Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 mars 2015, 14-10.907, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 14-10.907
- ECLI:FR:CCASS:2015:CO00239
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Mme Mouillard (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 novembre 2013), que le ministre chargé de l'économie (le ministre), reprochant à la société Provera France (la société Provera), centrale d'achat des magasins à l'enseigne Cora, une pratique créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties résultant de deux clauses des conventions régissant les relations entre cette société et ses fournisseurs, l'a assignée en nullité des clauses, cessation des pratiques et paiement d'une amende civile ; que le ministre a renoncé, en cours d'instance, à sa demande de nullité ;
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et cinquième branches :
Attendu que la société Provera fait grief à l'arrêt de dire la demande du ministre recevable alors, selon le moyen :
1°/ que, dans sa décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré constitutionnel l'article L. 442-6, III, alinéa 2, du code de commerce, mais, pour ce qui concerne le respect du droit au recours, il a dit « qu'il est loisible au législateur de reconnaître à une autorité publique le pouvoir d'introduire, pour la défense d'un intérêt général, une action en justice visant à faire cesser une pratique contractuelle contraire à l'ordre public ; que ni la liberté contractuelle ni le droit à un recours juridictionnel effectif ne s'opposent à ce que, dans l'exercice de ce pouvoir, cette autorité publique poursuive la nullité des conventions illicites, la restitution des sommes indûment perçues et la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés, dès lors que les parties au contrat ont été informées de l'introduction d'une telle action » ; qu'en l'espèce, en faisant sien le constat portant sur la teneur de cette décision, fait par le ministre de l'économie et tiré de ce « que l'objectif de son action est d'empêcher la réitération des pratiques illicites pour l'avenir s'appuyant nécessairement sur les contrats et clauses qui ont pu exister et qui démontrent un déséquilibre significatif, que le Conseil constitutionnel a seulement précisé que l'information était nécessaire lorsque l'action avait pour objet la nullité, la restitution de l'indu et la réparation du préjudice subi par les pratiques illicites », et en ajoutant ainsi une restriction pesant sur la réserve posée par le Conseil constitutionnel, tirée de ce que l'information sur l'action engagée ne serait exigée que dans trois cas : en cas de demande en nullité d'un contrat, de demande de restitution de l'indu et de demande de réparation du préjudice subi, la cour d'appel a ajouté à la réserve formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée une condition qui n'y figure pas, dénaturant ainsi cette décision ;
2°/ que c'est exclusivement de la teneur des contrats en cours entre Provera et ses fournisseurs, maintenus dans leur substance d'année en année, que la cour d'appel a tiré le constat d'un prétendu déséquilibre significatif, ce dont il se déduit que l'action introduite par le ministre de l'économie intervenait bien « dans le champ contractuel des parties » ; qu'en affirmant que le ministre de l'économie, qui demande dans les termes de l'article L. 442-6 III, alinéa 2, du code de commerce, la cessation des pratiques pour l'avenir, sans désormais solliciter la nullité des contrats les comportant, n'intervient pas « dans le champ contractuel des parties », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 442-6, III, alinéa 2, du code de commerce, ayant fait l'objet d'une réserve du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011, ensemble l'article L. 442-6, I, 2° du même code ;
3°/ qu'il est défendu aux juges de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ; que, saisie par la société Provera d'un moyen d'irrecevabilité de l'action engagée par le ministre de l'économie, car celle-ci visait à l'interdiction pour l'avenir de deux clauses dans des contrats futurs à conclure par la société Provera, dont les juges comme les parties au litige ignoraient le futur contenu précis et l'environnement économique à venir, contraignait le juge à statuer in abstracto, la cour d'appel a rejeté ce moyen d'irrecevabilité pour les motifs inopérants tirés de la précision de la demande formulée, de la limitation de son objet, des buts poursuivis par le demandeur ainsi que de la question des préjudices, méconnaissant ainsi l'interdiction précitée et violant l'article 5 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte de la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2011-126 QPC du 13 mai 2011 que c'est seulement lorsque l'action engagée par l'autorité publique tend à la nullité des conventions illicites, à la restitution des sommes indûment perçues et à la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés que les parties au contrat doivent en être informées ; qu'ayant constaté que le ministre avait renoncé en cours d'instance à poursuivre l'annulation des clauses litigieuses, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que son action, qui ne tendait plus qu'à la cessation des pratiques et au prononcé d'une amende civile, était recevable ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que l'action introduite par le ministre se fondait sur des clauses précises issues de contrats conclus entre distributeur et fournisseurs, reprises chaque année, et sur le déséquilibre, identifié, qui en résultait, la cour d'appel a justement écarté le moyen tiré de l'interdiction des arrêts de règlement ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, le troisième moyen, pris en sa deuxième branche et le quatrième moyen, réunis :
