Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 5 mai 2015, 14-12.381 14-15.766, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Joint les pourvois n° X 14-12.381 et B 14-15.766, qui attaquent le même arrêt ;

Sur la recevabilité du pourvoi n° X 14-12.381, examinée d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article 613 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2014-1338 du 6 novembre 2014 ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que le délai de pourvoi en cassation ne courait, à l'égard des décisions rendues par défaut, même pour les parties qui avaient comparu devant les juges du fond, qu'à compter du jour où l'opposition n'était plus recevable ;

Attendu que la société Socamett s'est pourvue en cassation le 14 février 2014 contre un arrêt rendu par défaut et susceptible d'opposition ; qu'il n'est pas justifié de l'expiration du délai d'opposition à la date du pourvoi ;

D'où il suit que le pourvoi est irrecevable ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° B 14-15.766 :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 novembre 2013), que la société Socamett, se prétendant créancière de la société Kit'Inter au titre d'une garantie financière, a déclaré sa créance à la liquidation judiciaire de celle-ci, prononcée le 21 août 2012, en la ventilant suivant la nature de ses sûretés ; que, pour la partie garantie par un gage-espèces sur un compte ouvert dans les livres de la société BNP Paribas, elle a déclaré sa créance pour un euro à parfaire puis a demandé l'attribution de la somme de 125 452 euros, correspondant au solde du compte bancaire ;

Attendu que la société Socamett fait grief à l'arrêt de limiter les effets du gage-espèces à la somme de un euro alors, selon le moyen :

1°/ que tous les créanciers dont la créance est née avant le jugement d'ouverture de la procédure collective doivent, d'une part, déclarer leur créance en procédant à l'évaluation de celle-ci, et, d'autre part, indiquer s'ils prétendent bénéficier d'un privilège ou d'une sûreté ; que pour dire que les effets du gage-espèces revendiqué par la société Socamett seraient limités à un euro, la cour d'appel a opposé à celle-ci le principe selon lequel "aucune créance ne peut être déclarée à parfaire hors les cas prévus par la loi" et le fait que la société Socamett avait "limité son nantissement de second rang à un euro" ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la société Socamett avait "bien déclaré sa créance pour le plafond de sa garantie", soit 572 000 euros, d'où il résultait qu'il ne pouvait être reproché à celle-ci d'avoir déclaré une créance "à parfaire", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 622-24 et L. 622-25 du code de commerce ;

2°/ que le créancier titulaire d'un gage-espèces a deux obligations, la première consistant à déclarer sa créance en procédant à une évaluation de celle-ci et la seconde consistant à indiquer qu'il entend se prévaloir de la sûreté constituée par le gage-espèces ; qu'en revanche, aucun texte n'impose à ce créancier, au stade de la déclaration de créance, d'évaluer le montant du gage-espèces constitué à son profit ; qu'en considérant que la société Socamett aurait dû préciser, dès le stade de la déclaration de créance, le montant du gage-espèces constitué à son profit dans les livres de la société BNP Paribas factor, sans pouvoir se borner à une déclaration à titre conservatoire sur ce point, la cour d'appel a violé les articles L. 622-24 et L. 622-25 du code de commerce ;

3°/ qu'en énonçant qu'il appartenait à la société Socamett de faire une déclaration complémentaire avant l'expiration du délai de déclaration des créances, dans la mesure où la société BNP Paribas factor l'avait informée par courrier du 24 octobre 2012 que le montant de la retenue de garantie s'élevait à 132 170,36 euros, quand ce solde n'était que provisoire, le solde définitif ayant été fixé par la banque, le 21 janvier 2014, à la somme de 296 506,29 euros, de sorte que, la garantie continuant à évoluer, la société Socamett était en droit de réajuster sa déclaration postérieurement au délai de déclaration initiale, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante et a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 622-24 et L. 622-25 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interprétation de la déclaration de créance, qui était ambiguë, que la société Socamett avait fixé à un euro le montant garanti par le gage-espèces, puis constaté qu'elle n'avait pas effectué, dans le délai légal, de déclaration complémentaire, la cour d'appel en a exactement déduit que les effets du gage-espèces étaient limités à cette somme ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi n° X 14-12.381 ;

REJETTE le pourvoi n° B 14-15.766 ;

Condamne la société Socamett aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour la société Socamett à l'appui du pourvoi n° B 14-15.766

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que les effets du gage-espèces revendiqué par la société SOCAMETT seraient limités à 1 euro ;

