Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 20 janvier 2015, 13-24.283, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 novembre 2012), qu'à la suite du bris de certaines parties de deux verrières appartenant à M. X..., la société Miroiterie Sébastopol, assurée auprès de la MAAF, a été chargée de procéder aux changements des verres préconisés par la société AREAS assureur de M. X... ; que la société Miroiterie Sébastopol a sous traité la pose des verres à M. Y... assuré auprès de la MAAF ; que des infiltrations étant apparues M. X... a assigné la société AREAS et la société Miroiterie Sébastopol en réparation des désordres et indemnisation de ses préjudices ; que la société miroiterie Sébastopol a appelé en garantie son assureur la MAAF et M. Y..., qui a lui même appelé la MAAF en garantie ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner à relever et garantir la société Miroiterie Sébastopol du montant de ses condamnations, alors, selon le moyen, que tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en se bornant, pour condamner M. Y... à garantir la société Miroiterie Sébastopol des condamnations prononcées à son encontre, à énoncer que le sous-traitant, étant tenu de réaliser un ouvrage exempt de vice, engage sa responsabilité contractuelle envers l'entrepreneur principal et qu'en l'espèce, les manquements contractuels précédemment décrits justifieraient une telle condamnation, sans répondre au moyen, péremptoire, de M. Y... selon lequel la compagnie d'assurance Areas, en ayant imposé la réfection de la verrière à l'identique par l'intermédiaire d'un expert, avait commis un acte d'immixtion exonérant tant l'entrepreneur principal que le sous-traitant, de sorte que la responsabilité de ce dernier ne pouvait être retenue la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par un motif non critiqué, que la société Areas n'avait fait qu'exécuter avec l'accord du propriétaire la réparation des dommages garantis par la police d'assurance et qu'en l'absence de maître d'oeuvre la société Miroiterie Sébastopol avait assuré cette mission, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à un moyen que ces constatations rendaient inopérant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner M. Y... à garantir la société Miroiterie Sébastopol du montant des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt retient que le sous-traitant, tenu de réaliser un ouvrage exempt de vice, engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de l'entrepreneur principal et que les manquements contractuels précédemment décrits justifient que M. Y... soit condamné à garantir la société Miroiterie Sébastopol ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que M. Y... avait été chargé de la pose des verres fournis par la société Miroiterie Sébastopol et sans répondre aux conclusions par lesquelles M. Y... faisait valoir que cette société n'avait à aucun moment entendu lui confier la gestion du chantier, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. Y... à relever et garantir la société Miroiterie Sébastopol des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt rendu le 8 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Met hors de cause la société Areas ;

Condamne M. Y... et la société Miroiterie Sébastopol aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. Y....

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. Jacques Y... à garantir la société MIROITERIE SEBASTOPOL du montant de ses condamnations ;

Aux motifs que : « Sur la responsabilité de la SARL MIROITERIE SEBASTOPOL

Les travaux confiés à la SARL MIROITERIE SEBASTOPOL étaient limités au remplacement des vitrages détériorés par la grêle.

Cette opération limitée à la fourniture et à la pose de 8 verres feuilletés en rechange sur toiture et 3 verres feuilletés pour la verrière au-dessus d'une porte ne constituant pas la réalisation d'un ouvrage au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil, le litige doit être apprécié sur le fondement de la responsabilité contractuelle, tel que retenu par le tribunal et soutenu à titre principal par Marc X....

Il est établi par le rapport d'information dégâts des eaux réalisé le 27 novembre 2003, par le cabinet GEXA, pour le compte de la Compagnie CMA, que la verrière litigieuse a fait l'objet d'un sinistre antérieur, déclaré le 1er septembre 1999, les problèmes d'infiltration ayant été jugulés par le remplacement de l'ensemble des joints. L'expert, mandaté par l'assureur, a constaté des problèmes de conception de la verrière impliquant la réalisation de travaux modificatifs nécessaires à une étanchéité efficace et durable. Selon les éléments techniques contenus dans ce document, soumis à la discussion des parties et repris par l'expert judiciaire, il apparaît que la dilatation du verre était différente de celle du fer, les joints éclatent régulièrement.

