Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 10 décembre 2014, 14-81.725, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- M. Jean-Paul X... ,


contre l'arrêt de la cour d'assises de la MANCHE, en date du 14 février 2014, qui, pour viols aggravés, l'a condamné à neuf ans d'emprisonnement et à deux ans de suivi socio-judiciaire, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;


La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 novembre 2014 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, M. Foulquié, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller DRAI, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 306, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'assises, par arrêt incident du 13 février 2014, a ordonné que les débats auront lieu à huis clos et dit que seront exceptés de cette mesure les journalistes présents ainsi que les jurés supplémentaires non tirés au sort ;

"aux motifs que les poursuites sont fondées sur l'une des infractions prévues des articles 222-23 et 222-1 et 222-3 alinéa 2 du code pénal ; que la partie civile victime du crime imputé à l'accusé demande le huis clos, sans toutefois s'opposer à ce que les représentants de la presse en soient exceptés sous réserve qu'il ne soit fait aucune mention d'un quelconque élément permettant l'identification ; qu'il est néanmoins demandé que soit exceptés de cette mesure quelques jurés non tirés au sort pour cette affaire ; que cette mesure est dès lors de droit, de même que les exceptions qui en sont sollicitées ;

"1°) alors qu'en vertu de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, la publicité du débat judiciaire est un principe fondamental auquel l'accusé ne peut renoncer sans équivoque et qui ne peut recevoir exception qu'en vertu d'un intérêt légitime reconnu strictement nécessaire ; que le huis clos de droit à la seule demande de la victime partie civile d'une des infractions prévues à l'article 306 du code de procédure pénale, sans le moindre contrôle de nécessité et de proportionnalité de la juridiction, ni possibilité pour l'accusé de s'y opposer, est directement contraire aux dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne ;

"2°) alors que l'intérêt de la protection de la vie privée de la partie civile qui ne s'était pas opposé à la présence de la presse aux débats et avait sollicité en outre la présence de jurés supplémentaires non tirés au sort pour composer la juridiction, n'était pas de nature à justifier la stricte nécessité d'un huis clos ;

"3°) alors que la cour d'assises demeurait seule compétente pour apprécier l'opportunité d'une publicité partielle sans être, sur ce point, liée par la demande de la partie civile" ;

Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que la partie civile, victime de viol, ayant sollicité le huis clos, tout en demandant qu'il ne s'applique pas aux représentants de la presse et à des jurés non tirés au sort, la cour a, par arrêt incident, fait droit à cette demande ;

Attendu qu'en statuant ainsi, les juges ont fait application des prescriptions de l'article 306, alinéa 3, du code de procédure pénale, sans méconnaître les dispositions de l'article 6 -1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;


Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 347 alinéa 3, 591, 593 et 706-71 alinéa 2 du code de procédure pénale ;

"en ce que la partie civile, accompagnée de son conseil, a pris place dans une salle indépendante de la salle d'audience équipée d'un système vidéo connecté avec la salle de la cour d'assises et a été invitée à confirmer ses déclarations consignées dans un procès-verbal dont il lui a été donné lecture ;

"aux motifs que avant son audition et du fait de ses difficultés d'élocution, Mme Y..., partie civile, accompagnée de son conseil, ont pris place dans une salle indépendante de la salle d'audience, sise au rez-de-chaussée du palais de justice, équipée d'un système vidéo connecté avec la salle de la cour d'assises ; qu'aucune observation n'a été faite par le ministère public ni par aucune des parties, l'avocat de l'accusé puis l'accusé lui-même ayant eu la parole en dernier ; puis, Mme Y..., partie civile, a déposé oralement sans prestation de serment et à titre de simple renseignement, ce dont les membres de la cour et les jurés ont été avisés, et après qu'il ait été satisfait aux prescriptions de l'article 331 al. 2 du code de procédure pénale ; que la partie civile ¿d'après les mentions du PV- a pu rapporter, par quelques mots, une scène de viol mais qu'en raison de ses problèmes d'élocution, il a été poursuivi par la lecture de la plainte cotée D 2 pour savoir si elle confirmait ou non ses déclarations ; que cette déclaration faite, Mme Y... accompagnée de son conseil a regagné la salle d'audience ;

"1°) alors qu'en l'absence d'annexion au PV des débats du PV technique relatif à la visioconférence ordonnée par le président de la cour d'assises pour l'audition de la partie civile pourtant présente au palais de justice, la procédure doit être regardée comme irrégulière ;

"2°) alors que le principe d'oralité des débats a encore été méconnu dès lors que la partie civile a été, à l'audience, invitée à corroborer ses précédentes déclarations écrites dont le président lui a préalablement donné lecture" ;

Sur le moyen, pris en sa première branche ;

Attendu qu'il résulte des mentions du procès-verbal des débats que la partie civile a été entendue en visio-conférence, depuis une salle du palais de justice, indépendante de la salle de la cour d'assises ;

Attendu que s'il ne résulte pas des pièces de la procédure que des procès-verbaux de constatation des opérations techniques aient été établis, la cassation n'est cependant pas encourue dès lors que l'absence de demande de donné-acte fait présumer qu'aucun incident technique de nature à porter atteinte aux droits de la défense ne s'est produit au cours de cette liaison ;

Sur le moyen, pris en sa seconde branche ;

Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats qu'après avoir donné la parole à la partie civile qui a fait des déclarations, et constatant que celle-ci présentait des problèmes d'élocution, le président a donné lecture de sa plainte et l'a interrogée sur le point de savoir si elle confirmait ou infirmait ses déclarations ;

Attendu qu'en procédant ainsi, le président n'a méconnu aucun des textes sus-visés dès lors que le principe de l'oralité des débats ne fait pas obstacle à ce que, au cours de l'audition de la partie civile et sans opposition de quiconque, il donne lecture de tout ou partie des déclarations de cette dernière ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 222-23 et suivants du code pénal, préliminaire, 365-1, 366 et suivants, 591, 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que le requérant a été déclaré coupable du chef de viols sur la personne de la plaignante ;

"aux motifs qu'il résulte des déclarations de la cour et du jury que M. X... est coupable d'avoir à Couterne, courant 2004 et 2005, par violences, menaces, contraintes ou surprise, commis des actes de pénétration sexuelle sur la personne de Mme Y... avec cette circonstance que les faits ont été commis par une personne ayant autorité sur la victime, la cour d'assises ayant été convaincue de la culpabilité du requérant en raison des principaux éléments à charge indiqués dans la feuille de motivation qui ont été discutés lors des délibérations menées par la cour et le jury préalablement au vote sur les questions ;

"alors que l'exposé global des charges retenues par la cour et le jury dans la feuille de motivation ne répond pas au voeu de la loi qui exige l'énonciation des éléments de conviction retenus pour chacun des faits de l'accusation ; que ce devoir de motivation circonstanciée ne cesse pas quand une question unique a pu être posée à la cour et au jury pour une pluralité de faits entre les mêmes parties, susceptibles d'entrer dans les prévisions d'une qualification unique" ;

Attendu que les énonciations de la feuille de questions et celles de la feuille de motivation mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'assises, statuant en appel, a caractérisé les principaux éléments à charge, résultant des débats, qui l'ont convaincue de la culpabilité de l'accusé et justifié sa décision, conformément aux dispositions conventionnelles invoquées et à l'article 365-1 du code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par la cour et le jury, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme, qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix décembre deux mille quatorze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

ECLI:FR:CCASS:2014:CR07106
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