Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 mai 2015, 13-23.606, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le premier moyen :

Vu les articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail, en leur rédaction alors applicable en la cause, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 1er juillet 2005 en qualité d'agent de surveillance par la société Brink's contrôle sécurité aux droits de laquelle est venue la société Brink's security service, a été désigné délégué syndical ; qu'il a été en arrêt maladie pendant plusieurs mois ; qu'en juillet et août 2007, l'employeur a mis le salarié en demeure de justifier son absence ; que l'inspection du travail ayant autorisé le licenciement de ce salarié, celui-ci a été licencié le 16 avril 2008 pour faute grave ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié des sommes à titre, d'une part, tant de rappel de salaire que d'indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés, d'autre part, de dommages-intérêts pour défaut d'organisation d'une visite de reprise, l'arrêt retient que l'employeur n'avait pas saisi le médecin du travail pour qu'il convoque le salarié à un examen médical de reprise et que cet examen n'avait pas été organisé ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le salarié avait cessé d'envoyer des arrêts de travail depuis le 31 mai 2007, qu'il n'avait pas répondu aux demandes de l'employeur de justifier de son absence et qu'il ne rapportait pas la preuve qu'il s'était mis à la disposition de celui-ci, la cour d'appel, dont il résultait de ses énonciations l'absence d'obligation pour l'employeur d'organiser la visite de reprise, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Brink's security services ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quinze et signé par M. Chollet, président, et Mme Piquot, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de la décision.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Brink's security service

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société BRINK'S SECURITY SERVICE à payer à Monsieur X... la somme de 13.991,99 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juin 2007 au 18 avril 2008, 1.399,19 euros d'indemnité compensatrice de congés payés afférents, 2.521,02 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 756,32 à titre d'indemnité de licenciement, 1.000 euros à titre de préjudice pour défaut d'organisation de la visite de reprise du travail, d'AVOIR condamné la société BRINK'S SECURITY SERVICE aux entiers dépens recouvrés conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle, d'AVOIR dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Il convient en préalable d'observer que M. X... ne sollicite plus la résiliation de son contrat de travail mais fonde ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
Alors que sa désignation en date du 27 avril 2006 en qualité de délégué syndical n'était pas remise en cause et qu'il bénéficiait de la protection instituée par l'article L. 2411-3 du code du travail, M. X... a été licencié le 16 avril 2008, dans le délai d'un mois prévu par l'article L. 1332-2 du code du travail après l'autorisation de licenciement accordée le 8 avril 2008 par l'inspecteur du travail.
En tout de cette autorisation administrative de licenciement, qui n'a pas fait l'objet d'un recours administratif de la part de M. X..., la cour ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement. Elle reste cependant compétente pour apprécier le degré de gravité de la faute sur laquelle est fondée le licenciement.
L'employeur, tenu d'une obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité. Il ne peut, conformément aux dispositions de l'article R. 4624-21 du code du travail, laisser un salarié reprendre son travail après une période d'absence d'au moins 21 jours pour cause de maladie sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les hui jours de celle-ci, d'un examen par le médecin du travail destinée à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures.
Il est constant qu'à l'issue des arrêts de travail prescrits pour maladie pendant plusieurs mois jusqu'au 31 mai 2007, M. X... a cessé d'envoyer d'autres arrêts de travail et que la société BRINK'S n'a pas saisi le médecin du travail afin qu'il le convoque pour une visite médicale de reprise et qu'une telle visite n'a pas été organisée.
L'absence de M. X... pendant une période où il n'était pas tenu de reprendre le travail, sur laquelle est fondée le licenciement, ne constitue donc pas une faute grave, même s'il n'a pas répondu aux courriers de la société BRINK'S lui demandant de justifier son absence.
Par ailleurs, le salarié ne pouvant reprendre le travail en raison du manquement de l'employeur, ce dernier demeure redevable du salaire durant la période comprise entre la fin de l'arrêt de travail justifié pour maladie, soit le 1er juin 2007 et le licenciement, même si l'intéressé ne prouve pas qu'il s'est tenu à sa disposition.
Enfin, le salarié a nécessairement subi un préjudice du fait de l'absence d'organisation de la visite de reprise, qui a fait obstacle à la reprise du travail ou à la procédure d'inaptitude, préjudice distinct de la rupture du contrat de travail.
En conséquence, M. X... a droit au paiement des sommes suivantes :
* 13 991,99 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juin 2007 au 18 avril 2008 qu'il a exactement calculé en fonction des salaries mentionnés par la société BRINK'S sur les bulletins de paye,
* 1399,19 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
* 2521,02 euros à titre d'indemnité compensatrice pour deux mois de préavis, conformément à la demande qu'il présente
* 756,32 euros à titre d'indemnité de licenciement calculée en excluant les périodes de maladie pour le calcul de l'ancienneté
* 1000 euros à titre de préjudice pour défaut d'organisation de la visite de reprise du travail
La société BRINK'S qui succombe devra supporter les entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile »

