Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 mai 2015, 14-12.698, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1232-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 2 juin 2008 par la société Assu 2000 en qualité d'attaché commercial débutant, le contrat de travail comportant une clause de mobilité par laquelle le salarié prenait « l'engagement d'accepter tout changement d'affectation dans une autre agence qui serait nécessaire par l'intérêt du fonctionnement de l'entreprise et ce sur l'ensemble des régions où la société exerce ou exercera ses activités » ; que, licencié pour avoir refusé une mutation, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour rejeter sa demande tendant à voir déclarer nulle la clause de mobilité, l'arrêt retient que celle-ci est valable dans la limite du périmètre géographique connu par le salarié à la date de la signature du contrat, soit l'ensemble des régions où la société exerçait à cette date, ce qui est le cas pour l'agence de Wattrelos ouverte en septembre 2004 ;

Attendu cependant qu'une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et ne peut conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que le moyen ne critique pas le chef du dispositif relatif à l'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement du salarié, qui présentait moins de deux ans d'ancienneté ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Assu 2000 à payer à M. X... la somme de 300 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et condamne M. X... à rembourser à la société Assu 2000 la somme de 90 euros représentant des frais de déplacement pour l'entretien préalable, l'arrêt rendu le 16 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sauf sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Assu 2000 aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Assu 2000 à payer à la SCP Didier et Pinet la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quinze et signé par Mme Vallée, président, et Mme Piquot, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de la décision.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de monsieur X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse, débouté monsieur X... de ses demandes tendant à la condamnation de la société Assu 2000 à lui verser les sommes de 3. 000 euros en réparation du préjudice financier et 1. 543 euros pour procédure de licenciement irrégulière ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le salarié soutient au principal que la clause de mobilité est nulle faute de désignation du secteur géographique et subsidiairement, que l'employeur a fait preuve d'un abus de pouvoir en l'affectant à Wattrelos sans prendre en considération les contraintes subies, ni rechercher d'autres possibilités de travail (pourtant existantes), ni lui avoir communiqué d'informations précises sur ses futures fonctions ; que par ailleurs, l'intérêt de la société n'a pas été établi et encore moins la nécessité de sa nouvelle affectation pour le fonctionnement de l'entreprise ; qu'enfin, le délai de prévenance et de réflexion qui lui a été accordé est très largement insuffisant, le délai entre la proposition de mutation et son refus ne lui étant pas imputable, l'employeur ne lui répondant que tardivement et de façon parcellaire aux précisions qu'il demandait ; que l'employeur soutient quant à lui que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse, l'agence de Sedan dans laquelle il travaillait ayant été fermée ; qu'il précise qu'aucun autre poste que celui de Wattrelos ne pouvait lui être proposé, et que la clause de mobilité prévue au contrat a été mise en oeuvre d'une façon loyale et non abusive, comme ne modifiant en rien l'économie du contrat de travail, fonctions identiques, rémunération de base identique ; qu'il s'est écoulé deux mois entre la proposition de poste le sept août 2009 et la réponse négative du salarié le 12 octobre 2009 et pendant toute cette période, le salarié a été rémunéré alors qu'il n'avait plus d'affectation en raison de la fermeture de l'agence de Sedan ; que subsidiairement, il fait valoir que le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse n'est pas justifié ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le salarié était affecté à l'agence de Sedan et que cette agence a fait l'objet d'une fermeture le 07 août 2009 ; qu'au terme de l'article 3 du contrat de travail signé entre les parties le 2 juin 2008, le salarié prenait l'engagement d'accepter tout changement d'affectation dans une autre agence qui serait nécessaire par l'intérêt du fonctionnement de l'entreprise et ce sur l'ensemble des régions où la société exerce ou exercerait ses activités ; qu'à l'audience, le salarié a oralement contesté la validité de cette clause ; que pour être valable, une clause de mobilité prévue dans un contrat de travail doit préciser la délimitation de la zone géographique dans laquelle le salarié s'engage à accepter d'être muté ; qu'en l'espèce, la clause est valable dans la limite du périmètre géographique connu par le salarié à la date de la signature du contrat, soit l'ensemble des régions où la société exerçait ses activités à cette date, ce qui est le cas pour l'agence de Wattrelos ouverte en septembre 2004 ; que s'agissant de la mise en oeuvre de la clause de mobilité, il n'est pas contesté que l'agence de Sedan a fait l'objet d'une fermeture, mesure entrant dans les pouvoirs de gestion et direction de l'employeur, ce qui avait pour conséquence nécessaire une nouvelle affectation du salarié ; que le salarié ne procède que par affirmation lorsqu'il indique qu'il aurait pu être affecté dans une agence plus proche de son domicile à Charleville-Mézières ; que c'est par lettre recommandée du 7 août 2009 que l'employeur a proposé au salarié une mutation à Wattrelos, sollicitant une réponse pour le 7 septembre 2009 au plus tard soit un délai de réflexion de 1 mois ; qu'à la demande écrite tardive du salarié du 2 septembre 2009 et par courrier du 14 septembre 2009, l'employeur a précisé au salarié les modalités de sa mutation (note relative aux aides à la mobilité géographique, liées au déménagement, frais d'hébergement), que le poste proposé l'était pour une durée indéterminée, que la date de son intégration était liée à celle de son arrivée sur place et que l'agence possédait aujourd'hui 770 polices actives et un chiffre d'affaires sur l'exercice 2008 de 62. 821, 95 euros ; que par courrier du 2 octobre 2009, l'employeur confirmait au salarié que sa rémunération était maintenue ; que le salarié, qui ne prétend à aucun impératif d'ordre familial, ne justifie donc pas que l'employeur a usé de façon abusive de la clause de mobilité contenue dans le contrat de travail, alors même que, hormis le lieu d'affectation, les conditions de travail restaient les mêmes, que l'agence de Wattrelos générerait un chiffre d'affaires plus important que celui de Sedan et qu'il pouvait être forfaitairement remboursé de frais de déménagement et éventuellement de nuitées et dans l'attente ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que sur le préjudice financier : le salarié soutient qu'il a reçu tardivement le paiement de ses rémunérations, retard fragilisant sa situation sociale et financière, ce que conteste l'employeur qui précise que son solde de tout compte lui a été réglé dès le 26 novembre 2009 alors que son préavis expirait le 14 décembre 2009 ; qu'en tout cas, et en application de l'article 1153 du code civil, les dommages intérêts résultant du retard dans le paiement d'une certaine somme ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf à constater l'existence d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement et causé par la mauvaise foi du débiteur qui en l'espèce n'est pas alléguée, et en tout cas non prouvée, le salarié ayant continué à être payé alors que l'agence où il travaillait était fermée et a perçu le solde de tout compte y compris le montant l'indemnité de préavis avant son terme ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande ;

