Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 20 janvier 2015, 13-27.189, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 13-27.189
- ECLI:FR:CCASS:2015:CO00051
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Mme Mouillard (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 septembre 2013), que la société Babylone, constituée en 2001, avec MM. X... et Y... pour gérants, a acquis un fonds de commerce de restauration ; que le 9 juin 2001, elle a, pour les besoins de l'exploitation de ce fonds de commerce, conclu un « contrat de bière » avec la société Brasserie Kronenbourg ; qu'elle a cédé son fonds par acte du 9 mars 2006 après l'avoir mis en location-gérance ; qu'assignée en paiement de diverses sommes par la société Brasserie Kronenbourg en raison de l'inexécution de ses obligations contractuelles, elle a, de son côté, assigné M. X... en paiement de dommages-intérêts en lui reprochant des fautes de gestion ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer la somme de 33 910, 21 euros à la société Babylone alors, selon le moyen :
1°/ que la responsabilité du gérant d'une société à responsabilité limitée pour faute de gestion d'un cogérant ne peut être engagée pour inexécution d'un contrat que si sa mauvaise gestion de la société est démontrée ; qu'en se contentant, pour retenir la faute de gestion de M. X..., de relever que le contrat de bière avait été conclu par lui et qu'il ne l'avait pas exécuté, sans aucunement démontrer sa mauvaise gestion de la société, statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser une faute de gestion de nature à engager la responsabilité personnelle du gérant de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 223-22 du code de commerce et 1382 du code civil ;
2°/ que le gérant d'une société à responsabilité limitée qui a fait preuve de diligence suffisante dans l'administration de la société ne saurait voir sa responsabilité personnelle engagée pour faute de gestion ; qu'il résultait des faits acquis aux débats et constatés par l'arrêt attaqué que le cogérant avait fait preuve d'une diligence suffisante dans l'administration de la société, le contrat de bière ayant été conclu au nom et dans l'intérêt de celle-ci, à qui il avait procuré un financement conséquent lui permettant de se développer, l'autre cogérant ayant été informé de la conclusion dudit contrat et ayant pu aussi veiller à son exécution, de sorte que la responsabilité du premier ne pouvait être engagée pour faute de gestion au seul motif que le contrat de bière n'avait pas été exécuté ; qu'en décidant que la responsabilité de M. X... devait être retenue pour faute de gestion ayant consisté dans l'inexécution du contrat de bière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 223-22 du code de commerce et 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la société Babylone n'a jamais exécuté le contrat signé le 9 juin 2001 par M. X..., qui lui imposait, pendant une durée de cinq ans, de s'approvisionner en bières exclusivement auprès de la société désignée par le brasseur, en contrepartie du prêt qui lui avait été consenti par ce dernier ; qu'il relève encore que par jugement du 29 mai 2009, devenu irrévocable, le tribunal de grande instance de Strasbourg a reconnu ce défaut d'exécution et qu'il a également retenu que la mise en location-gérance du fonds de commerce, le 20 octobre 2003, n'avait pas été dénoncée à la société Brasserie Kronenbourg, en violation du contrat, lequel n'avait pas été repris par le locataire-gérant ; que l'arrêt précise que ce jugement a condamné la société Babylone à payer à la société Brasserie Kronenbourg la somme de 38 112 euros à titre de « restitution d'investissement » et celle de 91 171, 49 euros à titre de dommages-intérêts ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu décider que M. X... avait commis des fautes dans la gestion de la société Babylone ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que le cogérant d'une société (M. X..., l'exposant) avait commis des fautes de gestion au détriment de la personne morale (la SARL Babylone), engageant sa responsabilité à son égard, fixé sa part contributive aux 2/3, constaté que la société avait réglé la somme de 50. 861, 31 € à son fournisseur en exécution d'un jugement du 29 mai 2010 et condamné en conséquence le cogérant à payer à la société la somme de 33. 910, 21 € outre les intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance ;
AUX MOTIFS QUE le tribunal de grande instance avait relevé, à l'appui de sa décision de condamnation de la SARL Babylone au paiement des sommes de 38. 112 € à titre de restitution d'investissement et de 91. 171, 49 € à titre de dommages et intérêts, que la société Babylone n'avait jamais exécuté le contrat de bière d'une durée de 5 ans conclu le 29 juin 2001 prenant fin le 14 juillet 2006 et ne s'était jamais approvisionnée auprès du brasseur ; que le contrat de brasserie avec nantissement-imposant à la société Babylone de s'approvisionner exclusivement pour l'exploitation de son fonds de commerce Bull Dog Pub II auprès du brasseur pour un volume de 1750 hectolitres de bières pendant la durée du contrat contre un investissement de 250. 000 € - avait été signé par M. X... ; que ce dernier avait géré les deux fonds de commerce pour le compte de la société en participation Baby Bull du 1er juillet 2001 au 9 janvier 2003 ; que M. X..., en n'exécutant pas le contrat de bière conclu avec la brasserie Kronenbourg dont il connaissait parfaitement les clauses, avait commis une faute de gestion ; que les deux co-gérants avaient contribué à la survenance du litige avec la société Kronenbourg ; que, toutefois, les fautes de gestion commises par M. X..., dont la responsabilité était seule recherchée dans le présent litige par la société Babylone, qui n'avait jamais mis à exécution le contrat de bière la concernant, justifiaient de fixer sa part contributive dans la réparation du dommage aux 2/3 ; que le montant de la condamnation effectivement supportée par la SARL Babylone ensuite du règlement de 100. 000 € à la société Kronenbourg par l'assureur du séquestre s'étant départi fautivement du prix de cession entre les mains de la cédante s'élevait à la somme de 50. 865, 31 € ; qu'en conséquence M. X... était condamné à payer à la SARL Babylone la somme de 33. 910, 21 € (arrêt attaqué, p. 6 alinéas 7 et 8, p. 7, alinéas 1 à 3, et pp. 8 à 10) ;
ALORS QUE, d'une part, la responsabilité du gérant d'une société à responsabilité limitée pour faute de gestion d'un cogérant ne peut être engagée pour inexécution d'un contrat que si sa mauvaise gestion de la société est démontrée ; qu'en se contentant, pour retenir la faute de gestion de l'exposant, de relever que le contrat de bière avait été conclu par lui et qu'il ne l'avait pas exécuté, sans aucunement démontrer sa mauvaise gestion de la société, statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser une faute de gestion de nature à engager la responsabilité personnelle du gérant de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 223-22 du code de commerce et 1382 du code civil ;
ALORS QUE, d'autre part, le gérant d'une société à responsabilité limitée qui a fait preuve de diligence suffisante dans l'administration de la société ne saurait voir sa responsabilité personnelle engagée pour faute de gestion ; qu'il résultait des faits acquis aux débats et constatés par l'arrêt attaqué (v. p. 6, alinéa 8, et p. 7, alinéa 7) que le cogérant avait fait preuve d'une diligence suffisante dans l'administration de la société, le contrat de bière ayant été conclu au nom et dans l'intérêt de celle-ci, à qui il avait procuré un financement conséquent lui permettant de se développer, l'autre cogérant ayant été informé de la conclusion dudit contrat et ayant pu aussi veiller à son exécution, de sorte que la responsabilité du premier ne pouvait être engagée pour faute de gestion au seul motif que le contrat de bière n'avait pas été exécuté ; qu'en décidant que la responsabilité de l'exposant devait être retenue pour faute de gestion ayant consisté dans l'inexécution du contrat de bière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 223-22 du code de commerce et 1382 du code civil.