Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 mai 2015, 13-22.459, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 13-22.459
- ECLI:FR:CCASS:2015:SO00767
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L.1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 24 août 2006 par la société Histoire d'or (la société) en qualité d'adjoint de direction, promu directeur de magasin le 2 mars 2007 ; qu'il s'est trouvé en arrêt de travail pour maladie du 3 août 2009 au 30 juin 2010, sans reprendre son travail après cette date, ni répondre aux lettres recommandées avec avis de réception adressées par l'employeur les 15 et 26 juillet 2010 ; qu'à la suite de son licenciement pour faute grave le 27 août 2010, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes relatives au licenciement, l'arrêt retient que, postérieurement aux arrêts de travail du 3 août 2009 au 30 juin 2010, le salarié n'a pas transmis à l'employeur de certificat médical de prolongation de son arrêt de travail et n'a pas répondu aux lettres de mise en demeure, les 15 et 26 juillet 2010, de justifier son absence ou de reprendre son poste ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat de travail demeurait suspendu à défaut d'organisation d'une visite de reprise, de sorte que le salarié n'était pas tenu à l'obligation de venir travailler, la cour d'appel, qui ne retient que l'abandon de poste, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de M. X... au titre d'un licenciement nul, l'arrêt rendu le 5 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société Histoire d'or aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Histoire d'or et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le licenciement pour faute grave et débouté en conséquence le salarié de ses demandes d'indemnités de préavis, et congés payés afférents, indemnité de licenciement, indemnité pour licenciement non causé et pour préjudice moral, et indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le conseil de prud'hommes a considéré que le licenciement pour faute grave de monsieur X... était fondé en raison de son abandon de poste ; qu'en effet, après des arrêts de travail du 3 août 2009 au 30 juin 2010, à compter du 1er juillet 2010, il n'a plus été produit d'arrêt de travail, monsieur X... n'a pas répondu aux deux lettres recommandées avec accusé de réception de l'employeur des 15 et 26 juillet lui demandant de s'expliquer sur son absence injustifiée et de reprendre son poste, et l'argument selon lequel son état dépressif l'empêchait de se préoccuper d'aspects administratifs est contredit par la lettre adressée le 3 août 2010 à la société Histoire d'Or par laquelle il conteste précisément un décompte de jours de récupération ; que force est de constater que monsieur X... n'a produit un arrêt de travail que pour la période d'août 2010, et ce seulement à l'occasion de la procédure prud'homale, et ne produit rien de tel pour la période du mois de juillet 2010 où son absence est dépourvue de cause, et n'explique pas pour quelles raisons il n'a pas transmis en temps utile à son employeur l'arrêt de travail pour août 2010, alors qu'il lui a dressé un courrier le 3 août 2010 ; que Monsieur X... ne peut faire grief à l'employeur de ne pas avoir organisé à l'issue d'un arrêt de travail, qui ne résultait ni d'un accident du travail ni d'une maladie professionnelle, la visite de reprise prévue par l'article R. 4624-22 du code du travail, ce qui aurait selon lui entraîné la poursuite de la suspension du contrat de travail, dès lors que la visite de reprise doit avoir lieu à la reprise effective du travail et au plus tard dans le délai de huit jours, la reprise n'ayant jamais eu lieu et monsieur X... n'en ayant jamais manifesté l'intention ; que les jurisprudences citées par monsieur X... ne sont pas pertinentes, s'appliquant à des cas distincts, et ce sans préjudice de la pratique dite de pré-reprise, non prévue par les textes, et de la possibilité pour le salarié de demander la visite de reprise ; que dans ce contexte, l'employeur conservait son pouvoir disciplinaire et était habilité, et fondé en l'espèce, à engager la procédure de licenciement ; que le licenciement pour faute grave est justifiée par l'abandon de poste ;
Et AUX MOTIFS ADOPTES QUE par pièces déposées lors des débats, Monsieur X... est en arrêt de travail, dont l'origine n'est pas professionnelle, du 3 août 2009 au 30 juin 2009 et du 1er août 2010 au 30 septembre 2010 ; que cependant, cet état de fait résulte des pièces versées aux débats, qui sans que cela ne soit contredit par le salarié, les arrêts du 1er août au 30 septembre n'ont pas été remis par le salarié à l'employeur avant les débats de la présente procédure ; que l'employeur a réclamé à deux reprises à son salarié de justifier de son absence à compter du 1er juillet 2010 par mises en demeure par lettres recommandées avec accusé de réception datées du 15 juillet 2010 et du 26 juillet 2010 ; que M. X... sans s'expliquer a écrit à son employeur le 3 août suivant sur un tout autre point et conserve le silence sur la justification de son absence ; que M. X... n'a nullement justifié au conseil l'absence de remise de certificat d'arrêt de travail à compter du 30 juin 2010, de l'absence de réponse aux deux sommations de son employeur et dans la même période la production de son courrier