Attendu que la société Provera fait grief à l'arrêt de retenir l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties à son profit, résultant de deux clauses contrevenant aux dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce, de lui enjoindre de cesser pour l'avenir les pratiques consistant à mentionner ces clauses dans ses contrats et de la condamner au paiement d'une amende civile alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a considéré que les fournisseurs de la société Provera auraient été dans une situation de soumission par rapport à celle-ci, au motif que « la société Provera met à la disposition de ses fournisseurs des trames type de contrats, que le principe même de cette pratique n'est pas contestable et peut en effet répondre à des nécessités exemptes de critiques ; que ce qui est en cause est l'absence de modification de ces clauses figurant dans ces trames types ; qu'en effet, la société Provera ne fait jamais connaître son accord ou son désaccord sur les réserves ou des avenants proposés par les fournisseurs (Mac Cain, Lactalis, Mars, par exemple), de sorte que, le contrat étant néanmoins exécuté, les modifications n'interviennent jamais ; qu'il peut être ainsi constaté que, si la négociation est possible, elle n'est pas effective et que les contrats soumis aux fournisseurs sont de véritables contrats d'adhésion » ; qu'en se bornant ainsi à de simples affirmations, non fondées sur des pièces soumises au débat contradictoire, la cour d'appel a méconnu les exigences de motivation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que l'existence d'un contrat d'adhésion ne suffit pas à elle seule à établir l'existence d'une soumission au sens de l'article L. 442-6, 2° du code de commerce ; qu'en déduisant l'existence d'une soumission des fournisseurs concernés à la société Provera du constat de l'existence de véritables contrats d'adhésion, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce ;
3°/ que, pour admettre l'existence d'un déséquilibre significatif, la cour d'appel s'est fondée sur ce que « l'article L. 442-6 ¿ ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce au regard de la nécessité de maintenir un équilibre entre les relations commerciales ; que l'abus est établi in abstracto, sans qu'il y ait besoin de justifier des effets de celui-ci, dès lors que les pratiques sont contraires à l'ordre public en raison du préjudice qu'elles portent nécessairement à l'économie par l'élimination de partenaires commerciaux et par la nuisance à l'investissement » ; qu'en se prononçant ainsi in abstracto, elle a violé l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, qui ne l'exigeait nullement, ensemble l'article 5 du code civil ;
4°/ que le déséquilibre prohibé par l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce doit être significatif ; qu'en ne recherchant pas si le prétendu déséquilibre allégué par le ministre de l'économie avait été significatif, comme la société Provera le lui demandait, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article précité ;
5°/ que pour déduire l'existence d'un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties dans la clause 7. 3 de la convention fournisseur marque nationale, la cour d'appel s'est fondée sur ce que « la réciprocité de la mise en jeu de la clause, son utilisation par le fournisseur restent grandement théoriques (les exemples contraires donnés par la société Provera concernent des sociétés qui ont un poids économique certain, Sodebo, Ferrero, Panzani, Campbells) » ; que toutefois, soit la cour d'appel considérait que les clauses litigieuses devaient être analysées in abstracto, et, dans ce cas, la clause 7. 3 était irréprochable, car totalement réciproque puisque les cause et procédure de résiliation valent pour chacune des parties, soit la cour d'appel considérait que les clauses litigieuses devaient être analysées in concreto, mais, alors cette analyse concrète devait être faite dans l'ensemble de l'arrêt, et pas seulement sur un point précis qui lui permet de se prononcer en défaveur de la société Provera ; que cette contradiction révèle une violation manifeste, par la cour d'appel, de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce ;
6°/ que la cour d'appel a considéré que la « clause de délais de paiement de la convention de prestations de services » comportait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-1, I, 2°, du code de commerce, au motif principal que « l'existence d'un délai de quarante-cinq jours au profit de Provera alors qu'il est de trente jours net pour les fournisseurs, soit supérieur de moitié à l'avantage de Provera et le paiement d'acomptes mensuels par lesquels le fournisseur fait l'avance des frais de promotion qui peuvent intervenir plusieurs mois plus tard entraînent mécaniquement la création d'un solde commercial à la charge de la plupart des fournisseurs, et ce sans qu'il y ait lieu à se livrer à des études pour rechercher l'impact réel sur la trésorerie des parties » ; qu'en se prononçant ainsi in abstracto alors que l'article précité ne l'y autorisait pas, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, résultant de deux clauses litigieuses, qu'aucune autre stipulation ne permettait de corriger, et constaté qu'aucune suite n'était donnée aux réserves ou avenants proposés par les fournisseurs pour les modifier, la cour d'appel, qui a procédé à une analyse globale et concrète du contrat et apprécié le contexte dans lequel il était conclu ou proposé à la négociation, et qui n'était pas tenue de rechercher les effets précis du déséquilibre significatif auquel la société Provera avait soumis ou tenté de soumettre ses partenaires, a satisfait aux exigences de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que l'article 7-3 offre au distributeur la possibilité de déréférencer un fournisseur unilatéralement, sans préavis ni indemnisation, en raison d'une sous-performance du produit qui est directement liée aux conditions dans lesquelles le distributeur le présente à la vente, et que la clause relative aux délais de paiement lui permet de facturer ses prestations avant même leur réalisation quand ses achats sont payés de trente à soixante jours après réception des marchandises, les délais impartis pour le règlement des marchandises du fournisseur étant négociables tandis que ceux impartis pour le paiement des prestations du distributeur restent intangibles, ce dont elle a déduit un déséquilibre significatif au détriment du fournisseur, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise ;
Et attendu, en dernier lieu, qu'ayant constaté, en se référant à la situation de fournisseurs, qu'elle a identifiés, que les contrats étaient exécutés sans qu'il soit donné suite aux réserves ou propositions d'avenants, de sorte qu'ils constituaient de véritables contrats d'adhésion ne donnant lieu à aucune négociation effective des clauses litigieuses, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié les éléments de la cause, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu que la société Provera fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une amende civile alors, selon le moyen, que pour condamner la société Provera à payer une amende civile, la cour d'appel s'est fondée sur l'existence d'un préjudice causé à l'économie et sur ce que les pratiques relatives aux délais de paiement et à la résiliation automatique soumettent les fournisseurs, sans qu'ils puissent en discuter réellement, à des conditions de paiement qui tendant nécessairement à obérer leur trésorerie, et à des conditions d'exécution du contrat qui les exposent à un anéantissement de la relation commerciale, ce dont il aurait résulté que ces pratiques portent un trouble réel à l'ordre public économique ; qu'en se fondant ainsi sur des constats in abstracto faits précédemment dans l'arrêt et qui encourent la cassation, cette partie de l'arrêt encourt la cassation par voie de conséquence ;
