Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 mai 2015, 14-11.996, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 14-11.996
- ECLI:FR:CCASS:2015:SO00847
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1233-2, L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 7 août 1994 par la société Top Sédia France en qualité d'agent de fabrication et occupant, en dernier lieu, les fonctions de responsable de production, a été licencié pour motif économique par lettre du 7 décembre 2010 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ; que le 19 juin 2013, la liquidation judiciaire de la société Top Sédia France a été prononcée, la société Aurélie Lecaudey étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire ;
Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que des travaux importants de remise en état mis à la charge de la société, dans un contexte de difficultés économiques, suite à une mise en demeure qui lui était faite de respecter les dispositions d'exploitation des installations classées dans un délai de six mois, ainsi qu'une inspection constatant la cessation d'activité au 1er mars 2011, confirmée postérieurement par un courrier de la préfecture, justifient le motif économique du licenciement ; que les offres d'emploi faites au salarié postérieurement à son licenciement s'expliquent par le fait que la société Top Sédia France envisageait une activité d'assemblage de chaises dans d'autres bâtiments, que si diverses attestations de salariés permettent de supposer que, dans le cadre de la fermeture du site, une activité a pu perdurer quelques semaines, elles sont insuffisantes à établir la poursuite de l'activité de l'entreprise au-delà du 1er mars 2011 et que l'embauche postérieure d'agents administratifs ou d'entretien n'établit pas la poursuite de l'activité de fabrication de chaises à laquelle participait le salarié licencié ;
Attendu, cependant, que seule une cessation complète de l'activité de l'employeur peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de l'employeur ; qu'une cessation partielle de l'activité de l'entreprise ne justifie un licenciement économique qu'en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la cause économique invoquée dans la lettre de licenciement était la cessation complète d'activité, la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser une cessation complète de l'activité de la société Top Sédia France à la date du licenciement, a violé les textes sus-visés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande tendant à dire que son licenciement est privé de cause réelle et sérieuse et de condamner la société Top Sédia France à lui payer des dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt rendu le 27 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la société Top Sédia France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Top Sédia France à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le pourvoi fait grief à l'arrêt, sur ce point confirmatif, attaqué D'AVOIR débouté M. Olivier X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « par courriers des 27 janvier 2011 et 31 mars 2011 il a été proposé à M. X... des postes à pourvoir ; / ¿ Attendu qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'un emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; / attendu que, par ailleurs, la lettre de licenciement doit comporter non seulement l'énonciation des difficultés économiques, mutations technologiques ou de la réorganisation de l'entreprise, mais également l'énonciation des incidences de ces éléments sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié licencié ; / attendu qu'au surplus, par application de l'article L. 1233-4 du code du travail, la recherche d'un reclassement, avant tout interne, est un préalable à tout licenciement pour motif économique ; qu'une recherche en vue du reclassement du salarié concerné doit être effective ; que les offres de reclassement proposées doivent être écrites et précises ; que les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'enfin, l'employeur doit proposer ensuite aux salariés dont le licenciement est envisagée tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d'une catégorie inférieure ; / attendu que M. X... ne conteste pas les difficultés économiques telles que reprises par le conseil de prud'hommes au regard de la baisse du chiffre d'affaires et du résultat net déficitaire depuis plusieurs années ; / qu'il prétend que l'employeur n'a pas cessé son activité ; que cependant, ainsi que l'a relevé le conseil de prud'hommes, il est établi que par arrêté préfectoral du 26 août 2010, la société Top Sedia France a été mise en demeure de respecter les dispositions d'exploitation des installations classées dans un délai de six mois ; qu'au regard de ses difficultés économiques elle a décidé d'arrêter son activité ; que lors d'une inspection du 1er mars 2011 il a été constaté qu'aucune activité n'était exercée et que le cogérant a indiqué qu'une activité d'assemblage de chaises était envisagée dans le