Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 novembre 2014, 13-24.706, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 341-2 du code de la consommation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'assigné en exécution de l'engagement de caution qu'il avait souscrit au profit de la Caisse de crédit mutuel de Chalon-sur-Saône (la caisse) le 30 juillet 2004, en garantie du prêt consenti à la société Jardinerie Collin, M. Y... (la caution) a opposé la nullité de son engagement ;

Attendu que, pour prononcer la nullité de l'engagement litigieux et rejeter la demande de la caisse, l'arrêt relève que la mention manuscrite ne reproduit pas exactement celle exigée par l'article L. 341-2 du code de la consommation puisqu'il manque le mot « intérêts » dans l'énoncé des sommes que la caution s'engageait à garantir, le reste étant conforme à la formule légale, et retient que l'omission du terme « intérêts », dont rien ne permet de dire si elle résulte d'un oubli ou reflète la volonté du signataire, ne peut être qualifiée de simple erreur matérielle, puisqu'elle introduit des contradictions dans l'acte et une ambiguïté dans l'étendue de l'engagement de caution et que l'on ne peut assimiler les intérêts normaux du prêt aux intérêts de retard ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que cette omission n'avait pour conséquence que de limiter l'étendue du cautionnement au principal de la dette sans en affecter la validité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la Caisse de crédit mutuel de Chalon-sur-Saône

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la nullité de l'engagement de caution souscrit le 30 juillet 2004 par Monsieur Y... et, en conséquence, débouté la Caisse de Crédit Mutuel de Chalon-sur-Saône de sa demande de paiement de la somme de 57.265,39 €, outre intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2009 date de la mise en demeure ;

AUX MOTIFS QUE le formalisme édicté par l'article L.341-2 du code de la consommation, qui vise à assurer l'information complète de la personne se portant caution quant à la portée de son engagement, conditionne la validité même de l'acte de cautionnement ; il en résulte que le non-respect des dispositions relatives à la mention manuscrite est sanctionné par la nullité automatique de l'acte, à moins qu'il ne s'agisse d'imperfections mineures, qui n'affectent ni le sens, ni la portée de la mention ; que pour l'application de cette sanction, aucune distinction n'est faite selon que l'engagement de caution est de nature civile ou commerciale ou selon que la personne physique qui s'engage pour le compte d'une société est dirigeante ou pas de celle-ci ; que force est de constater en l'espèce que la formule manuscrite portée par Monsieur Y... à la dernière page du contrat de crédit ne reproduit pas à l'identique les dispositions précitées puisqu'elle ne spécifie pas que l'engagement de caution couvre les intérêts en plus du principal ; que cette omission n'est pas sans incidence sur le sens et la portée du texte, qui formalise l'engagement pris par Monsieur Y... et ne se limite pas à une erreur matérielle, ainsi que le soutient, sans le démontrer, le Crédit Mutuel ; qu'il convient donc de prononcer la nullité de l'engagement de caution souscrit par Monsieur Y... et de débouter la Caisse de Crédit Mutuel de Chalon-sur-Saône de ses demandes ;

ET AUX MOTIFS PROPRES D'AUTRE PART QUE la mention manuscrite signée par ce dernier ne reproduit pas exactement celle exigée par l'article L.341-2 du code de la consommation puisqu'il manque le mot "intérêts" dans l'énoncé des sommes que Monsieur René Y... s'engageait à garantir ; qu'en effet il a écrit : "En me portant caution de la JARDINERIE COLLIN dans la limite de la somme de CENT CINQ MILLE SIX CENTS EUROS, ci¿ 105.600 Euros couvrant le paiement du principal, et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de DIX ANS" (le reste conforme à la formule légale)" ; que la nullité d'un engagement de caution souscrit par une personne physique au profit d'un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l'engagement de caution n'est pas identique aux mentions prescrites par les articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, à l'exception de l'hypothèse où ce défaut d'identité résulterait d'une erreur matérielle ; que l'omission du terme "intérêts", dont rien ne permet de dire s'il résulte d'un oubli lors du recopiage ou si elle reflète la volonté du signature, ne peut pas être qualifiée de simple erreur matérielle, puisqu'elle introduit des contradictions dans l'acte et donc une ambiguïté dans l'étendue de l'engagement de Monsieur René Y... ; que contrairement à ce que soutient le Crédit Mutuel, on ne peut pas assimiler les intérêts normaux du prêt et les intérêts de retard ; que la sanction de la non-conformité de la mention manuscrite avec celle exigée par l'article L.141-2 du code de la consommation est la nullité du cautionnement, sans que le juge puisse apprécier la gravité ou la portée du manquement constaté ; que se trouve donc atteint de nullité l'engagement de caution invoqué par le Crédit Mutuel, auquel il appartenait de veiller au respect du formaliste exigé par la loi pour la validité de la garantie qu'il recueillait ; que c'est donc à bon droit que le tribunal de grande instance a dit nul l'engagement de caution signé par Monsieur René Y... et a rejeté les demandes en paiement formées par le Crédit Mutuel contre lui ;

ALORS QUE qu'en déclarant nul le cautionnement litigieux et en refusant de limiter le cautionnement au paiement du seul principal, après avoir constaté que la mention manuscrite ne portait pas mention des intérêts, la cour d'appel a violé l'article L.341-2 du code de la consommation.

ECLI:FR:CCASS:2014:CO00939
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