Mais attendu que le rejet des autres moyens rend ce moyen sans objet ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches, le deuxième moyen, pris en sa première branche, le troisième moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Provera France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer au ministre chargé de l'économie la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Roger, Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société Provera France
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit la demande du Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi recevable et partiellement fondée, d'avoir dit que la distorsion des modalités de mise en oeuvre des conditions de résiliation pour inexécution contractuelle qui résulte de la clause intitulée « inexécution contractuelle » de l'article 7. 3 de la convention fournisseur marque nationale, dans sa partie relative à la résiliation pour sous-performance du produit, crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit de la société Provera France, d'avoir dit que la distorsion en matière de délais de règlement applicables à la société Provera France et à ses fournisseurs, qui résulte de la clause intitulée « modalités de règlement et de facturation » et du contenu de l'annexe 5 de la convention fournisseur marque nationale, crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit de la société Provera France, d'avoir dit que ces clauses contreviennent donc aux dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce, d'avoir enjoint à la société Provera France de cesser pour l'avenir les pratiques consistant à mentionner les clauses susvisées dans ses contrats, d'avoir condamné la société Provera France à payer au Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi la somme de 250. 000 euros au titre du paiement d'une amende civile, et d'avoir condamné la société Provera France à payer au Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi la somme de 6. 000 euros, pour la première instance et en appel, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
1) Aux motifs propres que, sur l'irrecevabilité de la demande du Ministre, sur l'absence de pouvoir spécial, ¿ il résulte des termes de l'article L. 470-5 du Code de commerce et de l'arrêté du 12 mars 1987 toujours en vigueur, pris sur le fondement de l'article 56 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l'article L. 470-5 du Code de commerce et portant délégation de pouvoir du Ministre, que ce dernier habilite les directeurs départementaux de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à le représenter devant les juridictions civiles et commerciales ; que le directeur départemental de la concurrence n'a par conséquent pas besoin de justifier d'un pouvoir spécial pour agir au nom du Ministre ; que, dans le cadre de la réforme des services déconcentrés de l'Etat, le décret n° 2009-1377 du 10 novembre 2009 a transféré certaines missions de contrôle du fonctionnement du marché aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et que l'article R. 470-1-1-20 du Code de commerce désigne désormais comme représentant du Ministre pour l'application de l'article L. 420-6 du Code de commerce les directeurs régionaux des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; que, toutefois, lors de l'introduction de l'action, le 5 mars 2009, à une date antérieure à la réforme des services déconcentrés de l'Etat, Monsieur A... était directeur départemental de la concurrence, de l'emploi et de la répression des fraudes ; qu'en application de l'arrêté du 12 mars 1987, il était habilité à représenter le Ministre au sens de l'article 56 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et devenue l'article L. 470-5 du Code de commerce et n'avait pas à fournir de pouvoir spécial pour introduire l'action en justice ; que l'introduction de l'action a été conduite régulièrement ;
Et aux motifs, supposés adoptés des premiers juges, que, sur le défaut de pouvoir de Monsieur A..., le décret du 12 mars 1987 n° 87-163 a autorisé le Ministre à déléguer par arrêté sa signature à un cadre A des services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour l'exercice de l'action visée à l'article L. 442-6 du Code de commerce ; que, par arrêté du 31 juillet 2007, Monsieur Philippe A... a reçu ladite délégation de signature ; que l'action a été valablement introduite ; que, par arrêté du 12 mars 1987 portant délégation de pouvoir, les chefs des services départementaux de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont été désignés comme représentants de Monsieur le Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi à l'effet de déposer des conclusions, les développer oralement à l'audience devant les juridictions de première instance et d'appel ; que le décret n° 2010-1010 du 30 août 2010 en son article 5 2°) donne délégation de pouvoir au directeur régional de la DIRECCTE à cet effet ; qu'en cette qualité et en application de l'arrêt du 24 septembre 2010, Monsieur Pierre Y... a, par mandat spécial conformément à l'article 853 du Code de procédure civile, désigné Mademoiselle Axelle Z... pour le suppléer à l'audience afin d'être entendue en demande ; que Mademoiselle Z... se trouvait en droit de déposer des conclusions et d'être entendue ; que le Tribunal dira que Monsieur le Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a valablement été représenté ;
Alors, de première part, que, devant le tribunal de commerce, les parties se défendent elles-mêmes et ont la faculté de se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix, ce représentant, s'il n'est avocat, devant justifier d'un pouvoir spécial ; qu'après avoir constaté que la société Provera France avait été assignée devant le Tribunal de commerce, sur le fondement de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce, par le Ministre de l'économie, représenté par Monsieur A..., alors directeur départemental de la concurrence, de l'emploi et de la répression des fraudes, la Cour d'appel a affirmé que ce dernier n'avait pas à fournir de pouvoir spécial pour introduire l'action en justice au nom du Ministre de l'économie, en violation de l'article 853, alinéa 3, du Code de procédure civile ;
