Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 décembre 2014, 13-13.644, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'attaqué (Versailles, 22 février 2012) que Mme X... engagée par la société Rambouillet coiffure le 1er septembre 1999 en qualité de coiffeuse a vu ses horaires journaliers de travail modifiés par lettre du 23 janvier 2008 à compter du lundi 4 février 2008 ; qu'elle a refusé le 7 février 2008 les nouveaux horaires au motif d'une atteinte à sa vie privée ; qu'elle a été licenciée pour faute grave, le 30 avril 2008 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de retenir une faute grave, de la débouter de ses demandes à titre d'indemnités de licenciement, de préavis, outre les congés payés, de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors selon le moyen :

1°/ qu'en présence d'une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la journée, qui en principe relève du pouvoir de direction de l'employeur, constitue une modification du contrat qui ne peut lui être imposée ; que dès lors en constatant que la salariée était désormais contrainte de travailler au rythme de trois soirs par semaine jusqu'à 20 h 30 au lieu d'un seul la faisant regagner son domicile après 21 heures et que la nouvelle répartition du travail était accompagnée de la suppression du repos le mardi après midi en sorte que son repos était ramené à un seul jour dans la semaine au lieu d'un jour et demi et en déclarant que ces nouveaux horaires ne portaient pas une atteinte excessive au droit de Mme X..., élevant seule un enfant de sept ans, au respect de sa vie personnelle et familiale, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°/ que le refus par le salarié d'un changement de ses conditions ne travail ne constitue pas à lui seul une faute grave ; qu'en jugeant constitutif d'une faute grave le comportement de Mme X... à la suite de la modification de son horaire de travail, sans rechercher si son attitude n'était pas, comme le soutenait la salariée, justifiée par les difficultés et perturbations qu'elle allait rencontrer dans sa vie familiale à la suite de la décision de son employeur de modifier ses horaires et, ainsi, par les circonstances et le contexte du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef de l'arrêt ayant retenu la faute grave à l'encontre de Mme X..., entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de l'arrêt qui l'a débouté de sa demande à titre de rappels de salaires pour les mois de février et mars 2008, en considérant que la salariée ne pouvait se prévaloir de ce qu'elle aurait continué à travailler selon ses précédents horaires ;

Mais attendu qu'ayant relevé par une appréciation souveraine des éléments de preuve qu'il n'était pas justifié que l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la journée ait porté une atteinte excessive au droit de la salariée au respect de sa vie personnelle et familiale, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inutile, a pu décider que le refus par la salariée de ses nouveaux horaires et le comportement perturbateur manifesté par elle au sein du salon de coiffure à la suite du changement d'horaires rendait impossible son maintien dans l'entreprise et constituait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu une faute grave à l'encontre de Mme X... et, en conséquence, de l'avoir déboutée de ses demandes à titre d'indemnités de licenciement, de préavis, outre les congés payés y afférents, de dommages intérêts pour licenciement abusif et, par voie de conséquence, de rappels de salaire sur février et mars 2008 ;

