Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 12 février 2015, 14-11.398, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 17 janvier 2013), qu'à l'issue d'un contrôle, la caisse d'allocations familiales de Paris (la caisse) a suspendu, à compter du 2 mars 2007, les droits de M. X... au titre de l'allocation de logement sociale ; que M. X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de son recours, alors, selon le moyen :

1°/ que la caisse est tenue envers l'allocataire qui fait l'objet d'un contrôle défini par l'article L. 583-3 du code de la sécurité sociale, d'un devoir d'information ayant pour effet de rendre la procédure de contrôle contradictoire ; que M. X... faisait valoir, au titre de l'irrégularité de la procédure ayant conduit à la décision litigieuse, que cette enquête avait abouti à un rapport dans lequel l'agent contrôleur concluait exclusivement à la suspension du revenu minimum d'insertion, d'où s'évinçait que cela ne pouvait régulièrement fonder la suspension de son allocation de logement sociale, puisqu'il n'avait pas pu régulièrement discuter de ce point sur la base d'un rapport n'abordant jamais la question de l'allocation de logement sociale ; qu'en se bornant, pour dire la procédure régulière, à relever que la caisse était également compétente pour instruire les demandes formées au titre de l'allocation de logement sociale et du revenu minimum d'insertion, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 114-9 et L. 583-3 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que la décision de la commission de recours amiable doit être motivée, ce qui implique qu'elle expose suffisamment les raisons de fait et de droit la fondant, en permettant au requérant de les appréhender et de les contester utilement devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu'en l'espèce, en affirmant que la décision de la commission de recours amiable du 9 juin 2008 rejetant la demande de M. X... était motivée, quand cette décision, qui se bornait à rappeler de manière lapidaire certains éléments du rapport d'enquête, n'exposait pas les raisons justifiant la suspension de son allocation, la cour d'appel a violé l'article R. 142-4 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que, depuis 1999, la caisse versait une allocation de logement sociale à M. X... pour un appartement situé ..., Paris 20ème ; que l'enquête a été diligentée à la suite d'un signalement de l'administration fiscale dans le cadre d'une demande de revenu minimum d'insertion formée par M. X... ; que ce dernier a refusé de se prêter au contrôle ; qu'il a été procédé à son audition par la commission de recours amiable et qu'il a pu faire valoir ses observations ; que la décision de la commission de recours amiable a été prise par une motivation détaillée au terme d'une procédure contradictoire ;

Que de ces constatations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis aux débats, dont il ressortait que l'intéressé avait eu connaissance du rapport qu'il avait été en mesure de discuter, la cour d'appel a exactement déduit que la procédure n'était pas entachée d'irrégularité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le même moyen, pris en sa troisième branche :

Attendu que M. X... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que la commission de recours amiable doit rendre sa décision dans le mois de sa saisine ; qu'en l'espèce, en retenant la régularité de la procédure suivie devant cette commission, quand celle-ci n'avait pas respecté le délai s'imposant à elle, puisqu'elle avait statué le 9 juin 2008 sur un recours amiable adressé le 13 mai 2007, la cour d'appel a violé l'article R. 142-6 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu, selon l'article R. 142-6 du code de la sécurité sociale, que lorsque la décision de la commission de recours amiable n'a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai d'un mois, celui-ci peut considérer sa demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que l'expiration de ce délai n'a pas pour effet de dessaisir la commission de recours amiable de la réclamation de l'intéressé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que la notion de résidence principale doit être entendue au sens du logement effectivement occupé au moins huit mois par an soit par le bénéficiaire, soit par son conjoint ou concubin sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure ; qu'en se bornant à constater que M. X... n'a pu apporter la preuve de la fixation de sa résidence principale, quand il lui appartenait simplement de rechercher si le logement du ...était effectivement occupé au moins huit mois par an par M. X..., la cour d'appel a violé l'article R. 831-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que les ressources prises en considération pour le bénéfice de l'allocation de logement sociale s'entendent du total des revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu ; qu'en se fondant néanmoins sur la possibilité hypothétique qu'aurait M. X... de louer un bien immobilier dont il est propriétaire pour être à l'abri du besoin, pour en déduire qu'il se trouvait privé par sa propre faute d'une source non négligeable de revenus et ne pouvait prétendre au bénéfice de l'allocation de logement sociale, la cour d'appel a violé l'article R. 831-6 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'administration fiscale relevait que l'avis annuel d'imposition de M. X... lui était expédié à l'adresse déclarée pour le bénéfice de l'allocation litigieuse mais qu'il recevait, à une autre adresse, ......, Paris 20ème, les avis d'impôts locaux pour un logement sis ..., Paris 12ème ; que M. X... a reconnu être propriétaire de ce dernier et a déclaré ne pas le louer pour en conserver la disposition comme résidence secondaire ; que l'adresse de la ...est celle où avait habité M. X... avec son fils et où réside encore la mère de l'enfant ; que M. X... n'a pas pu rapporter la preuve de sa résidence principale ;

