Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 10 février 2015, 13-27.225, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 13-27.225
- ECLI:FR:CCASS:2015:CO00162
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Mme Mouillard (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 septembre 2013), que la société Constructions mécaniques X...(la société CMT), titulaire du modèle n° 0075277, constitué d'un moulinet de canne à pêche dénommé Ritma 72 Evolut, et se prévalant de droits d'auteur sur un modèle de moulinet dénommé Ritma 71-72, dont la protection au titre d'un dépôt était expirée, a assigné la société Garbolino Europe (la société Garbolino), qui commercialisait un modèle de moulinet dénommé GTR, en contrefaçon du modèle n° 0075277, pour atteinte à ses droits d'auteur et concurrence déloyale ; que Mme X...née Y... et MM. Marc et Bernard X...(les consorts X...) sont intervenus volontairement à la procédure ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société CMT et les consorts X...font grief à l'arrêt de rejeter la demande de la société CMT au titre de la contrefaçon de droits d'auteur alors, selon le moyen, que le caractère propre d'un modèle implique son originalité, c'est-à-dire l'empreinte de la personnalité de son auteur ; qu'ainsi en considérant d'une part que le moulinet revendiqué apparaît avoir une physionomie propre, d'autre part que sa combinaison ne s'avérerait pas de nature à traduire un réel parti pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur, la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui, procédant à l'examen d'ensemble de ses divers éléments, a constaté que le moulinet revendiqué paraissait avoir une physionomie propre au regard d'autres moulinets, même si certains des éléments qui le composent sont connus ou appartiennent au fonds commun de l'univers du moulinet ou du moulinet pour la pêche " au toc ", ne s'est pas contredite en relevant également que, néanmoins, le choix de faire passer, au sortir d'un moulinet de pêche, le fil dans un prolongateur, banalement en forme de tube cylindrique, afin d'éviter qu'il ne s'emmêle, même associé à l'apposition sur un côté du moulinet de parties évidées, lesquelles s'imposent dans une structure fermée amenée à contenir du fil pouvant être mouillé, comme de positionner à l'arrière des éléments permettant le fonctionnement du moulinet, ne saurait suffire à conférer à l'ensemble ainsi réalisé, dont la protection industrielle est expirée, une protection au titre du droit d'auteur dès lors que, même si cette combinaison procède de choix pour partie arbitraires, elle ne s'avère pas de nature à traduire un réel parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société CMT et les consorts X...font grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble des demandes de la société CMT fondées sur la contrefaçon du modèle n° 0075277 alors, selon le moyen, que l'imitation constitutive de contrefaçon s'apprécie selon les ressemblances des modèles en cause, non leurs différences ; qu'ainsi, en relevant que les modèles litigieux ne présenteraient pas les mêmes excavations sur leurs parties centrales, que l'embout des deux manettes seraient différents et que la découpe et le positionnement des excavations du modèle de la société CMT, associés à un large renflement central arrondi, évoquerait un mouvement rotatif facilité, effet inexistant sur le modèle de la société Garbolino, sans examiner, comme elle y était invitée, les ressemblances des modèles en cause et tenant à leur volume, leur couleur, leur bobine, leurs bossages externes sur l'arrière des boîtiers, leur prolongateur amovible, le relief et les dimensions de leurs faces internes ainsi que leurs faces externes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 521-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que l'arrêt relève, d'abord, par motifs propres et adoptés, que le modèle de la société CMT se caractérise en ce que les excavations de sa partie centrale ne sont pas géométriques et en ce que l'embout des manettes est rouge et de forme ronde tandis que, sur le modèle commercialisé par la société Garbolino, les excavations sont réparties autour du cercle extérieur, géométriquement, en forme de rectangle et, dans le second cercle, en forme de demi-cercle, et l'embout des manettes est noir et de forme ovale ; qu'il relève, ensuite, que la comparaison des moulinets en présence montre que le positionnement et la découpe très particulière des excavations en demi-cercle du côté opposé à la manivelle, associés à la présentation d'un large renflement central arrondi, évoquent, sur le modèle déposé, un mouvement rotatif facilité et retient que cet effet dominant, immédiatement perceptible mais totalement inexistant dans le modèle incriminé, ne peut que produire sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente ; que la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise en considérant les produits en leur ensemble, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société CMT et les consorts X...font grief à l'arrêt de rejeter la demande de la société CMT au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme alors, selon le moyen, que le fait de commercialiser une gamme de produits qui