Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 26 mars 2015, 14-16.011, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X... a été victime le 23 octobre 2004 d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société MAAF assurances (l'assureur) ; qu'il a assigné l'assureur, la caisse primaire d'assurance maladie de Pau, la mutuelle Ociane et l'association Sainte-Odile en indemnisation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 29 et 33 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

Attendu que seules doivent être imputées sur l'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime les prestations versées par des tiers payeurs qui ouvrent droit, au profit de ceux-ci, à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ;

Attendu que, pour évaluer le préjudice concernant la perte de gains professionnels actuels de M. X..., l'arrêt déduit de son montant celui des allocations d' aide au retour à l'emploi perçues par la victime ;

Qu'en statuant ainsi, alors que de telles allocations non mentionnées par l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 ne donnent pas lieu à recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que l'auteur d'un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ;

Attendu que pour évaluer à la somme de 175 898,39 euros la perte de gains professionnels futurs, l'arrêt énonce que l'expert judiciaire retient que M. X... qui a toujours travaillé comme cuisinier, a été déclaré inapte à cette profession par le médecin du travail le 21 mai 2007 et licencié de son emploi pour inaptitude ; qu'il était à cette date dans l'incapacité de poursuivre l'activité de cuisinier mais aurait pu avoir une activité adaptée à ses capacités intellectuelles et physiques restantes tout en bénéficiant d'un reclassement pour trouver un emploi en fonction de ses séquelles ; que M. X... reste médicalement apte à travailler même s'il ne peut plus être cuisinier et qu'il est établi que le défaut d'activité professionnelle a pour cause, d'une part, l'état séquellaire consécutif à l'accident de la circulation routière du 23 octobre 2004, et, d'autre part, le refus du poste proposé par l'employeur dès lors qu'un changement de résidence n'était pas impossible matériellement pour la victime ; qu'il convient alors de retenir que les séquelles de l'accident interviennent pour 50 % seulement comme cause de l'impossibilité de retrouver un travail et qu'en fonction du calcul opéré par le premier juge pour déterminer la perte de gains professionnels futurs, l'indemnisation sera de 351 796,78 euros : 2 = 175 898,39 euros, après déduction du recours de l'organisme social ;

Qu'en statuant ainsi, en divisant par deux la somme allouée à la victime au titre de la perte de gains professionnels futurs en raison du refus d'un poste proposé par l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société MAAF assurances à payer à M. X... la somme de 5 263,81 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels et la somme de 175 898,39 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, l'arrêt rendu le 4 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société MAAF assurances aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société MAAF assurances, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la SAMAAF ASSURANCES à payer à M. Daniel X... la somme de 5 263,81 euros seulement au titre de la perte de gains professionnels actuels ;

AUX MOTIFS QUE "le tribunal a calculé la perte de revenus professionnels de Monsieur X..., entre la date de l'accident et celle de la consolidation de son état fixée au 15 juin 2009, à la somme de 80 892,48 € dont il a déduit les indemnités journalières versées par la Caisse primaire d'assurance maladie de Pau à hauteur de 55 701,33 € ainsi que la somme de 2 782,48 € versée par l'institution de prévoyance AG2R, mais qu'il a refusé de déduire le montant de l'aide au retour à l'emploi versée à la victime pour une somme reconstituée de 17144,86 € et qu'ainsi l'assureur offre une indemnité résiduelle de 5 236,81 €; (...) qu'il est certain que l'allocation d'aide au retour à l'emploi est un substitut de salaire et que si Monsieur X... avait travaillé avant la consolidation de son état, les salaires perçus auraient été déduits de l'indemnité compensant la perte de gains professionnels actuels ; que selon le calcul opéré par l'assureur, il convient de limiter l'indemnisation de ce poste de préjudice à la somme de 5 263, 81 € et le jugement entrepris sera réformé sur ce point " ;