Aux motifs que « madame Sylvie X... a été engagée par la SARL Rambouillet Coiffure le 1er septembre 1999 en qualité de coiffeuse, d'abord à temps partiel, puis à temps plein, par avenant du 1" juillet 2000 ; qu'en dernier lieu, ses horaires de travail étaient : - lundi : 12h - 20h30, - mardi : 9h -13h30, - mercredi : repos, - jeudi : 9h -16h,- vendredi : 9h -17h.30, -samedi :9h-18h30 ; que, par lettre du 23 avril 2008, l'employeur lui a notifié de nouveaux horaires applicables à compter du lundi 4 février 2008, soit : - lundi : l3h - 20h30, - mardi : 9h -16h30, - mercredi : repos, - jeudi :13h - 20h30, vendredi : 9h - 16h30, - samedi :11h30 - 19h ou 13h - 20h30, (un samedi par mois selon le tableau affiché en réserve), le temps de pause quotidien étant de 30 minutes ; que par lettre du 7 février 2008, madame X... a refusé ces nouveaux horaires au motif qu'elle était mère d'une petite fille de 6 ans dont elle avait obtenu la garde et qu'alors qu'elle devait déjà assurer la fermeture le lundi pour laquelle elle s'était organisée, elle ne pouvait assurez trois fermetures jusqu'à 20h30 ; que, convoquée à un premier entretien préalable qui s'est tenu le 31 mars 2008, puis mise à pied à titre conservatoire et convoquée, par acte d'huissier du 16 avril, à un second entretien préalable pour le 24 avril 2008, madame X... a été licenciée pour fautes graves par lettre recommandée avec avis de réception du 30 avril 2008 pour :- refus d'une modification normale des horaires de travail, - invocation d'un motif fallacieux, - présentation mensongère de la situation à l'inspection du travail, - irrespect envers la gérante, - scandales devant la clientèle compromettant l'image de l'entreprise, - pressions et menaces envers les autres salariées, - attitude nonchalante et désinvolte, - provocations et menaces envers la gérante le 11 avril, - absence de plus d'une heure sans autorisation ; Considérant que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui rend impossible son maintien dans l'entreprise ; que la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ; que, sur le refus des nouveaux horaires de travail, l'horaire de travail relève du pouvoir de direction de l'employeur et peut donc, en principe, être modifié sans l'accord du salarié, sauf s'il entraîne une modification du contrat de travail, étant observé que madame X... travaillait à temps plein et n'invoque plus en cause d'appel l'article 11-1-3 de la convention collective de la coiffure relatif au contrat de travail à temps partiel ; qu'en l'espèce, l'avenant du le juillet 2000 portant le contrat de travail à temps plein ne fixe pas l'horaire de travail ; qu'alors que l'employeur indique qu'il avait déjà été modifié en considération des heures d'ouverture et de fermeture imposées par le centre commercial au sein duquel est implanté le salon, madame X..., prétend que lorsqu'elle avait accouché de sa fille, il avait été convenu qu'elle passerait à temps plein et que ses horaires, qu'elle effectuait depuis plusieurs années, avaient alors été arrêtés en considération de sa situation familiale et étaient devenus un élément déterminant de son contrat de travail ; que cependant, outre qu'elle ne produit aucun élément étayant ses assertions, contestées par l'employeur, il convient de relever que l'avenant portant le contrat de travail à temps plein date du 1er juillet 2000 alors que sa fille est née le 15 août 2001, et qu'il précise que les horaires de travail ne constituent pas une condition essentielle du contrat de travail ; qu'elle ne justifie ainsi pas de ce que ses horaires auraient été arrêtés en considération de sa situation familiale ; que si des nécessités familiales peuvent justifier le refus, par le salarié, du changement de ses horaires de travail, madame X... ne justifie pas que les nouveaux horaires décidés par l'employeur, quoique plus contraignants, aient été incompatibles avec des obligations familiales impérieuses alors, d'une part, que la seule modification de l'horaire journalier ne bouleverse pas l'économie du contrat, madame X... travaillant déjà précédemment en fermeture du salon un soir par semaine, d'autre part que madame X..., ne justifie nullement que le juge aux affaires familiales de Versailles, qui a fixé chez elle la résidence habituelle de l'enfant par jugement du 22 octobre 2007, ait particulièrement pris en considération ses horaires de travail qui ne sont pas évoqués par la décision ; qu'elle ne prétend pas même avoir fait part à l'employeur de difficultés insurmontables que lui poseraient les nouveaux horaires avant de les refuser expressément ; qu'elle ne peut sérieusement prétendre que les nouveaux horaires aient porté atteinte à son droit de mener une vie privée et familiale normale ; qu'ainsi le refus, par madame X... des nouveaux horaires de travail arrêtés par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, dont il n'est pas prétendu qu'il ait abusé, n'est pas justifié ; que, sur le comportement de la salariée à la suite du changement d'horaires, la SARL Rambouillet Coiffure, produit plusieurs attestations concordantes de l'apprentie, d'une coiffeuse et de plusieurs clientes du salon relatant le comportement perturbateur de madame X... et de madame Y... à la suite du changement d'horaires, négligeant ouvertement l'accueil de la clientèle, insultant et dénigrant la gérante et exprimant vivement leur mécontentement, même devant de nouveaux clients ; que l'apprentie précise qu'elles ont déclaré que " si elles apprenaient qu'une seule fille du salon avait fait une attestation contre elles, elles la choperaient et que ça se réglerait à l'extérieur du salon " ; que les témoignages de clientes et collègues fournis par la salariée font état du professionnalisme et de la gentillesse de madame X... et décrivent la gérante comme une personne peu aimable ; qu'outre qu'elles sont étrangement similaires, ces attestations ne sont pas de nature à contredire les faits précis relatés par les attestations produites par la SARL Rambouillet Coiffure ; que le refus injustifié des nouveaux horaires arrêtés par l'employeur et le comportement perturbateur adopté par la salariée à la suite de ce changement, son manque de respect envers la gérante, notamment en présence et au mépris des attentes de la clientèle, caractérisent une faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise ; que le jugement doit en conséquence être infirmé en ce qu'il a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse et madame X... déboutée de ses demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de rappel de salaire de mise à pied et de congés payés afférents ;