2) Aux motifs propres que, sur l'irrecevabilité de la demande du Ministre, sur l'appel à la cause des fournisseurs, que ce soit dans la décision du 13 mai 2011 n° 2011-126 QPC ou dans le commentaire qu'il en a fait, le Conseil constitutionnel a envisagé l'information des fournisseurs dans le cadre de l'action en nullité contractuelle et en restitution de sommes d'argent, ce qui n'est pas l'objet du litige actuel ; que le Ministre, qui demande dans les termes de l'article L. 442-6 III alinéa 2 du Code, la cessation des pratiques pour l'avenir, sans désormais solliciter la nullité des contrats les comportant, n'intervient pas dans le champ contractuel des parties ; qu'en exerçant une action qui lui est propre, il n'a pas l'obligation d'informer les fournisseurs de sa démarche ; qu'en outre, il n'est pas interdit aux fournisseurs d'engager les actions en justice pour faire valoir des droits ou encore de se joindre à l'action du Ministre ; que le Ministre n'encourt pas les critiques de violation du droit au recours effectif et d'entrave à la liberté contractuelle ;
Et aux motifs, supposés adoptés des premiers juges, que, sur le défaut de notification aux fournisseurs, la demande de Monsieur le Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, telle qu'elle est présentée au Tribunal au jour où les parties ont été entendues, ne vise pas à obtenir l'indemnisation d'un préjudice particulier à l'égard des fournisseurs, ni la nullité d'une convention ; que, dès lors, l'obligation posée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 mai 2011 relative à l'information préalable des parties au contrat ne trouve pas à s'appliquer ; que s'il peut apparaître à tout le moins surprenant que le Ministre, au prix de l'information des cocontractants, n'ait pas poursuivi la nullité des clauses critiquées, il n'en possède pas moins le pouvoir de poursuivre son action au titre de la seule défense de l'intérêt général ; que l'exception d'irrecevabilité de la demande pour défaut de notification aux fournisseurs ne peut être accueillie dès lors que la situation présente de ceux-ci ne se trouve pas touchée par la décision sollicitée ;
Alors, de deuxième part, que, dans sa décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré constitutionnel l'article L. 442-6, III, alinéa 2 du Code de commerce, mais, pour ce qui concerne le respect du droit au recours, il a dit « qu'il est loisible au législateur de reconnaître à une autorité publique le pouvoir d'introduire, pour la défense d'un intérêt général, une action en justice visant à faire cesser une pratique contractuelle contraire à l'ordre public ; que ni la liberté contractuelle ni le droit à un recours juridictionnel effectif ne s'opposent à ce que, dans l'exercice de ce pouvoir, cette autorité publique poursuive la nullité des conventions illicites, la restitution des sommes indûment perçues et la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés, dès lors que les parties au contrat ont été informées de l'introduction d'une telle action » ; qu'en l'espèce, en faisant sien le constat portant sur la teneur de cette décision, fait par le Ministre de l'économie et tiré de ce « que l'objectif de son action est d'empêcher la réitération des pratiques illicites pour l'avenir s'appuyant nécessairement sur les contrats et clauses qui ont pu exister et qui démontrent un déséquilibre significatif, que le Conseil constitutionnel a seulement précisé que l'information était nécessaire lorsque l'action avait pour objet la nullité, la restitution de l'indu et la réparation du préjudice subi par les pratiques illicites » (arrêt p. 6 in fine et p. 7 § 1), et en ajoutant ainsi une restriction pesant sur la réserve posée par le Conseil constitutionnel, tirée de ce que l'information sur l'action engagée ne serait exigée que dans trois cas : en cas de demande en nullité d'un contrat, de demande de restitution de l'indu et de demande de réparation du préjudice subi, la Cour d'appel a ajouté à la réserve formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée une condition qui n'y figure pas, dénaturant ainsi cette décision ;
Alors, subsidiairement, de troisième part, que c'est exclusivement de la teneur des contrats en cours entre Provera et ses fournisseurs, maintenus dans leur substance d'année en année, que la Cour d'appel a tiré le constat d'un prétendu déséquilibre significatif, ce dont il se déduit que l'action introduite par le Ministre de l'économie intervenait bien « dans le champ contractuel des parties » ; qu'en affirmant que le Ministre de l'économie, qui demande dans les termes de l'article L. 442-6 III, alinéa 2, du Code de commerce, la cessation des pratiques pour l'avenir, sans désormais solliciter la nullité des contrats les comportant, n'intervient pas « dans le champ contractuel des parties », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 442-6, III, alinéa 2, du Code de commerce, ayant fait l'objet d'une réserve du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011, ensemble l'article L. 442-6, I, 2° du même Code ;
Alors, très subsidiairement, de quatrième part, qu'il résulte de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction ; qu'à la suite de l'extension, aux cas de demande de cessation des pratiques de soumission ou de tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, de l'obligation pour les parties au contrat d'être informées de l'introduction d'une action par une autorité publique sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce, extension de cette obligation d'information permettant de ne pas porter atteinte à l'exigence constitutionnelle susvisée et qui résultera d'une décision du Conseil constitutionnel à intervenir en réponse à la question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire distinct et motivé, l'arrêt attaqué qui a limité cette obligation d'information des parties aux cas d'action en nullité, en restitution de l'indu et en réparation du préjudice subi par les pratiques illicites, sera entaché d'une violation des articles L. 442-6, I, 2° et L. 442-6, III, du Code de commerce ;
3) Aux motifs propres que, sur la nullité du jugement et l'appréciation des clauses, comme le remarque le Ministre, la clause soumise à la juridiction est limitée et précise ; que les clauses, le déséquilibre qui en résulte sont bien identifiés ; que le Ministre agit pour empêcher la réintroduction dans les contrats entre distributeur et fournisseurs identifiés ou non de clauses de reprises chaque année ; qu'il exerce une action autonome de protection de fonctionnement du marché et de la concurrence ; que l'existence d'un préjudice pour les fournisseurs ou d'une atteinte au marché n'a pas à être démontrée pour qu'une sanction soit prononcée ; que le juge ne se lie pas pour l'avenir en statuant sur la demande ;