bâtiment principal accueillant les bureaux et éventuellement dans une partie du bâtiment reliant les deux principales constructions de l'établissement ; que l'arrêt définitif de l'exploitation des installations classées a été confirmée par courrier de la préfecture du 22 avril 2011 ; que l'attestation de M. Y... en ce qu'il indique avoir travaillé sur le site du 7 au 24 février 2011 et celle de M. Z... en ce qu'il prétend que M. A... lui a proposé du travail clandestin après son licenciement, si elles permettent de supposer que dans le cadre de la fermeture du site une activité a pu perdurer quelques semaines, elles sont en revanche totalement insuffisantes à établir la poursuite de l'activité de l'entreprise au-delà de la cessation constatée par l'inspection diligentée le 1er mars 2011 ; que de même l'embauche d'agents administratifs ou d'entretien postérieurement au licenciement de M. X... (pièce 18 de la société Top Sedia France) n'établissent pas la poursuite de l'activité de fabrication de chaises par l'entreprise ; qu'enfin le courrier de la société Top Sedia France du 31 mars 2011 s'inscrit dans l'activité d'assemblage de chaises envisagée par le co-gérant lors de l'inspection du 1er mars 2011 ; que dès lors il n'est pas établi la poursuite de l'activité fabrication alléguée ; / attendu qu'il n'est produit aucune pièce établissant que l'entreprise appartient à un groupe ; que dès lors qu'il y a eu cessation d'activité, il ne peut être fait grief à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de reclassement ; / attendu que la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a débouté M. X... de ses demandes au titre du licenciement » (cf., arrêt attaqué, p. 6 à 8) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « les éléments comptables présentés par la société Top Sedia France dont le capital social est de 222 200 ¿ sont les suivants : exercice 2007 : chiffre d'affaires : 2 496 960 ¿ ; résultat net : - 521 701 ¿ ; exercice 2008 : chiffre d'affaires : 1 593 717 ¿ ; résultat net : - 776 542 ¿ ; exercice 2009 : chiffre d'affaires : 1 285 990 ¿ ; résultat net : - 353 075 ¿ ; exercice 2010 : chiffre d'affaires : 1 336 493 ¿ ; résultat net : - 551 615 ¿ ; / attendu que ces résultats montrent à l'évidence la gravité de la situation économique de Top Sedia France ; / attendu que Top Sedia France dispose d'un arrêté préfectoral d'autorisation d'exploiter n° 2005P3753 du 2/12/2005 ; / attendu qu'une visite d'inspection du 30/10/2007 a constaté des écarts significatifs par rapport au référentiel d'inspection ; / attendu qu'après une nouvelle inspection en date du 30 juillet 2010, la société Top Sedia a reçu le 26 août 2010 un arrêté préfectoral de mise en demeure pour respecter les dispositions d'exploitation d'installations classées dans un délai de 6 mois ; / attendu que compte tenu des exigences de l'arrêté préfectoral et de la situation économique de la société, Top Sedia a pris la décision d'arrêter l'activité de production sur les installations visées. L'arrêt effectif d'exploitation est constaté par le rapport d'inspection du 1er mars 2011, le courrier de la préfecture en date du 25 mars 2011 prend acte de la démolition d'une partie des bâtiments. L'arrêt définitif de l'exploitation des installations classées est confirmé par le courrier de la préfecture du 22 avril 2011. / Attendu que la situation économique de la société et sa décision d'arrêter l'activité de production sont clairement explicitées dans la notification de licenciement du 7 décembre 2010 ; / en conséquence, le caractère économique du licenciement de Monsieur X... selon l'article L. 1233-3 est reconnu et la demande de Monsieur X... n'est pas fondée. / ¿ Attendu qu'après l'arrêt de l'activité de fabrication, Top Sedia a maintenu une activité de montage de chaises et dans ce cadre, Top Sedia a adressé à Monsieur X... deux courriers de propositions, le premier le 27 janvier 2011 pour un emploi en contrat à durée déterminée, le deuxième le 31 mars 2011 pour un emploi en contrat à durée indéterminée, ces propositions ayant été faites avant que Monsieur X... exprime son souhait de bénéficier de la priorité de réembauchage » (cf., jugement entrepris, p. 5 et 6) ;
ALORS QUE, de première part, la lettre par laquelle l'employeur notifie au salarié son licenciement pour motif économique fixe les limites du litige ; que la cessation complète de l'activité de l'employeur, qui peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de l'employeur, constitue une cause économique de licenciement différente de la cessation partielle de l'activité de l'employeur, laquelle ne justifie un licenciement économique qu'en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter M. Olivier X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il n'était pas établi que la société Top Sedia France avait poursuivi, après avoir notifié à M. Olivier X... son licenciement pour motif économique, son activité de fabrication de chaises, quand, en l'état de la lettre de licenciement du 7 décembre 2010 par laquelle la société Top Sedia France avait motivé le licenciement pour motif économique de M. Olivier X... par la cessation complète, et non simplement partielle, de son activité, cette circonstance était inopérante, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1233-2, L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail ;
