Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 1 juillet 2015, 13-26.850, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 13-26.850
- ECLI:FR:CCASS:2015:SO01168
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles 22 novembre 2010) que M. X..., engagé par la société Euris en qualité d'ingénieur étude et développement en octobre 2008 a été licencié pour motif économique par lettre du 8 mars 2010 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour délivrance tardive des documents sociaux (attestation Pôle emploi, certificat de travail, solde de tout compte), alors, selon le moyen :
1°/ qu'à l'expiration du contrat de travail, l'employeur est tenu de délivrer au salarié un certificat de travail dont le contenu est déterminé par voie réglementaire ; que si le certificat de travail est quérable, il devient portable lorsque l'employeur mentionne, dans la lettre de licenciement, que le document sera adressé au salarié ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-19 du code du travail ;
2°/ qu'en toute hypothèse, si le certificat de travail est quérable, il devient portable lorsque le salarié demande expressément, pour des raisons médicales, à ce que ce document lui soit adressé ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-19 du code du travail ;
3°/ qu'à l'expiration du contrat de travail, l'employeur est tenu de délivrer au salarié l'attestation Pôle emploi qui lui permet d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 du code du travail ; que si cette attestation est quérable, elle devient portable lorsque l'employeur mentionne, dans la lettre de licenciement, que le document sera adressé au salarié ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 1234-9 du code du travail ;
4°/ qu'en toute hypothèse, si l'attestation Pôle emploi est quérable, elle devient portable lorsque le salarié demande expressément, pour des raisons médicales, à ce que ce document lui soit adressé ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 1234-9 du code du travail ;
5°/ que lors de la rupture du contrat de travail, l'employeur remet au salarié un solde de tout compte dont le salarié lui donne reçu ; que si le solde de tout compte est quérable, il devient portable lorsque l'employeur mentionne, dans la lettre de licenciement, que le document sera adressé au salarié ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-20 du code du travail ;
6°/ qu'en toute hypothèse, si le solde de tout compte est quérable, il devient portable lorsque le salarié demande expressément, pour des raisons médicales, à ce que ce document lui soit adressé ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-20 du code du travail ;
Mais attendu qu'après avoir exactement rappelé le caractère quérable des documents sociaux de fin de contrat, la cour d'appel, par motifs non critiqués, a retenu que la lettre de licenciement ne valait pas engagement de l'employeur de faire porter ces documents au salarié et que ce dernier n'établissait pas avoir été dans l'impossibilité médicale d'en prendre possession dans les locaux de l'entreprise où ils étaient tenus à sa disposition ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des règles relatives à l'ordre des licenciements, alors, selon le moyen :
1°/ que la mise en oeuvre des critères d'ordre des licenciements s'effectue au regard du nombre de licenciement décidé ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était pourtant demandé, si le choix des salariés licenciés était justifié au regard du nombre de licenciements décidé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige ;
2°/ que les critères d'ordre des licenciements s'appliquent à l'ensemble des salariés appartenant à la catégorie professionnelle dont relèvent les emplois supprimés ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était pourtant demandé, si l'employeur justifiait de l'application des critères relatifs à l'ordre des licenciements à l'ensemble des salariés appartenant à la catégorie professionnelle dont relevaient les emplois supprimés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige ;
3°/ qu'en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, l'employeur définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était pourtant demandé, si l'employeur justifiait avoir consulté les représentants du personnel sur les critères d'ordre des licenciements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige ;
