Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 janvier 2015, 13-23.489, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 13-23.489
- ECLI:FR:CCASS:2015:C100051
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- Mme Batut
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... s'est porté caution solidaire envers la caisse régionale de Crédit maritime mutuel de Bretagne-Normandie (la caisse) de plusieurs concours financiers consentis à la société Breton les 29 octobre 2004, 12 mai 2005, 5 octobre 2005 et 7 juillet 2006 ; que la caisse a assigné la caution en paiement ;
Attendu que pour écarter la disproportion manifeste des engagements de caution de M. X..., l'arrêt retient que son endettement se compose de prêts immobiliers ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la disproportion doit être appréciée au regard de l'endettement global de la caution, y compris celui résultant d'engagements de caution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux dernières branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer à la caisse certaines sommes au titre des engagements de caution souscrits afin de garantir les concours financiers consentis les 29 octobre 2004, 12 mai 2005, 5 octobre 2005 et 7 juillet 2006, l'arrêt rendu le 7 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la caisse régionale de Crédit maritime mutuel de Bretagne-Normandie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse, condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par M. Gridel, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande tendant à ce que la Caisse Régionale du Crédit Maritime Mutuel de Bretagne Normandie fût déchue de son droit de se prévaloir des engagements de caution par lui souscrits, eu égard à leur caractère manifestement disproportionné, et condamné en conséquence Monsieur X... au paiement des sommes couvertes par ces mêmes cautionnements ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les dispositions de l'article L 341-4 du Code de la consommation qui déchargent la caution de ses obligations à l'égard du créancier professionnel lorsque son engagement était, au moment où il a été souscrit, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, exigent l'appréciation de la situation et du patrimoine tels que déclarés lors de la souscription de chacun des cautionnements ; qu'en l'espèce, il sera cependant relevé en premier lieu que Monsieur X..., lors de la souscription des premiers engagements, était le gérant depuis 5 ans de la SARL Breton, dont il avait acquis la totalité des parts sociales, et dont il avait été préalablement le salarié depuis avril 1996, en tant que conducteur de travaux et commercial, ainsi qu'il l'indique lui-même sur son curriculum vitae ; que de ce fait, travaillant dans l'entreprise depuis de nombreuses années avant même d'en devenir le gérant, et de souscrire les premiers engagements litigieux, il en connaissait parfaitement les possibilités d'évolution ; qu'il indique d'ailleurs dans ses écritures que cette société a connu une augmentation d'activités et une croissance concomitante, sans cependant pouvoir s'accompagner des restructurations administratives et comptables souhaitées ; qu'il n'en ressort pas moins que la société Breton a connu une période d'expansion, nécessitant cependant une adaptation, qui explique le recours aux prêts contractés à partir de 2004, et le fait que les résultats de l'entreprise, en augmentation jusqu'en 2006, aient nécessité le recours au crédit pour en faciliter la restructuration ; que cette évolution vers la croissance est d'ailleurs confirmée par l'attestation de l'organisme comptable CEDEM produite par Monsieur X..., dont il ressort que celui-ci a pu percevoir une rémunération annuelle en augmentation constante pour ses fonctions de gérant, allant de 20. 402 euros pour l'exercice clos au 31 mars 2000, à 101. 343 euros pour l'exercice 2003, puis en baisse pour les exercices 2004 (58. 911 euros), et 39. 786 euros pour l'exercice clos au 31 mars 2006 ; que selon Monsieur X..., ce serait à compter de la fin de l'année 2005 que la société Breton a connu un déséquilibre économique structurel, et que la survie de l'entreprise est devenue alors artificiellement liée aux crédits de trésorerie ; que cependant, il s'impose de relever que les premiers prêts dont Monsieur X... s'est porté caution ont été octroyés antérieurement à cette période à laquelle il situe la décroissance de la société ; que s'agissant en effet du premier engagement de caution, il a été contracté en garantie d'un prêt du 29 octobre 2004, d'un montant de 60. 000 euros remboursable sur cinq années par mensualités de 1. 134, 91 euros, destiné au financement de travaux d'agencement et l'achat d'un véhicule, Monsieur X... s'étant porté caution personnelle et solidaire à hauteur de 36. 000 euros ; qu'à cette période, et selon l'attestation CEDEM ci-dessus visée, les revenus mensuels de Monsieur X... pour sa gérance s'élevaient à 4. 909 euros (58. 911 euros annuels), auxquels il y avait lieu d'ajouter la rémunération de l'intégralité des parts sociales de la société, qui avait réalisé un chiffre d'affaires de 2. 720. 000 euros et un résultat avant impôt de 69. 000 euros ; que Monsieur X... et son épouse étaient par ailleurs propriétaires indivis entre eux d'une maison d'habitation construite sur un terrain acquis en 2002, cet ensemble immobilier étant d'une valeur lors de sa vente en 2012 de 235. 000 euros (compromis de vente du 27 avril 2012) et pour lequel les prêts en cours de 71. 651 euros et 16. 100 euros, contractés en 2001 et d'une durée de 15 ans, mettaient à la charge du foyer des remboursements mensuels limités de ce fait à proportion de la durée du prêt ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que lors de la souscription du prêt en cause, l'engagement de caution de Monsieur X..., limité à la somme de 36. 