Qu'en l'état de ces constatations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis aux débats, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la seconde branche du moyen, a exactement décidé que M. X... ne remplissait pas les conditions d'attribution de l'allocation de logement sociale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, ayant déclaré M. X... mal fondé en son appel, d'AVOIR dit M. X... mal fondé en son recours, et de l'en avoir débouté, d'AVOIR confirmé la décision de la commission de recours amiable et rejeté toutes les demandes de M. X... et D'AVOIR fixé le droit d'appel prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelant qui succombe au 10e du montant mensuel du plafond prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale et a condamné M. X... au paiement de ce droit ainsi fixé ;

AUX MOTIFS QUE la décision de la Commission de recours amiable a été prise par une motivation détaillée au terme d'une procédure contradictoire, dans le cadre de laquelle M. X... a pu faire valoir ses observations ; ¿ la non-audition de M. X... par la CAF a été couverte par son audition par la CRA ; que le fait que l'enquête ait été diligentée dans le cadre d'une demande formée par M. X... au titre du RMI n'enlève rien à la validité de la procédure, la CAF étant également compétente pour instruire les demandes formées tant au titre de l'ALS que du RMI ;

1°) ALORS QUE la caisse d'allocations familiales est tenue envers l'allocataire qui fait l'objet d'un contrôle défini par l'article L. 583-3 du code de la sécurité sociale, d'un devoir d'information ayant pour effet de rendre la procédure de contrôle contradictoire ; que Monsieur X... faisait valoir, au titre de l'irrégularité de la procédure ayant conduit à la décision litigieuse, que cette enquête avait abouti à un rapport dans lequel l'agent contrôleur concluait exclusivement à la suspension du RMI, d'où s'évinçait que cela ne pouvait régulièrement fonder la suspension de son ALS, puisqu'il n'avait pas pu régulièrement discuter de ce point sur la base d'un rapport n'abordant jamais la question de l'ALS ; qu'en se bornant, pour dire la procédure régulière, à relever que la CAF était également compétente pour instruire les demandes formées au titre de l'ALS et du RMI, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 114-9 et L. 583-3 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°) ALORS QUE la décision de la Commission de Recours Amiable doit être motivée, ce qui implique qu'elle expose suffisamment les raisons de fait et de droit la fondant, en permettant au requérant de les appréhender et de les contester utilement devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu'en l'espèce, en affirmant que la décision de la Commission de Recours Amiable du 09 juin 2008 rejetant la demande de M. X... était motivée, quand cette décision, qui se bornait à rappeler de manière lapidaire certains éléments du rapport d'enquête, n'exposait pas les raisons justifiant la suspension de son allocation, la cour d'appel a violé l'article R. 142-4 du code de la sécurité sociale ;

