Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 juin 2015, 14-16.953, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en qualité d'accompagnateur par la société Alentours, suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 22 décembre 2008 qui fixait à 1645 heures la durée annuelle de travail ; qu'il a démissionné par lettre du 31 août 2010 ; qu'estimant ne pas avoir été rempli de ses droits salariaux, il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir un rappel de salaire notamment au titre d'heures supplémentaires réalisées dans la limite et au-delà de la limite du contingent annuel ainsi qu'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l'arrêt retient que l'élément intentionnel du travail dissimulé est établi du fait de l'application intentionnelle combinée de plusieurs régimes incompatibles et, en tout état de cause, contraires aux dispositions d'ordre public du droit du travail, l'accord d'entreprise invoqué étant illicite en ce qu'il prévoyait un nombre d'heures annuelles supérieur au plafond légal de 1607 heures et en ce qu'il ne fixait pas les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaires de travail, ni les conditions de prise en compte, pour le calcul de la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite, la cour d'appel a statué par un motif inopérant équivalant à un défaut de motif ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Alentours à payer à M. X... la somme de 18 493,13 euros au titre de l'indemnité de travail dissimulé, l'arrêt rendu le 13 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Alentours

Il est fait grief à l'arrêt D'AVOIR condamné la société ALENTOURS à payer à Monsieur X... une indemnité forfaitaire correspondant à six mois de salaires soit la somme de 18 493,13 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé outre la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

AUX MOTIFS QU' en application de l'article L. 8221-5 du Code du travail ; est réputé travail dissimulé, par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l'embauche, de se soustraire à la délivrance de bulletins de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. Encore faut-il que soit établi le caractère intentionnel de l'abstention en cause. Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie. Dans le cas d'espèce le contrat de travail a été rompu consécutivement à une démission du salarié. Par ailleurs, l'élément intentionnel exigé par l'article L. 8221-5 du Code du travail est établi du fait de l'application intentionnelle combinée de plusieurs régimes incompatibles et, en, tout état de cause, contraires aux dispositions d'ordre public du droit du travail, l'accord d'entreprise invoqué étant illicite ainsi que cela a été expressément relevé précédemment. La SARL ALENTOURS sera donc condamnée au paiement de l'indemnité forfaitaire correspondant à six mois de salaire soit 18 493,13 euros. »

1/ ALORS QU'en vertu de l'article L 8221-5 du Code du travail, le délit de travail dissimulé n'est caractérisé que lorsque l'employeur s'est soustrait de manière intentionnelle à l'accomplissement des formalités prévues par l'article L 3243-2 du Code du travail; qu'en l'espèce, pour retenir la condamnation de l'employeur au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, la Cour d'appel a affirmé que « l'élément intentionnel est caractérisé du fait de l'application intentionnelle combinée de plusieurs régimes incompatibles et en tout état de cause contraires aux dispositions d'ordre public du droit du travail, l'accord d'entreprise invoqué étant illicite » ; qu'en statuant comme elle l'a fait quand l'application d'un accord collectif, fut-il contraire aux dispositions légales, ne pouvait caractériser, à lui seul, l'existence de l'élément intentionnel exigé par l'article L 8221-5 du Code du travail, la Cour d'appel a violé l' article L. 8221-5 du Code du travail.

2/ ALORS D'AUTRE PART QUE, les juges du fond doivent répondre aux conclusions dont ils sont saisis et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans ses conclusions délaissées, reprises oralement à l'audience, la Sté ALENTOURS faisait valoir et justifiait de sa bonne foi et de sa volonté de transparence, exclusive d'une intention de dissimulation d'emploi, en produisant aux débats une lettre du Ministère des affaires sociales du Travail et de la Solidarité qui indique expressément que le travail des guides accompagnateurs n'est pas contrôlable et en faisant surtout valoir qu'elle mettait à disposition du salarié une feuille de détail de services effectués au cours du mois écoulé, que ce dernier n'a jamais contesté, alors même qu'il lui était demandé de vérifier ces feuilles et d'indiquer à son employeur dans le délai d'un mois, les éventuelles modifications à effectuer, modifications auxquelles l'employeur procédait dès lors qu'elles s'avéraient nécessaires ; qu'en omettant de répondre à ce moyen pertinent, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01052
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