ALORS QUE seules doivent être imputées sur l'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime les prestations versées par des tiers payeurs qui ouvrent droit, au profit de ceux-ci, à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ; que l'indemnité versée par l'ASSEDIC ne revêt pas un caractère indemnitaire et n'ouvre pas un droit à recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur ; qu'il en résulte que, pour évaluer l'indemnité compensant la perte de gains professionnels actuels, le juge ne peut déduire du montant de l'indemnité allouée en réparation de ce préjudice l'aide au retour à l'emploi versée à la victime à la suite de son accident ; qu'en décidant qu'il est "certain que l'allocation d'aide au retour à l'emploi est un substitut de salaire et que si Monsieur X... avait travaillé avant la consolidation de son état, les salaires perçus auraient été déduits de l'indemnité compensant la perte de gains professionnels actuels" et que "selon le calcul opéré par l'assureur, il convient de limiter l'indemnisation de ce poste de préjudice à la somme de 5 263, 81 ¿", la cour d'appel a violé les articles 29 et 33 de la loi du 5 juillet 1985, ensemble l'article 1382 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la SAMAAF ASSURANCES à payer à M. Daniel X... la somme de 175 898,39 euros seulement au titre de la perte de gains professionnels futurs ;

AUX MOTIFS QUE "Dr Y..., expert judiciaire, dans son rapport daté du 21 septembre 2009, retient que Monsieur X... qui a toujours travaillé comme cuisinier, a été déclaré inapte à cette profession par le médecin du travail le 21 mai 2007 et licencié de son emploi pour inaptitude, qu'il était à cette date dans l'incapacité de poursuivre l'activité de cuisinier mais aurait pu avoir une activité adaptée à ses capacités intellectuelles et physiques restantes tout en bénéficiant d'un reclassement pour trouver un emploi en fonction de ses séquelles ; que l'employeur de Monsieur X..., par lettre du 28 juin 2007, a rappelé qu'un poste lui avait été proposé au sein de la société Val de France au foyer logement de Chambray-les-Tours mais que cette offre avait été refusée, d'où le licenciement pour inaptitude au travail de cuisinier ; que Monsieur X... reste médicalement apte à travailler même s'il ne peut plus être cuisinier et qu'en considération de la situation exposée ci-avant, il est établi que le défaut d'activité professionnelle a pour cause, d'une part l'état séquellaire consécutif à l'accident de la circulation routière du 23 octobre 2004 et d'autre part le refus du poste proposé par l'employeur dès lors qu'un changement de résidence n'était pas impossible matériellement pour la victime ; qu'il convient alors de retenir que les séquelles de l'accident interviennent pour 50% seulement comme cause de l'impossibilité de retrouver un travail et qu'en fonction du calcul opéré par le premier juge pour déterminer la perte de gains professionnels futurs, l'indemnisation sera de 351 796,78 € : 2 = 175898, 39 €" ;

1° ALORS QUE seule la faute de la victime peut exonérer l'auteur du dommage ; qu'en retenant que "le défaut d'activité professionnelle a pour cause, d'une part l'état séquellaire consécutif à l'accident de la circulation routière du 23 octobre 2004 et d'autre part le refus du poste proposé par l'employeur dès lors qu'un changement de résidence n'était pas impossible matériellement pour la victime", pour réduire l'indemnisation de la victime à 175 898,39 €, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du dommage, ensemble l'article 1382 du code civil ;

2° ALORS QUE la victime n'est pas tenue de limiter son dommage ; qu'en décidant que le refus du poste proposé par l'employeur était une cause du défaut d'activité professionnelle de M. Daniel X..., dès lors qu'un changement de résidence n'était pas impossible matériellement pour la victime, pour retenir que les séquelles de l'accident intervenaient pour 50 % seulement comme cause de l'impossibilité de retrouver un travail et qu'en fonction du calcul opéré par le premier juge pour déterminer la perte de gains professionnels futurs, l'indemnisation serait de 351 796,78 € : 2 = 175 898,39 €, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale du dommage, ensemble l'article 1382 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2015:C200499
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