Cour d'appel de Limoges, 27 janvier 2015, 13/00396
Cour d'appel de Limoges - Chambre civile
- N° de RG : 13/00396
- Solution : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
ARRÊT N.
RG N : 13/ 00396
AFFAIRE :
M. Daniel X..., Mme Elisabeth Y...épouse X...
C/
SA EUROTITRISATION Société de gestion, ès qualité de représentant du fond commun de titrisation CREDINVEST, compartiment CREDINVEST 1 (venant aux droits de la société CRÉDIT UNIVERSEL), société anonyme au capital de 684. 000 ¿, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
DB/ PS
Demande en nullité et/ ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d'une saisie mobilière
Grosse délivrée à
Me BOURRA et Me CHABAUD, avocats
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU 27 JANVIER 2015
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Le VINGT SEPT JANVIER DEUX MILLE QUINZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Daniel X..., de nationalité Française,
né le 14 Octobre 1956 à CHERONNAC (87600), Profession : Ouvrier, demeurant ...
représenté par Me Jean-philippe BOURRA, avocat au barreau de LIMOGES
Madame Elisabeth Y...épouse X..., de nationalité Française, née le 21 Février 1958 à EXIDEUIL SUR CHARENTE (16150), Profession : Assistante commerciale, demeurant ...
représentée par Me Jean-Philippe BOURRA, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTS d'un jugement rendu le 19 mars 2013 par le juge de l'exécution de LIMOGES
ET :
SA EUROTITRISATION Société de gestion, ès qualité de représentant du fond commun de titrisation CREDINVEST, compartiment CREDINVEST 1 (venant aux droits de la société CRÉDIT UNIVERSEL), société anonyme au capital de 684. 000 ¿, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, dont le siège social est 41 rue Delizy-93500 PANTIN
représentée par Me Philippe CHABAUD de la SARL MAURY CHAGNAUD CHABAUD, avocat au barreau de LIMOGES, Me Cédric KLEIN, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
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Suivant avis de fixation du conseiller de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 09 Décembre 2014, une ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2014, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Monsieur Didier BALUZE et de Madame Christine MISSOUX, Conseillers, assistés de Madame Pascale SEGUELA, Greffier. A cette audience, Monsieur BALUZE, conseiller a été entendu en son rapport, Les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leur client.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 27 Janvier 2015 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
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LA COUR
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Résumé du Litige
Une ordonnance d'injonction de payer devenue définitive, rendue par le Juge d'Instance de Confolens le 30 septembre 1993, a enjoint à M et Mme Daniel et Elisabeth X...de payer à la SA Crédit Universel, en vertu d'un prêt du 11 février 1990, la somme de 39. 277, 96 frs outre majorations de retard (2. 896, 36 frs), intérêts et frais accessoires (74, 72 frs).
La SA de gestion Eurotitrisation, ès qualité de représentant du fonds commun de titrisation Crédinvest, fait valoir qu'à la suite d'une chaîne de transmission, elle est devenue cessionnaire de cette créance.
Elle a fait diligenter une saisie-attribution le 24 août 2012, entre les mains de la Banque Populaire Centre Atlantique-Limoges, à l'égard de monsieur X...pour 26. 677, 64 ¿ (l'essentiel étant constitué par les intérêts, pour 20. 799, 57 ¿).
M et Mme X...ont contesté cette mesure devant le JEX de Limoges qui, par jugement du 19 mars 2013 a, essentiellement, rejeté leurs demandes et validé la saisie à hauteur de 26. 677, 64 ¿.
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M et Mme X...ont interjeté appel.
Par un arrêt mixte du 20/ 03/ 2014, la Cour a rejeté la demande de M et Mme X...relative à l'extinction de la créance pour cause de renonciation du créancier, et elle a sursis à statuer pour le surplus, en invitant les parties à fournir les explications et pièces complémentaires au sujet des certains aspects exposés dans les motifs.
Sur ce, les parties ont conclu à nouveau.
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M et Mme X...font valoir en substance que la SA EUROTITRISATION ne justifie toujours pas de sa qualité à agir ni d'une cession de créance à son profit.
Subsidiairement, ils soutiennent que la SA EUROTITRISATION ne peut recouvrer plus que le montant cédé et que les intérêts antérieurs au 24/ 08/ 2007 sont prescrits en raison notamment de la prescription quinquennale des créances périodiques.
Ils demandent d'ordonner la mainlevée de la saisie et de leur allouer 6. 000 ¿ de dommages et intérêts.
Subsidiairement, ils demandent de dire et juger que la SA EUROTITRISATION ne peut recouvrer plus que le montant cédé, soit au titre des intérêts la somme de 591, 36 ¿, et de dire et juger aussi que les intérêts antérieurs au 24/ 08/ 2007 sont prescrits et que ceux non prescrits ne peuvent être capitalisés.