se rapproche par sa composition d'une gamme de produits concurrents constitue un acte de concurrence déloyale ; qu'ainsi, en s'abstenant de répondre au moyen tiré de la commercialisation par la société Garbolino de produits se rapprochant par leur composition de la gamme des produits de la société CMT, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le fait de commercialiser une gamme de produits se rapprochant par leur composition d'une gamme de produits concurrents ne suffit pas à caractériser un acte de concurrence déloyale ; que le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Constructions mécaniques X..., Mme X...née Y... et MM. Marc et Bernard X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Garbolino Europe la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lévis, avocat aux Conseils, pour les consorts X...et la société Constructions mécaniques X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la société Constructions Mécaniques X...de sa demande au titre de la contrefaçon de droits d'auteur ;
AUX MOTIFS QU':
« il ressort de l'appréciation de la Cour, qui doit s'effectuer de manière globale, en fonction de l'aspect d'ensemble produit par l'agencement des différents éléments et non par l'examen de chacun d'eux pris individuellement, que le moulinet revendiqué apparaît avoir une physionomie propre au regard d'autres moulinets, même si certains des éléments qui le composent sont connus ou appartiennent au fonds commun de l'univers du moulinet ou du moulinet pour la pêche " au toc " ;
(¿) cependant, le choix de faire passer, au sortir d'un moulinet de pêche, le fil dans un prolongateur, banalement en forme de tube cylindrique, afin d'éviter qu'il s'emmêle et d'améliorer l'enroulement et du déroulement de celui-ci, même associé à l'apposition sur un côté du moulinet de parties évidées, lesquelles s'imposent dans une structure fermée amenée à contenir du fil pouvant être mouillé, en leur donnant des formes géométriques connues, alternant triangles et rectangles, entourant le renflement central circulaire renfermant le système de rotation, et de positionner à l'arrière des éléments permettant le fonctionnement du moulinet, telle une manivelle présentée, comme son bouton, dans une forme facilitant sa manipulation, ne saurait suffire à conférer à l'ensemble ainsi réalisé, dont la protection industrielle est expirée, une protection en application des dispositions du livre 1 du code de la propriété intellectuelle ;
(¿) en effet, même si cette combinaison procède incontestablement de choix pour partie arbitraires elle ne s'avère pas de nature à traduire un réel parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur, au sens des dispositions précitées, qui permettrait de déclarer ce moulinet digne d'accéder à la protection instituée au titre du droit d'auteur comme original ;
(¿) il convient, en conséquence, par motifs substitués, de rejeter toutes les demandes de la société CMT formées au titre de la contrefaçon de droits d'auteur » ;
ALORS QUE le caractère propre d'un modèle implique son originalité, c'est-à-dire l'empreinte de la personnalité de son auteur ; qu'ainsi en considérant d'une part que le moulinet revendiqué apparaît avoir une physionomie propre, d'autre part que sa combinaison ne s'avérerait pas de nature à traduire un réel parti pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur, la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la société Constructions Mécaniques X...de l'ensemble de ses demandes fondées sur la contrefaçon du modèle n° 0075277 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE :
« tant sur la validité du modèle déposé n° 0075277 que sur la contrefaçon de ce modèle déposé les parties reprennent en fait les moyens dont les premiers juges ont connu et auxquels, en se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause et à une juste application des règles de droit s'y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte ;
la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a débouté la société CMT de ses demandes en contrefaçon du modèle n° 0075277 ;
(¿) il sera simplement observé sur ce point qu'un courriel adressé à la société appelante postérieurement au jugement et faisant état d'une " esthétique apparente et semblable " des deux modèles Ritma et Garbolino, ne saurait suffire à remettre en cause l'analyse pertinente du tribunal ;
(¿) au contraire, la comparaison à laquelle la cour a procédé, du modèle tel que déposé et du modèle incriminé, montre que le positionnement et la découpe très particulière des excavations en demi cercle du côté opposé à la manivelle, représenté sur 2 des 3 vues représentant le modèle de moulinet déposé, associé à la présentation d'un large renflement central arrondi évoque un mouvement rotatif facilité, effet dominant immédiatement perceptible mais totalement inexistant dans le modèle de l'intimée, qui ne peut que produire sur l'observateur averti qu'une impression visuelle d'ensemble différente » ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE :
« Sur la contrefaçon au titre du modèle n° 0075277
L'article L. 521-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que " la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle d'ensemble différente ".
