Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 juin 2015, 13-25.554, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 17 septembre 2013), que M. X..., engagé le 17 octobre 1997 par la société AB immobilier en qualité de négociateur, exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable d'agence, a été licencié pour faute grave par lettre du 22 mai 2009 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement nul et de la condamner en conséquence au paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que si le licenciement motivé par la dénonciation de faits de harcèlement non avérés est nul, c'est à la condition que le salarié a porté à la connaissance de tiers l'existence de faits qu'il considère comme constitutifs de harcèlement moral ; que ne caractérise pas un acte de relation de faits de harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-2 du code du travail, la démarche qui consiste à s'opposer aux directives reçues en prétendant qu'il s'agirait de harcèlement moral, sans que ces accusations ne soient destinées à quiconque en dehors de l'employeur lui-même ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait au salarié de continuer « délibérément à rechercher la provocation à mon égard que ce soit par vos propos où vos écrits n'hésitant pas à m'accuser de harcèlement alors que je vous demande tout simplement de faire votre travail correctement et efficacement » ; qu'en considérant que cette formulation autorisait le salarié à revendiquer le bénéfice des dispositions protectrices de l'article L. 1152-2 du code du travail, sans relever que ce dernier aurait entendu dénoncer ou révéler des faits de harcèlement moral à d'autres interlocuteurs que l'auteur des prétendues pratiques de harcèlement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé, ensemble l'article L. 1232-6 du code du travail ;

2°/ que la dénonciation de faits de harcèlement moral peut constituer une cause légitime de licenciement lorsque cette dénonciation intervient de mauvaise foi ; que la mauvaise foi est ainsi caractérisée lorsque le salarié a connaissance de la fausseté des faits qu'il dénonce ou lorsque le salarié invoque de manière mensongère des faits inexistants de harcèlement moral pour refuser d'accomplir correctement son travail ; qu'en l'espèce, elle faisait valoir dans ses conclusions que les accusations de harcèlement par le salarié présentaient un caractère systématique et concernaient toutes les demandes qui lui étaient adressées et n'avaient en définitive d'autre objet que de servir un comportement d'obstruction destiné à nuire à l'entreprise ; qu'en jugeant qu'un tel comportement n'était pas de nature à caractériser la mauvaise foi du salarié et en décidant que le licenciement de ce dernier était nul, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

3°/ que les juges du fond ne sauraient dénaturer les conclusions des parties ; qu'à plusieurs reprises dans ses conclusions d'appel, elle avait mis en avant, s'agissant du harcèlement allégué par le salarié, la « duplicité » du salarié ainsi que sa « mauvaise foi » ; qu'en considérant cependant, pour décider que le licenciement du salarié était nul, que l'employeur n'alléguerait pas la mauvaise foi du salarié, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'elle avait soutenu que la dénonciation par le salarié de faits de harcèlement moral consistait en « une réponse du salarié pour s'opposer de manière persistante à l'exécution correcte et efficace du travail qui lui était demandé », ce dont il résultait qu'elle avait expressément remis en cause la bonne foi du salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

5°/ qu'en retenant encore, pour décider que le licenciement était nul, qu'il ne peut être retenu pour établi que le salarié aurait agi avec l'« intention manifeste de nuire » en dénonçant les faits de harcèlement moral considérés ; qu'en se déterminant ainsi par un motif impropre à caractériser la mauvaise foi du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; qu'en vertu de l'article L. 1152-3 du même code, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code précité, toute disposition contraire ou tout acte contraire est nul ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce ;

