Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 juin 2015, 14-11.077, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 14-11.077
- ECLI:FR:CCASS:2015:SO01147
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Frouin
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 25 février 2013), que M. X... a été engagé le 1er janvier 1987 par la société Guyavert en qualité d'agent d'entretien pour occuper en dernier lieu les fonctions d'ouvrier paysagiste ; que le 22 décembre 2006 à 7h, il a cessé le travail avec sept autres salariés, revendiquant le paiement d'un acompte sur le treizième mois ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 9 février 2007 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que dès l'instant que les revendications des salariés étaient connues de l'employeur au moment où ils ont cessé le travail, ils ont exercé le droit de grève, seule la loi pouvant créer un délai de préavis s'imposant aux salariés ; qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les conditions qui caractérisent la grève n'étaient pas réunies au motif notamment que l'employeur doit avoir eu connaissance des revendications professionnelles avant le déclenchement de la grève et qu'en la présente espèce, la grève avait débuté avant même que l'employeur n'ait eu connaissance de son objet, la lettre de licenciement faisant apparaître qu'il n'avait acquis cette connaissance qu'au terme du dialogue engagé avec l'appelant, la cour d'appel a violé l'article L. 2511-1 du code du travail ;
2°/ que la cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles caractérise l'exercice du droit de grève et que la commission, par certains salariés grévistes, d'actes illicites au cours de leur mouvement, ne suffit pas, à elle seule, à modifier la nature de ce dernier ; qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les conditions qui caractérisent la grève n'étaient pas réunies au motif notamment que constitue un acte abusif le fait d'interdire l'accès à l'entreprise à quiconque, notamment au directeur et au personnel non gréviste, et qu'il était établi que le salarié, après avoir positionné son fourgon à l'entrée de l'entreprise pour empêcher la sortie des véhicules vers des chantiers, voyant qu'un passage était possible, a démarré son véhicule et volontairement heurté le directeur et le gérant de la société, la cour d'appel n'a nullement caractérisé en quoi ces agissements du salarié étaient susceptibles de modifier la nature du mouvement de grève auquel il participait ; que, ce faisant, elle a violé l'article L. 2511-1 du code du travail ;
Mais attendu que l'exercice normal du droit de grève n'étant soumis à aucun préavis, sauf dispositions législatives le prévoyant, il nécessite seulement l'existence de revendications professionnelles collectives dont l'employeur doit avoir connaissance au moment de l'arrêt de travail, peu important les modalités de cette information ;
Et attendu qu'ayant constaté par motifs propres et adoptés que l'employeur avait été tenu dans l'ignorance des motifs de l'arrêt de travail, à savoir le versement d'un acompte sur le treizième mois, et n'avait été informé de cette revendication qu'en demandant aux intéressés les raisons du blocage des portes de l'entreprise, la cour d'appel en a déduit à bon droit que le salarié initiateur de ces faits ne pouvait se prévaloir de la protection attachée au droit de grève ;
D'où il suit que le moyen, qui critique en sa seconde branche un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, que la faute grave est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée même limité du préavis ; qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le licenciement était fondé sur une faute grave au seul motif qu'un certificat médical établi le jour des faits faisait état pour le gérant de l'entreprise d'un traumatisme au niveau de la face externe du genou droit ayant nécessité un traitement local et que ce document objectif caractérisait la faute grave imputée au salarié sans même constater en quoi le comportement reproché à ce dernier rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté par motifs propres et adoptés que le salarié avait bloqué la sortie de l'entreprise afin d'empêcher les véhicules de service de se rendre sur les chantiers puis avait volontairement heurté avec son véhicule le directeur et le gérant, blessant ce dernier, la cour d'appel a pu en déduire que ces faits rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et constituaient une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Phalor X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. Phalor X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE d'avoir confirmé le jugement entrepris ayant dit le licenciement régulier et fondé sur une faute grave, déboutant Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes,
AUX MOTIFS QUE :
« (...) l'article L. 2511-1 du Code du travail dispose que l'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail sauf faute lourde imputable au salarié ; Qu'à juste titre il a été rappelé que la jurisprudence retient que l'employeur doit avoir eu connaissance des revendications professionnelles avant le déclenchement de la grève et que constitue un acte abusif le fait d'interdire l'accès de l'entreprise à quiconque, notamment au directeur et au personnel non gréviste.