Il a été relevé dans le cadre de cette expertise amiable que Jacques Y..., sous-traitant de la SARL MIROITERIE SEBASTOPOL est intervenu commercialement à plusieurs reprises sans parvenir à solutionner le problème.

Le rapport d'expertise de monsieur Michel Z... en date du 9 janvier 2006, complété par un rapport complémentaire du 26 mai 2006, réalisé au contradictoire des parties procédant à une analyse objective des données de fait, à une étude complète et détaillée des questions posées en sa mission et retenant des conclusions sérieusement motivées doit servir sur le seul plan technique de support à la décision.

Lors de sa visite technique du 17 mai 2005 faite à l'occasion d'un événement pluvieux significatif, l'homme de l'art a constaté la matérialité des infiltrations caractérisées par :

- la présence des coulures d'eau au milieu des 2 côtés Est et Ouest de la verrière litigieuse,

- la présence d'humidité mesurée à l'aide d'un hygromètre, en partie basse du mur Sud du séjour, à proximité de l'angle gauche de la baie vitrée.

Il n'a pas constaté d'infiltrations en plafond au droit du versant Nord de la toiture.

Après avoir procédé à l'examen de la toiture il a constaté les désordres suivants :

Au droit de la verrière litigieuse :

Les 4 rangées longitudinales de vitrage, constituées chacune de 3 plaques successives de verres, comportent une étanchéité entre les plaques supérieures qui n'est assurée que par un recouvrement de 4,5 cm pour les 3 rangées côté Ouest, de 6,5 cm pour la rangée côté Est, alors que le DTU 39 Miroiterie Vitrerie impose un recouvrement de 8 cm. (désordre 1)

L'étanchéité entre les plaques inférieures mises bout à bout n'est assurée que par un simple mastic, qui n'a pas vocation à assurer par lui-même l'étanchéité. (désordre 2)

Les bords latéraux Est et Ouest de la verrière ont été colmatés par une couche d'enduit débordant légèrement au-delà des tuiles de rives les surplombants, favorisant ainsi la pénétration de l'eau de pluie. (malfaçon 3)

La partie haute de la verrière est recouverte de 13 cm par un double solin en Zinc, dont l'étanchéité en partie haute n'est assurée que par un bourrage de mastic appliqué contre les tuiles de faîtage. Une bande d'aluminium collée a été rajoutée sur le solin inférieur à hauteur du vitrage. Une autre bande a été collée entre la rangée de tuiles de rive de la verrière côté Ouest, et la rangée voisine de tuiles. (malfaçon 4)

La partie basse de la verrière ne dépasse pas au-delà du vitrage vertical en façade Sud, l'étanchéité à cet endroit n'étant assurée que par un simple cordon de mastic, sur lequel un trou est visible. (malfaçon 5)

Au droit des tuiles d'égout, positionnées plus haut que la partie basse de la verrière, l'écoulement des eaux est assuré par l'intermédiaire de 2 conduits PVC et d'un colmatage de mortier (côté Est) ou de calendrite (côté Ouest) canalisant l'eau vers les conduits. La partie inférieure des verres vient buter sur ces colmatages, sans aucun recouvrement apte à assurer l'étanchéité de la liaison. (malfaçon 6)

Au droit du versant Nord de la toiture en tuiles, l'expert a mis en évidence les caractéristiques techniques suivantes :

La toiture est constituée de tuiles canal de courant et de couvert, posées sur liteaux, avec panneaux de laine de verre visibles en sousface ; la pente de la toiture, comme celle de la verrière, est de 36 % environ.

Certaines tuiles présentent des encollages par bandes d'aluminium en versant Nord, à proximité du faîtage et de la cheminée ; d'autres tuiles sont fissurées, certaines présentant des traces de masticage.