Et attendu qu'ayant constaté, hors toute dénaturation, d'une part, que dans la lettre de licenciement il était notamment reproché au salarié d'avoir accusé son employeur de harcèlement à son égard et d'autre part, que celui-ci n'établissait pas que cette dénonciation avait été faite de mauvaise foi, la cour d'appel qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que ce grief emportait à lui seul la nullité du licenciement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société AB immobilier aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société AB immobilier.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué infirmatif de ce chef d'AVOIR déclaré nul le licenciement de Monsieur X... et, en conséquence, d'AVOIR condamné la société AB IMMOBILIER à lui verser les sommes de 10. 241, 21 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 10. 686, 42 € d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1. 068, 64 € au titre des congés payés y afférents, 22. 000 € à titre de dommages-intérêts, ainsi que 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur Loïc X... a été engagé en qualité de négociateur, agent de maîtrise le 17 novembre 1997 par la société ABI et a été promu au poste de responsable d'agence suivant contrat en date du 21 mars 1999, puis suivant contrat du 1er mai 2001 et avenant daté du 31 août 2001 s'est vu confier également la responsabilité de l'agence de Soissons, en sus de son poste d'animateur de ventes ; qu'après notification de deux avertissements les 11 mars et 10 avril 2009, il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 18 mai 2009 par lettre du 6 mai précédent, puis licencié pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 mai 2009, motivée comme suit : « (...) Votre licenciement est motivé par les raisons suivantes : Vous deviez assumer la responsabilité de notre agence de Soissons tout en exerçant vos fonctions d'animateur de ventes suivant l'avenant à votre contrat de travail que nous avons conclu le 31 août 2001. Vous n'avez jamais pris la dimension de votre poste et malgré votre rôle d'animateur des agences de Soissons, Villes-Cotterêts et Meaux, vous vous êtes contenté d'effectuer des statistiques sur les chiffres des agences, de votre bureau, sans apporter votre aide directe et constructive aux deux autres agences. Par votre attitude irrespectueuse à l'égard des négociateurs immobiliers vous avez créé un climat de travail délétère qui s'est bien entendu traduit très rapidement par des dysfonctionnements de l'agence de Soissons. Vous n'assumez pas de manière effective aux fonctions et responsabilités :- absence de l'agence chaque fois ou presque où je me rendais votre bureau c'était pour constater votre absence, ce constat était dû au pur hasard puisqu'il m'est impossible de mon bureau de me rendre compte ce présent ou non-activité de ce personnelles réduit au minimum sur 326 mandats rentrés dans les 2008 par l'agence, 34 vous sont attribués, et sur 111 visites effectuées, 29 sont à votre initiative-absence de suivi et de coordination de votre équipe votre impossibilité à manager de façon efficace vos collaborateurs m'a contraint à licencier pour insuffisance de résultats des collaborateurs de qualité, qui n'ont jamais été dirigés ni motivés. Vous nous tenez aucun compte des observations qui vous sont faites (ma lettre recommandée du 5 juillet 2008) et bien au contraire vous persistez dans une attitude d'insubordination et de provocation démontrant que vous cherchez à vous faire licencier. Par ailleurs j'ai été très surpris de constater que lors de notre entretien du 18 mai, en présence de votre conseiller M. Caron, par trois fois je vous ai proposé de faire table rase du passé, d'oublier tout différend et de travailler ensemble pour redresser l'agence de Soissons, et par trois fois vous m'avez indiqué ne pas être intéressé par ma proposition... Vous donnez donc une image déplorable et démotivante aux négociateurs immobiliers si bien que l'agence de Soissons est aujourd'hui totalement désorganisée et improductive. Alors que je dois accorder une totale confiance aux responsables des agences de la société, je me suis trouvé contraint de vous demander de me justifier votre travail effectif. En effet, vous remplissez des fiches horaires qui font apparaître des horaires fantaisistes ne correspondant à aucune réalité et qui sont du véritable remplissage pour tenter de justifier que vous travaillez. Vous refusez par ailleurs de récupérer ces heures, même si elles sont contestables. J'ai donc été amené à vous notifier deux avertissements en date des 11 mars 2009 et 10 avril 2009. Je suis au regret de constater que ces avertissements ne vous ont pas incité à modifier votre comportement :- vous continuez à ne pas respecter les instructions qui vous sont données (je cite à titre d'exemple demande formulée de recontacter les propriétaires vendeurs pour faire la mise au point des mandats)- vous continuez à me remettre des fiches d'horaires de travail ne correspondant pas à la réalité d'un travail effectif-vous continuez délibérément à rechercher la provocation à mon égard que ce soit par vos propos ou par vos écrits n'hésitant pas à m'accuser de harcèlement alors que je vous demande tout simplement de faire votre travail correctement et efficacement. Vous avez par ailleurs tenté de spolier de sa juste rémunération un collaborateur agent commercial en essayant de récupérer à votre profit le bénéfice de sa vente ce qui, en dehors de tout jugement sur la moralité de cette action, ne peut contribuer à créer une bonne ambiance de travail au sein de l'agence. Dans l'affaire Y..., malgré les consignes connues par l'ensemble des collaborateurs de société, vous avez délibérément remis au propriétaire du bien les clefs de son habitation sachant qu'elles seront transmises à l'acquéreur avant la vente officielle, sans demander de décharge, sans expliquer les risques graves encourus, sans respecter votre devoir de conseil, ce qui met en jeu la responsabilité de la société. Il ne m'est plus possible de poursuivre la relation de travail avec un collaborateur qui de manière délibérée et répétée n'assume plus ses responsabilités et dont le comportement volontaire a pour objet ou pour effet de " couler " l'agence de Soissons dans le cadre d'une attitude que je n'hésite pas à qualifier de sabotage. Votre licenciement repose également sur un autre motif qui n'est que la conséquence des précédents à savoir les résultats catastrophiques de l'agence de Soissons dont vous avez la responsabilité. (...) Je me permets d'ailleurs de vous rappeler que votre contrat de travail prévoit des objectifs de chiffre d'affaire qui n'ont pas été revus depuis 2001 et qui sont loin d'être respectés. Les chiffres sus visés démontrent d'ailleurs qu'il ne s'agit pas simplement d'un non-respect d'objectifs contractuels mais d'une insuffisance et aujourd'hui d'une absence totale de résultats. Cette situation est la traduction concrète pour l'agence de votre absence de travail et de votre attitude de sabordage. L'ensemble de ces faits et griefs caractérise la faute grave rendant impossible le maintien de votre contrat de travail même pendant la durée du préavis. (...) ». Que contestant principalement la licéité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, Monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes de Soissons, qui, statuant par jugement du 11 juillet 2012, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment ; Qu'aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que selon l'article L. 11523 du code du travail, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul ; qu'il s'en déduit d'une part que sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis, un salarié ne peut être sanctionné pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral et d'autre part que la seule référence dans la lettre de notification à un motif illicite au sens de l'article L 1152-2 entraîne la nullité du licenciement alors même que d'autres faits fautifs seraient reprochés au salarié ; Que telle qu'elle se trouve reproduite ci-dessus la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, énonce plusieurs griefs à l'encontre du salarié qui sont d'avoir, malgré la délivrance antérieure de deux avertissements, continué à accuser son employeur oralement et par écrit de harcèlement, persisté à ne pas respecter les instructions données et enfin continué à remettre des fiches de travail ne correspondant pas au travail effectivement réalisé ; que l'employeur, qui n'allègue pas de surcroît la mauvaise foi du salarié, ne peut sérieusement contester avoir fondé le licenciement pour partie sur le reproche fait à l'intéressé d'avoir dénoncé des faits de harcèlement dont il aurait été victime de la part de son employeur, peu important que cette dénonciation soit fondée ou consiste, comme le soutient l'employeur, en une réponse du salarié pour s'opposer de manière persistante à l'exécution correcte et efficace du travail qui lui était demandé ; Qu'en l'état et au vu des éléments précités, il ne peut être tenu pour établi que le salarié aurait agi avec mauvaise foi ou intention manifeste de nuire en dénonçant les faits de harcèlement moral considérés qu'il s'ensuit que le grief tiré de la dénonciation d'agissements de harcèlement moral par le salarié, dont la mauvaise foi ou l'intention de nuire n'est pas établie par les éléments du dossier, emporte à lui seul la nullité du licenciement sans qu'il soit besoin d'examiner les autres motifs allégués ; Que Monsieur X... est par conséquent est en droit d'obtenir outre l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et l'indemnité conventionnelle de licenciement, dont les montants ne sont pas contestés même subsidiairement, et des dommages et intérêts d'un montant au moins égal à l'indemnité minimum prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail et ce quels que soient son ancienneté et l'effectif de l'entreprise ; Qu'en considération notamment de la situation personnelle de Monsieur X..., de son âge, de sa formation, de ses capacités à retrouver un nouvel emploi et des circonstances du licenciement, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer la réparation qui doit lui être allouée au titre du licenciement nul à la somme qui sera précisée au dispositif de l'arrêt » ; et « que la société AB Immobilier, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel, sera déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée sur ce même fondement à verser à Monsieur X... pour l'ensemble de la procédure une somme qui sera précisée au dispositif du présent arrêt » ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QUE si le licenciement motivé par la dénonciation de faits de harcèlement non avérés est nul, c'est à la condition que le salarié a porté à la connaissance de tiers l'existence de faits qu'il considère comme constitutifs de harcèlement moral ; que ne caractérise pas un acte de relation de faits de harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-2 du Code du travail, la démarche qui consiste à s'opposer aux directives reçus en prétendant qu'il s'agirait de harcèlement moral, sans que ces accusations ne soient destinées à quiconque en dehors de l'employeur lui-même ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait à Monsieur X... de continuer « délibérément à rechercher la provocation à mon égard que ce soit par vos propos où vos écrits n'hésitant pas à m'accuser de harcèlement alors que je vous demande tout simplement de faire votre travail correctement et efficacement » ; qu'en considérant que cette formulation autorisait Monsieur X... à revendiquer le bénéfice des dispositions protectrices de l'article L. 1152-2 du Code du travail, sans relever que ce dernier aurait entendu dénoncer ou révéler des faits de harcèlement moral à d'autres interlocuteurs que l'auteur des prétendues pratiques de harcèlement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé, ensemble l'article L. 1232-6 du Code du travail ;