(...) Que les 7 attestations produites par l'appelant (pièces 16 à 23 de l'appelant) mentionnent un mouvement de grève décidé et initié le 22 décembre 2006 en vue de réclamer un acompte sur le 13ème mois ; Que ce mouvement a, comme l'a relevé le premier juge, débuté avant même que l'employeur n'ait eu connaissance de son objet.
(...) Que la lettre de licenciement fait apparaître que l'employeur a acquis cette connaissance au terme du dialogue engagé avec l'appelant.
(...) Que ces éléments sont corroborés par l'attestation d'une déléguée syndicale qui précise que l'appelant a agi de sa propre initiative.
(...) Que les différentes attestations, justement rappelées par le premier juge, établissent que l'appelant, après avoir positionné son fourgon à l'entrée de l'entreprise pour empêcher la sortie des véhicules vers des chantiers, voyant qu'un passage était possible, a démarré son véhicule et volontairement heurté le directeur et le gérant de la société GUYAVERT.
(...) Qu'il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que les conditions qui caractérisent la grève n'étaient pas réunies. » ;
ALORS D'UNE PART QUE dès l'instant que les revendications des salariés étaient connues de l'employeur au moment où ils ont cessé le travail, ils ont exercé le droit de grève, seule la loi pouvant créer un délai de préavis s'imposant aux salariés ; Qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les conditions qui caractérisent la grève n'étaient pas réunies au motif notamment que l'employeur doit avoir eu connaissance des revendications professionnelles avant le déclenchement de la grève et qu'en la présente espèce, la grève avait débuté avant même que l'employeur n'ait eu connaissance de son objet, la lettre de licenciement faisant apparaître qu'il n'avait acquis cette connaissance qu'au terme du dialogue engagé avec l'appelant, la Cour d'appel a violé l'article L. 2511-1 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles caractérise l'exercice du droit de grève et que la commission, par certains salariés grévistes, d'actes illicites au cours de leur mouvement, ne suffit pas, à elle seule, à modifier la nature de ce dernier ; Qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les conditions qui caractérisent la grève n'étaient pas réunies au motif notamment que constitue un acte abusif le fait d'interdire l'accès à l'entreprise à quiconque, notamment au directeur et au personnel non gréviste, et qu'il était établi que Monsieur X..., après avoir positionné son fourgon à l'entrée de l'entreprise pour empêcher la sortie des véhicules vers des chantiers, voyant qu'un passage était possible, a démarré son véhicule et volontairement heurté le directeur et le gérant de la SARL GUYAVERT, la Cour d'appel n'a nullement caractérisé en quoi ces agissements du seul Monsieur X... étaient susceptibles de modifier la nature du mouvement de grève auquel il participait ; Que, ce faisant, elle a encore violé l'article L. 2511-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE d'avoir confirmé le jugement entrepris ayant dit le licenciement régulier et fondé sur une faute grave, déboutant Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes,
AUX MOTIFS QUE :
« (...) est produit aux débats un certificat médical du Docteur Y... en date du 22 décembre 2006, c'est-à-dire du jour des faits, faisant état pour Yves Z..., gérant, d'un traumatisme au niveau de la face externe du genou droit ayant nécessité un traitement local ; Que ce document objectif caractérise la faute grave imputée à Monsieur Phalor X... ; Qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Monsieur Phalor X... de toutes ses demandes » ;
ALORS QUE la faute grave est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée même limité du préavis ; Qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le licenciement était fondé sur une faute grave au seul motif qu'un certificat médical établi le jour des faits faisait état pour le gérant de l'entreprise d'un traumatisme au niveau de la face externe du genou droit ayant nécessité un traitement local et que ce document objectif caractérisait la faute grave imputée à Monsieur X... sans même constater en quoi le comportement reproché à ce dernier rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1234-1 du Code du travail.