Alors, par ailleurs, très subsidiairement, de cinquième part, qu'il est défendu aux juges de se prononcer par voie de disposition générale et règlementaire sur les causes qui leur sont soumises ; que, saisie par la société Provera d'un moyen d'irrecevabilité de l'action engagée par le Ministre de l'économie, car celle-ci visait à l'interdiction pour l'avenir de deux clauses dans des contrats futurs à conclure par la société Provera, dont les juges comme les parties au litige ignoraient le futur contenu précis et l'environnement économique à venir, contraignait le juge à statuer in abstracto, la Cour d'appel a rejeté ce moyen d'irrecevabilité pour les motifs inopérants tirés de la précision de la demande formulée, de la limitation de son objet, des buts poursuivis par le demandeur ainsi que de la question des préjudices, méconnaissant ainsi l'interdiction précitée et violant l'article 5 du Code civil ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit la demande de Monsieur le Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi partiellement fondée, d'avoir dit que la distorsion des modalités de mise en oeuvre des conditions de résiliation pour inexécution contractuelle qui résulte de la clause intitulée « inexécution contractuelle » de l'article 7. 3 de la convention fournisseur marque nationale, dans sa partie relative à la résiliation pour sous-performance du produit, crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit de la société Provera France, d'avoir dit que la distorsion en matière de délais de règlement applicables à la société Provera France et à ses fournisseurs, qui résulte de la clause intitulée « modalités de règlement et de facturation » et du contenu de l'annexe 5 de la convention fournisseur marque nationale, créée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit de la société Provera France, d'avoir dit que ces clauses contreviennent donc aux dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce, d'avoir enjoint à la société Provera France de cesser pour l'avenir les pratiques consistant à mentionner les clauses susvisées dans ses contrats, d'avoir condamné la société Provera France à payer au Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi la somme de 250. 000 euros au titre du paiement d'une amende civile, et d'avoir condamné la société Provera France à payer au Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi la somme de 6. 000 euros, pour la première instance et en appel, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
1) Aux motifs propres que, sur la preuve de la tentative de soumission, le Ministre rappelle que l'application de l'article L. 442-6 I du Code de commerce n'exige pas pour son application que soit rapportée la preuve de la puissance d'achat du distributeur, que les fournisseurs ont des débouchés très limités pour commercialiser leurs produits en raison de la concentration du marché de la grande distribution, que la société Provera qui est un « acteur de grande envergure de la distribution française » ne peut soutenir qu'elle n'est pas en position d'imposer des clauses contractuelles à ses fournisseurs ; qu'il rappelle que l'article L. 442-6 I sanctionne à la fois la soumission et la tentative de soumission ; qu'en l'espèce, le contenu de la clause de résiliation tel qu'il résulte de l'étude rédactionnelle de celles-ci révèle le déséquilibre, peu important sa mise en oeuvre effective ; que la société Provera met à la disposition de ses fournisseurs des trames type de contrats, que le principe même de cette pratique n'est pas contestable et peut en effet répondre à des nécessités exemptes de critiques ; que ce qui est en cause est l'absence de modification de ces clauses figurant dans ces trames types ; qu'en effet, la société Provera ne fait jamais connaître son accord ou son désaccord sur les réserves ou des avenants proposés par les fournisseurs (Mac Cain, Lactalis, Mars, par exemple), de sorte que, le contrat étant néanmoins exécuté, les modifications n'interviennent jamais ; qu'il peut être ainsi constaté que, si la négociation est possible, elle n'est pas effective et que les contrats soumis aux fournisseurs sont de véritables contrats d'adhésion ; que la « soumission » est ainsi établie ; que les pratiques dénoncées par le Ministre rentrent dans le champ d'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;
Alors, de première part, que, pour admettre l'existence d'une « soumission » des fournisseurs à la société Provera, au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, la Cour d'appel s'est fondée sur ce « que le Ministre rappelle que l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce n'exige pas pour son application que soit rapportée la preuve de la puissance d'achat du distributeur, que les fournisseurs ont des débouchés très limités pour commercialiser leurs produits en raison de la concentration du marché de la grande distribution, que la société Provera qui est un acteur d'envergure de la distribution française ne peut soutenir qu'elle n'est pas en position d'imposer des clauses contractuelles à ses fournisseurs » (arrêt p. 7 in fine et p. 8 § 1) ; qu'en se prononçant ainsi sur le fondement d'un motif général, sans renvoyer à une quelconque pièce soumise au débat contradictoire de nature à le conforter, la Cour d'appel a méconnu les exigences posées par l'article 455 du Code de procédure civile ;
Alors, de deuxième part, que la Cour d'appel a considéré que les fournisseurs de la société Provera auraient été dans une situation de soumission par rapport à celle-ci, au motif que « la société Provera met à la disposition de ses fournisseurs des trames type de contrats, que le principe même de cette pratique n'est pas contestable et peut en effet répondre à des nécessités exemptes de critiques ; que ce qui est en cause est l'absence de modification de ces clauses figurant dans ces trames types ; qu'en effet, la société Provera ne fait jamais connaître son accord ou son désaccord sur les réserves ou des avenants proposés par les fournisseurs (Mac Cain, Lactalis, Mars, par exemple), de sorte que, le contrat étant néanmoins exécuté, les modifications n'interviennent jamais ; qu'il peut être ainsi constaté que, si la négociation est possible, elle n'est pas effective et que les contrats soumis aux fournisseurs sont de véritables contrats d'adhésion » (arrêt p. 8 § 2) ; qu'en se bornant ainsi à de simples affirmations, non fondées sur des pièces soumises au débat contradictoire, la Cour d'appel a méconnu les exigences de motivation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Alors, de troisième part, que l'existence d'un contrat d'adhésion ne suffit pas à elle seule à établir l'existence d'une soumission au sens de l'article L. 442-6, 2° du Code de commerce ; qu'en déduisant l'existence d'une soumission des fournisseurs concernés à la société Provera du constat de l'existence de véritables contrats d'adhésion, la Cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce ;