ALORS, DE DEUXIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE la dénonciation de faits de harcèlement moral peut constituer une cause légitime de licenciement lorsque cette dénonciation intervient de mauvaise foi ; que la mauvaise foi est ainsi caractérisée lorsque le salarié a connaissance de la fausseté des faits qu'il dénonce ou lorsque le salarié invoque de manière mensongère des faits inexistants de harcèlement moral pour refuser d'accomplir correctement son travail ; qu'en l'espèce, la société AB IMMOBILIER faisait valoir dans ses conclusions que les accusations de harcèlement par Monsieur X... présentaient un caractère systématique et concernaient toutes les demandes qui lui étaient adressées et n'avaient en définitive d'autre objet que de servir un comportement d'obstruction destiné à nuire à l'entreprise ; qu'en jugeant qu'un tel comportement n'était pas de nature à caractériser la mauvaise foi de Monsieur X... et en décidant que le licenciement de ce dernier était nul, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE les juges du fond ne sauraient dénaturer les conclusions des parties ; qu'à plusieurs reprises dans ses conclusions d'appel, la société AB IMMOBILIER avait mis en avant, s'agissant du harcèlement allégué par Monsieur X..., la « duplicité » du salarié (p. 9), ainsi que sa « mauvaise foi » (pp. 10 et 12) ; qu'en considérant cependant, pour décider que le licenciement de Monsieur X... était nul, que l'employeur n'alléguerait pas la mauvaise foi du salarié, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société AB IMMOBILIER et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE QUATRIEME PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la société AB IMMOBILIER avait soutenu que la dénonciation par Monsieur X... de faits de harcèlement moral consistait en « une réponse du salarié pour s'opposer de manière persistante à l'exécution correcte et efficace du travail qui lui était demandé », ce dont il résultait que la société avait expressément remis en cause la bonne foi du salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail ;