1°) ALORS QUE la visite de reprise après une période d'arrêt de travail d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie non professionnelle doit avoir lieu lors de la reprise du travail ou au plus tard dans un délai de huit jours après celle-ci ; que l'employeur n'est donc pas tenu d'organiser une telle visite en l'absence de reprise effective ou de demande du salarié à reprendre son travail ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé qu'à l'issue de ses arrêts de travail prescrits pour maladie pendant plusieurs mois, « M. X... a cessé d'envoyer d'autres arrêts de travail » ; que la Cour d'appel a en outre retenu qu'à l'issue de ses arrêts de travail, Monsieur X... n'avait pas répondu aux courriers de la société BRINK'S SECURITY SERVICES lui demandant de justifier de son absence et qu'il ne rapportait pas la preuve de s'être tenu à la disposition de son employeur ; qu'il en résultait que Monsieur X... qui n'avait pas repris le travail n'en n'avait pas plus fait la demande ; qu'en reprochant néanmoins à l'employeur de ne pas avoir organisé une visite de reprise dans les huit jours suivant la fin de l'arrêt de travail de plus de vingt et un jours dont le salarié avait bénéficié, la Cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles R 4624-21 et R 4624-22 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE commet une faute grave le salarié qui, déjà sanctionné pour son absence injustifiée, persiste à ne pas justifier de cette absence de plusieurs mois, sans que ce dernier puisse se retrancher derrière l'absence de visite de reprise ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement rappelait au salarié la mise à pied de trois jours dont il avait fait l'objet pour ne pas avoir justifié de son absence à compter du 6 juin 2007 et lui reprochait d'avoir persisté à ne fournir aucun justificatif d'absence en dépit de cette sanction disciplinaire ; que la Cour d'appel a expressément constaté qu' « à l'issue des arrêts de travail prescrits pour maladie pendant plusieurs mois jusqu'au 31 mai 2007, M. X... a cessé d'envoyer d'autres arrêts de travail », que le salarié « n'a pas répondu aux courriers de la société BRINK'S lui demandant de justifier de son absence » et que Monsieur X... « ne prouve pas qu'il s'est tenu à sa disposition » ; qu'il en résultait que la faute grave du salarié était avérée ; qu'en affirmant que l'absence du salarié ne constituait pas une faute grave « même s'il n'a pas répondu aux courriers lui demandant de justifier son absence », la Cour d'appel a violé les articles R 4624-21 et R 4624-22, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société BRINK'S SECURITY SERVICE à payer à Monsieur X... la somme de 13.991,99 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juin 2007 au 18 avril 2008, 1.399,19 euros d'indemnité compensatrice de congés payés afférents, 2.521,02 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 756,32 à titre d'indemnité de licenciement, 1.000 euros à titre de préjudice pour défaut d'organisation de la visite de reprise du travail, d'AVOIR condamné la société BRINK'S SECURITY SERVICE aux entiers dépens recouvrés conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle, d'AVOIR dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Il convient en préalable d'observer que M. X... ne sollicite plus la résiliation de son contrat de travail mais fonde ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
Alors que sa désignation en date du 27 avril 2006 en qualité de délégué syndical n'était pas remise en cause et qu'il bénéficiait de la protection instituée par l'article L. 2411-3 du code du travail, M. X... a été licencié le 16 avril 2008, dans le délai d'un mois prévu par l'article L. 1332-2 du code du travail après l'autorisation de licenciement accordée le 8 avril 2008 par l'inspecteur du travail.
En tout de cette autorisation administrative de licenciement, qui n'a pas fait l'objet d'un recours administratif de la part de M. X..., la cour ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement. Elle reste cependant compétente pour apprécier le degré de gravité de la faute sur laquelle est fondée le licenciement.
L'employeur, tenu d'une obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité. Il ne peut, conformément aux dispositions de l'article R. 4624-21 du code du travail, laisser un salarié reprendre son travail après une période d'absence d'au moins 21 jours pour cause de maladie sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les hui jours de celle-ci, d'un examen par le médecin du travail destinée à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures.
Il est constant qu'à l'issue des arrêts de travail prescrits pour maladie pendant plusieurs mois jusqu'au 31 mai 2007, M. X... a cessé d'envoyer d'autres arrêts de travail et que la société BRINK'S n'a pas saisi le médecin du travail afin qu'il le convoque pour une visite médicale de reprise et qu'une telle visite n'a pas été organisée.
L'absence de M. X... pendant une période où il n'était pas tenu de reprendre le travail, sur laquelle est fondée le licenciement, ne constitue donc pas une faute grave, même s'il n'a pas répondu aux courriers de la société BRINK'S lui demandant de justifier son absence.
Par ailleurs, le salarié ne pouvant reprendre le travail en raison du manquement de l'employeur, ce dernier demeure redevable du salaire durant la période comprise entre la fin de l'arrêt de travail justifié pour maladie, soit le 1er juin 2007 et le licenciement, même si l'intéressé ne prouve pas qu'il s'est tenu à sa disposition.
Enfin, le salarié a nécessairement subi un préjudice du fait de l'absence d'organisation de la visite de reprise, qui a fait obstacle à la reprise du travail ou à la procédure d'inaptitude, préjudice distinct de la rupture du contrat de travail.
En conséquence, M. X... a droit au paiement des sommes suivantes :
* 13 991,99 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juin 2007 au 18 avril 2008 qu'il a exactement calculé en fonction des salaries mentionnés par la société BRINK'S sur les bulletins de paye,
* 1399,19 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
* 2521,02 euros à titre d'indemnité compensatrice pour deux mois de préavis, conformément à la demande qu'il présente
* 756,32 euros à titre d'indemnité de licenciement calculée en excluant les périodes de maladie pour le calcul de l'ancienneté
* 1000 euros à titre de préjudice pour défaut d'organisation de la visite de reprise du travail
La société BRINK'S qui succombe devra supporter les entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile »

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen, relatif à l'organisation de la visite médicale de reprise entraînera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif ayant condamné l'employeur à payer un rappel de salaire et congés payés afférents pour la période courant du 1er juin 2007 au 18 avril 2008 et des dommages et intérêts pour défaut d'organisation de la visite de reprise du travail, en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;

ECLI:FR:CCASS:2015:SO00886
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