Le modèle GTR G commercialisé par la société Garbolino se distingue du modèle n° 0075277 dont est titulaire la société Constructions Mécaniques X...en ce qui ne présente pas les mêmes excavations sur sa partie centrale, puisque celles-ci sont réparties autour du cercle extérieur, géométriquement, en forme de rectangle et, dans le second cercle en forme de demi-cercle. La partie centrale des deux articles se distingue donc, celle du modèle n° 0075277 étant recouverte d'excavations non géométriques.
Par ailleurs, l'embout des deux manettes est différent, rouge et de forme ronde dans le modèle enregistré et noir et de forme ovale s'agissant du produit commercialisé par la société défenderesse.
Ces différences génèrent chez l'utilisateur averti, le pêcheur, particulièrement attentif à ces produits qu'il connaît pour les manipuler, une impression visuelle différente. La société Constructions Mécaniques X...sera déboutée de ses demandes fondées sur la contrefaçon du modèle dont elle est titulaire » ;
ALORS QUE l'imitation constitutive de contrefaçon s'apprécie selon les ressemblances des modèles en cause, non leurs différences ; qu'ainsi en relevant que les modèles litigieux ne présenteraient pas les mêmes excavations sur leurs parties centrales, que l'embout des deux manettes seraient différents et que la découpe et le positionnement des excavations du modèle de la société Constructions Mécaniques X..., associés à un large renflement central arrondi évoquerait un mouvement rotatif facilité, effet inexistant sur le modèle de la société Garbolino, sans examiner, comme elle y était invitée, les ressemblances des modèles en cause et tenant à leur volume, leur couleur, leur bobine, leurs bossages externes sur l'arrière des boîtiers, leur prolongateur amovible, le relief et les dimensions de leurs faces internes ainsi que leurs faces externes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 521-1 du code de la propriété intellectuelle.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la société Constructions Mécaniques X...de sa demande au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme ;
AUX MOTIFS QUE :
« Sur la concurrence déloyale et parasitaire (¿) il s'infère des observations qui précèdent, dès lors que le moulinet Ritma 72 Evolut correspond au modèle tel que déposé n° 0075277, qu'aucun risque de confusion ne saurait être caractérisé pour un consommateur moyennement attentif et normalement avisé des produits en cause entre le moulinet bénéficiant d'une protection au titre du droit des dessins et le moulinet GTR incriminé ;
(¿) si ce dernier peut présenter des ressemblances avec le modèle antérieur Ritma 71-72, cette seule constatation, en l'absence de droits privatifs sur ce modèle, ne saurait suffire à caractériser un acte de concurrence déloyale dès lors que la commercialisation d'un produit similaire ne ressort que de l'exercice de la liberté du commerce ; (¿) il en est de même de la déclinaison d'un modèle pour droitiers et pour gauchers, dont il n'est d'ailleurs pas établi qu'elle soit distinctive, s'agissant simplement d'une adaptation utilitaire ;
(¿) l'existence d'un risque de confusion entre les moulinets, pas plus que d'une faute dans le conditionnement du produit incriminé ne s'avèrent démontrés ainsi que pertinemment retenu par les premiers juges ;
(¿) il n'est pas plus démontré une volonté de la société Garbolino de s'inscrire dans le sillage de la société CMT ;
(¿) si celle-ci assure la promotion de ses produits il n'est nullement établi que la société intimée en a indûment tir é profit, alors qu'elle produit elle-même divers éléments tendant à montrer que la société Garbolino assure, sous sa marque, la publicité de ses produits ne se limitant pas nécessairement aux seules cannes à pêche qui seraient sa spécialité ;
(¿) il sera ajouté que l'évaluation non comptable, non signée ni datée, produite par la société CMT en pièce 41 ne saurait suffire à justifier de ses investissements spécifiques pour la réalisation des moulinets en cause ;
(¿) le fait que le prolongateur des moulinets incriminés ait un temps pu être apposé sur les moulinets de la société CMT, et réciproquement, ne suffit pas à caractériser un acte déloyal ou parasitaire et il n'est pas plus établi que la baisse des ventes des modèles Ritma invoquée soit imputable à faute à la société Garbolino ;
(¿) en définitive aucun trouble commercial ni préjudice en lien avec la commercialisation reprochée ne s'avère démontré et le jugement déféré doit, en conséquence, être confirmé en ce qu'il a débouté la société CMT de ses demandes en concurrence déloyale ou parasitaire » ;
ALORS QUE le fait de commercialiser une gamme de produits qui se rapproche par sa composition d'une gamme de produits concurrents constitue un acte de concurrence déloyale ; qu'ainsi en s'abstenant de répondre au moyen tiré de la commercialisation par la société Garbolino de produits se rapprochant par leur composition, de la gamme des produits de la société Constructions Mécaniques X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.