Mais attendu qu'il ne résulte pas de ses conclusions devant la cour d'appel, reprises à l'audience, que le salarié a soutenu que l'employeur avait établi irrégulièrement les critères d'ordre et en avait fait une mauvaise application ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que ne procède pas d'un motif réel et sérieux le licenciement décidé en raison d'une suppression d'emploi lorsqu'il est constaté qu'un autre salarié a été embauché, peu après l'expiration du contrat de travail du salarié licencié, pour occuper un poste similaire à celui occupé par ce dernier ; qu'en retenant que l'embauche d'un ingénieur études et recherche en octobre 2010 ne contredisait pas le motif du licenciement au motif inopérant que cette embauche avait été précédée de plusieurs départs d'autres ingénieurs d'études et recherche, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail ;
2°/ qu'en toute hypothèse, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que si le reclassement de l'intéressé dans l'entreprise n'est pas possible ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si l'employeur avait effectivement recherché toutes les possibilités de reclassement qui existaient dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
3°/ qu'au titre de son obligation de reclassement, l'employeur est tenu de proposer au salarié précédemment employé à temps plein, un poste à temps partiel ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
4°/ qu'en cas de recours portant sur un licenciement pour motif économique, l'employeur communique au juge tous les éléments qu'il a fournis aux représentants du personnel en application des articles L. 1233-8 et L. 1233-10 du code du travail ; qu'à défaut, le licenciement est privé de cause économique ; qu'en ne recherchant pas si l'employeur justifiait de ces documents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-2, L. 1233-8, L. 1233-10 et L. 1235-9 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, se fondant sur les documents produits par l'employeur devant elle et dont le salarié n'alléguait pas le caractère incomplet, non plus que l'existence d'un poste de travail à temps partiel disponible, la cour d'appel a fait ressortir que l'employeur établissait qu'aucun poste permettant le reclassement de l'intéressé n'était disponible ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts pour délivrance tardive des documents sociaux (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, solde de tout compte) ;
AUX MOTIFS QUE les documents sociaux sont quérables et non portables ; que, par la formule insérée dans la lettre de licenciement (« à l'expiration de votre préavis, vous recevrez votre solde de tout compte ainsi que tous les documents qui vous sont dus¿ »), la société ne s'engageait pas à transmettre ces documents à M. X... ; que le certificat médical excluant une activité professionnelle n'établit pas que M. X... ne pouvait se déplacer au siège de la société ;
1/ ALORS QU'à l'expiration du contrat de travail, l'employeur est tenu de délivrer au salarié un certificat de travail dont le contenu est déterminé par voie réglementaire ; que si le certificat de travail est quérable, il devient portable lorsque l'employeur mentionne, dans la lettre de licenciement, que le document sera adressé au salarié ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-19 du code du travail ;
2/ ALORS, en toute hypothèse, QUE si le certificat de travail est quérable, il devient portable lorsque le salarié demande expressément, pour des raisons médicales, à ce que ce document lui soit adressé ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-19 du code du travail ;
3/ Et ALORS QU'à l'expiration du contrat de travail, l'employeur est tenu de délivrer au salarié l'attestation Pôle Emploi qui lui permet d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 du code du travail ; que si cette attestation est quérable, elle devient portable lorsque l'employeur mentionne, dans la lettre de licenciement, que le document sera adressé au salarié ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 1234-9 du code du travail ;
4/ ALORS, en toute hypothèse, QUE si l'attestation Pôle Emploi est quérable, elle devient portable lorsque le salarié demande expressément, pour des raisons médicales, à ce que ce document lui soit adressé ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 1234-9 du code du travail ;
5/ Et ALORS QUE lors de la rupture du contrat de travail, l'employeur remet au salarié un solde de tout compte dont le salarié lui donne reçu ; que si le solde de tout compte est quérable, il devient portable lorsque l'employeur mentionne, dans la lettre de licenciement, que le document sera adressé au salarié ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-20 du code du travail ;
6/ ALORS, en toute hypothèse, QUE si le solde de tout compte est quérable, il devient portable lorsque le salarié demande expressément, pour des raisons médicales, à ce que ce document lui soit adressé ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-20 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives à l'ordre des licenciements ;
