Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 10 mars 2015, 13-15.867, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 mai 2012), que, le 27 septembre 2007, la Banque populaire rives de Paris (la banque) a consenti à la société Djoan Queen coiffure (la société) un prêt de 12 000 euros remboursable en soixante mensualités garanti notamment par le cautionnement de Mme X..., son associée unique et gérante, souscrit le 13 septembre 2007, dans la limite de 4 320 euros ; qu'après vaines mises en demeure, la banque les a assignées en paiement ; que Mme X... s'y est opposée en invoquant notamment l'application de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de sa condamnation alors, selon le moyen, qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; que la disproportion doit être évaluée en fonction de tous les éléments du patrimoine de la caution et notamment de son endettement global ; qu'en se fondant, pour exclure l'existence de toute disproportion manifeste du cautionnement au regard des biens et revenus de la caution, exclusivement sur la fiche de renseignements produite par la banque, sans rechercher si l'existence de prêts de consommation conclus par la caution, et dont la banque avait connaissance, n'obérait pas le passif de la caution et ne rendait pas le cautionnement manifestement disproportionné, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

Mais attendu que si l'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, le créancier n'a pas, en l'absence d'anomalies apparentes, à vérifier l'exactitude de cette déclaration ; qu'ayant relevé que « la fiche de renseignement sur caution », signée par Mme X... le 29 août 2007 après avoir certifié sur l'honneur l'exactitude des renseignements donnés sur son patrimoine, ses revenus et charges, mentionne sa situation de « chômeur » et de divorcée, l'absence d'enfant à charge, des revenus annuels de 24 000 euros et indique « néant » au titre des emprunts à titre personnel et d'éventuels autres engagements à titre de caution, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche à laquelle l'invitaient les conclusions, qui se bornaient à invoquer un état d'endettement préalable sans offrir de preuve relative à son existence et à son montant et à la connaissance qu'en aurait eu la banque, a pu décider qu'en l'absence d'anomalies apparentes, la banque était en droit de se fier à ces éléments dont il ne résultait aucune disproportion manifeste, au sens de l'article L. 341-4 du code de la consommation ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné solidairement la société DJOAN QUEEN COIFFURE et Madame Marie X... en sa qualité de caution à payer à la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS la somme de 10.389,33 euros majorée des intérêts au taux conventionnel de 6,25 % à compter du 19 janvier 2010 et dit que pour Madame Marie X... la condamnation est limitée à la somme de 4.320,00 euros, montant de son engagement de caution, majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2009 ;

Aux motifs propres que :

« - Observation préalable

La société Djoan Queen Coiffure n'est plus dans la cause, Mme X... qui l'avait intimée s'étant désistée purement et simplement de son appel à son égard comme l'a constaté l'ordonnance précitée du 30 mars 2011.

Aucune critique n'est formulée à l'encontre du jugement en ses dispositions contenant une condamnation en paiement à l'encontre de cette société.

Mme X..., qui a relevé appel à titre personnel et a conclu en la même qualité, critique les dispositions du jugement la condamnant en sa qualité de caution et la Banque se borne, à titre principal, à demander la confirmation du jugement.

En conséquence, la cour n'est saisie d'aucune demande de réformation des condamnations prononcées par les premiers juges à l'encontre de la société Djoan Queen Coiffure.

- Sur le moyen tiré de l'extinction de la dette principale

En se prévalant des dispositions des articles 2311 et 2313 du code civil, Mme X... invoque l'extinction de ses obligations de caution en conséquence de l'extinction de la dette principale qui résulterait selon elle de la dissolution et de la liquidation de la société antérieures à l'assignation en paiement délivrée à celle-ci par la Banque.

Mais, si Mme X... verse aux débats le procès-verbal déjà cité de l'assemblée générale datée du 16 juin 2009 ayant décidé la dissolution de la société, ainsi que le procès-verbal daté du 15 mars 2010 de l'assemblée générale ayant décidé la clôture de la liquidation, force est de constater qu'elle ne justifie pas avoir réalisé la publication de ces décisions de l'associée unique, ainsi que celle de sa désignation en qualité de liquidatrice, avant l'assignation délivrée à la société le 26 mars 2010.

Au contraire, la Banque verse au dossier l'extrait Kbis de la société Djoan Queen Coiffure délivré le 20 janvier 2010 sur lequel ne figure aucune mention de la décision de dissolution du 16 juin 2009, ni de la désignation de Mme X... comme liquidatrice, contrairement aux prévisions de la loi (article L. 237-3 du code de commerce) ; et il résulte d'un extrait Kbis plus récent du 13 mars 2011 que la mention des décisions de dissolution, de clôture de la liquidation et de la radiation de la société n'a été portée que le 28 avril 2010 postérieurement à l'assignation en paiement.

Or, il résulte de l'article L. 237-2, alinéa 3, du code de commerce que la dissolution d'une société commerciale ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés.

Mme X... ne peut pas utilement se prévaloir du certificat de liquidation de la société Djoan Queen Coiffure au Répertoire des métiers puisque l'extrait produit mentionne que la déclaration de cessation d'activité et de radiation a été effectuée le 14 octobre 2010.

En conséquence, la société Djoan Queen Coiffure a été valablement assignée le 26 mars 2010 et la créance détenue par la Banque à son encontre n'est pas éteinte, étant en outre précisé que, s'agissant d'une liquidation suivant une décision de dissolution prise par l'associée unique, la banque créancière n'avait pas à "déclarer sa créance" comme le soutient Mme X..., une telle déclaration n' étant requise que dans le cadre d'une procédure collective et aucune irrégularité n'affecte la procédure contrairement aux prétentions de Mme X....