2) Aux motifs propres que, sur la preuve du déséquilibre significatif, que, comme le rappelle le Ministre, la liberté de négociation commerciale trouve ses limites dans le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, que l'article L. 442-6, dont la mise en oeuvre n'est pas limitée aux seules hypothèses d'application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce au regard de la nécessité de maintenir un équilibre entre les relations commerciales, que l'abus est établi in abstracto, sans qu'il y ait besoin de justifier des effets de celui-ci, dès lors que les pratiques sont contraires à l'ordre public en raison du préjudice qu'elles portent nécessairement à l'économie par l'élimination de partenaires commerciaux et par la nuisance à l'investissement ;
Alors, de quatrième part, que, pour admettre l'existence d'un déséquilibre significatif, la Cour d'appel s'est fondée sur ce que « l'article L. 442-6 ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce au regard de la nécessité de maintenir un équilibre entre les relations commerciales ; que l'abus est établi in abstracto, sans qu'il y ait besoin de justifier des effets de celui-ci, dès lors que les pratiques sont contraires à l'ordre public en raison du préjudice qu'elles portent nécessairement à l'économie par l'élimination de partenaires commerciaux et par la nuisance à l'investissement » (arrêt p. 8 § 4) ; qu'en se prononçant ainsi in abstracto, elle a violé l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, qui ne l'exigeait nullement, ensemble l'article 5 du Code civil ;
Alors, de cinquième part, que le déséquilibre prohibé par l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce doit être significatif ; qu'en ne recherchant pas si le prétendu déséquilibre allégué par le Ministre de l'économie avait été significatif, comme la société Provera le lui demandait, la Cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article précité ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (TRES SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit la demande de Monsieur le Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi partiellement fondée, d'avoir dit que la distorsion des modalités de mise en oeuvre des conditions de résiliation pour inexécution contractuelle qui résulte de la clause intitulée « inexécution contractuelle » de l'article 7. 3 de la convention fournisseur marque nationale, dans sa partie relative à la résiliation pour sousperformance du produit, crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit de la société Provera France, d'avoir dit que cette clause contrevient donc aux dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce, d'avoir enjoint à la société Provera France de cesser pour l'avenir les pratiques consistant à mentionner la clause susvisée dans ses contrats, d'avoir condamné la société Provera France à payer au Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi la somme de 250. 000 euros au titre du paiement d'une amende civile, et d'avoir condamné la société Provera France à payer au Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi la somme de 6. 000 euros, pour la première instance et en appel, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Aux motifs propres que, sur la clause 7. 3 de la convention « fournisseur marque nationale », la clause critiquée concerne la faculté donnée à une partie de résiliation totale ou partielle du contrat huit jours après l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception « restée infructueuse » en raison de l'inexécution d'une ou de plusieurs obligations par l'autre partie pour une série d'hypothèses listées dont l'une est retenue par le Ministre, la « sous performance du produit par rapport aux objectifs fixés d'un commun accord entre les parties et/ou aux résultats annoncés par le fournisseur » ; que toutefois, comme le souligne le Ministre, la clause 7. 3 permet la résiliation pour « nonperformance » au besoin totale huit jours après l'envoi d'une lettre recommandée sans que la preuve soit donnée que le destinataire l'ait reçue et, contrairement à ce que la convention indique, sans que lui soit laissée la possibilité de corriger le manquement avant la résiliation ; que la résiliation est automatique en raison d'un manquement dont la réelle gravité fait défaut et sans considération de l'ancienneté de la relation commerciale des parties ; que la réciprocité de la mise en jeu de la clause, son utilisation par le fournisseur restent grandement théoriques (les exemplaires contraires donnés par la société Provera concernent des sociétés qui ont un poids économique certain, Sodebo, Ferrero, Panzani, Campbells) ; que le recours au juge, en cas de contestation sur l'application de bonne foi de la clause n'aura pas empêché le déréférencement qui aura suivi son application et les conséquences irréversibles pour le fournisseur, ce que justement l'action du Ministre a pour but d'éviter ; que cette clause créé manifestement un déséquilibre significatif dans la relation distributeur-fournisseur, ce que justement l'action du Ministre a pour but d'éviter ; que cette clause crée manifestement un déséquilibre significatif dans la relation distributeurfournisseur ; qu'aucune compensation à celui-ci ne peut être trouvée dans l'étude des autres dispositions de l'article 7. 3 de la convention ;
Et aux motifs, à la supposer adoptés des premiers juges, que, sur le déséquilibre significatif au titre de l'article 7. 3 de la convention fournisseur marque nationale, il est précisé que les parties considèrent qu'un certain nombre d'inexécutions « seront notamment constitutives d'une inexécution fautive » ; que la liste des fautes énumérées n'est donc pas exhaustive ; qu'elle comporte toutefois : la sous performance du produit par rapport aux objectifs fixés d'un commun accord entre les parties et/ou aux résultats annoncés par le fournisseur ; que le défaut de performance d'un produit est directement fonction des conditions dans lesquelles le distributeur le présente à la vente ; que le Tribunal considère que l'article 7. 3 de la convention fournisseur marque nationale offre au distributeur la possibilité de déréférencer un fournisseur unilatéralement sans préavis et sans indemnisation ; que la clause ainsi rédigée apparaît purement potestative ; qu'il s'ensuit nécessairement un déséquilibre significatif dans la relation contractuelle ;
