 ¿, Madame Cécile E..., la somme de 79.000 ¿, Monsieur Éric F..., la somme de 45.000 ¿, Monsieur Charles G..., la somme de 50.500 ¿, Madame Sandrine H..., la somme de 52.500 ¿ , Monsieur Mickaël I..., la somme de 45.600 ¿, Monsieur David J..., la somme de 56.000 ¿ , Madame Catherine K..., la somme de 77.000 ¿ , Monsieur Denis L..., la somme de 44.500 ¿, outre à chacun des susnommés la somme de 100 ¿ à titre de frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE compte tenu des circonstances de la rupture, de l'ancienneté des salariés ci-dessus précisée, de leur rémunération et de l'évolution de leur situation postérieurement au licenciement, il leur sera alloué pour chacun d'entre eux, par infirmation du jugement entrepris, les sommes précisées au dispositif à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1°) ALORS QUE le principe de la réparation intégrale du préjudice commande que l'indemnité accordée soit appréciée à l'exacte mesure du dommage souffert, de sorte qu'il n'en résulte pour la victime ni perte ni profit ; que lorsque le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit le paiement d'une indemnité complémentaire de licenciement en vue de réparer forfaitairement le préjudice résultant, pour le salarié, de la perte de son emploi, les juges doivent tenir compte du paiement de cette indemnité dans la fixation du montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, le plan de sauvegarde de l'emploi établi par la société Henkel France prévoyait le versement à chaque salarié licencié, en plus de l'indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité complémentaire substantielle d'un minimum de 30.000 euros, d'une indemnité préjudicielle pour fermeture du site portée à 20.000 euros, outre une indemnité extra-conventionnelle de non-reclassement interne égale à 1.750 euros par année d'ancienneté ainsi qu'une indemnité complémentaire éventuelle de 20.000 euros pour les salariés n'ayant pas trouvé de solution effective externe à l'issue de la période antenne-emploi ; que les mesures négociées avec les organisations syndicales et finalement adoptées dans le plan de sauvegarde de l'emploi visaient à prendre en compte l'entier préjudice des salariés licenciés pour motif économique (conclusions d'appel oralement soutenues, p. 18 à 20) ; que la société Henkel France justifiait du détail des indemnités versées, en exécution du plan, à chacun des salariés qui contestaient leur licenciement, et sollicitait la prise en compte de ces indemnités dans la détermination de la réparation éventuellement due pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (conclusions d'appel oralement soutenues, p. 20 à 65); qu'en fixant le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans tenir compte des indemnités complémentaires déjà versées aux salariés, en exécution du plan, pour couvrir le préjudice résultant de la perte de leur emploi, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble l'article 1147 du Code civil ;

2°) ALORS en tout état de cause QU'un même préjudice ne peut pas être indemnisé deux fois ; qu'en l'espèce, aux termes de conclusions circonstanciées et de décomptes précis, la société Henkel France démontrait que le plan de sauvegarde de l'emploi avait pris en compte la situation concrète des salariés licenciés, en tenant notamment compte de leur ancienneté et donc, indirectement de leur âge (conclusions d'appel, oralement soutenues, p. 18 à 20) ; qu'elle ajoutait que les mesures finalement adoptées par le PSE résultaient d'une négociation entre la direction et les organisations syndicales à l'issue de laquelle avait été accepté un enrichissement de ces mesures visant à prendre en compte, par avance, tous les préjudices potentiels pouvant être subis par les salariés licenciés si bien que, dans tous les cas, leur préjudice avait été d'ores et déjà réparé (conclusions d'appel oralement soutenues, p. 18 à 20) ; qu'en fixant néanmoins le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse des salariés licenciés, sans à aucun moment s'expliquer sur les conclusions de l'exposante concernant les calculs retenus par l'employeur intégrant déjà le préjudice censément subi par les salariés, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01275
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