La créance principale n'étant pas éteinte, l'obligation de la caution demeure.

- Sur la disproportion invoquée du cautionnement

La Banque verse au dossier la "fiche de renseignement sur caution" qu'a signée Mme X... le 29 août 2007 après avoir certifié sur l'honneur l'exactitude des renseignements donnés sur son patrimoine, ses revenus et charges. Il résulte de cette fiche que sa situation de "chômeur" et de divorcée y est mentionnée ainsi que des revenus annuels de 24.000 euros ; la fiche précise encore l'absence de patrimoine de la caution, au nombre des enfants indique "0 " et mentionne "NEANT" au titre des emprunts à titre personnel et d'éventuels autres engagements à titre de caution.

En l'absence d'anomalie apparente, la Banque était en droit de se fier à ces éléments dont la caution avait certifié l'exactitude et dont il ne résulte aucune disproportion manifeste, au sens de l'article L. 341-4 du code de la consommation, de l'engagement limité à 4 320 euros aux biens et revenus déclarés par Mme X.... La Banque est en conséquence fondée à se prévaloir de ce cautionnement.

- Sur le quantum de la condamnation et la demande de délais de paiement

Les premiers juges ont arrêté la créance de la Banque au titre du solde du prêt cautionné à la somme de 10.389, 33 euros, outre les intérêts au taux de 6,25 % à compter du 19 janvier 2010. Cette décision ne fait l'objet d'aucune critique et cette somme est d'ailleurs justifiée par les pièces produites par la Banque (contrat, tableau d'amortissement, mise en demeure et décompte).

Il en résulte que Mme X... en sa qualité de caution est solidairement redevable envers la banque de cette dette dans la limite de son engagement de 4.320 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 juin 2009, comme l'ont justement retenu les premiers juges.

Il y sera ajouté, conformément à la demande de la Banque, formée pour la première fois dans ses conclusions d'appel du 5 mai 2011, la capitalisation des intérêts dus par Mme X... dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

Mme X..., qui a de fait bénéficié de très larges délais de paiement inhérents à la durée de la procédure, ne fournit aucun justificatif récent de sa situation actuelle et ne formule aucune proposition concrète de règlement échelonné. Sa demande de délais ne peut en conséquence aboutir ».

Et aux motifs éventuellement adoptés que :

« Attendu qu'il résulte des explications des parties et des documents produits à la cause que la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS a établi une convention de compte courant avec la société DJOAN QUEEN COIFFURE en date du 29 août 2007 ;

Que par acte sous seing privé en date du 27 septembre 2007 la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS a consenti à la société DJOAN QUEEN COIFFURE, représentée par sa gérante Madame Marie X..., un prêt équipement entreprise n° 07064898 d'un montant initial de 12.000 euros remboursable en 60 mensualités de 237,23 euros au taux contractuel de 6,25 % l'an ;

Que par acte sous seing privé en date du 19 septembre 2007 Madame Marie X... s'est portée caution solidaire et indivisible en garantie de remboursement dudit prêt pour un montant de 4.320 euros ;

Attendu que la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS produit les relevés de compte courant de janvier à mai 2009 de la société DJOAN QUEEN COIFFURE ; que pendant cette période ledit compte est débiteur conduisant la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS à signifier sa clôture ;

Que dès lors à partir de février 2009 les échéances du prêt n° 07064898 n'ont pas été honorées ;

Que la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS produit le décompte des sommes dues arrêté au 19 janvier 2010 :

Solde débiteur du compte n° 20213310020
· Solde débiteur au 21 mai 2009 : 1 086,54 euros
· Intérêts du 22 mai 2009 au 19 janvier 2010 : 27,30 euros
· TOTAL 1 113,84 euros
· Prêt équipement entreprise n° 07064898
· Echéances impayées : 948,92 euros
· Capital restant dû : 8 596,31 euros
· Intérêts du 15 février 2009 au 19 janvier 2010 : 414,29 euros
· Indemnité forfaitaire : 429,81 euros
TOTAL 10 389,33 euros

Que par courriers recommandés avec accusé réception en date du 18 juin 2009, 4 juillet 2009 et du 11 janvier 2010 la société DJOAN QUEEN COIFFURE et Madame Marie X... ont été mises en demeure d'avoir à régler les arriérés;

Qu'il conviendra de déclarer la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS recevable et bien fondée en ses demandes ;

Qu'il y aura lieu en conséquence de condamner la société DJOAN QUEEN COIFFURE à payer à la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS la somme de 1 113,84 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2010 date de l'arrêté des comptes ;

Qu'il y aura lieu de condamner solidairement la société DJOAN QUEEN COIFFURE et Madame Marie X... en sa qualité de caution à payer à la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS la somme de 10 389,33 euros majorée des intérêts au taux conventionnel de 6,25 % à compter du 19 janvier 2010 date de l'arrêté des comptes ;

Dit qu'il y aura lieu pour Madame Marie X... de limiter la condamnation à la somme de 4 320,00 euros, montant de son engagement de caution, majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2009 date de la mise en demeure » ;

Alors qu' un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; que la disproportion doit être évaluée en fonction de tous les éléments du patrimoine de la caution et notamment de son endettement global ; qu'en se fondant, pour exclure l'existence de toute disproportion manifeste du cautionnement au regard des biens et revenus de la caution, exclusivement sur la fiche de renseignements produite par la banque, sans rechercher si l'existence de prêts de consommation conclus par la caution, et dont la banque avait connaissance, n'obérait pas le passif de la caution et ne rendait pas le cautionnement manifestement disproportionné, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 341-4 du Code de la consommation.

ECLI:FR:CCASS:2015:CO00254
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