Alors, de première part, que, comme la Cour d'appel l'a elle-même constaté, à propos de la clause 7. 3 de la convention fournisseur marque nationale : « la clause critiquée concerne la faculté donnée à une partie de résiliation totale ou partielle du contrat huit jours après l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception restée infructueuse » (arrêt p. 8 pénultième §) ; qu'en affirmant ensuite que « la clause 7. 3 permet la résiliation pour non performance au besoin totale huit jours après l'envoi d'une lettre recommandée sans que la preuve soit donnée que le destinataire l'ait reçue » (arrêt p. 9 § 1), la Cour d'appel a dénaturé la clause 7. 3, claire et précise, de la convention fournisseur marque nationale, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Alors, de deuxième part, que, pour déduire l'existence d'un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties dans la clause 7. 3 de la convention fournisseur marque nationale, la Cour d'appel s'est fondée sur ce que « la réciprocité de la mise en jeu de la clause, son utilisation par le fournisseur restent grandement théoriques (les exemples contraires donnés par la société Provera concernent des sociétés qui ont un poids économique certain, Sodebo, Ferrero, Panzani, Campbells) » (arrêt p. 9 § 1) ; que toutefois, soit la Cour d'appel considérait que les clauses litigieuses devaient être analysées in abstracto, et, dans ce cas, la clause 7. 3 était irréprochable, car totalement réciproque puisque les cause et procédure de résiliation valent pour chacune des parties, soit la Cour d'appel considérait que les clauses litigieuses devaient être analysées in concreto, mais, alors cette analyse concrète devait être faite dans l'ensemble de l'arrêt, et pas seulement sur un point précis qui lui permet de se prononcer en défaveur de la société Provera ; que cette contradiction révèle une violation manifeste, par la Cour d'appel, de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce ;
Alors, de troisième part, que, pour retenir l'existence d'un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce, la Cour d'appel s'est fondée sur ce que « le contenu de la clause de résiliation tel qu'il résulte de l'étude rédactionnelle de celles-ci révèle le déséquilibre, peu important sa mise en oeuvre effective » (arrêt p. 8 § 1 in fine) ; qu'en se prononçant ainsi in abstracto, cette fois-ci sur la clause 7. 3 de la convention fournisseur marque nationale, la Cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce ;
Alors, de quatrième part, que, pour retenir l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, la Cour d'appel s'est bornée à se fonder sur ce que « cette clause l'article 7. 3 de la convention fournisseur marque nationale créé manifestement un déséquilibre significatif dans la relation distributeur-fournisseur ; qu'aucune compensation à celui-ci ne peut être trouvée dans l'étude des autres dispositions de l'article 7. 3 de la convention » (arrêt p. 9 § 1 in fine) ; qu'en omettant de rechercher, dans l'ensemble de la clause litigieuse, si d'autres clauses auraient pu compenser le déséquilibre constaté, la Cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (EGALEMENT TRES SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit la demande de Monsieur le Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi partiellement fondée, d'avoir dit que la distorsion en matière de délais de règlement applicables à la société Provera France et à ses fournisseurs, qui résulte de la clause intitulée « modalités de règlement et de facturation » et du contenu de l'annexe 5 de la convention fournisseur marque nationale, créée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit de la société Provera France, d'avoir dit que cette clause contrevient donc aux dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce, d'avoir enjoint à la société Provera France de cesser pour l'avenir les pratiques consistant à mentionner la clause susvisée dans ses contrats, d'avoir condamné la société Provera France à payer au Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi la somme de 250. 000 euros au titre du paiement d'une amende civile, et d'avoir condamné la société Provera France à payer au Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi la somme de 6. 000 euros, pour la première instance et en appel, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Aux motifs propres que, sur la clause de délais de paiement de la convention de prestations de services, la société Provera est liée au fournisseur par une convention annuelle de « prestations de services » de coopération commerciale, par laquelle moyennant rémunération, la société Provera assure des promotions du produit par des prospectus, cartes et autres supports ; que les délais de paiement des fournisseurs sont de trente jours nets date de facture ; que la réglementation des délais de paiement visant indifféremment les prestations de services et la vente des biens, rien n'interdit de comparer les délais les concernant ; que les délais de paiement accordés aux fournisseurs pour s'acquitter des factures relatives aux prestations restent intangibles alors que dans le même temps les délais de paiement accordé à Provera pour s'acquitter des factures des fournisseurs sont négociables ; que, par ailleurs, l'existence d'un délai de quarante-cinq jours au profit de Provera alors qu'il est de trente jours net pour les fournisseurs, soit supérieur de moitié à l'avantage de Provera et le paiement d'acomptes mensuels par lesquels le fournisseur fait l'avance des frais de promotion qui peuvent intervenir plusieurs mois plus tard entraînent mécaniquement la création d'un solde commercial à la charge de la plupart des fournisseurs, et ce sans qu'il y ait lieu à se livrer à des études pour rechercher l'impact réel sur la trésorerie des parties ; qu'il résulte de ces dispositions un déséquilibre significatif au détriment du fournisseur ; que la société Provera ne justifie pas que d'autres éléments de la convention peuvent supprimer un tel déséquilibre ;