Alors, d'une part, qu'en présence d'une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la journée, qui en principe relève du pouvoir de direction de l'employeur, constitue une modification du contrat qui ne peut lui être imposée ; que dès lors en constatant que la salariée était désormais contrainte de travailler au rythme de trois soirs par semaine jusqu'à 20h30 au lieu d'un seul la faisant regagner son domicile après 21h et que nouvelle répartition du travail était accompagnée de la suppression du repos le mardi après midi en sorte que son repos était ramené à un seul jour dans la semaine au lieu d'un jour et demi et en déclarant que ces nouveaux horaires ne portaient pas une atteinte excessive au droit de Mme X..., élevant seule un enfant de sept ans, au respect de sa vie personnelle et familiale, la cour d'appel a violé les articles L.1221-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Alors, d'autre part, en toute hypothèse, que le refus par le salarié d'un changement de ses conditions ne travail ne constitue pas à lui seul une faute grave ; qu'en jugeant constitutif d'une faute grave le comportement de Madame X... à la suite de la modification de son horaire de travail, sans rechercher si son attitude n'était pas, comme le soutenait la salariée, justifiée par les difficultés et perturbations qu'elle allait rencontrer dans sa vie familiale à la suite de la décision de son employeur de modifier ses horaires et, ainsi, par les circonstances et le contexte du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Alors enfin qu'en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef de l'arrêt ayant retenu la faute grave à l'encontre de Mme X..., entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de l'arrêt qui l'a débouté de sa demande à titre de rappels de salaires pour les mois de février et mars 2008, en considérant que la salariée ne pouvait se prévaloir de ce qu'elle aurait continué à travailler selon ses précédents horaires ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de sa demande à titre de rappels de salaire sur février et mars 2008 ;

Aux motifs que « sur la demande de rappel de salaire pour les mois de février et mars 2008, madame X... sollicite le paiement de la somme de 66,76 euros, outre les congés payés afférents, qui lui a été déduite pour absences injustifiées des 19 et 21 février en faisant valoir que, si elle n'a pas travaillé aux nouveaux horaires, elle a malgré tout effectué ses 35 heures ; que, cependant, dûment informée des nouveaux horaires, elle ne peut se prévaloir de ce qu'elle aurait délibérément continué à travailler selon ses précédents horaires ; qu'elle doit être déboutée de sa demande à ce titre ; »

Alors que constitue une sanction pécuniaire prohibée la retenue sur salaire opérée par un employeur qui reproche au salarié, non des absences injustifiées, mais d'avoir exercé ses fonctions selon l'ancien horaire, dont il a refusé la modification ; que dès lors en déboutant Mme X... de sa demande à titre de remboursement des retenues sur ses salaires de février et mars 2008 opérées par l'employeur qui lui reprochait d'avoir exécuté son temps de travail selon l'ancien horaire, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-2 du code du travail ;

ECLI:FR:CCASS:2014:SO02337
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