3°) ALORS QUE la Commission de Recours Amiable doit rendre sa décision dans le mois de sa saisine ; qu'en l'espèce, en retenant la régularité de la procédure suivie devant cette commission, quand celle-ci n'avait pas respecté le délai s'imposant à elle, puisqu'elle avait statué le 09 juin 2008 sur un recours amiable adressé le 13 mai 2007, la cour d'appel a violé l'article R. 142-6 du code de la sécurité sociale ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, ayant déclaré M. X... mal fondé en son appel, d'AVOIR dit M. X... mal fondé en son recours, et de l'en avoir débouté, d'AVOIR confirmé la décision de la commission de recours amiable et rejeté toutes les demandes de M. X... et D'AVOIR fixé le droit d'appel prévu par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelant qui succombe au 10e du montant mensuel du plafond prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale et a condamné M. X... au paiement de ce droit ainsi fixé ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le bien-fondé de la demande tendant à l'attribution de l'allocation de Logement Sociale, cette demande est instruite en vertu des articles L 831-1 du code de sécurité sociale qui prévoit son versement aux fins de réduire à un niveau compatible avec leurs ressources la charge de loyer afférente au logement que les personnes de nationalité françaises mentionnées à l'article L 83 l-2 du code de la sécurité sociale occupent à titre de résidence principale ; les dispositions de l'article L 831-4 du même code prévoient en outre que le mode de calcul de l'allocation est fixé par décret en fonction du loyer payé, des ressources de l'allocataire (...) du fait que le bénéficiaire occupe son logement en qualité de locataire d'un appartement meublé ou non meublé ou d'accédant à la propriété ; en l'espèce les ressources de M. X... qui s'entendent de l'ensemble de ses moyens d'existence, y compris les éléments de son patrimoine, comprennent un appartement dans le 12e arrondissement situé ...dont l'intéressé indique qu'il aurait une superficie de 30 m ² et qu'il ne serait ni loué ni occupé en raison du coût des travaux de rénovation qu'il devrait exposer pour sa remise en état ; outre que M. X... ne produit aucune justification de la consistance, de la valeur et du coût des travaux de cet appartement, celui-ci a en toute hypothèse une valeur, de réalisation ou de location lequel, et si cet élément de son patrimoine était géré en bon père de famille par M. X..., compte tenu du prix élevé de l'immobilier parisien, ce dernier serait indiscutablement à l'abri du besoin ; il apparaît qu'au terme de l'enquête M. X... d'une part, n'a pu rapporter la preuve de la fixation de sa résidence principale et d'autre part, est propriétaire d'un bien immobilier qu'il néglige d'exploiter de sorte qu'il se trouve par sa propre faute privé d'une source non négligeable de revenus ; c'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté le recours de M. X... ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE depuis 1999, la CAF a versé l'allocation de logement sociale à M. X... pour un appartement situé ..., dont le bailleur est la Régie immobilière de la ville de Paris et le montant du loyer mensuel de l'ordre de 400 euros hors charges ; que la déclaration de ressources au titre de l'année 2006 fait apparaître un revenu annuel de 4 700 euros en salaires et de 7 416 euros en allocations de chômage, ce qui justifiait l'attribution d'une allocation de logement sociale ; mais attendu que, dans le même temps, l'administration fiscale relevait que l'avis annuel d'imposition de M. X... lui était adressé à son domicile de la rue de Belleville (imposition nulle), et qu'il recevait à l'adresse ......(20e) des avis concernant les impôts locaux pour un logement sis ... (12e) ; que M. X... a reconnu être propriétaire de ce dernier et a déclaré ne pas le louer pour en conserver la disposition comme résidence secondaire ; que l'adresse de la ...est celle où avait habité M. X... avec son fils, et où réside encore Mme Y..., mère de l'enfant ; qu'un tel état de choses fait apparaître que les vrais moyens d'existence de M. X... restent inconnus, de même que ses charges, et que la caisse a été mise par M. X..., qui a refusé de se prêter au contrôle, hors d'état d'apprécier le droit du requérant à l'allocation de logement sociale, encore moins d'en chiffre le montant ; dans ces conditions, la décision de la caisse repose sur une juste application des textes et il convient de confirmer la décision de recours amiable ; par contre, il convient de rejeter toutes les demandes de M. X... ;

1°) ALORS QUE la notion de résidence principale doit être entendue au sens du logement effectivement occupé au moins huit mois par an soit par le bénéficiaire, soit par son conjoint ou concubin sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure ; qu'en se bornant à constater que M. X... n'a pu apporter la preuve de la fixation de sa résidence principale, quand il lui appartenait simplement de rechercher si le logement du ...était effectivement occupé au moins huit mois par an par M. X..., la cour d'appel a violé l'article R. 831-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) ALORS QUE les ressources prises en considération pour le bénéfice de l'allocation de logement sociale s'entendent du total des revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu ; qu'en se fondant néanmoins sur la possibilité hypothétique qu'aurait M. X... de louer un bien immobilier dont il est propriétaire pour être à l'abri du besoin, pour en déduire qu'il se trouvait privé par sa propre faute d'une source non négligeable de revenus et ne pouvait prétendre au bénéfice de l'allocation de logement sociale, la cour d'appel a violé l'article R. 831-6 du code de la sécurité sociale.

ECLI:FR:CCASS:2015:C200235
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