Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 novembre 2014, 13-19.662, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Grande Pharmacie Bailly du désistement de son pourvoi incident ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 621-23 du code de commerce alors en vigueur ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 10 avril 2001 par la société Grande Pharmacie Bailly, qui exécutait un plan de continuation sur dix années, suite à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire le 6 mai 1999 ; que le 17 juin 2001, l'employeur s'est engagé à lui verser, indépendamment des indemnités légales et réglementaires, une indemnité supplémentaire égale à deux années de salaire ; que son contrat de travail a été transféré suite à la cession du fonds de commerce et qu'elle a été licenciée le 31 août 2010 pour motif économique ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de l'indemnité contractuelle ;

Attendu que pour rejeter la demande, la cour d'appel retient que si la conclusion d'un contrat de travail ne constitue pas un acte de gestion courante au sens du deuxième alinéa de l'article L. 621-24 (ancien) du code de commerce, le contrat de travail, quoique conclu sans l'assistance de l'administrateur judiciaire, a nécessairement été avalisé par ce dernier qui a payé les salaires de la salariée, mais qu'en revanche, l'octroi d'une indemnité contractuelle de 120 000 euros en cas de départ, avantage exorbitant consenti par le pharmacien à la salariée, ne peut s'analyser en un acte de gestion courante et faute d'avoir été soumis à l'administrateur judiciaire, n'est opposable ni à la procédure collective, ni au cessionnaire du fonds de commerce et qu'il convient de débouter la salariée de sa demande ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les actes juridiques accomplis par le débiteur au cours de la période d'observation du redressement judiciaire, n'étant pas frappés de nullité mais simplement d'inopposabilité à la procédure collective, il s'ensuit que l'employeur, qui succède à l'employeur en redressement judiciaire, ne peut opposer au salarié la méconnaissance de la règle de dessaisissement, de sorte que la clause litigieuse devait recevoir application sous réserve du pouvoir du juge de réduire, même d'office, le montant de l'indemnité prévue s'il présentait un caractère manifestement excessif, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande de paiement de l'indemnité contractuelle, l'arrêt rendu le 17 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société La Grande Pharmacie Bailly aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demanderesse au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Madame X... de sa demande tendant à voir la société SELAS GRANDE PHARMACIE DE BAILLY condamnée à lui verser la somme de 120 000 euros à titre d'indemnité contractuelle ;

AUX MOTIFS QUE La Grande Pharmacie Bailly, qui invoque la plainte qu'elle a déposée le 2 mai 2012 contre personne non dénommée visant le document du 17 avril 2001 et signé du pharmacien titulaire Pierre Z..., observe que la pièce communiquée comme avenant à son contrat de travail du 10 avril 2001, lui paraît être un faux dès lors que le papier utilisé par M. Z...n'est pas le même que celui de la lettre d'embauche et qu'au reste sa date lui paraît curieuse, à dix jours du contrat et en pleine période d'observation du redressement judiciaire ; qu'elle demande dès lors d'écarter cette pièce en raison de son caractère douteux et « contraire à l'intérêt social de la société » ; que la lettre du 17 avril 2001, communiquée en photocopie par Mme X... en décembre 2011, a été produite en original au cours de l'audience d'appel, ce qui a permis de constater l'absence de tout montage ; que ni l'en-tête du papier, ni l'adresse de la salariée apposée sur le document ne permettent de soupçonner que l'engagement de M. Z..., gérant de la société de 2001 à 2009, dont la signature n'est pas remise en cause, aurait été antidaté ; qu'au reste, Jean-Pierre A..., relation amicale de M. Z..., a attesté que ce dernier l'avait informé qu'en raison des qualités professionnelles de Mme X..., il avait décidé de lui octroyer une indemnité contractuelle équivalant à vingt-quatre mois de salaires ; qu'il est par ailleurs acquis que Mme X... a contesté dans les deux mois de sa remise le solde de tout compte en date du 4 décembre 2010 et a sollicité l'indemnité contractuelle dès la saisine du bureau de conciliation le 4 février 2011 ; qu'en vertu de l'article L 621-3 (ancien) du code de commerce, le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur fixée par le tribunal lequel peut le charger d'assister le débiteur dans tous les actes de gestion ; qu'il en résulte que le débiteur ne peut accomplir seul que les actes de gestion courante ; qu'il n'est pas contesté que le contrat de travail de Mme X... a été signé le 10 avril 2001 par le gérant seul pendant le cours de la période de redressement judiciaire, précisément durant la période d'observation et avant même que ne soit décidé le plan de continuation ; que, dans les mêmes circonstances, le gérant a signé seul l'engagement contractuel du 17 avril 2001 ; que l'un des anciens administrateurs de la société indique dans son courrier du 20 mars 2012 « que le dirigeant dispose toujours durant la période d'observation du redressement judiciaire du pouvoir d'embaucher des salariés notamment pour remplacer des salariés démissionnaires ou absents. Cependant, l'avantage particulier consenti par le dirigeant à cette salariée revêtait un caractère exorbitant et a été manifestement consenti par le dirigeant à l'insu de l'administrateur judiciaire » ; qu'en effet, si la conclusion d'un contrat de travail ne constitue fpas un acte de gestion courante au sens du deuxième alinéa de l'article L 621-24 (ancien) du code de commerce, le contrat de travail signé le 10 avril 2001, quoique conclu sans l'assistance de l'administrateur judiciaire, a nécessairement été avalisé par ce dernier qui a payé les salaires de Mme X... du mois d'avril 2001 au mois d'avril 2010 ; que le contrat de travail de Mme X... est donc opposable à La Grande Pharmacie Bailly, cessionnaire du fonds de commerce ; qu'en revanche, l'octroi d'une indemnité contractuelle de 120 000 € en cas de départ, avantage exorbitant consenti par le pharmacien à Mme X... une semaine après la signature de son contrat de travail, ne peut s'analyser en un acte de gestion courante et faute d'avoir été soumis à l'administrateur judiciaire, n'est opposable ni à la procédure collective ni au cessionnaire du fonds de commerce ; qu'il y a donc lieu de débouter Mme X... de sa demande en paiement d'une indemnité contractuelle ;

ALORS TOUT D'ABORD QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et les conclusions en défense ; que la SELAS GRANDE PHARMACIE BAILLY cessionnaire du fonds de commerce n'a, à aucun moment, contesté que l'indemnité contractuelle réclamée par Madame X... ne lui était pas opposable, se bornant à contester l'authenticité de la lettre et à demander subsidiairement la réduction du montant réclamé de 120 000 euros ; que la cour d'appel qui a retenu que la lettre n'était pas opposable à la GRANDE PHARMACIE BAILLY a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS ENSUITE QUE le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la cour d'appel qui, sans rouvrir les débats ou inviter les parties à présenter leurs observations, a dit inopposable au cessionnaire du fonds de commerce l'indemnité contractuelle consenti par le cédant en redressement judiciaire tandis que ledit cessionnaire faisait seulement valoir que la lettre d'engagement semblait être un faux et subsidiairement demandait la réduction de l'indemnité a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS ENFIN QUE les actes juridiques accomplis par le débiteur en liquidation judiciaire, dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, ne sont pas frappés de nullité mais simplement d'inopposabilité à la procédure collective ; qu'il s'ensuit que l'employeur, qui succède à l'employeur en liquidation judiciaire, ne peut opposer la méconnaissance de la règle de dessaisissement au salarié repris ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L 621-23 (ancien) L622-3 et L622-7 du code de commerce.

ECLI:FR:CCASS:2014:SO01982
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