ET, AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES, QUE selon l'article 1234 du code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi entre les parties, elles ne peuvent être récusées que de leur propre consentement ; qu'elles doivent être exécutées de bonne foi ; que la clause de mobilité est une clause par laquelle l'employeur se réserve la possibilité de modifier le lieu de travail du salarié, cette clause est licite à condition d'être édictée dans l'intérêt de l'entreprise, de ne pas constituer un abus de droit ou un détournement de l'employeur ; que la jurisprudence a précisé que c'est au salarié qu'il incombe de démontrer que cette décision a été en réalité prise pour des raisons étrangères à cet intérêt ou bien qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne toi contractuelle dont bénéficie l'employeur ; qu'en outre, la jurisprudence constante de la Cour de cassation a établi que lorsqu'une clause de mobilité est incluse dans un contrat de travail, le changement d'affectation du salarié ne constitue pas une modification du contrat de travail mais un simple changement de ses conditions de travail et dès lors le refus du salarié de rejoindre sa nouvelle affectation peut donc constituer une faute grave ; qu'en l'espèce, le contrat de travail liant monsieur X... à la société Assu 2000 régulièrement établi le 2 juin 2008 comporte en son article 3, un paragraphe, intitulé « lieu d'exercice », stipulant « monsieur X... Y...se verra confirmer son affectation à l'issue de la première période de formation. Cependant, monsieur X... Y...prend l'engagement d'accepter tout changement d'affectation dans une autre agence qui serait nécessité par l'intérêt du fonctionnement de l'entreprise et ce sur l'ensemble des régions où la société exerce ou exercera ses activités » ; qu'il n'est pas contesté que l'agence où exerçait monsieur X... a été fermée le 7 septembre 2009 d'où la proposition de mutation vers l'agence de Wattrelos de l'employeur constituant de fait un intérêt légitime pour la société Assu 2000 ; que monsieur X... ne démontre pas un quelconque abus de pouvoir ou détournement de pouvoir de son employeur et l'argument du non respect de l'article du code du travail L. 1226-8 concernant la proposition d'emploi similaire ne s'applique pas puisque cet article concerne les aptitudes pour accident de travail ou maladie professionnelle ; qu'en outre, le délai de prévenance que doit respecter l'employeur pour ne pas agir avec précipitation a été suffisamment important pour permettre à monsieur X... de prendre sa décision avec toute la réflexion nécessaire ; qu'ainsi la clause de mobilité contractuelle s'imposait à monsieur X... et dès lors, son refus de mutation par son courrier du 12 octobre 2009 constitue une cause réelle et sérieuse de rupture de son contrat de travail par la société Ass 2000 ; qu'en conséquence, monsieur X... sera débouté de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts relatives à son licenciement ;

1°) ALORS QU'une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application ; que la clause de mobilité insérée au contrat de travail de monsieur X... stipulait que le salarié « prenait l'engagement d ¿ accepter tout changement d'affectation dans une autre agence qui serait nécessité par l'intérêt du fonctionnement de l'entreprise et ce sur l'ensemble des régions où la société exercera ses activités » ; que cette clause était nulle en raison de l'absence de définition précise de sa zone géographique d'application ; qu'en affirmant que la clause était valable dans la limite du périmètre géographique connu, soit l'ensemble des régions où la société exerçait ses activités à la date de la signature du contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail et 1134 du code civil ;

2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (cf. 6 et 7), monsieur X... faisait valoir que le nouveau lieu de travail à Wattrelos imposé par son employeur était distant de plus de 230 kilomètres de son domicile, qu'il n'avait pas les moyens de s'y rendre et qu'il existait, à la même époque, au moins un poste vacant à Saint Quentin dans l'Aisne, un poste à Chauny à partir du 30 août, à Reims à compter de la fin du mois d'octobre 2209 et à Maubeuge au mois d'octobre, de sorte l'employeur avait mis en oeuvre la clause de mobilité de façon abusive ; qu'en jugeant que l'employeur n'avait pas usé de façon abusive de la clause de mobilité, sans répondre à ces chefs pertinents des conclusions d'appel de l'exposant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2015:SO00863
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