Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 mars 2015, 13-28.481, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à la société T-Systems France de ce qu'elle se désiste de la quatrième branche de son moyen unique ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 4 novembre 1991 par la société Soleri, dont le contrat de travail a été transféré à la société T-Systems France, exerçant en dernier lieu les fonctions de directeur de projet, a été licencié pour faute par lettre reçue le 23 octobre 2009 ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de le condamner à payer au salarié des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que ne constitue pas une sanction disciplinaire la lettre par laquelle l'employeur rappelle au salarié absent son obligation de prévenir en cas d'absence et de fournir des justificatifs et le met en demeure de justifier des raisons de son absence ; qu'en conséquence, une telle mise en demeure n'interdit pas à l'employeur, si le salarié ne lui fournit aucun justificatif valable, de prononcer ensuite une sanction disciplinaire ; qu'en l'espèce, il est constant que, bien qu'étant en charge d'une mission urgente pour un client important, M. X... ne s'est pas présenté au travail à compter du 28 septembre 2009, sans avoir ni prévenu son employeur ou ce client, ni adressé de justificatifs ; qu'après avoir vainement tenté de le contacter, la société T-Systems lui a adressé, le 2 octobre 2009, une lettre intitulée « mise en demeure de justification d'absence », lui rappelant qu'en cas d'absence, il était contractuellement tenu de prévenir son employeur et fournir des justificatifs ; qu'en retenant que cette lettre constituait une sanction qui épuisait le pouvoir disciplinaire de l'employeur, au motif inopérant qu'il y était par ailleurs indiqué que le comportement du salarié constituait un manquement aux règles de discipline que l'employeur ne pourrait continuer à tolérer, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 1331-1 du code du travail ;

2°/ qu'il en va d'autant plus ainsi que la lettre du 2 octobre 2009 invite expressément M. X... à se conformer aux règles de discipline énoncées dans le règlement intérieur, et plus particulièrement aux dispositions de l'article 7.5 de ce règlement qui prévoient que le salarié doit justifier des raisons de ses absences ; qu'en considérant que le libellé de cette lettre du 2 octobre 2009 « ne formalise aucune mise en demeure du salarié d'avoir à justifier de son absence », la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les écrits produits devant lui et de l'article 1134 du code civil ;

3°/ que la lettre du 2 octobre 2009 mentionne seulement « nous ne pourrons tolérer davantage une telle attitude irrespectueuse des règles internes », ce dont il résulte qu'à cette date la société T-Systems France n'avait pris aucune sanction, mais se réservait la possibilité de le faire si le salarié persistait à ne pas justifier du motif de son absence ; qu'en décidant que cette lettre aurait constitué une sanction épuisant le pouvoir disciplinaire de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé, sans la dénaturer, que la lettre du 2 octobre 2009 bien que portant en objet « mise en demeure de justification d'absence » ne demandait pas au salarié de justifier de son absence mais s'employait à caractériser un manquement avéré aux règles de disciplines énoncées au règlement intérieur et l'avertissait qu'il ne pourra plus tolérer une telle attitude portant préjudice aux missions qui lui sont confiées et à l'organisation du service, la cour d'appel a justement décidé que cette lettre constituait un avertissement, en sorte que les mêmes faits ne pouvaient plus justifier le licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société T-Systems France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société T-Systems France à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société T-Systems France.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... était sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR condamné la société T-SYSTEMS à lui payer la somme de 85.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « se prévalant au premier chef du principe non bis in idem selon lequel une même faute ne peut faire l'objet de deux sanctions successives, Monsieur X... soutient que la lettre du 2 octobre 2009, assimilable à un avertissement, constituait déjà une sanction de sorte que l'employeur ne pouvait le licencier pour ces mêmes faits ; que la société TSYSTEMS FRANCE réplique que ce courrier n'avait pas pour finalité de le sanctionner mais de lui enjoindre de justifier de son absence et qu'il n'était pas tenu de l'inviter à reprendre le travail ; qu'aux termes de l'article L. 1331-1 du code du travail, « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération » ; qu'en l'espèce, la lettre du 2 octobre 2009 qui s'emploie à caractériser un manquement avéré du salarié aux règles de disciplines énoncées au règlement intérieur et l'avertit qu'il ne pourra plus tolérer une telle attitude portant préjudice aux missions qui lui sont confiées et à l'organisation du service s'analyse comme un avertissement entrant dans les prévisions de ce texte ; que, si la lettre porte en objet « mise en demeure de justification d'absence », son libellé ne formalise aucune mise en demeure du salarié d'avoir à justifier de son absence et/ou à reprendre le travail comme il est, sinon impératif, comme le fait observer l'employeur, du moins d'usage, ainsi que le fait valoir Monsieur X... ; que force est de constater que, quoique Monsieur X... ait repris le travail le 5 octobre 2009, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, se borne à développer les circonstances et les conséquences .préjudiciables pour l'entreprise de l'absence du salarié sans justification et sans avoir prévenu sa hiérarchie, fait à l'égard duquel l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire, sans viser aucun fait nouveau qui l'autoriserait a prononcer une nouvelle sanction ; qu'il convient, dès lors, d'infirmer le jugement et de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que Monsieur X..., qui avait au moins deux années d'ancienneté dans une entreprise qui employait habituellement au moins 11 salariés, a droit en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement ; qu'au regard de son âge au moment du licenciement, 45 ans, de son ancienneté de près de 20 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi eu égard à son expérience professionnelle et de ce qu'il justifie avoir retrouvé un emploi dès le mois de novembre 2009 mais accuser toutefois une baisse de revenus, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel, et moral qu'il a subi, la somme de 80.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE ne constitue pas une sanction disciplinaire la lettre par laquelle l'employeur rappelle au salarié absent son obligation de prévenir en cas d'absence et de fournir des justificatifs et le met en demeure de justifier des raisons de son absence ; qu'en conséquence, une telle mise en demeure n'interdit pas à l'employeur, si le salarié ne lui fournit aucun justificatif valable, de prononcer ensuite une sanction disciplinaire ; qu'en l'espèce, il est constant que, bien qu'étant en charge d'une mission urgente pour un client important, Monsieur X... ne s'est pas présenté au travail à compter du 28 septembre 2009, sans avoir ni prévenu son employeur ou ce client, ni adressé de justificatifs ; qu'après avoir vainement tenté de le contacter, la société TSYSTEMS lui a adressé, le 2 octobre 2009, une lettre intitulée « mise en demeure de justification d'absence », lui rappelant qu'en cas d'absence, il était contractuellement tenu de prévenir son employeur et fournir des justificatifs ; qu'en retenant que cette lettre constituait une sanction qui épuisait le pouvoir disciplinaire de l'employeur, au motif inopérant qu'il y était par ailleurs indiqué que le comportement du salarié constituait un manquement aux règles de discipline que l'employeur ne pourrait continuer à tolérer, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 1331-1 du Code du travail ;

QU'il en va d'autant plus ainsi que la lettre du 2 octobre 2009 invite expressément Monsieur X... à se conformer aux règles de discipline énoncées dans le règlement intérieur, et plus particulièrement aux dispositions de l'article 7.5 de ce règlement qui prévoient que le salarié doit justifier des raisons de ses absences ; qu'en considérant que le libellé de cette lettre du 2 octobre 2009 « ne formalise aucune mise en demeure du salarié d'avoir à justifier de son absence », la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les écrits produits devant lui et de l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la lettre du 2 octobre 2009 mentionne seulement « nous ne pourrons tolérer davantage une telle attitude irrespectueuse des règles internes », ce dont il résulte qu'à cette date la société T-SYSTEMS FRANCE n'avait pris aucune sanction, mais se réservait la possibilité de le faire si le salarié persistait à ne pas justifier du motif de son absence ; qu'en décidant que cette lettre aurait constitué une sanction épuisant le pouvoir disciplinaire de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L.1331-1 du Code du travail ;

ALORS, ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT, QU'une contradiction entre les motifs et le dispositif d'un jugement équivaut à un défaut de motif ; qu'en condamnant, en son dispositif, la société T-SYSTEMS à verser à Monsieur X... la somme de 85.000 euros après avoir retenu, dans ses motifs, qu'il « convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi, la somme de 80.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » (arrêt, p.4) , la cour, qui a entaché sa décision de contradiction entre ses motifs et son dispositif, a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2015:SO00452
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