ALORS, ENFIN, QU'en retenant encore, pour décider que le licenciement de Monsieur X... était nul, qu'il ne peut être retenu pour établi que le salarié aurait agi avec l'« intention manifeste de nuire » en dénonçant les faits de harcèlement moral considérés ; qu'en se déterminant ainsi par un motif impropre à caractériser la mauvaise foi du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR qualifié de clause de non-concurrence la clause prévue à l'article 12 du contrat de travail de Monsieur X..., d'AVOIR dit que cette clause était nulle en l'absence de toute contrepartie financière au profit du salarié et, en conséquence, d'AVOIR débouté la société AB IMMOBILIER de ses demandes indemnitaires et de production de documents à ce titre ;

AUX MOTIFS QUE « le contrat de travail régularisé le 1er mars 2001 entre les parties contient un article 12 dénommé " Clause de non concurrence " stipulée comme suit : " l'employé s'interdit, en cas de cessation du présent contrat de travail, pour quelque raison que ce soit : de traiter de façon directe ou indirecte, sous quelque forme que ce soit et avec quelque personne que ce soit, des opérations et transactions, portant sur des biens d'autrui situés dans un rayon de 80 kilomètres autour du siège de l'entreprise de l'employeur situé 20, rue du général le clerc 02600 et cela, pendant une durée d'une année. Le non respect de la présente clause de non concurrence, accepté par l'employé, le rendra redevable à l'égard de l'employeur, à titre de clause pénale, d'une somme de 100. 000 francs, à laquelle s'ajouteront 25. 000 francs, par infraction constatée. " ; Que les premiers juges ont exactement considéré que la clause dénommée par l'employeur lui-même rédacteur du contrat de travail clause de non concurrence devait être juridiquement qualifiée ainsi, ont justement déduit de l'absence de toute contrepartie financière au profit du salarié la nullité de ladite clause et à bon droit débouté la société ABI des demandes indemnitaires et de production de documents fondées sur le non respect invoqué par Monsieur X... de cette clause ; Que le jugement déféré sera ainsi confirmé sur ce point » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur la demande reconventionnelle : La clause de non détournement de clientèle, stipulée dans le contrat de travail qui liait les parties, qui contient une interdiction de contacter directement ou indirectement avec l'ancien salarié, y compris dans le cas où des clients de l'employeur l'envisageraient spontanément, en dehors de toute sollicitation ou démarchage, s'analyse en une clause de non-concurrence, qui doit être déclarée illicite en l'absence de contre partie pécuniaire. Il y a donc lieu de débouter entièrement I'EURL AB IMMOBILIER de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts, non fondée. » ;

ALORS QUE ne constitue pas une clause de non-concurrence nécessitant à ce titre une contrepartie financière, la clause du contrat qui se borne à interdire au salarié, suite à la rupture de son contrat de travail, de réaliser des opérations immobilières sur la base du portefeuille de mandats de son ancien employeur, dès lors que cette clause n'interdit pas au salarié d'exercer une activité concurrentielle à celle de son employeur en prospectant ses clients, ni de rechercher un emploi dans une société concurrente ou même de s'installer lui-même comme agent immobilier ; que tel était précisément le cas de la clause insérée à l'article 12 du contrat de travail de Monsieur X... ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01058
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