Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 juin 2015, 14-10.192, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 14-10.192
- ECLI:FR:CCASS:2015:SO00954
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 5 novembre 2013), que M. X... a été engagé le 8 décembre 2008 par la société Groupe Pierre Le Goff Rhône Alpes Centre (la société) ; que les parties ont signé le 17 mars 2011 une convention de rupture du contrat de travail, homologuée par l'autorité administrative le 26 avril suivant ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que s'il est permis au juge du contrat de travail -nonobstant l'homologation administrative et le respect des conditions de forme destinées à s'assurer du consentement éclairé du salarié - de sanctionner par la nullité de l'accord l'existence d'un vice du consentement, c'est à la condition que celui-ci soit précisément identifié et établi ; qu'en annulant la convention de rupture conclue entre M. X... et son employeur sans qu'aucun vice du consentement, pas plus la violence morale que le dol ou l'erreur, ait été suffisamment caractérisé, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-11 du code du travail, ensemble les articles 1108 et 1109 du code civil ;
2°/ que pas plus que l'existence d'un différend entre les parties, la notification d'un avertissement précédant une rupture conventionnelle ne saurait suffire à caractériser un vice du consentement et justifier l'annulation de la convention de rupture ; qu'en statuant comme elle l'a fait en se fondant sur des motifs inopérants relatifs à la notification d'un avertissement et à l'invitation faite au salarié d'exécuter loyalement son contrat ou de prendre l'initiative d'une rupture, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article L. 1237-11 du code du travail ;
3°/ que l'existence d'un désaccord entre les parties relatif à l'interprétation de la convention et aux suites de la rupture, apparu postérieurement à l'homologation de l'accord, au seul stade de sa mise en oeuvre, ne suffit pas à établir l'existence d'un vice du consentement concomitant à la conclusion de l'accord ; qu'en justifiant l'annulation de la rupture conventionnelle par l'existence d'une différend relatif à la mise en oeuvre de la clause de non-concurrence, la cour d'appel a encore fait une fausse application des dispositions de l'article L. 1237-11 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part que l'employeur avait adressé au salarié, le jour où s'était tenu l'entretien à l'issue duquel ce salarié avait demandé un « licenciement conventionnel », un avertissement se concluant par une incitation à rompre son contrat de travail, d'autre part qu'il avait été indiqué au salarié lors des différents entretiens préalables à la rupture qu'il percevrait une indemnité égale aux deux tiers de son salaire net mensuel pendant douze mois au titre de la clause de non-concurrence, alors que l'employeur l'avait délié le 2 mai 2011 de cette clause, la cour d'appel qui, exerçant son pouvoir souverain d'appréciation, a fait ressortir que le consentement du salarié avait été vicié, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Groupe Pierre Le Goff Rhône Alpes Centre aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Groupe Pierre Le Goff Rhône Alpes Centre
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement qui annulait la convention de rupture conclue entre la société Groupe Pierre Legoff et M. X... le 17 mars 2011 et homologuée le 27 avril 2011,
AUX MOTIFS QU'il est constant que les parties ont signé le 17 mars 2011 une convention de rupture conventionnelle du contrat de travail de M. X... prévoyant le versement au salarié d'une indemnité spécifique de rupture de 1.300 euros brus avec une date de rupture envisagée au 30 avril 2011 ; qu'aucune des parties n'ayant exercé son droit de rétractation, l'homologation de la convention est intervenue le 27 avril 2011; qu'il résulte des correspondances et des courriers versés aux débats que cette convention de rupture a été signée alors qu'une situation conflictuelle existait entre les parties dès le début de l'année 2011, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par la société Groupe Le Goff ; que si l'existence d'un différend au moment de la conclusion d'une convention de rupture intervenue en application de l'article L1237-11 du code du travail n'affecte pas en ellemême la validité de cette convention, la rupture conventionnelle ne doit pas être imposée par l'une ou l'autre des parties ; qu'en l'espèce, s'il est exact que les parties se sont rencontrées le 15 février 2011 et que suite à cet échange M. X... a adressé à son employeur une lettre aux termes de laquelle il sollicitait de lui accorder un « licenciement conventionnel », la Société Pierre Le Goff fait