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La SA EUROTITRISATION conclut à la confirmation.
Elle fait valoir qu'elle a bien qualité à agir et justifie de la cession de créance qui s'est opérée dans le cadre de la réglementation sur la titrisation.
Elle soutient aussi que les intérêts ne sont pas prescrits, s'agissant de l'exercice d'une voie d'exécution fondée sur un titre.
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Il est renvoyé aux dernières conclusions des parties déposées par les appelants le 6/ 08/ 2014 et par l'intimée le 27/ 10/ 2014.
MOTIFS
L'ordonnance d'injonction de payer a donc été rendue au profit de la SA Crédit Universel (ou CU) pour un prêt du 11/ 02/ 1990 (visé dans la requête).
Sur la chaîne de transmission de la créance de ce chef et donc la qualité à agir, il peut être relevé les éléments suivants :
- il se déduit de l'extrait Kbis de la BNP Lease qu'au 24/ 05/ 1995 il y a eu une opération de fusion du Crédit Universel (et de Locunivers) avec BNP Lease (même si au 11/ 05/ 1995 il est fait état d'une fusion absorption du CU par la Cie du CU),
- BNP Lease a été fusionnée-absorbée par UFB Locabail (même extrait pièce 9 intimé),
- UFB Locabail est devenu BNP Paribas Lease Group (vu extrait K bis de cette société, pièce 11 intimée, mention au 17/ 08/ 2000),
- BNP Paribas Lease Group a fait apport à Cetelem de sa branche complète d'activité d'opérations de financement autos, motos, loisirs,
- il est produit un décompte BNP Lease et deux décomptes Cetelem permettant de les rattacher à la créance litigieuse (il est fait mention de M. X...Daniel et dans l'un aussi de X...Elisabeth ; le décompte BNP Lease débute au 21/ 11/ 1992 avec un montant de 42. 174, 32 (¿) correspondant au deux premières sommes de l'ordonnance d'injonction de payer : 39. 277, 96 frs et 2898, 36 frs ; un décompte Cetelem fait état d'une date d'entrée contentieux au 10/ 11/ 1992 ; il est mentionné un montant d'échéance impayé de 234, 27 (¿) ce qui équivaut aux mensualités du contrat de 1. 536, 68 frs, il est repris des versements de 46, 58 (¿) équivalents à ceux de 305, 53 (frs) du décompte BNP Lease),
- il est communiqué un acte de cession de créance du 28/ 08/ 2006 (ce qui faisait défaut dans la procédure ayant abouti à l'arrêt de la Cour de Limoges dans une précédente affaire) entre la SA Cetelem et le Fonds commun de créances CREDINVEST représenté par la SA EUROTITRISATION, avec un extrait visant un dossier 970605 (ou 6, mal lisible) 7641, X..., Crédit Universel, " valeur faciale 4. 775, 19 ¿ ", " solde comptable 5. 366, 55 ¿ ",
- le no de dossier correspond à l'un des décomptes susvisés (9706067641) où se retrouve aussi la somme de 4775, 19 ¿, et cet extrait mentionne le Crédit Universel et M. Carvalho
-il peut être ajouté que la SA Eurotitrisation produit elle-même le contrat d'origine (du moins le recto de la page des conditions particulières).
- M et Mme X...ne font pas état et ne justifient pas que tel autre organisme aurait une créance envers eux pouvant se confondre avec la créance litigieuse ou se prévaudrait de cette ordonnance d'injonction de payer à leur encontre.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la créance objet de l'ordonnance d'injonction de payer susvisée a été transmise à la SA Eurotitrisation.
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Cette cession est intervenue dans le cadre la législation sur la titrisation.
L'acte de cession vise les articles L 214-43 à 48 du code monétaire et financier. Il mentionne comme date de remise du bordereau au cessionnaire : 28 août 2006.
Selon actuellement l'article L 214-169 IV alinéa 2 du code monétaire et financier, la cession s'effectue par la seule remise d'un bordereau et elle prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise... sans qu'il soit besoin d'autre formalité.
La formalité de l'article 1690 du Code Civil n'est pas applicable dans ce système.
Par ailleurs, selon l'article L 214-181 du CMF, le fonds commun de titrisation (qui n'a pas lui-même la personnalité morale, vu l'article L 214-180) est constitué sur l'initiative conjointe d'une société chargée de sa gestion et d'une personne morale dépositaire de la trésorerie et des créances du fonds.
Selon l'article L 214-183 : la société chargée de la gestion mentionnée à l'article L 214-181 est une société de gestion de portefeuille relevant de l'article L 532-9. Cette société est désignée dans le règlement du fonds. Elle représente le fonds à l'égard des tiers et dans toute action en justice.
