Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 janvier 2015, 13-20.861, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 13-20.861
- ECLI:FR:CCASS:2015:SO00147
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Frouin (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée à compter du 13 mai 2002 par la société Garden Blues, a été licenciée pour motif économique par lettre du 25 janvier 2011 ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour non respect de la priorité de réembauche, alors, selon le moyen, que le salarié qui en fait la demande bénéficie d'une priorité de réembauche pour tout emploi compatible avec sa qualification et que le contrat de professionnalisation est notamment ouvert aux demandeurs d'emploi âgés de 26 ans et plus ; que la cour d'appel a rejeté la demande de Mme X... aux motifs que l'embauche avait été faite dans le cadre d'un contrat de professionnalisation et sur un poste d'animation, gestion et organisation des activités aquatiques, différent de l'activité qu'exerçait Mme X... ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors que Mme X..., âgée de plus de 26 ans et demandeur d'emploi, pouvait bénéficier d'un contrat de professionnalisation pour exercer des activités compatibles avec sa qualification, peu important que les activités soient en partie différentes de celles qui lui avaient été initialement confiées, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-45 et L L. 6325-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant fait ressortir que le seul poste disponible ne correspondait pas à la qualification de la salariée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen qui est recevable :
Vu les articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail ;
Attendu que, pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les difficultés économiques étaient établies par le résultat d'exploitation déficitaire qui ne pouvait être institutionnalisé et pérennisé par les apports en compte courant de la gérante et qu'il est par ailleurs avéré que la salariée n'a pas été remplacée à son poste ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement ne précisait pas l'incidence de la cause économique sur le contrat de travail ou l'emploi de la salariée licenciée et que le défaut de motivation de la lettre prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboute la salariée de sa demande de dommages-intérêts formée à ce titre, l'arrêt rendu le 15 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour y être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société Garden Blues aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Garden Blues à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Madame X... tendant à voir dire et juger que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de la somme de 36. 363 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'article L1233-3 du code du travail dispose que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le conseil des prud'hommes a considéré que les difficultés économiques étaient établies par le résultat d'exploitation déficitaire qui ne pouvait être institutionnalisé et pérennisé par les apports en compte courant de la gérante, qui ont atteint 132000 € entre 2008 et 2009, et par la baisse du chiffre d'affaires en 2010, étant pris en considération l'absorption par la société Garden blues de la société Welhiess Park dont Madame Y...était également la gérante qui a limité la baisse du chiffre d'affaires en 2009, année suivie d'une troisième année de résultat déficitaire en 2010, avec une perte nette de 49445 € et des capitaux propres inférieurs à plus de la moitié du capital social de 7500 € ; la participation à des activités susceptibles de générer du chiffre d'affaire (les 20 ans de la société, le salon " Respire ", les journées découverte) n'est pas davantage la preuve de l'absence de difficultés économiques ; il est par ailleurs avéré que madame X... n'a pas été remplacée à son poste et qu'une partie de ses tâches a été répartie sur les deux salariés restants et la gérante, ce qui ne prive pas le licenciement de son bien-fondé, sans que l'employeur ait l'obligation de proposer à madame X... une réduction de son temps de travail dont il n'est pas avéré qu'elle l'aurait acceptée ; en outre l'exercice clos en septembre 2011, quelques mois après le licenciement est également déficitaire de près de 50 000 € ;
Et AUX MOTIFS QUE s'agissant du reclassement, au regard de la taille, trois salariés, et de la nature de la structure, il était manifestement impossible et c'est à juste titre que la lettre de licenciement a visé cette impossibilité de reclassement ; la société produit en outre le registre d'entrée et de sortie du personnel dont il ressort qu'il n'a été procédé à aucun recrutement concomitamment au licenciement ;
Et AUX MOTIFS adoptés QUE l'article L1233-3 du Code du Travail dispose : « Constitue un licenciement pour cause motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques » ; le résultat d'exploitation est déficitaire de 2556, 001 € au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2008, que l'équilibre n'est obtenu que par un abandon en compte courant de 80 000, 00 € ; le résultat d'exploitation est déficitaire 53 041, 00 € au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2009, que l'équilibre n'est obtenu que par un abandon en compte courant de 52 000, 00 € consenti par Madame Y...à titre personnel ; le résultat d'exploitation est de 48 833, 00 € au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2010 ; le Chiffre d'affaires de 2009 intègre en totalité le CA réalisé par la Société WELLNESS PARK qui a été absorbée par l'EURL GARDEN BLUE, alors que les comptes de l'année 2008 ne reprennent qu'une partie de l'activité de WELLNESS PARK ; la société a une baisse du Chiffre d'affaire principalement sur le dernier exercice clos au 30 septembre 2010 de 9, 94 % ; il résulte du PV de l'AG Extraordinaire du 30 juin 2010 qu'une dissolution anticipée de la société était envisagée en application de l'article L223-42 du code du commerce ; en conséquence, le Conseil de Prud'hommes estime que les difficultés économiques de L'EURL GARDEN sont, dans ces conditions, avérées ;