Des tuiles neuves sont visibles, en particulier de part et d'autre de la verrière ; une partie d'une tuile cassée a été remplacée par du mortier, et le mortier des tuiles de faîtage présente quelques micro-fissures.

En considération de ces éléments, il y a lieu de relever que la SARL MIROITERIE SEBASTOPOL a commis des fautes engageant sa responsabilité contractuelle en réalisant en sa qualité d'entrepreneur principal des travaux qui ne sont pas conformes aux règles de l'art, comme ayant généré des infiltrations et comme s'étant abstenue en sa qualité de professionnel d'attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur le défaut de conception affectant la verrière.

En ayant accepté le support sur lequel son intervention était requise, la SARL MIROITERIE SEBASTOPOL n'est pas fondée à s'exonérer partiellement de sa responsabilité au motif tiré de la faute du maître de l'ouvrage, en ce qu'il est d'autre part démontré que ce dernier a, antérieurement au sinistre, fait réaliser les travaux destinés à remédier aux infiltrations (cf rapport GEXA).

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a retenu un tiers de responsabilité à la charge de Marc X....

¿ Sur les actions en garantie

a) sur la garantie de Jacques Y...

Le sous-traitant, étant tenu de réaliser un ouvrage exempt de vice, engage sa responsabilité contractuelle envers l'entrepreneur principal.

Les manquements contractuels précédemment décrits justifient que Jacques Y... soit condamné à garantir la SARL MIROITERIE SEBASTOPOL des condamnations prononcées à son encontre.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a limité cette garantie à la moitié des sommes mises à la charge de l'entreprise générale, sans aucune motivation » ;

1. Alors que, d'une part, tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en se bornant, pour condamner M. Y... à garantir la société MIROITERIE SEBASTOPOL des condamnations prononcées à son encontre, à énoncer que le sous-traitant, étant tenu de réaliser un ouvrage exempt de vice, engage sa responsabilité contractuelle envers l'entrepreneur principal et qu'en l'espèce, les manquements contractuels précédemment décrits justifieraient une telle condamnation, sans répondre au moyen, péremptoire, de M. Y... selon lequel la société MIROITERIE SEBASTOPOL n'avait à aucun moment entendu lui confier la gestion du chantier en tant que sous-traitant, de sorte que sa responsabilité ne pouvait être retenue (conclusions, p. 7 et 8), la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de Procédure civile ;

2. Alors que, d'autre part et en tout état de cause, tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en se bornant, pour condamner M. Y... à garantir la société MIROITERIE SEBASTOPOL des condamnations prononcées à son encontre, à énoncer que le sous-traitant, étant tenu de réaliser un ouvrage exempt de vice, engage sa responsabilité contractuelle envers l'entrepreneur principal et qu'en l'espèce, les manquements contractuels précédemment décrits justifieraient une telle condamnation, sans répondre au moyen, péremptoire, de M. Y... selon lequel la compagnie d'assurance AREAS, en ayant imposé la réfection de la verrière à l'identique par l'intermédiaire d'un expert, avait commis un acte d'immixtion exonérant tant l'entrepreneur principal que le sous-traitant, de sorte que la responsabilité de ce dernier ne pouvait être retenue (conclusions, p. 7, 11 et 12), la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de Procédure civile ;

3. Alors qu'enfin et à titre subsidiaire, l'entrepreneur principal, en sa qualité de professionnel qualifié, ne saurait se dispenser de son obligation de contrôle ; que, dès lors, en l'espèce, en ayant retenu le principe d'une garantie pleine et entière de M. Y... sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la société MIROITERIE SEBASTOPOL ¿ même à admettre qu'elle aurait confié la gestion du chantier à son sous-traitant ¿ s'était acquittée, en sa qualité de professionnel qualifié et de technicien expérimenté, de son obligation de contrôle à l'égard des travaux réalisés par M. Y..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil.

ECLI:FR:CCASS:2015:C300040
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