000 euros n'était manifestement pas disproportionné à ses biens et revenus ; que pour ce qui concerne l'engagement de caution du 12 mai 2005, par lequel Monsieur X... se portait caution à hauteur de 150. 000 euros pour tous engagements de la SARL Breton, il sera relevé que les revenus annuels de Monsieur X... de 33. 906 euros, la valeur de l'intégralité des parts sociales de la société laquelle, pour l'exercice de référence au moment de l'engagement, soit 2004-2005, avait réalisé une augmentation de ses résultats, passés à 2. 861. 000, et la valeur du bien immobilier lui appartenant pour la moitié, ne rendaient pas manifestement disproportionné son engagement par rapport à ses biens et revenus ; qu'il en est de même pour I'engagement de caution contracté le 6 octobre 2005, en garantie d'un prêt professionnel octroyé le 5 octobre 2005, d'un montant de 60. 000 euros remboursable sur cinq années par mensualités de 1. 099, 58 euros, destiné au financement de matériel et de besoin de fonds de roulement, garanti par un nantissement sur le matériel et la caution personnelle et solidaire de Monsieur X... à hauteur de 72. 000 euros ; qu'outre le bien immobilier dont la valeur est rappelée ci-dessus, si les revenus de Monsieur X... en sa qualité de gérant avaient effectivement baissé par rapport à l'exercice antérieur, la valeur des parts sociales avait augmenté à proportion des résultats de l'entreprise, qui avaient atteint 2. 861. 000 euros pour l'exercice 2004-2005 ; qu'il n'est donc pas établi que l'engagement de caution du 6 octobre 2005 était disproportionné par rapport aux biens et revenus de l'intéressé ; qu'enfin, s'agissant de l'engagement de caution souscrit le 7 juillet 2006 en garantie du prêt professionnel du même jour, d'un montant de 100. 000 euros remboursable sur cinq années par mensualités de 1. 900, 59 euros, destiné au renforcement de la structure financière, pour lequel Monsieur X... s'est porté caution personnelle et solidaire de 50 % de l'encours à hauteur de 60. 000 euros, il apparaît que, outre son patrimoine immobilier, la caution disposait toujours des parts sociales de la société dont le chiffre d'affaires avait atteint 3. 407. 000 euros, et de ses revenus dont le montant annuel pour l'exercice 2005-2006 avait augmenté à 39. 786 euros ; que par ailleurs, et même si la réalité de cette déclaration est désormais discutée par Monsieur X..., lors de la signature par lui de la convention d'ouverture de crédit en compte courant du 12 juillet 2006, il a mentionné au titre des garanties, outre son engagement de caution, une délégation d'assurance vie à hauteur de 100. 000 euros ; que s'il affirme désormais que cette assurance vie n'a pu être contractée, car il ne disposait pas des fonds nécessaires, cette circonstance ne peut être reprochée à faute à l'organisme dispensateur de crédit qui ne pouvait savoir l'invraisemblance de cette déclaration signée de l'intéressé, et a pu légitimement inclure cette délégation d'assurance vie dans le patrimoine de Monsieur X... ; que les différents engagements de caution de Monsieur X... auprès de la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel de Bretagne n'apparaissent donc pas manifestement disproportionnés avec ses biens et revenus lors de leur conclusion, et le jugement, qui a rejeté la demande formée par Monsieur X... sur le fondement de l'article L. 34 l-3 du Code de la consommation, sera confirmé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Monsieur en tant que gérant de la SARL Breton ne pouvait ignorer la réalité et la portée d'un cautionnement ; que de ce fait, Monsieur X... est une caution avertie ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que la SARL Breton connaissait une très bonne rentabilité et qu'il est indéniable au vu de la cotation Banque de France que l'entreprise était à même d'honorer ses engagements financiers ; que Monsieur X... en était l'actionnaire et devait recevoir des revenus supplémentaires à ses émoluments, limitant ainsi les frais des financements consentis par le Crédit Maritime ; que de plus, il disposait de biens et revenus suffisants au jour où les engagements ont été consentis et pour lesquels il s'est porté caution ;
ALORS QUE, D'UNE PART, pour apprécier le caractère disproportionné de l'engagement de la caution, au moment où celui-ci a été souscrit, le juge doit tenir compte de l'endettement global de la caution, y compris celui résultant des engagements de caution antérieurs qui ont pu être consentis ; qu'il s'ensuit que la Cour ne pouvait, pour dire non disproportionnés les différents engagements de caution qu'elle a examinés, se borner à rapprocher le montant de chaque engagement de la situation patrimoniale de Monsieur X..., telle qu'elle résultait de ses actifs et revenus à la date considérée, sans tenir compte de l'endettement cumulé que représentaient, à la date de chaque nouveau cautionnement, ceux qui avait été précédemment consentis, d'où il suit que l'arrêt n'est pas légalement justifié au regard de l'article L 341-4 du Code de la consommation ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, toute caution personne physique, fut-elle avertie, est habile à se prévaloir de la disproportion de son engagement à l'égard du créancier professionnel ; qu'en se fondant néanmoins sur la connaissance que pouvait avoir Monsieur X... de la situation de l'entreprise qu'il dirigeait et de ses possibilités d'évolution, la Cour se détermine sur la base de critères inopérants, ce en quoi elle prive de nouveau sa décision de base légale au regard de l'article L 341-4 du Code de la consommation ;
ET ALORS QUE, ENFIN, la disproportion de l'engagement de caution s'apprécie exclusivement au regard des ressources et du patrimoine propre de la caution, de sorte qu'en se fondant notamment sur la situation économique que connaissait l'entreprise au moment où les divers engagements ont été souscrits, la Cour se détermine de nouveau sur la base de critères inopérants et prive de plus fort sa décision de base légale au regard de l'article L 341-4 du Code de la consommation.