ALORS QUE, de deuxième part, la lettre par laquelle l'employeur notifie au salarié son licenciement pour motif économique fixe les limites du litige ; que la cessation complète de l'activité de l'employeur, qui peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de l'employeur, constitue une cause économique de licenciement différente de la cessation partielle de l'activité de l'employeur, laquelle ne justifie un licenciement économique qu'en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; qu'en déboutant, dès lors, M. Olivier X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, quand, dans la lettre de licenciement du 7 décembre 2010, la société Top Sedia France avait motivé le licenciement pour motif économique de M. Olivier X... par la cessation complète de son activité et quand il résultait de ses propres constatations que la société Top Sedia France avait, par des lettres des 27 janvier 2011 et 31 mars 2011, proposé des emplois à M. Olivier X... dans le cadre d'une activité d'assemblage de chaises et, donc, que la société Top Sedia France n'avait pas complètement cessé son activité après le licenciement de M. Olivier X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les dispositions des articles L. 1233-2, L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail ;
ALORS QUE, de troisième part, la lettre par laquelle l'employeur notifie au salarié son licenciement pour motif économique fixe les limites du litige ; que la cessation complète de l'activité de l'employeur, qui peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de l'employeur, constitue une cause économique de licenciement différente de la cessation partielle de l'activité de l'employeur, laquelle ne justifie un licenciement économique qu'en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; qu'en déboutant, dès lors, M. Olivier X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, quand, dans la lettre de licenciement du 7 décembre 2010, la société Top Sedia France avait motivé le licenciement pour motif économique de M. Olivier X... par la cessation complète de son activité et quand il résultait de ses propres constatations que la société Top Sedia France avait embauché des agents administratifs ou d'entretien postérieurement au licenciement de M. Olivier X... et, donc, que la société Top Sedia France n'avait pas complètement cessé son activité après le licenciement de M. Olivier X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les dispositions des articles L. 1233-2, L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail ;
ALORS QUE, de quatrième part et à titre subsidiaire, le motif économique d'un licenciement s'apprécie à la date du licenciement ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter M. Olivier X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que, lors d'une inspection du 1er mars 2011, il avait été constaté qu'aucune activité n'était exercée par la société Top Sedia France, que l'arrêt définitif de l'exploitation des installations classées par la société Top Sedia France avait été confirmée par un courrier de la préfecture du 22 avril 2011 et que l'attestation de M. Philippe Y... en ce que celui-ci indiquait avoir travaillé sur le site de la société Top Sedia France du 7 au 24 février 2011 et celle de M. Thierry Z... en ce que celui-ci prétendait que M. A... lui avait proposé du travail clandestin après son licenciement, si elles permettaient de supposer que, dans le cadre de la fermeture du site, une activité avait pu perdurer quelques semaines, elles étaient en revanche totalement insuffisantes à établir la poursuite de l'activité de l'entreprise au-delà de la cessation constatée par l'inspection diligentée le 1er mars 2011, quand, en se déterminant de la sorte, elle se bornait à relever qu'il n'était pas établi que la société Top Sedia France avait poursuivi son activité de fabrication de chaises après le 1er mars 2011 et ne caractérisait donc pas que la société Top Sedia France avait cessé, entre le 7 décembre 2010, date du licenciement de M. Olivier X..., et le 1er mars 2011, son activité de production, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail ;
ALORS QUE, de cinquième part et en toute hypothèse, M. Olivier X... avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'ainsi que le démontrait l'attestation de témoignage par laquelle M. Philippe Y... certifiait que, postérieurement au licenciement de M. Olivier X..., une personne nommée Primo avait effectué les tâches qu'accomplissait M. Olivier X... avant son licenciement, le poste de travail de M. Olivier X... n'avait pas été supprimé, ; qu'en laissant sans réponse ce moyen, qui était péremptoire, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.