abstraction de ce que la lettre du salarié fait suite à une lettre d'avertissement envoyée également le 15 février 2011 jour de l'entretien et libellée en ces termes : "Nous ne pouvons tolérer d'avantage vos manquements professionnels dans le suivi de votre activité commerciale et le fait de ne pas respecter les consignes qui vous sont données par votre supérieur hiérarchique. Les faits évoqués ci-dessus (...) constituent une faute, aussi nous vous notifions ce jour par la présente un avertissement (...). Nous attirons tout particulièrement votre attention sur le fait que si de tels incidents se reproduisaient nous pourrions être amenés à prendre une sanction plus grave. Par ailleurs, nous sommes particulièrement inquiets quant à la teneur de vos propos à l'occasion de ma visite de janvier 2011. Vous avez précisé ne plus vouloir travailler pour le groupe Pierre Le Goff et vous avez expressément demandé à être licencié et à partir avec 5000 euros. Sans pour autant y voir un lien de cause à effet avec votre attitude récente des 28-31 janvier et premier février, nous vous demandons soit de continuer à exercer vos fonctions avec professionnalisme en exécutant votre contrat de bonne foi dans le respect de l'obligation de loyauté qui vous incombe, soit de prendre vos responsabilités en prenant l'initiative de la rupture de votre contrat de travail. Nous espérons que le présent courrier vous fera prendre conscience de l'impérieuse nécessité de changer d'attitude. " ; qu'ainsi libellée, cette lettre contient, outre la sanction prononcée, une invitation pour le salarié à rompre le contrat de travail ; que par ailleurs, dans un courrier adressé par M. X... à son employeur le 18 mai 2011, le salarié est venu protester contre le fait que la société l'avait informé par courrier du 2 mai 2010 de ce qu'elle le déliait de son obligation de non concurrence alors que lors des différents entretiens préalables à la rupture il lui avait été indiqué à plusieurs reprises par Mme Y..., M. Z... et la directrice des ressources humaines qu'une indemnité égale aux deux tiers de son salaire net mensuel lui serait payée pendant 12 mois au titre de la clause de non-concurrence ; que force est de constater que la société Groupe Pierre Le Goff qui n'a délié que fort tardivement M. X... de son obligation de non concurrence n'a à aucun moment contesté cette affirmation alors qu'elle fait état des termes de ladite lettre dans laquelle le salarié écrivait : "nous avons décidé, suite aux entretiens du 15 février 2011 et du 4 mars 2011 de convenir d'un licenciement conventionnel portant la date de rupture du contrat de travail au 30 avril 2011" pour soutenir que M. X... avait bien donné son consentement à cette rupture ; qu'il apparaît dans ces conditions que la convention de rupture intervenue sans que M. X... ait manifesté un consentement libre et éclairé, ne peut qu'être considérée comme nulle et produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1) ALORS QUE s'il est permis au juge du contrat de travail - nonobstant l'homologation administrative et le respect des conditions de forme destinées à s'assurer du consentement éclairé du salarié - de sanctionner par la nullité de l'accord l'existence d'un vice du consentement, c'est à la condition que celui-ci soit précisément identifié et établi; qu'en annulant la convention de rupture conclue entre M. X... et son employeur sans qu'aucun vice du consentement, pas plus la violence morale que le dol ou l'erreur, ait été suffisamment caractérisé, la cour d'appel a violé l'article L1237-11 du code du travail, ensemble les articles 1108 et 1109 du code civil ;
2) ALORS QUE pas plus que l'existence d'un différend entre les parties, la notification d'un avertissement précédant une rupture conventionnelle ne saurait suffire à caractériser un vice du consentement et justifier l'annulation de la convention de rupture ; qu'en statuant comme elle l'a fait en se fondant sur des motifs inopérants relatifs à la notification d'un avertissement et à l'invitation faite au salarié d'exécuter loyalement son contrat ou de prendre l'initiative d'une rupture, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article L 1237-11 du code du travail ;
3) ALORS QUE l'existence d'un désaccord entre les parties relatif à l'interprétation de la convention et aux suites de la rupture, apparu postérieurement à l'homologation de l'accord, au seul stade de sa mise en oeuvre, ne suffit pas à établir l'existence d'un vice du consentement concomitant à la conclusion de l'accord ; qu'en justifiant l'annulation de la rupture conventionnelle par l'existence d'une différend relatif à la mise en oeuvre de la clause de non concurrence, la cour d'appel a encore fait une fausse application des dispositions de l'article L1237-11 du code du travail.