Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 1 juillet 2015, 14-13.871, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 14-13.871
- ECLI:FR:CCASS:2015:SO01185
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1121-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., agent de sécurité au sein de la société Etic sécurité depuis le 20 avril 2004, a été licencié pour faute grave le 6 octobre 2010 pour avoir diffusé pendant le temps de travail un message comportant « une connotation politique et religieuse, totalement inappropriée dans une entreprise laïque » ; que contestant ce licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les faits ne peuvent être que circonscrits à la diffusion d'un message par le téléphone de l'entreprise, mais ne sauraient être jugés sur le fondement d'une violation des consignes interdisant toute communication téléphonique personnelle sur le lieu de travail, ce grief n'étant pas formulé expressément dans la lettre de licenciement qui ne vise que le caractère politique et religieux du message, diffusé certes « pendant le temps de travail » mais sans plus de précision sur les conséquences attachées actuellement à ces termes dans les développements de la société Etic sécurité, que le réceptionnaire involontaire du message, M. Y..., salarié de l'entreprise, était en possession du portable de M. Z..., autre salarié, censé être le premier d'une chaîne de messages, que peu importe que M. X..., qui reconnaît avoir manqué de discernement relativise la portée du message, notamment en protestant de l'absence de toute motivation religieuse, les termes en cause, destinés à une large diffusion, attestant du contraire, que de telles initiatives ne sont pas tolérables au sein d'une entreprise, tenue à un strict devoir de neutralité, et notamment sur le plan religieux, sujet sensible par excellence entre les salariés, et que la diffusion de semblables messages est d'évidence préjudiciable au fonctionnement normal de la société Etic sécurité ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser, au regard de la tâche d'agent de sécurité de l'intéressé et de l'activité de l'entreprise spécialisée dans ce même domaine, un abus du salarié dans l'usage de la liberté d'expression dont il jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte suscité ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 15 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Etic sécurité aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. X....
- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur X... reposait sur une cause réelle et sérieuse.
- AU MOTIF QUE il résulte des articles L. 1234-1 et L. I234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement. La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve. Le contenu de la lettre de licenciement en date du 22 juin 2010 qui fixe les limites du litige repose sur les griefs suivants :
- M. X... aurait, lors d'une vacation, diffusé sur le portable professionnel d'un intervenant le texto suivant :
" Salam aleikkoum. Message très important. La société israélienne ISLA DELICE a été condamnée pour... avoir vendu de la viande de porc sous le label hala. Faites passer le message et boycottez ces produits, c'est notre devoir de musulmans. Tbarakallahoufikoum. "
Ce message, comportant une connotation politique et religieuse, totalement inappropriée dans une entreprise laïque, justifiait la rupture des relations contractuelles de travail. Force est de constater, au regard de la nature de la sanction retenue, que, d'une part, la société ETIC SECURITE ne donnait, et ne donne toujours pas, aucune précision sur la date des faits, lors qu'elle se prévaut d'attestations de personnes disant avoir reçu ce message ; que, d'autre part, la société ETIC SECURITE ne faisait pas état, dans le document précité, de la nécessité de rompre sans délai le contrat de travail ; En conséquence la faute grave ne peut être retenue ; Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables. Les faits sont en l'espèce avérés ; ils ne peuvent être que circonscrits à la diffusion d'un message par le téléphone de l'entreprise, mais ne sauraient être jugés sur le fondement d'une violation des consignes interdisant toute communication téléphonique personnelle sur le lieu de travail, ce grief n'étant pas formulé expressément dans la lettre de licenciement qui ne vise que le caractère politique et religieux du message, diffusé certes " pendant le temps de travail " mais sans plus de précision sur les conséquences attachées actuellement à ces termes dans les développements de la société ETIC SECURITE ; Cette dernière souligne que le réceptionnaire involontaire du message, M. Y..., était en possession du portable de M. Z..., censé être le premier d'une chaîne de messages ; peu importe que Monsieur X..., qui reconnait avoir manqué de discernement relativise la portée du message, notamment en protestant de l'absence de toute motivation religieuse, les termes en cause, destinés à une large diffusion, attestant du contraire ; de telles initiatives ne sont pas tolérables au sein d'une entreprise, tenue à un strict devoir de neutralité, et notamment sur le plan religieux, sujet sensible par excellence entre les salariés ; La diffusion de semblables messages est, par d'évidence préjudiciable au fonctionnement normal de la société ETIC SECURITE ; Partant, doit être retenu pour fonder le licenciement de M. X... ;
- ALORS QUE aux termes de l'article L1121-1 du code du travail, « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu'en se bornant à déduire le caractère réelle et sérieux du licenciement de M. X... de la seule nature soit disant religieuse ou politique du SMS qu'il avait rédigé et expédié à un tiers et non à l'employeur qui n'en était pas destinataire, sans constater qu'eu égard à la tâche d'agent de sécurité occupé par Monsieur X... et à l'activité de l'entreprise spécialisée dans la sécurité ce salarié avait abusé de son droit d'expression, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1121-1 et L 1234-1 du code du travail.