AUX MOTIFS QUE la société a communiqué M. X... les critères d'ordre des licenciements ; que la hiérarchie des critères d'ordre énumérés par l'article L. 1233-5 du code du travail ne s'impose pas à l'employeur qui pouvait privilégier les compétences professionnelles des salariés ; que les pièces 19 et 20 de la société, non contestées par M. X..., établissent suffisamment 1'application des critères d'ordre annoncés ;
1/ ALORS, d'une part, QUE la mise en oeuvre des critères d'ordre des licenciements s'effectue au regard du nombre de licenciement décidé ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était pourtant demandé, si le choix des salariés licenciés était justifié au regard du nombre de licenciements décidé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige ;
2/ ALORS, d'autre part, QUE les critères d'ordre des licenciements s'appliquent à l'ensemble des salariés appartenant à la catégorie professionnelle dont relèvent les emplois supprimés ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était pourtant demandé, si l'employeur justifiait de l'application des critères relatifs à l'ordre des licenciements à l'ensemble des salariés appartenant à la catégorie professionnelle dont relevaient les emplois supprimés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige ;
3/ ALORS, enfin, QU'en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, l'employeur définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était pourtant demandé, si l'employeur justifiait avoir consulté les représentants du personnel sur les critères d'ordre des licenciements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté ce dernier de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE le grief du salarié, portant sur le défaut de consultation des délégués du personnel est ici inopérant, étant étranger à la réalité même du motif économique ; que la société Euris édite des logiciels applicatifs dans le domaine pharmaceutique ; qu'elle verse les informations spécialisées relatives aux effets des médicaments génériques, sur le marché du médicament, et de la visite médicale ainsi que les bilans de ses exercices 2008 et 2009 ; que ces documents marquent le net recul du nombre des visiteurs médicaux et du résultat de la société qui marquent la chute sévère du résultat d'exploitation (320982 ¿ en 2007, 209118 ¿ en 2008 et 347112 ¿ en 2009) de la société ; que la dégradation amorcée au cours de l'année 2008 s'est accentuée de telle manière qu'il ne peut être reproché à l'employeur - dont la situation commençait à décliner mais dont il pouvait espérer l'amélioration - d'avoir recruté M. X... en août 2008 ; qu'un ingénieur études et recherche a été embauché en octobre 2010 ; que cette embauche, précédée de plusieurs départs d'autres ingénieurs d'études et recherche, ne constitue pas le remplacement de M. X... et ne contredit pas le motif économique de son licenciement ; que les griefs de M. X... quant à la négligence de l'employeur à son égard -à les supposer confirmés- ne privent pas le licenciement de son fondement ; que les résultats de M. X... dans un travail à temps plein ne pouvaient contraindre la société à lui proposer un travail à temps partiel ;
1/ ALORS QUE ne procède pas d'un motif réel et sérieux le licenciement décidé en raison d'une suppression d'emploi lorsqu'il est constaté qu'un autre salarié a été embauché, peu après l'expiration du contrat de travail du salarié licencié, pour occuper un poste similaire à celui occupé par ce dernier ; qu'en retenant que l'embauche d'un ingénieur études et recherche en octobre 2010 ne contredisait pas le motif du licenciement au motif inopérant que cette embauche avait été précédée de plusieurs départs d'autres ingénieurs d'études et recherche, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail ;
2/ ALORS, en toute hypothèse, QUE le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que si le reclassement de l'intéressé dans l'entreprise n'est pas possible ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si l'employeur avait effectivement recherché toutes les possibilités de reclassement qui existaient dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
3/ ALORS, au surplus, QU'au titre de son obligation de reclassement, l'employeur est tenu de proposer au salarié précédemment employé à temps plein, un poste à temps partiel ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
4/ ALORS, enfin, QU'en cas de recours portant sur un licenciement pour motif économique, l'employeur communique au juge tous les éléments qu'il a fournis aux représentants du personnel en application des articles L. 1233-8 et L. 1233-10 du code du travail ; qu'à défaut, le licenciement est privé de cause économique ; qu'en ne recherchant pas si l'employeur justifiait de ces documents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-2, L. 1233-8, L. 1233-10 et L. 1235-9 du code du travail.