Et aux motifs, à les supposés adoptés des premiers juges, que, sur les délais de paiement, la convention fournisseur marque nationale prévoit une annexe 5 « délais de paiement » ; que les délais de paiement des marchandises achetées n'apparaissent pas irréguliers par eux-mêmes, ce que l'administration n'affirme d'ailleurs pas ; que la société Provera France souscrit également avec ses fournisseurs des contrats de prestations de services ; que ces prestations ont trait à la prise en charge par le fournisseur de certains frais de commercialisation dans les magasins de la chaîne Cora ; que l'article 3 du contrat de prestation dispose que les factures du prestataire sont payables à trente jours date de facture ; mais qu'il est prévu en annexe 1 que ces prestations ne seront pas facturées au fil de leur réalisation mais suivant un calendrier d'acomptes en fonction du budget global convenu ; que le Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi indique que cette disposition permet à la société Provera France de percevoir des sommes antérieurement à la réalisation des prestations qui servent de support à la facturation ; que la société Provera France ne justifie pas de la substance des prestations et du calendrier de leur réalisation ; que le moyen articulé par l'administration n'est combattu que par l'affirmation selon laquelle le délai de paiement stipulé à trente jours est conforme à l'article L. 441-6 du Code de commerce, que ce délai s'applique également aux éventuelles factures d'acompte quand les parties conviennent d'un commun accord d'étaler certains règlements ; mais que ce moyen est inopérant à démontrer que la société Provera France serait fondée à facturer ses prestations avant même leur réalisation quand ses achats sont, quant à eux, payés de trente à soixante jours après réception de la marchandise ; ¿ que les prestations ne peuvent avoir trait qu'aux marchandises objet du contrat principal dit de convention fournisseur marque nationale dont il est l'accessoire ; qu'il est expressément prévu une clause de compensation entre les dettes de marchandises et de prestation mais que cette compensation ne s'opère qu'entre dettes également déchues ; que les dettes de prestations sont dès lors toujours échues avant les dettes de fourniture de marchandises ; que cette pratique crée un déséquilibre de trésorerie au détriment du fournisseur ; que le Tribunal considère qu'il existe de ce fait un déséquilibre significatif au détriment du fournisseur ;
Alors que la Cour d'appel a considéré que la « clause de délais de paiement de la convention de prestations de services » comportait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-1, I, 2°, du Code de commerce, au motif principal que « l'existence d'un délai de quarante-cinq jours au profit de Provera alors qu'il est de trente jours net pour les fournisseurs, soit supérieur de moitié à l'avantage de Provera et le paiement d'acomptes mensuels par lesquels le fournisseur fait l'avance des frais de promotion qui peuvent intervenir plusieurs mois plus tard entraînent mécaniquement la création d'un solde commercial à la charge de la plupart des fournisseurs, et ce sans qu'il y ait lieu à se livrer à des études pour rechercher l'impact réel sur la trésorerie des parties » (arrêt p. 9 in fine et p. 10) ; qu'en se prononçant ainsi in abstracto alors que l'article précité ne l'y autorisait pas, la Cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce ;
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la société Provera France à payer à Monsieur le Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi la somme de 250. 000 euros au titre du paiement d'une amende civile, et d'avoir condamné la société Provera France à payer à Monsieur le Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi la somme de 6. 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Aux motifs propres que, sur le préjudice causé à l'économie, les pratiques relatives aux délais de paiement et à la résiliation automatique soumettent les fournisseurs, sans qu'ils puissent en discuter réellement, à des conditions de paiement qui tendant nécessairement à obérer leur trésorerie, et à des conditions d'exécution du contrat qui les exposent à un anéantissement de la relation commerciale ; que ces pratiques portent un trouble réel à l'ordre public économique ;
Et aux motifs, supposés adoptés des premiers juges, que, sur l'amende, à l'instar de la doctrine majoritaire, le Tribunal considère que l'amende civile, dont il doit être rappelé qu'elle ne vise pas à l'indemnisation d'un préjudice subi par les contractants mais la défense de l'intérêt général, doit tenir compte des pratiques effectives ; que l'exigence d'un préjudice direct et certain soulevé par la défenderesse n'est pas une condition nécessaire à la mise en oeuvre de l'action du ministre ; que si la société Provera France n'est pas l'acteur le plus important de son secteur, elle n'en reste pas moins l'un des cinq principaux acheteurs de la grande distribution alimentaire ; que la société Provera France est de mauvaise foi à soutenir le contraire ; qu'il résulte des conventions produites que certaines sont imparfaitement remplies mais néanmoins signées ; qu'une autre a été signée sous réserve de dénonciation de certaines clauses de sorte que l'accord demeure imparfait ; que le Tribunal considère que la négociation commerciale rapportée ne consacre pas véritablement les concessions réciproques, mais davantage l'adhésion à des conditions prédéfinies, préalable nécessaire au référencement d'un fournisseur ; que Monsieur le Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ne rapporte pas la preuve de l'usage fait de la clause de résiliation non plus que de l'importance de l'impact sur la trésorerie tiré du déséquilibre instauré dans les conditions de paiement ; qu'en conséquence, le Tribunal prononcera à l'encontre de la société Provera France une amende civile réduite à la somme de 250. 000 euros ;
Alors que, pour condamner la société Provera à payer une amende civile, la Cour d'appel s'est fondée sur l'existence d'un préjudice causé à l'économie et sur ce que les pratiques relatives aux délais de paiement et à la résiliation automatique soumettent les fournisseurs, sans qu'ils puissent en discuter réellement, à des conditions de paiement qui tendant nécessairement à obérer leur trésorerie, et à des conditions d'exécution du contrat qui les exposent à un anéantissement de la relation commerciale, ce dont il aurait résulté que ces pratiques portent un trouble réel à l'ordre public économique ; qu'en se fondant ainsi sur des constats in abstracto faits précédemment dans l'arrêt et qui encourent la cassation, cette partie de l'arrêt encourt la cassation par voie de conséquence ;