ALORS QUE la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit énoncer, lorsqu'un motif économique est invoqué, à la fois la raison économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement, qui se bornait à invoquer des difficultés économiques et la nécessité d'une « réduction des moyens », sans mentionner la conséquence précise de ces difficultés sur l'emploi ou le contrat de travail de la salariée, ne répondait pas aux exigences légales de motivation ; qu'en considérant néanmoins que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L 1233-16 et L 1233-3 du code du travail ;
ALORS en outre QUE les juges doivent rechercher si les difficultés économiques dont l'employeur fait état justifient l'impact sur le contrat de travail du salarié ; que la salariée avait soutenu que la cause économique invoquée n'était pas justifiée, que l'activité de l'entreprise n'avait pas été réduite et que son licenciement ne permettait pas de faire des économies puisque, dans le même temps, les autres salariés avaient dû effectuer plus d'heures ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si les difficultés économiques invoquées justifiaient son licenciement alors, d'une part que l'employeur avait lui-même indiqué dans la lettre de licenciement que ces difficultés étaient antérieures à l'embauche de la salariée et d'autre part que la durée de travail des autres salariés avaient augmenté, ce qui attestait du maintien de l'activité de l'entreprise et de l'absence de diminution des charges salariales, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1233-3 du code du travail ;
ALORS enfin QUE d'une part, le licenciement ne peut intervenir que lorsque toutes les autres possibilités ont été envisagées et que d'autre part, l'employeur ne peut limiter ses offres en fonction de la volonté présumée des intéressés de les refuser ; que pour considérer que l'employeur aurait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel a retenu que l'employeur n'avait pas « l'obligation de proposer à madame X... une réduction de son temps de travail dont il n'est pas avéré qu'elle l'aurait acceptée » ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors que pour satisfaire à ses obligations, l'employeur-qui ne pouvait limiter ses offres en fonction de la volonté présumée des intéressés de les refuser-aurait du proposer à la salariée une réduction de son temps de travail, la cour d'appel a violé l'article L 1233-4 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Madame X... tendant à voir dire et juger que la priorité de réembauchage n'a pas été respectée et obtenir le paiement de la somme de 4. 040, 40 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE Madame X..., qui avait manifesté par lettre du 2 février 2011 le souhait de voir le cas échéant mettre en oeuvre la priorité de réembauche, fait valoir que monsieur Z...a été engagé le 15 septembre 2011 sans que ce poste lui ait été proposé ; cependant, le conseil des prud'hommes a justement retenu que cette embauche s'est faite sous le régime du contrat de professionnalisation, qui est un contrat de formation, stade dont elle ne relevait pas, destiné à des jeunes ou à des personnes dépourvues de qualification professionnelle, ce qui n'était pas son cas ; il est en outre précisé que monsieur Z...a été engagé sur un poste d'animation, gestion et organisation des activités aquatiques, différent de l'activité qu'exerçait madame X... ;
Et AUX MOTIFS adoptés QUE Madame X... a fait valoir qu'elle souhaitait bénéficier de sa priorité de réembauchage par lettre du 2 février 2011 à compter du 26 janvier 2011 ; Monsieur Florent Z...a été embauché par un contrat de professionnalisation allant du 15 septembre 2011 au 31 juillet 2012 pour le poste d'animateur gestion et organisation des activités aquatiques qui alterne des périodes d'enseignement général, technologique et professionnel et des périodes de travail en entreprise dans une activité en rapport avec la qualification visée ; le contrat de professionnalisation est un contrat particulier qui réunit formation et activité professionnelle régit par les articles L. 6325-1 et suivants du code du Travail ; le contrat de professionnalisation est un contrat qui a pour objectif l'insertion ou le retour à l'emploi des jeunes et des adultes par l'acquisition d'une qualification professionnelle (diplôme, titre, certificat de qualification professionnelle...) ; en conséquence, Madame Maud X... ne pouvait pas prétendre à une priorité de réembauchage sur un emploi de cette catégorie ;
ALORS QUE le salarié qui en fait la demande bénéficie d'une priorité de réembauche pour tout emploi compatible avec sa qualification et que le contrat de professionnalisation est notamment ouvert aux demandeurs d ¿ emploi âgés de 26 ans et plus ; que la cour d'appel a rejeté la demande de Mme X... aux motifs que l'embauche avait été faite dans le cadre d'un contrat de professionnalisation et sur un poste d'animation, gestion et organisation des activités aquatiques, différent de l'activité qu'exerçait Mme X... ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors que Madame X..., âgée de plus de 26 ans et demandeur d'emploi, pouvait bénéficier d'un contrat de professionnalisation pour exercer des activités compatibles avec sa qualification, peu important que les activités soient en partie différentes de celles qui lui avaient été initialement confiées, la cour d'appel a violé les articles L 1233-45 et L L 6325-1 du code du travail.