AUX MOTIFS QUE si les arguments des parties au litige portent sur la façon dont la SOCAMETT a déclaré sa créance pour conserver son gage-espèces sur BNP PARIBAS FACTOR au début de la procédure : soit "1 euro à parfaire et à titre conservatoire", l'appel porte sur la décision du premier juge n'ayant pas fait droit à la requête de la SOCAMETT en date du 28 janvier 2012 en attribution d'un gage-espèces résultant des nantissements pris sur le compte "réserve permanente" ouvert au nom de KIT INTER dans les livres de FMN FACTORING, ainsi que sur le compte de réserve spéciale ouvert sous le même nom dans la même société de factoring ; en l'occurrence, la déclaration de créance de SOCAMETT montre que plusieurs rubriques composent la somme réclamée à 572.000 euros : - le droit de gage sur les parts de KIT INTER de SOCAMETT dont celle-ci est propriétaire = 22.880 euros à titre privilégié ; - le fonds de garantie constitué chez SOCAMETT = 5.720 euros à titre privilégié et superprivilégié ; - l'ensemble des sommes figurant sur le compte de réserve spéciale et de garantie du factor = 1 euro (nantissement de second rang) ; et SOCAMETT a justifié dans sa déclaration de créance ce dernier chef de demande de "1 euro à parfaire et à titre conservatoire" par le fait qu'elle est tiers détenteur et que ses droits sur les sommes figurant sur le compte de garantie du factor et sur le compte de réserve spéciale sont soumis à la condition que le factor soit totalement désintéressé des créances que celui-ci pourrait avoir sur KIT INTER ; il convient ainsi de s'en tenir à sa demande en justice ; et si SOCAMETT soutient qu'elle ne disposait pas de tous les éléments propres à lui permettre de liquider sa créance, il y a lieu effectivement de rappeler qu'une créance dont le montant n'est pas encore fixé doit être déclarée sur la base d'une évaluation effectuée au moment de la déclaration, ce qui est distinct d'une déclaration faite à titre "provisionnel", et qu'il lui appartenait éventuellement de faire une déclaration complémentaire dès lors que par courrier en date du 24 octobre 2012, FMV FACTORING, devenue BNP PARIBAS FACTOR, l'a informée que le montant de la retenue de garantie s'élevait à 132.170,36 euros (pièce n° 5), c'est-à-dire avant l'expiration du délai de déclaration des créances ; en effet, aucune créance ne peut être déclarée à parfaire hors les cas prévus par la loi ; la SOCAMETT ayant bien déclaré sa créance pour le plafond de sa garantie mais ayant limité son nantissement de second rang à 1 euro, il y a lieu d'y faire droit et d'infirmer en ce sens la décision entreprise ;

ALORS, d'une part, QUE tous les créanciers dont la créance est née avant le jugement d'ouverture de la procédure collective doivent, d'une part, déclarer leur créance en procédant à l'évaluation de celle-ci, et, d'autre part, indiquer s'ils prétendent bénéficier d'un privilège ou d'une sûreté ; que pour dire que les effets du gage-espèces revendiqué par la SOCAMETT seraient limités à 1 euro, la cour d'appel a opposé à celle-ci le principe selon lequel "aucune créance ne peut être déclarée à parfaire hors les cas prévus par la loi" et le fait que la société SOCAMETT avait "limité son nantissement de second rang à 1 euro" ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la société SOCAMETT avait "bien déclaré sa créance pour le plafond de sa garantie", soit 572.000 euros, d'où il résultait qu'il ne pouvait être reproché à celle-ci d'avoir déclaré une créance "à parfaire", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 622-24 et L. 622-25 du Code de commerce ;

ALORS, d'autre part, QUE le créancier titulaire d'un gage-espèces a deux obligations, la première consistant à déclarer sa créance en procédant à une évaluation de celle-ci et la seconde consistant à indiquer qu'il entend se prévaloir de la sûreté constituée par le gage-espèces ; qu'en revanche, aucun texte n'impose à ce créancier, au stade de la déclaration de créance, d'évaluer le montant du gage-espèces constitué à son profit ; qu'en considérant que la société SOCAMETT aurait dû préciser, dès le stade de la déclaration de créance, le montant du gage-espèces constitué à son profit dans les livres de la BNP PARIBAS FACTOR, sans pouvoir se borner à une déclaration à titre conservatoire sur ce point, la cour d'appel a violé les articles L. 622-24 et L. 622-25 du Code de commerce ;

ALORS, enfin, QU'en énonçant qu'il appartenait à la société SOCAMETT de faire une déclaration complémentaire avant l'expiration du délai de déclaration des créances, dans la mesure où la société BNP PARIBAS FACTOR l'avait informée par courrier du 24 octobre 2012 que le montant de la retenue de garantie s'élevait à 132.170,36 euros, quand ce solde n'était que provisoire, le solde définitif ayant été fixé par la banque, le 21 janvier 2014, à la somme de 296.506,29 euros, de sorte que, la garantie continuant à évoluer, la société SOCAMETT était en droit de réajuster sa déclaration postérieurement au délai de déclaration initiale, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante et a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 622-24 et L. 622-25 du Code de commerce.

ECLI:FR:CCASS:2015:CO00426
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