du 3 août portant sur un tout autre point du contrat de travail ; que la Société HISTOIRE D'OR a procédé avec prudence en sommant par deux reprises M. X... de justifier de son absence et en organisant un entretien préalable à toute sanction le 23 août 2010 soit 53 jours après la fin d'effet des justifications remis par M. X... et a prononcé le licenciement le 27 août 2010 ; que selon les pièces déposées par le salarié lui-même, il lui était aisé de remettre l'arrêt de travail en date du 3 août 2011, ce qu'il s'est visiblement et volontairement abstenu de faire ; que cette manoeuvre ne saurait être tolérée dans l'exécution de bonne foi des contrats qui prévaut à l'exécution du contrat de travail par chaque partie ; que l'argument selon lequel l'employeur aurait été tenu en vertu de l'article R. 4624-22 du code du travail d'organiser avant le prononcé du licenciement un examen médical de reprise ne saurait prospérer ; que M. X... n'a manifesté aucune volonté de reprise de son poste de travail et a gardé le silence sur son état médical ou tout motif pouvant permettre la reprise effective ou non de son poste de travail ; que l'examen médical de reprise a lieu selon les termes de ladite disposition « à la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours » ; que compte tenu des faits de l'espèce, il appartenait au salarié de solliciter ledit entretien médical ; que la Société HISTOIRE D'OR a licencié M. X... pour un abandon de poste qui par conséquent désorganisait l'entreprise et non en raison d'un quelconque motif médical lié à une inaptitude ; que Monsieur Jean-Raphaël X... a fait preuve d'un comportement incompatible avec son maintien dans l'entreprise, constitutif d'une faute grave ;
ALORS QUE c'est à l'employeur qu'il appartient d'organiser la visite médicale de reprise à l'expiration de l'arrêt de travail, peu important que le salarié n'ait pas encore repris son poste et peu important encore qu'il n'en ait pas manifesté l'intention ; que tant que n'a pas eu lieu cette visite de reprise, le contrat de travail continue d'être suspendu, de sorte que l'employeur ne peut reprocher au salarié de n'avoir pas repris le travail et ne peut donc en aucun cas le licencier pour abandon de poste ; qu'en décidant en l'espèce que le fait que Monsieur X... n'ait pas repris le travail à l'issue de son arrêt de travail pour la période du moins de juin 2010, et qu'il n'en ait pas manifesté l'intention, dispensait l'employeur d'organiser la visite de reprise, de sorte que ce dernier aurait pu légitimement considérer que le contrat de travail n'était plus suspendu et qu'il pouvait licencier l'exposant pour abandon de poste, la cour d'appel, qui a statué par des motifs erronés en droit, a violé l'article R. 4642-21 du code du travail ;
ET ALORS en tout état de cause QUE ne constitue pas une faute grave la seule absence de justification d'une ou plusieurs des prolongations d'arrêt de travail, même à la demande de l'employeur, dès lors que ce dernier avait été informé de l'arrêt de travail initial ; qu'en l'espèce, pour considérer que Monsieur X... avait commis une faute grave tirée d'un abandon de poste, la cour d'appel retient que si ce dernier a produit des arrêts de travail du 3 août 2009 au 30 juin 2010, il n'a rien produit au titre du mois de juillet 2010 et n'a produit que tardivement la prolongation de travail au titre du mois d'août 2010, et ce en dépit de la demande de l'employeur ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la société Histoire d'Or avait reçu en temps utile l'arrêt de travail initial, et même les prolongations ultérieures, de sorte que la seule absence de justification ou tardiveté de justification des deux dernières prolongations ne constituait pas une faute grave, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-1 du code du travail ;
ALORS encore QUE la lettre de licenciement fixe les termes du litige, de sorte que les juges du fond ne peuvent imputer au salarié une circonstance ou un fait qui ne ressortirait pas de cette lettre ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont cru pouvoir retenir à l'encontre de Monsieur X... le fait que celui-ci se serait volontairement abstenu de justifier de sa prolongation d'arrêt de travail au titre du mois d'août 2010 et qu'il aurait ce faisant manqué à son obligation de bonne foi ; qu'en statuant de la sorte, quand la société Histoire d'Or, dans la lettre de licenciement, se bornait à reprocher à Monsieur X... de ne pas avoir justifier de ses dernières prolongations d'arrêt de travail, sans nullement prétendre que l'exposant aurait manqué à une obligation de bonne fait en agissant ainsi de façon malveillante, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1234-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
ET ALORS enfin et subsidiairement QUE la mauvaise foi ne se présume pas ; qu'en l'espèce, les juges du fond se sont bornés à relever que Monsieur X... avait le 3 août 2010 envoyé un courrier à son employeur s'agissant des heures de décompte, mais qu'il n'avait pas envoyé la prolongation de son arrêt de travail dans le même temps, ce qui signifiait selon elle que cette dernière omission était volontaire ; qu'en se prononçant de la sorte, sans avoir autrement caractérisé un manquement de l'exposant à la bonne foi, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile.