Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 17 mars 2015, 13-18.783, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 1147 et 1151 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (deuxième chambre civile, 19 novembre 2009, pourvoi n° 08-15. 652), que par acte des 4 et 20 janvier 1993, M. X... a acquis de Francisco Y... Z..., de M. Bernard Y... et de Mme A...la totalité des parts composant le capital de la société Impériale ; qu'un arrêt du 24 juin 2000, devenu irrévocable de ce chef, a jugé que M. X... avait été victime d'un dol ; que la procédure s'étant poursuivie sur l'évaluation du préjudice, l'arrêt du 28 janvier 2008, qui en a fixé le montant, a été cassé ; qu'à la suite du décès de Francisco Y... Z..., la procédure a été reprise par M. Bernard Y..., tant en sa qualité d'héritier qu'en son nom personnel ;

Attendu que pour condamner M. Y..., solidairement avec Mme A..., à payer une indemnité à M. X..., l'arrêt, après avoir constaté que les capitaux propres de la société Impériale, au 31 décembre 1992, étaient négatifs à concurrence de 457 347 euros, retient que le préjudice de M. X... s'établit à ce montant dès lors qu'en acquittant le prix de 800 000 francs, il entendait acquérir des parts d'une société ne comportant pas de passif ou en état d'équilibre financier ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur le montant du prix effectivement acquitté par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et attendu qu'en raison de l'indivisibilité du litige, la décision attaquée doit être annulée au regard de toutes les parties ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet en conséquence, pour être fait droit, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient, avant ledit arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Cayenne ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné Monsieur Bernard Y..., solidairement avec Madame Denise A..., à payer à Monsieur X... la somme de 457. 347 €, outre intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 1998 ;

AUX MOTIFS QUE « sur la demande de désignation d'un nouvel expert : par arrêt contradictoire du 24 janvier 2000, la cour d'appel de BASSE-TERRE, saisie du recours formé à l'encontre du jugement du tribunal mixte de commerce de POINTE A PITRE du 16 octobre 1998 lequel a, à titre principal, condamné Monsieur Y... Z..., Monsieur Y... et Madame A...à payer à Monsieur X... la somme de trois millions de francs, a ordonné une expertise afin de chiffrer le préjudice subi par Monsieur X..., la cour a constaté en effet que, si le préjudice subi par Monsieur X... est certain, il ne résulte pas d'une façon précise de documents indiscutables ; cependant la cour dispose aujourd'hui d'éléments comptables certains lui permettant d'évaluer le préjudice subi ; en effet, il ressort du bilan de la société établi au 31 décembre 1992 que les capitaux propres sont négatifs de plus de 3. 000. 000, 00 francs, soit plus de 457. 347, 00 € ; il est acquis aux débats que cette information a été volontairement dissimulée à l'acquéreur des parts sociales ; le préjudice de ce dernier s'établit au moins à ce montant-là puisque, ayant acquis les parts sociales pour la somme de 800. 000, 00 francs, il est évident qu'il comptait acquérir les parts d'une société ne comportant pas de passif, à tout le moins, à l'équilibre financier ; il convient, dès lors, d'infirmer le jugement du 16 octobre 1998, mais uniquement sur le quantum de la somme accordée à Monsieur X... et de condamner Monsieur Y... et Madame A...à lui verser la somme de 457. 347 €, outre intérêts au taux légal à compter de la date dudit jugement » (arrêt p. 5) ;

1°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en énonçant, pour condamner les consorts Y... à payer à Monsieur X... une somme de 457. 347 € à hauteur du passif de la société acquise, qu'« il est évident » que ce dernier comptait acquérir les parts d'une société ne comportant pas de passif, à tout le moins, à l'équilibre financier, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; que, pour condamner les consorts Y... à payer à Monsieur X... une somme de 457. 347 €, la cour d'appel a considéré que les capitaux propres de la société acquise étaient négatifs à hauteur de cette somme, et que le préjudice de Monsieur X... s'établissait donc au moins à ce montant puisque, ayant acquis les parts sociales pour la somme de 800. 000 francs, il était évident qu'il comptait acquérir les parts d'une société ne comportant pas de passif, à tout le moins, à l'équilibre financier ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi que l'y invitait Monsieur Y..., (conclusions, p. 14), si, Monsieur X... n'ayant pas reconstitué le capital social de la société qui a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, et n'ayant donc consenti aucun effort financier, son préjudice ne pouvait s'élever à l'intégralité du passif de la société acquise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1151 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

3°) ALORS QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; que, pour condamner les consorts Y... à payer à Monsieur X... une somme de 457. 347 €, la cour d'appel a considéré que les capitaux propres de la société acquise étaient négatifs à hauteur de cette somme, et que le préjudice de Monsieur X... s'établissait donc au moins à ce montant puisque, ayant acquis les parts sociales pour la somme de 800. 000 francs, il était évident qu'il comptait acquérir les parts d'une société ne comportant pas de passif, à tout le moins, à l'équilibre financier ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi que l'y invitait Monsieur Y..., (conclusions, p. 15 et 17), si Monsieur X... n'avait pas, en réalité, payé que la somme de 600. 000 F sur le montant de 800. 000 F correspondant au prix d'achat de la société, de sorte que son préjudice ne pouvait correspondre qu'à la différence entre la valeur réelle de la société au jour de la cession, et le prix effectivement payé, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1151 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.

ECLI:FR:CCASS:2015:CO00294
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