La SA EUROTITRISATION produit le règlement général de Credinvest qui vise Eurotitrisation comme société de gestion. Au chapitre II, article 4. 1 mandat légal, il est mentionné que la société de gestion assure la gestion du fonds général, elle représente le fonds et chacun de ses compartiments dans ses rapports avec les tiers et dans toute action en justice.
Il ressort de ces éléments que la SA EUROTITRISATION est le représentant légal du Fonds CREDINVEST qui lui a bien donné mandat de la représenter notamment en justice.
Et, il est justifié par une lettre de la COB du 17/ 04/ 1996 et une attestation de l'Autorité des Marchés Financiers du 10/ 10/ 2013 que la société EUROTITRISATION a été agréée par la COB et peut à ce titre gérer des fonds communs de créance.
Il ressort donc des ces éléments que la SA EUROTITRISATION est devenue cessionnaire de la créance litigieuse, qu'elle a qualité pour représenter le Fonds Credinvest et pour agir en recouvrement de cette créance.
Cette cession porte sur la créance et le titre la consacrant avec ses accessoires, notamment en intérêts et frais, sans donc être limitée à son montant nominal au moment de la cession.
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Au sujet des intérêts, plus particulièrement de leur prescription, le PV de saisie attribution est en date du 24/ 08/ 2012 et se fonde sur l'ordonnance d'injonction de payer du 30/ 09/ 1993.
Si la SA EUROTITRISATION a diligenté une voie d'exécution, elle agit ainsi en recouvrement de sa créance en principal et intérêts résultant de cette ordonnance.
L'essentiel selon le décompte est devenu maintenant les intérêts.
Mais, cependant, vu l'ancien article 2277 du Code Civil et l'article 2244 actuel du même code, et étant donné que la durée de la prescription, nonobstant l'existence d'un titre, reste déterminée par la nature de la créance, la prescription quinquennale s'applique aux intérêts.
Il n'y a donc pas lieu de retenir les intérêts antérieurs au 24/ 08/ 2007.
Il n'y a pas lieu non plus à capitalisation des intérêts, le titre ne la prévoyant pas.
La saisie sera validée selon les précisions suivantes (vu l'ordonnance d'injonction de payer et le décompte figurant dans l'acte de saisie) :
- principal : 5. 987, 89 ¿ (39. 277, 96 frs)
- majorations de retard : 441, 55 ¿ (2. 896, 36 frs)
- article 700 pour 300 ¿ non retenu (non prévu au titre)
- frais : 11, 39 (74, 72 frs),
- à déduire : versements directs antérieurs : 1. 942, 85 ¿ (somme qui apparaît dans la fiche attribuée à Cételem, pièce 15, donc avant la cession de 2006 et ainsi avant 2007),
- soit un solde de 4. 497, 98 ¿ avec intérêts à compter du 24/ 08/ 2007,
- frais de saisie.
Le principe de la saisie est admis. Dans ces conditions, la demande de dommages intérêts des appelants pour abus de saisie n'est pas fondée.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais irrépétibles. Les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées et le jugement réformé de ce chef.
Si le principe de la saisie et de la créance est admis, le montant dont la part la plus importante était constituée par les intérêts est réduit. En conséquence, les dépens seront partagés par moitié.
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PAR CES MOTIFS
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LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'arrêt du 20 mars 2014 qui a déjà rejeté la demande de M et Mme X...relative à l'extinction de la créance pour cause de renonciation du créancier,
Confirme le jugement en ses deuxième à cinquième dispositions (de la constatation de la qualité à agir et de créancier de la société Eurotitrisation au rejet de la demande de cantonnement des intérêts à hauteur de 591, 36 ¿),
Réforme le jugement quant à ses dispositions suivant celles-ci,
Valide la saisie-attribution pratiquée par la SA EUROTITRISATION le 24 août 2012 à l'encontre de monsieur Daniel X...(auprès de la Banque Populaire Centre Atlantique, agence Carnot, Limoges) à concurrence des sommes suivantes :
-4. 497, 98 ¿ avec intérêts au taux contractuel de 16, 90 % l'an à compter du 24/ 08/ 2007 (sans capitalisation),
- le coût des actes des 24/ 08/ 2012 et 30/ 08/ 2012, et le droit de recouvrement de l'Huissier (article 8 décret 12/ 12/ 1996),
Dit que les intérêts antérieurs au 24 août 2007 sont prescrits,
Rejette les autres demandes ou pour leur surplus de M et Mme X..., notamment en dommages intérêts,
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA EUROTITRISATION à la moitié des dépens de première instance et d'appel et M et Mme X...à l'autre moitié.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.